S. m. (Histoire naturelle) limus, lutum. On entend en général par limon, la terre qui a été délayée et entrainée par les eaux, et qu'elles ont ensuite déposée. On voit par-là que le limon ne peut point être regardé comme une terre simple, mais comme un mélange de terres de différentes espéces, mélange qui doit nécessairement varier. En effet, les eaux des rivières en passant par des terrains différents, doivent entraîner des terres d'une nature toute différente ; ainsi une rivière qui passera dans un canton où la craie domine, se chargera de craie ou de terre calcaire ; si cette même rivière passe ensuite par un terrain de glaise ou d'argille, le limon dont elle se chargera, sera glaiseux. Il parait cependant qu'il doit y avoir de la différence entre ce limon et la glaise ordinaire, Ve que l'eau, en la délayant, a du lui enlever une portion de sa partie visqueuse et tenace ; par conséquent elle aura changé de nature, et elle ne doit plus avoir les mêmes qualités qu'auparavant. Ce qui vient d'être dit du limon des rivières, peut encore s'appliquer à celui des marais, des lacs, et de la mer même : en effet, les eaux des ruisseaux, des pluies, et des fleuves qui vont s'y rendre, doivent y porter des terres de différentes qualités. A ces terres il s'en joint souvent une autre qui est formée par la décomposition des végétaux : c'est à cette terre qu'il faut attribuer la partie visqueuse et la couleur noire ou brune du limon que l'on trouve, surtout au fond des eaux stagnantes ; c'est encore de cette décomposition des plantes vitrioliques et des feuilles, que parait venir la partie ferrugineuse qui se trouve souvent contenue dans quelques espèces de limon.

Le limon que déposent les rivières, mérite toute l'attention des Naturalistes : il est très-propre à leur faire connaître la formation du tuf et de plusieurs des couches, dont nous voyons différents terrains composés : on pourra en juger par les observations suivantes, que M. Schober directeur des mines du sel-gemme de Wicliska en Pologne, a faites sur le limon que dépose la Sala : ces observations sont tirées du magazin de Hambourg, tome III.

La Sala ou Saale est une rivière à peu-près de la force de la Marne ; après avoir traversé la Thuringe, elle se jette dans l'Elbe. M. Schober s'étant aperçu qu'à la suite de grandes pluies, cette rivière s'était chargée de beaucoup de terres, fut tenté de calculer combien elle pouvait entraîner de parties terrestres en vingt-quatre heures. Pour avoir un prix commun, il puisa à cinq heures du soir de l'eau de la Sala, dans un vaisseau qui contenait dix livres, trois onces, et deux gros d'eau. Vingt-quatre heures après, il puisa la même quantité d'eau dans un vaisseau tout pareil ; il laissa ces deux vaisseaux en repos, afin que le limon eut tout le temps de se déposer. Au bout de quelques jours, il décanta l'eau claire qui surnageait au dépôt, et ayant recueilli le limon qui était au fond, il le fit secher au soleil, il trouva que l'eau du premier vaisseau avait déposé deux onces et deux gros et demi d'un limon argilleux, et que celle du second vaisseau n'en avait déposé que deux gros. Ainsi, vingt livres six onces et demie d'eau avaient donné deux onces et quatre gros et demi de limon séché. M. Schober humecta de nouveau ce limon argilleux, et il en forma un cube d'un pouce en tout sens : ce cube pesait une demi-once et 3 4/25 gros, d'où l'on voit qu'un pied cube, ou 1728 pouces cubiques, devait peser 96 livres et 10 1/2 onces. Le pied cube d'eau pese cinquante livres ; ainsi en prenant 138 pieds cubes de l'eau, telle que celle qui avait été puisée dans le premier vaisseau, pour produire un pied cubique de limon, il faudra compter 247 pieds cubes d'eau pour les deux expériences prises à la fais. M. Schober a trouvé qu'il passait 1295 pieds cubes d'eau en une heure, par une ouverture qui a 1 pouce de largeur et 12 pouces de hauteur. L'eau de la Sala, resserrée par une digue, passe par un espace de 372 pieds, ce qui fait 4464 pouces ; si elle est restée aussi trouble et aussi chargée de terre que celle du premier vaisseau, seulement pendant une heure de temps, il a dû passer pendant cette heure, 5780880 pieds cubes d'eau, qui ont dû entraîner 41890 pieds cubes de limon ; ce qui produit une quantité suffisante de limon pour couvrir une surface carrée de 204 pieds, de l'épaisseur d'un pied. Mais si l'on additionne le produit des deux vaisseaux, on trouvera que, puisque 20 livres 6 1/2 onces d'eau ont donné 2 onces 4 1/2 de limon ; et si on suppose que l'eau a coulé de cette manière, pendant vingt-quatre heures ; on trouvera, dis-je, que pendant ce temps, il a dû s'écouler 138741120 pieds cubes d'eau, qui ont dû charrier 561705 pieds cubes de limon, quantité qui suffit pour couvrir d'un pied d'épaisseur une surface carrée de 749 pieds.

On peut conclure de-là que, si une petite rivière, telle que la Sala, entraîne une si grande quantité de limon, l'on doit présumer que les grandes rivières, telles que le Rhin, le Danube, etc. doivent en plusieurs siécles, en entraîner une quantité immense, et les porter au fond de la mer, dont par conséquent, le lit doit hausser continuellement. Cependant tout ce limon ne Ve point à la mer : il en reste une portion considérable qui se dépose en route sur les endroits qui sont inondés par les débordements des rivières. Suivant la nature du limon qui se dépose, il se forme dans les plaines qui ont été inondées, différentes couches, qui par la suite des temps se changent en tuf ou en pierre, et qui forment cette multitude de lits ou de couches de différente nature, que nous voyons se succéder les unes aux autres dans la plupart des plaines qui sont sujettes aux inondations des grandes rivières.

Nous voyons aussi que le limon apporté par les rivières ne produit point toujours les mêmes effets ; souvent il engraisse les terres sur lesquelles il se répand : c'est ce qu'on voit surtout dans les inondations du Nil, dont le limon gras et onctueux fertilise le terrain sablonneux de l'Egypte ; d'autres fois ce limon nuit à la fertilité des terres, parce qu'il est plus maigre, plus sablonneux, et en général moins adapté à la nature du terrain sur lequel les eaux l'ont déposé. Il y a du limon qui est nuisible aux terres, parce qu'étant trop chargé de parties végétales acides (pour se servir de l'expression vulgaire), il rend le terrain trop froid ; quelquefois aussi ce limon étant trop gras, et venant à se répandre sur un terrain déjà gras et compacte, il le gâte et lui ôte cette juste proportion qui est si avantageuse pour la végétation. (-)

LIMON, s. m. (Médec. Pharmac. Cuisine, Arts) fruit du limonier. L'écorce des limons est remplie d'une huîle essentielle, âcre, amère, aromatique, fortifiante et cordiale, composée de parties très-subtiles ; elle brule à la flamme, et se trouve contenue dans de petites vessies transparentes. Le suc des limons communique, par son acidité, une belle couleur pourpre à la conserve de violette, et au papier bleu ; il est pareillement renfermé dans des cellules particulières.

L'huîle essentielle des limons, vulgairement nommée huîle de neroli, a les mêmes propriétés que celle de citron.

Pour faire l'eau de limon, on distille au bain-marie des limons, pilés tout entiers, parce que de cette manière, la partie acide est imbue de l'huîle essentielle, et acquiert une vertu cardiaque, sans échauffer.

Tout le monde sait, que la limonade est un breuvage que l'on fait avec de l'eau, du sucre et des limons. Cette liqueur factice a eu l'honneur de donner son nom à une communauté de la ville de Paris, qui n'était d'abord que des espèces de regrattiers, lesquels furent érigés en corps de jurande en 1678.

Il ne faut pas confondre la simple limonade faite d'eau de limons et de sucre, avec celle dont on consomme une si grande quantité dans les îles de l'Amérique, et qu'on nomme limonade à l'anglaise ; cette dernière est composée de vin de Canarie, de jus de limon, de sucre, de cannelle, de gérofle, et d'essence d'ambre ; c'est une boisson délicieuse.

Le suc de limon est ajouté à divers purgatifs, pour les rendre moins desagréables et plus efficaces dans leur opération. Par exemple, on prend séné oriental une drachme, manne trois onces, sel végétal un gros, coriandre demi-gros, feuilles de pinprenelle deux poignées, limon coupé par tranches ; on verse sur ces drogues, deux pintes d'eau bouillante ; on macère le tout pendant la nuit, on le passe ; on y ajoute quelques gouttes d'huîle essentielle d'écorce de citron, et l'on partage cette tisane laxative en quatre prises, que l'on bait de deux en deux heures.

Pour faire dans le scorbut un gargarisme propre aux gencives, on peut prendre esprit de cochléaria et esprit de vin, ana une once, suc de limon deux onces, eau de cresson quatre onces, mais il est aisé de combiner et de multiplier, suivant les cas, ces sortes d'ordonnances à l'infini.

Les limons sont plus acides au gout, que les oranges et les citrons ; c'est pourquoi il est vraisemblable, qu'ils sont plus rafraichissants. Du reste, tout ce qu'on a dit du citron, de ses vertus, de ses usages et de ses préparations, s'applique également au fruit du limonier.

Il abonde dans les îles orientales et occidentales. On trouve en particulier à Tunquin, deux sortes de limons, les uns jaunes, les autres verts ; mais tous si aigres, qu'il n'est pas possible d'en manger, sans se gâter l'estomac. Ces fruits ne sont pas cependant inutiles aux Tunquinais, ni aux autres peuples des Indes. Non-seulement ils s'en servent, comme nous de l'eau-forte, pour nettoyer le cuivre, le laiton et autres métaux, quand ils veulent les mettre en état d'être dorés ; mais aussi pour les teintures, et surtout pour teintures en soie.

Un autre usage qu'ils en tirent, est pour blanchir le linge ; l'on en met dans les lessives, particulièrement des toiles fines, ce qui leur donne un blanc et un éclat admirable, comme on peut le remarquer principalement dans toutes les toiles de coton du Mogol, qui ne se blanchissent qu'avec le jus de ces sortes de limons.

Nos teinturiers se servent aussi du suc de limon en Europe, pour changer diverses couleurs et les rendre plus fixes. Les lettres que l'on écrit avec ce suc sur du papier, paraissent lorsqu'on les approche du feu. C'est une espèce d'encre sympathique ; mais il y en a d'autres bien plus curieuses. Voyez ENCRE SYMPATHIQUE.

On peut consulter sur les limons tous les auteurs cités au mot CITRONNIER, et entr'autres Ferrarius, qui en a le mieux traité. (D.J.)

LIMON, s. m. (terme de Charron). Ces limons sont les deux maîtres brins d'une charrette, qui sont de la longueur de quatorze ou quinze pieds sur quatre ou cinq pouces de circonférence ; cela forme en même temps le fond de la charrette et le brancart pour mettre en limon : ces deux limons sont joints ensemble à la distance de cinq pieds, par quatre ou six éparts sur lesquels on pose les planches du fond. Les limons sont troués en dessus, à la distance de six pouces pour placer les roulons des ridelles. Voyez nos Pl. du Charron.

Limons de traverse, terme de Charron ; ce sont les morceaux de bois, longs d'environ huit ou dix pieds, dans lesquels s'enchâssent les roulons par le milieu et qui terminent les ridelles par en-haut, il y en a ordinairement deux de chaque côte. Voyez nos Pl. du Charron, qui représentent une charrette.

LIMON, du latin limus, tourné de travers (coupe des pierres) signifie, la pierre ou pièce de bois qui termine et soutient les marches d'une rampe, sur laquelle on pose une balustrade de pierre ou de fer pour servir d'appui à ceux qui montent. Cette pièce est droite dans les rampes droites, et gauche par ses surfaces supérieure et inférieure, dans les parties tournantes des escaliers.

LIMON, (Charpentier), est une pièce de charpente omeplat, c'est-à-dire plus que plat, laquelle sert dans les escaliers à soutenir le bout des marches qui portent dedans, et qui portent par les bouts dans les noyaux ou courbes des escaliers. Voyez les fig. des Pl. de Charpente.

LIMON, faux, (Charpentier) est celui qui se met dans les angles des baies, des portes et des croisées, et dans lequel les marches sont assemblées, comme dans les limons.

LIMONADE, s. f. (Pharmac. Mat. méd. et diete) La limonade est une liqueur aussi agréable que salutaire, dont nous avons exposé les propriétés médicinales à l'article CITRON. Voyez cet article.

Pour faire de la bonne limonade, il faut prendre des citrons frais et bien sains, les partager par le milieu, en exprimer le suc, en les serrant entre les mains, étendre ce suc dans suffisante quantité d'eau pour qu'il ne lui reste qu'une saveur aigrelette légère, une agréable acidité ; passer cette liqueur sur le champ à travers un linge très-propre, pour en séparer les pepins et une partie de la pulpe du citron qui peut s'en être détachée en les exprimant, et qui en séjournant dans la liqueur y porterait une amertume désagréable ; ou bien ôter l'écorce des citrons, partager leur pulpe par le milieu, les enfermer dans un linge blanc, les exprimer fortement et ajouter de l'eau jusqu'à agréable acidité ; de quelque façon qu'on s'y soit pris pour obtenir la liqueur aigrelette et dépurée, on l'édulcore ensuite avec suffisante quantité de sucre, dont on aura frotté une petite partie contre une écorce de citron, pour aromatiser agréablement la liqueur par le moyen de l'oleo-saccharum, qu'on aura formé par cette manœuvre.

Remarquez que cette manière d'aromatiser la limonade est plus commode et meilleure que la méthode ordinaire et plus connue des limonadiers, qui consiste à y faire infuser quelques jets de citron, qui fournissent toujours un peu d'extrait amer et dur. (b)