(Histoire naturelle) topasius ou topazius, chrysolithus ; pierre précieuse jaune, transparente, et d'une dureté qui ne le cede qu'à celle du diamant. Lorsque cette pierre est aussi dure que le diamant, les Jouailliers lui donnent le nom de diamant jaune. Les anciens ont donné le nom de chrysolithus ou de pierre d'or à la topase à cause de sa couleur.

On distingue trois espèces de topases relativement à la couleur ; la première est d'un jaune clair ou d'un jaune de citron ; la seconde est d'un jaune d'or ; et la troisième est d'un jaune foncé ou tirant sur le brun ; on la nomme quelquefois topase enfumée.

On distingue encore les topases en orientales et en occidentales ; les premières qui sont les plus dures et les plus estimées, viennent d'Orient. Pline dit qu'on trouvait surtout cette pierre dans l'île de Topazon, dans la mer Rouge, dont elle a emprunté son nom. On prétend qu'il en venait aussi d'Ethiopie et même d'Espagne. Il se trouve encore des topases dans le Pérou ; elles sont, dit-on, d'un jaune orangé, peut-être doit-on les regarder comme des hyacinthes. On dit que les topases du Brésil sont d'une très-grande dureté ; quant à celles qui viennent de Bohème, elles n'ont point la dureté des vraies topases, et doivent être regardées simplement comme du crystal de roche coloré en jaune, dont elles ont la forme prismatique et hexagone ; on les nomme topases enfumées, et l'on en trouve en fort grands morceaux ; mais on trouve une grande quantité de vraies topases dans le Voigtland, près d'Averbach, sur une montagne appelée Schneckenberg : ce sont là les pierres qu'on appelle communément topases de Saxe. Elles sont tantôt plus, tantôt moins jaunes, et communément de la couleur d'un vin blanc léger en couleur. Ces topases sont en crystaux prismatiques, composés de quatre côtés inégaux ; leur couleur est plus nette vers le sommet des crystaux, que vers la base par laquelle ils tiennent à une roche extrêmement dure. On assure que ces topases ne le cedent point à celles d'Orient ni pour l'éclat, ni pour leur dureté, qui est aussi grande que celle du saphir et du rubis.

M. Pott a fait un grand nombre d'expériences sur cette pierre, et il a trouvé que le feu le plus violent ne pouvait point la faire entrer en fusion ; cependant l'action d'un tel feu altère considérablement sa consistance et sa dureté ; en effet M. Pott a trouvé qu'en l'exposant pendant longtemps à un feu véhément, cette topase perd sa transparence et son éclat ; elle devient d'une couleur laiteuse ; sa liaison se perd ; elle devient feuilletée et friable, phénomènes qui arrivent au diamant et au saphir quand on les traite de la même manière. La topase s'éclate en petites lames ou feuillets, lorsqu'après l'avoir fait rougir à plusieurs reprises, on en fait l'extinction dans de l'eau froide.

Le même M. Pott a observé que cette topase de Saxe ne commençait à se fondre qu'en lui joignant huit parties de sel alkali fixe ; cependant alors il ne résultait de ce mélange qu'une masse opaque semblable à de l'albâtre ; mais le borax rend la fusion avec l'alkali beaucoup plus facîle ; et deux parties de topase calcinée, mêlées avec une partie d'alkali fixe et une partie de borax, ont donné un verre jaune et transparent. Ce savant chymiste a encore combiné la topase avec un grand nombre de pierres de différente nature qui lui ont donné différents produits, comme on peut le voir dans le premier volume de la traduction française de la Lithogéognosie de M. Pott, pages 254-277, et dans les tables qui sont à la fin.

M. Gmelin, dans son voyage de Sibérie, dit avoir Ve dans ce pays des topases de forme cubique comme la mine de plomb, qui étaient d'une dureté plus grande et d'une eau beaucoup plus pure que celles de Saxe, et qui ne le cédaient en rien aux topases orientales. Le terrain où on les trouve, est une glaise rougeâtre mêlée de pierres de la nature du quartz, et dans laquelle on trouve des crystaux noirs et impurs ; cette terre est aussi remplie de parties talqueuses. L'endroit où se trouvent ces topases, est près d'une habitation appelée Jusanskoi sawod. On rencontre aussi des topases d'un beau jaune, dans un ruisseau du voisinage appelé Alabasch.

On serait tenté d'attribuer au plomb la couleur de la topase ; la forme cubique que les crystaux de cette pierre affectent, qui par conséquent a de la conformité avec la mine de plomb en cubes ou la galene, semblerait même appuyer cette conjecture ; mais ce sentiment est détruit par l'expérience. En effet M. Guétard de l'académie des Sciences nous apprend que les topases du Brésil mises dans un creuset, où elles sont entourées de cendres, perdent leur couleur jaune pour devenir rouges, et se transforment en rubis, secret qui a été pratiqué avec succès par plusieurs jouailliers ; cette expérience semble prouver clairement que c'est au fer qu'est dû. la couleur de la topase, et que la calcination développe et rougit ce métal. On prétend que tous les rubis qui viennent du Brésil sont des topases qui ont été colorées en rouge de cette manière. M. Guétard ajoute qu'une topase orientale traitée de la même façon n'a point changé de couleur ; peut-être que cette pierre était plus dure que celle du Brésil, et exigeait pour changer de couleur, un degré de feu plus violent. On a prétendu que la pierre que les Jouailliers nomment topase blanche du Brésil, devenait jaune quand on l'exposait au même degré de chaleur qui rougit la topase jaune du même pays ; mais M. Guétard n'a point trouvé que ce fait fut véritable ; la topase blanche sortit blanche du creuset, quoiqu'il eut fait durer le feu plus longtemps, et qu'il l'eut rendu plus violent. Voyez le journal oeconomique du mois d'Octobre 1751. (-)

C'est M. Dumelle, orfévre metteur-en-œuvre à Paris, qui sacrifiant son intérêt au bien public et à l'avancement de l'histoire naturelle, a bien voulu communiquer à M. Guétard le procédé qu'on a ci-dessus indiqué, pour convertir la topase du Brésil en véritable rubis balais.

S'il est vrai que la pierre précieuse que nous nommons présentement topase, était anciennement appelée chrysolithe, parce qu'effectivement nos plus belles topases ont les caractères des chrysolithes que les anciens recevaient de l'Orient par la voie de l'Ethiopie, il n'est pas moins certain que notre chrysolithe orientale ne convient point avec la topase décrite par Pline dans son hist. naturelle, l. XXXVII. c. VIIIe

En effet, qu'on y fasse attention, la topase que décrit Pline dans cet endroit, et qu'il dit avoir été découverte dans une île de la mer Rouge, n'a aucun des caractères des véritables pierres précieuses ; c'était plutôt une espèce de pierre fine, dont la couleur visait à celle que rend le jus de la plante qui croit dans nos jardins potagers, et qu'on nomme porreau.

Cette pierre fournissait d'assez gros morceaux, puisque la statue d'Arsinoè, épouse de Ptolomée Philadelphe, qui en avait été faite, avait quatre coudées de hauteur. Outre cela, elle était tendre, elle souffrait la rape comme le marbre, il n'était pas besoin d'autre outil pour la travailler. Ce devait être une pierre opaque à-peu-près malachite, et jamais nom ne lui convint mieux que celui de chrysolite.

La topase, le saphir sont les plus dures de toutes les pierres orientales, et aucune à cet égard n'approche davantage du diamant. C'est aussi la raison pour laquelle lorsqu'une de ces pierres avait le défaut d'être peu colorée, on la blanchissait autrefois, ainsi que le saphir, par une violente action du feu ; on tâchait de la faire passer ensuite pour un véritable diamant ; mais depuis que ceux-ci sont devenus moins rares, et que les connaissances se sont perfectionnées, il n'est plus aussi aisé d'en imposer que dans ces temps, où des joailliers fort experts, tels que Callini, étaient obligés d'avouer, que pour éprouver surement une pierre, il fallait la teindre, c'est-à-dire, y appliquer dessous une couche de noir, qui obscurcit généralement toutes les pierres, et fait seulement briller le diamant ; on ne s'avise plus guère aujourd'hui de décolorer la topase, ni aucune autre pierre de couleur. Qu'y gagnerait-on ?

Pour être dans son point de perfection, la topase doit être d'un très-beau jaune doré et satiné, ou d'un jaune de citron très-agréable. Ni les topases du Brésil, ni celles du Pérou, qu'on appelle topases d'Inde, qui sont tendres, et d'un jaune plus roux, non-plus que les topases de Saxe, dont la couleur est d'un jaune-clair, et dont la dureté n'est guère plus grande que celle du crystal, ne sont pas comparables aux orientales ; en général toutes les topases, si l'on excepte celles d'Orient, sont d'une nature seche et peu liante, toujours prêtes à s'éclater, et par conséquent un graveur risque beaucoup en les travaillant. (D.J.)