S. m. (Histoire naturelle) pierre qui se trouve dans le corps de certains animaux. Les premières pierres connues sous le nom de bézoard, furent apportées de l'Orient. Il en vint ensuite d'autres de l'Amérique, auxquelles on donna le même nom : mais comme elles n'étaient pas absolument semblables aux premières, on les nomma bézoards occidentaux, pour les distinguer des bézoards orientaux. Les uns et les autres sont polis à l'extérieur ; cependant il y en a qui sont inégaux et rudes. Les bézoards sont assez tendres, et ils teignent en couleur jaune, verdâtre, ou olivâtre le papier frotté de craie, de céruse ou de chaux, lorsqu'on les frotte dessus : ils s'imbibent d'eau et d'esprit-de vin, et troublent ces liqueurs. Leur substance est pierreuse et composée de couches concentriques. Ils sont de grosseur et de figure différentes. Il y en a qui ressemblent à un rein ou à une fève ; d'autres sont ronds, oblongs, ou ovoïdes, etc. Les lames formées par les couches concentriques des bézoards, sont de couleur verdâtre ou olivâtre, tachetée de blanc dans leur épaisseur. On les écrase facilement sous la dent ; elles sont glutineuses, et teignent légèrement la salive. Toutes les lames n'ont pas la même couleur, ni la même épaisseur. Lorsqu'on casse un bézoard, ou lorsqu'on lui donne un certain degré de chaleur, il se trouve des lames qui s'écartent et se séparent les unes des autres. Il y a au centre de la plupart des bézoards, une masse dure, graveleuse et assez unie : on y trouve des pailles, du poil, des marcassites, des caillous, des matières graveleuses unies ensemble, et aussi dures que la pierre ; du talc, du bois, des noyaux, presque semblables à ceux des cerises, des noyaux de myrobolans, etc. des fèves revêtues d'une sorte de membrane formée par la matière du bézoard, sous laquelle l'écorce de la fève se trouve séchée après avoir été gonflée. Quelques bézoards, sonnent comme des pierres d'aigle, parce que la première enveloppe de la fève ayant été desséchée, le noyau devient mobile. Les fruits qui servent de noyau se pourrissent quelquefois, et se réduisent en poussière. Il y a des auteurs qui ont vanté, je ne sai pourquoi, l'efficacité de cette poussière. On a cru que les noyaux de matière étrangère devaient indiquer que les bézoards avaient été apprêtés, et qu'ils étaient factices : mais cette opinion n'est pas fondée. Il serait aussi aisé de faire un noyau de matière semblable à celle du reste du bézoard, que d'employer pour noyau des corps étrangers, qui pourraient décéler l'art : il est même très-naturel que des noyaux de fruits ou d'autres corps qui se trouvent dans l'estomac des animaux qui produisent les bézoards, y occasionnent leur formation. On prétend que pour reconnaître les bézoards factices, il faut les éprouver avec une aiguille rougie au feu ; si elle entre facilement dans la substance du bézoard, c'est une marque qu'il est faux : au contraire si elle brunit seulement l'endroit où elle est appliquée, sans pénétrer, c'est une preuve que le bézoard est bon. On croit que les bons sont de médiocre grosseur, de couleur brune, qu'ils jaunissent la chaux vive, qu'ils verdissent la craie, qu'ils ne se dissolvent point dans l'eau, qu'ils sont composés de lames fines et disposées par couches, etc. mais toutes ces marques sont fort équivoques ; il est très-possible de donner les mêmes qualités à des bézoards falsifiés avec du plâtre ou d'autres matières semblables : cependant on peut distinguer les bézoards naturels des factices. Les premiers sont très-reconnaissables pour les gens qui en ont Ve beaucoup ; leur couleur n'est ni trop pâle, ni trop foncée : ils ont le grain fin, leur surface est polie, et leur tissu serré ; de sorte que les lames dont ils sont composés, ne se séparent pas trop aisément les unes des autres. On juge par le poids du bézoard, s'il a pour noyau un caillou ou une matière légère, telle que du poil ou des substances végétales. Le bézoard occidental est d'une couleur pâle, et quelquefois gris-blanc : il s'en trouve dont les lames sont épaisses et striées dans leur épaisseur.

On ne sait pas précisément quels sont les animaux qui portent les bézoards d'Orient et d'Occident. Il parait que ceux qui viennent d'Egypte, de Perse, des Indes et de la Chine, sont produits par une espèce de bouc, que les Persans nomment pazan ; ou par une chèvre sauvage plus grande que la nôtre, que Clusius nomme capricerva, parce qu'elle a autant d'agilité que le cerf. Le bézoard d'Amérique vient aussi d'une chèvre.

Comme on a donné le nom de bézoard à plusieurs choses très-différentes les unes des autres, on pourrait en faire plusieurs classes. La première comprendrait les bézoards d'Orient et d'Occident. On mettrait dans la seconde toutes les pierres qui sont tirées des animaux, et qui approchent des bézoards par leur structure et leur vertu : tels sont les bézoards de singe, de cayman, etc. les yeux d'écrevisses, et toutes les différentes sortes de perles. La troisième classe comprendrait les matières qui sont figurées comme le bézoard, sans en avoir les vertus : telles sont la pierre tirée de la vessie de l'homme, celles des reins, de la vésicule du fiel, et celles qui se trouvent dans la vésicule du fiel des bœufs et des autres animaux. Les égagropiles seraient dans la quatrième classe. Voyez EGAGROPILES. Et dans la cinquième, les bézoards fossiles. Voyez BEZOARD FOSSILE. Mém. de l'Acad. royale des Sciences, ann. 1710. page 235. par M. Geoffroy le jeune. (I)

BEZOARD MINERAL, pierre de couleur blanche ou cendrée, de figure irrégulière, et le plus souvent arrondie : elle est composée de différentes couches friables, placées successivement les unes sur les autres. Il y a quelquefois au centre de la pierre un petit noyau pierreux, un grain de sable, une petite coquille, ou un morceau de charbon de terre. Ces pierres sont de la grosseur d'une aveline, d'une noix, ou même d'un œuf d'oie. On en trouve en plusieurs endroits : en France, auprès de Montpellier ; en Sicile, autour du mont Madon ; en Italie, dans le territoire de Tivoli ; en Amérique, dans la nouvelle Espagne, dans le fleuve de Detzhuatland ; d'où on en tire de fort grosses ; et en bien d'autres endroits : car le bézoard fossîle ne doit pas être plus rare que la pierre Ammite. (I)

BEZOARD MINERAL, (Chimie) c'est un remède connu dans la Pharmacie : il se fait avec le beurre d'antimoine dont on prend trois onces, sur lesquelles on verse bien doucement égale quantité d'esprit de nitre, qu'on en retire par la distillation au feu de sable ; on reverse ensuite cet esprit de nitre dessus le résidu avec une once de plus ; on réitère ces distillations et cohobations trois ou quatre fois ; cela fait, on réduit en poudre le résidu, et on le calcine dans un creuset ; on le lave ensuite dans plusieurs eaux, ou on brule de l'esprit-de-vin par-dessus. Cette préparation de l'antimoine est un très-grand sudorifique, qui a même plus d'efficacité que l'antimoine diaphorétique. Voyez l'article ANTIMOINE. (-)

BEZOARD MARTIAL, (Chimie) se fait en mettant dans le creuset une partie de limaille de fer, avec deux parties d'antimoine ; on y ajoute un peu de nitre, qu'on allume pour faciliter la fonte, qui doit être liquide : on a soin de remuer doucement avec une baguette de fer qui puisse aller jusqu'au fond du creuset ; par ce moyen le régule qui est en fusion ronge la baguette, et tourne en scories avec elle. Pour faciliter l'opération, il est bon d'y jeter de temps en temps du nitre. Après avoir tenu le mélange en fusion pendant une demi-heure, il faudra retirer la baguette de fer. Si on voit qu'il n'en part plus d'étincelles, et qu'elle ne diminue plus par le bout, on y jettera encore un peu de nitre ; et la matière étant devenue très liquide, il faudra la verser, et la réduire en poudre après qu'elle sera refroidie : on prend une cuillerée de cette poudre, qu'on jette dans deux fois sa quantité de nitre mise en fonte dans un autre creuset ; on vide de nouveau la matière, on la lave dans de l'eau chaude, on l'édulcore et la seche. On dit que ce bezoard martial est un excellent remède pour la jaunisse, les hypochondres, etc. (-)

BEZOARD SOLAIRE ou D'OR, (Chimie) se fait en versant une solution d'or faite dans l'eau régale, ou la solution d'une chaux d'or dans l'esprit de sel sur huit fais, ou suivant Zwelfer, sur quatre fois autant de beurre d'antimoine ; on les laisse en digestion pendant quelque temps ; on fixe alors la matière avec de l'esprit de nitre, et on tire le dissolvant par la distillation : ce n'est autre chose que le bezoard minéral uni à une chaux d'or.

BEZOARD LUNAIRE, (Chimie) se fait ainsi : pour chaque once de beurre d'antimoine, on dissout une dragme d'argent dans l'esprit de nitre, et on s'en sert pour précipiter la poudre ; ce qui donne un bezoard minéral mêlé avec la lune cornée. (-)

BEZOARD JOVIAL ou D'ETAIN. (Chimie) Voici le procédé de Stahl. On fait fondre ensemble parties égales de régule d'antimoine et d'étain bien pur, on broye ensuite et pulvérise le mélange, qu'on fait fulminer par parties avec trois fois autant de nitre à grand feu pendant une demi-heure ; pendant ce temps on a soin de remuer avec un bâton ; cela étant fait, on vide le creuset, on laisse refroidir la matière, on la fait dissoudre dans l'eau, ou à l'air par deliquium ; l'on aura par-là une poudre grise qui est le bezoard d'étain. Voyez l'article ANTI-HECTIQUE. (-)