S. f. (Histoire naturelle) c'est la dent de l'éléphant. On en fait différents ouvrages. On le brule, et il donne un noir qu'on broie à l'eau, et dont on obtient ainsi des trochiques qui servent au peintre. Ce noir s'appelle noir d'ivoire, noir de velours.

IVOIRE FOSSILE, (Histoire naturelle) ébur fossile. C'est ainsi qu'on appelle des dents d'une grandeur demesurée et semblable à de grandes cornes qui ont souvent été trouvées dans l'intérieur de la terre. Elles sont ou blanches, ou jaunâtres, ou brunes ; il y en a qui ont la dureté de l'ivoire ordinaire ; d'autres sont exfoliées et devenues plus tendres et plus cassantes : ces variétés pour la consistance viennent du plus ou du moins de décomposition que ces dents ont souffert dans les différents endroits de la terre où elles ont été enfouies.

On a trouvé de ces sortes de dents dans plusieurs pays de l'Europe, tels que l'Angleterre, l'Allemagne, la France ; on dit même qu'il n'y a pas longtemps qu'en creusant la terre on en a trouvé une fort grande au village de Guérard près de Cressy en Brie ; on ajoute qu'on en a aussi rencontré une semblable dans la plaine de Grenelle, c'est-à-dire aux portes de Paris : mais elles ne sont nulle part aussi abondamment répandues qu'en Russie et en Sibérie, et surtout dans le territoire de Jakusk, et dans l'espace qui Ve de cette ville jusqu'à la mer glaciale : ces ossements, suivant le rapport de quelques voyageurs, sont ordinairement mis à découvert par les eaux des grandes rivières de Lena et de Jenisci qui arrosent une grande partie de la Sibérie, et qui détachent la terre qui est sur leurs bords, quand dans les temps de dégel elles charrient des glaçons très-considérables.

Les Jakutes, nation Tartare, qui habitent ce pays, craient que ces dents appartiennent à un animal énorme qu'ils nomment mammon ou mammut. Comme ils n'en ont jamais Ve de vivants, ils s'imaginent qu'il habite sous terre, et meurt aussi-tôt qu'il voit le jour ? cela lui arrive, selon eux, lorsque dans sa route souterraine il parvient inopinément au bord d'une rivière ; et c'est là, disent-ils pourquoi on y trouve leurs dépouilles : ils prétendent qu'on en a trouvé dont la chair n'était point encore entièrement consommée, ce qui est aussi fabuleux que le reste.

Le Czar Pierre I. dans la vue de connaître à quel animal appartenaient les dents ou cornes d'ivoire fossile, envoya en 1722 des ordres à tous les Woiwodes ou gouverneurs des villes de la Sibérie, afin qu'ils donnassent leurs soins pour avoir un squelete entier de l'animal, ou du moins pour rassembler tous les ossements qui se trouveraient auprès de ces dents monstrueuses. Sur ces ordres les Jakutes se mirent en campagne, et en cherchant ils trouvèrent des têtes entières et des grands ossements auxquels on n'avait jusques-là fait aucune attention ; ils étaient ceux d'un animal inconnu que M. Gmelin, d'après l'examen de ses os, croit être une espèce de bœuf très-grand, qui n'existe plus dans le pays, et que jusqu'à-présent on n'a point encore découvert ailleurs. Mais ces ossements diffèrent entièrement de l'ivoire fossîle dont il s'agit dans cet article ; et ce n'est point à cet animal qu'ont appartenu ces dents monstrueuses.

Il ne faut point non plus confondre l'ivoire fossîle dont nous parlons, avec les dents du phoca ou de la vache marine, qui se trouvent en grande quantité sur les bords de la mer glaciale, elles sont beaucoup moins grandes que les dents d'ivoire fossile, et elles sont comme marbrées ou remplies de veines et de taches noires. A l'intérieur cependant on dit qu'elles sont même plus dures que l'ivoire fossile, et qu'on en fait de très jolis ouvrages.

L'ivoire fossîle ne doit point non plus être confondu avec la corne que l'on nomme unicornu fossile, que l'on a aussi trouvée quelquefois en Siberie. Voyez l'art. LICORNE FOSSILE.

On voit à Petersbourg, dans le cabinet impérial des curiosités naturelles, une dent d'ivoire fossîle qui pese jusqu'à 183 livres. Le chevalier Hansloane en possédait une qui avait 5 pieds 7 pouces de longueur, et dont la base avait 6 pouces de diamètre. On en a trouvé une en Angleterre, dans la province de Northampton, qui était blanche, et avait 6 pieds de longueur. M. le baron de Strahlenberg parle de quelques dents d'ivoire fossîle trouvées en Sibérie, qui avaient depuis 6 jusqu'à 9 pouces de diamètre par leur base, et d'un squelete d'animal qui avait 36 aulnes russiennes de longueur, et qui pouvait bien être celui d'un éléphant. En effet M. le chevalier Hansloane a prouvé clairement dans les Transactions philosophiques, n °. 403. et dans les Mémoires de l'Academie des Sciences, année 1727, que ces dents si grandes ne peuvent être regardées que comme de l'ivoire ou de vraies dents qui ont autrefois appartenu à des éléphans ; c'est ce que démontre leur structure intérieure, attendu qu'elles paraissent composées de couches concentriques arrangées de la même manière que les cercles annuels qu'on remarque dans l'intérieur du tronc d'un arbre. Cette vérité est encore prouvée par la comparaison que M. Gmelin a faite de l'ivoire fossîle avec celui des éléphans, dans son excellent voyage de Sibérie, publié en Allemand en 4 volumes in -8°. ouvrage propre à servir de modèle à tous les voyageurs. Ce savant naturaliste rend aussi raison des variétés qui se trouvent parmi les différentes dents d'ivoire fossile, tant pour la couleur que pour les degrés de solidité ou de friabilité ; il les attribue au climat et à la nature du terrain où ces sortes de dents sont ensevelies : celles qui se trouvent proche de la mer Glaciale où la terre est perpétuellement gelée à une grande profondeur, sont compacts ; celles qui se trouvent dans des cantons plus chauds, ont pu souffrir tantôt plus, tantôt moins de décomposition ou de destruction ; c'est aussi la terre et les sucs qu'elle contient qui leur ont fait prendre la couleur jaune ou brune, quelquefois semblable à du coco, que l'on voit dans quelques-unes de ces dents. Voyez Gmelin, voyage de Sibérie, tom. III. pag. 147. et suiv.

C'est donc à tort que quelques naturalistes ont cru que ces dents trouvées en Sibérie n'étaient point de l'ivoire : elles ne diffèrent de celui des éléphans que par les changements qu'il a pu subir dans le sein de la terre ; ce qui a pu faire croire qu'il y avait de la différence. c'est qu'on aura peut-être confondu les autres ossements, tels que les os du mammon ou les dents de vaches marines avec l'ivoire fossîle ou les dents aiguës des éléphans qui se trouvent dans les mêmes pays.

Quant aux éléphans, ce serait vainement qu'on en chercherait aujourd'hui de vivants en Sibérie ; on ne les trouve que dans les pays chauds, et ils ne pourraient vivre sous un climat aussi rigoureux que celui où l'on rencontre les restes de leurs semblables. A quoi donc attribuer la grande quantité d'ivoire fossîle qui se trouve dans une région si septentrionale ? Sera-ce, comme prétend le comte de Marsigli, parce que les Romains y ont mené ces animaux ? Jamais ces conquérants n'ont été faire des conquêtes chez les Scythes hyperboréens, et il ne parait pas qu'aucun autre conquérant Indien ait eu la tentation de porter la guerre dans un climat si facheux et si éloigné. Il faudra donc conclure que dans des temps dont l'histoire ne nous a point conservé le souvenir, la Sibérie jouissait d'un ciel plus doux, et était habitée par des animaux que quelque révolution générale de notre globe a ensevelis dans le sein de la terre, et que cette même révolution a entièrement changé la température de cette région. Les Sibériens emploient l'ivoire fossîle aux mêmes usages que l'ivoire ordinaire ; ils en font des manches de sabres, de couteaux, des boites, etc. (-)

IVOIRE, (Matière médicale) la rapure d'ivoire passe pour cordiale, diaphorétique, antispasmodique, propre à résister au prétendu venin des fièvres malignes, à arrêter les diarrhées, à corriger les acides des premières voies et des humeurs. Toutes ces vertus sont purement imaginaires, tous les médecins instruits en conviennent aujourd'hui. La rapure d'ivoire donne par une décoction convenable un suc gelatineux et purement nourrissant. Mais il y a très-grande apparence que ce suc n'est pas extrait par les humeurs digestives, et qu'ainsi la rapure d'ivoire n'est dans l'estomac qu'une poudre inutile.

L'ivoire calciné à blancheur, connu dans les boutiques sous le nom de spode, est un alcali terreux, comme toutes les autres substances animales préparées de la même façon ; et c'est gratuitement qu'on lui a attribué des vertus particulières contre les fleurs blanches, par exemple, le cours de ventre, la gonorrhée, etc. Voyez TERREUX, et l'article CHARBON Chimie, où l'on trouvera quelques réflexions sur l'état de l'ivoire calciné en particulier.

L'ivoire brulée, ou le charbon d'ivoire ne saurait être regardé comme un remède. Voyez CHARBON chimie. (B)