S. f. balaena, (Histoire naturelle) poisson du genre des cétacées, le plus grand de tous les animaux : c'est pourquoi on a donné le nom de baleine aux plus gros poissons, quoique de différents genres.

Les baleines que l'on prend sur la côte de Bayonne et dans les Indes, ont environ trente-six coudées de longueur sur huit de hauteur ; l'ouverture de la bouche est de dix-huit pieds : il n'y a point de dents ; mais il se trouve à la place, des lames d'une sorte de corne noire, terminées par des poils assez semblables à des soies de cochon, qui sont plus courts en-devant qu'en arrière. On a donné le nom de fanons aux lames qui sont dans la bouche. On les fend pour les employer à différents usages ; c'est ce qu'on appelle la baleine dont on se sert pour faire des corps pour les femmes, les busques, etc. La langue est d'une substance si molle, que lorsqu'on l'a tirée hors de la bouche de l'animal, on ne peut plus l'y faire rentrer. Les yeux sont à quatre aunes de distance l'un de l'autre ; ils paraissent petits à l'extérieur : mais au-dedans ils sont plus grands que la tête d'un homme. La baleine a deux grandes nageoires aux côtés, il n'y en a point sur le dos. La queue est si grande et si forte, que lorsque l'animal l'agite, il pourrait, dit-on, renverser un petit vaisseau. Le cuir de la baleine est fort dur, et de couleur noire ; il n'y a point de poils ; il s'y attache quelquefois des coquillages, tels que des lépas et des huitres. Le membre génital est proportionné à la grosseur du corps. Rondelet.


On trouva près de l'île de Corse, en 1620, une baleine qui avait cent pieds de longueur. Son lard pesait cent trente cinq mille livres. Il fallut employer les forces de dix-sept hommes pour tirer du corps de l'animal le gros intestin, dont la capacité était si grande, qu'un homme à cheval aurait pu y entrer. L'épine du dos était composée de trente-deux vertèbres. Cette baleine était femelle et pleine. On retira de la matrice un foetus qui avait trente pieds de longueur, et qui pesait quinze cent livres.

On dit qu'on a Ve des baleines qui avaient jusqu'à deux cent pieds de longueur. Quelqu'énorme que cet animal soit par lui-même, je crois qu'on aurait voulu l'agrandir encore davantage par l'amour du merveilleux. On prétend à la Chine qu'on y a Ve des baleines longues de neuf cent soixante pieds ; d'autres ont comparé ces grands poissons à des écueils, à des îles flottantes, etc. Quoi qu'il en soit de ces relations ou assure que les premières baleines qu'on a pêchées dans le Nord, étaient beaucoup plus grandes que celles qu'on y trouve à présent ; sans-doute parce qu'elles étaient plus vieilles. On ne sait pas quelle est la durée de la vie de ces animaux ; il y a apparence qu'ils vivent très-longtemps.

L'estomac de la baleine est d'une grande étendue ; cependant on n'y a pas Ve des choses d'un grand volume. Rondelet dit qu'on n'y trouve que de la boue de l'eau, de l'algue puante, et qu'en en a tiré quelquefois des morceaux d'ambre. Il soupçonnait que la baleine n'avalait point de poissons, parce qu'on n'en avait pas Ve dans son estomac : mais Willugby fait mention d'une baleine qui avait avalé plus de quarante merlus, dont quelques-uns étaient encore tous frais dans son estomac ; d'autres disent que ces grands poissons vivent en partie d'insectes de mer, qui sont en assez grand nombre dans les mers du Nord pour les nourrir, et qu'on a trouvé dans leur estomac dix ou douze poignées d'araignées noires, des anchois, et d'autres petits poissons blancs, mais jamais de gros. Les baleines mangent une très-grande quantité de harengs.

On dit que ces poissons s'élèvent perpendiculairement sur leur queue pour s'accoupler ; que le male et la femelle s'approchent l'un de l'autre dans cette situation ; qu'ils s'embrassent avec leurs nageoires, et qu'ils restent accouplés pendant une demi-heure ou une heure. On prétend qu'ils vivent en société dans la suite, et qu'ils ne se quittent jamais. La femelle met bas dans l'autonne. On assure qu'il n'y a qu'un baleinon par chaque portée ; mais il est aussi gros qu'un taureau ; d'autres disent qu'il y en a quelquefois deux ; la mère l'alaite en le tenant avec ses nageoires, dont elle se sert aussi pour le conduire et pour le défendre.

M. Anderson est entré dans un détail très-satisfaisant sur les différentes espèces de baleines, dans son Histoire naturelle d'Islande et du Groenland, etc. Selon cet auteur, la véritable baleine du Groenland pour laquelle se font les expéditions de la pêche, a des barbes et le dos uni. C'est celle que Ray distingue par cette phrase : balaena vulgaris edentula, dorso non pinnato. La grosseur énorme de ce poisson fait qu'il n'approche guère des côtes d'Islande, et le retient dans des abîmes inaccessibles vers Spitzberg, et sous le pôle du Nord Il a jusqu'à soixante ou soixante et dix pieds de longueur. La tête seule fait un tiers de cette masse. Les nageoires des côtes ont depuis cinq jusqu'à huit pieds de long ; sa queue est horizontale, un peu recourbée vers le haut aux deux extrémités : elle forme à peu-près deux demi-lunes ; elle a trois ou quatre brasses de largeur ; ses coups sont très-violents, surtout lorsque ce poisson est couché sur le côté : c'est par le moyen de sa queue que la baleine se porte en avant ; et on est étonné de voir avec quelle vitesse cette masse énorme se meut dans la mer. Les nageoires ne lui servent que pour aller de côté. L'épiderme de ce poisson n'est pas plus épais que du gros papier ou du parchemin. La peau est de l'épaisseur du doigt, et couvre immédiatement la graisse ; qui est épaisse de huit pouces ou d'un pied ; elle est d'un beau jaune, lorsque le poisson se porte bien. La chair qui se trouve au-dessous est maigre et rouge. La mâchoire supérieure est garnie des deux côtés de barbes qui s'ajustent obliquement dans la mâchoire inférieure comme dans un fourreau, et qui embrassent, pour ainsi dire, la langue des deux côtés. Ces barbes sont garnies du côté de leur tranchant de plusieurs appendices, et sont rangées dans la mâchoire comme des tuyaux d'orgue, les plus petites devant et derrière, et les plus grandes dans le milieu : celles-ci ont six ou huit pieds et plus de longueur. La langue est adhérente presqu'en entier ; ce n'est pour ainsi dire, qu'un morceau de graisse : mais il est si gros, qu'il suffit pour remplir plusieurs tonneaux. Les yeux ne sont pas plus grands que ceux d'un bœuf, et leur crystallin desséché n'excède pas la grosseur d'un gros pois ; ils sont placés sur le derrière de la tête, à l'endroit où elle est le plus large. Les baleines ont des paupières et des sourcils. On ne voit dans ces poissons aucune apparence d'oreilles au dehors, cependant ils ont l'ouie très-bonne ; et si on enlève l'épiderme, on aperçoit derrière l'oeil, et un peu plus bas, une tache noire, et dans ce même endroit un conduit, qui est sans-doute celui de l'oreille. Les excréments de la baleine ressemblent assez au vermillon un peu humecté ; ils n'ont aucune mauvaise odeur. Il y a des gens qui les recherchent, parce qu'ils teignent d'un joli rouge, et cette couleur est assez durable sur la toile. La baleine mâle a une verge d'environ six pieds de longueur ; son diamètre est de sept à huit pouces à sa racine, et l'extrémité n'a qu'environ un pouce d'épaisseur : cette verge est ordinairement renfermée dans un fourreau. Les parties naturelles de la femelle ressemblent à celles des quadrupedes : l'orifice extérieur parait fermé pour l'ordinaire ; il y a de chaque côté une mammelle qui s'allonge de la longueur de six ou huit pouces, et qui a dix ou douze pouces de diamètre, lorsque la baleine alaite ses petits. Tous les pêcheurs du Groenland assurent que l'accouplement de ces poissons se fait comme il a été dit plus haut. M. Dudley rapporte dans les Transactions philosophiques, n°. 387, article 2. que la femelle se jette sur le dos et replie sa queue, et que le mâle se pose sur elle et l'embrasse avec ses nageoires. Ce sont peut-être, dit M. Anderson, des baleines d'une autre espèce que celle du Groenland, qui s'accouplent ainsi. Selon M. Dudley, l'accouplement ne se fait que tous les deux ans ; la femelle porte pendant neuf ou dix mois, et pendant ce temps elle est plus grosse, surtout lorsqu'elle est près de son terme. On prétend qu'un embryon de dix-sept pouces est déjà tout à fait formé et blanc : mais étant parvenu au terme, il est noir et a environ vingt pieds de longueur. La baleine ne porte ordinairement qu'un foetus, et rarement deux. Lorsqu'elle donne à teter à son petit, elle se jette de côté sur la surface de la mer, et le petit s'attache à la mammelle. Son lait est comme le lait de vache. Lorsqu'elle craint pour son petit, elle l'emporte entre ses nageoires.

M. Anderson décrit plusieurs autres espèces de baleines, qu'il appelle le nord-caper, le gibbar, le poisson de Jupiter, le pslock-fisch, et le knoten ou knobbelfisch ; et il rapporte aussi au genre des baleines la licorne de mer ou nerwal, le cachalot, le marsouin-sous-fleur ou tunin, le dauphin, et l'épée de mer. Voyez CETACEE, POISSON. (I)

* Pêche de la baleine. De toutes les pêches qui se font dans l'Océan et dans la Méditerranée, la plus difficîle sans contredit et la plus périlleuse est la pêche des baleines. Les Basques, et surtout ceux qui habitent le pays de Labour, sont les premiers qui l'aient entreprise, malgré l'âpreté des mers du Nord et les montagnes de glace, au-travers desquelles il fallait passer. Les Basques sont encore les premiers qui aient enhardi aux différents détails de cette pêche, les peuples maritimes de l'Europe, et principalement les Hollandais qui en font un des plus importants objets de leur commerce, et y emploient trois à quatre cent navires, et environ deux à trois mille matelots : ce qui leur produit des sommes très considérables ; car ils fournissent seuls ou presque seuls d'huîle et de fanons de baleines. L'huîle sert à bruler à la lampe, à faire le savon, à la préparation des laines des Drapiers, aux Courroyeurs pour adoucir les cuirs, aux Peintres pour délayer certaines couleurs, aux gens de mer pour engraisser le brai qui sert à enduire et spalmer les vaisseaux, aux Architectes et aux Sculpteurs pour une espèce de détrempe avec céruse, ou chaux qui durcit, fait croute sur la pierre, et la garantit des injures du temps. A l'égard des fanons, leur usage s'étend à une infinité de choses utiles : on en fait des busques, des piqûres, des parasols, des corps et autres ouvrages.

Les Basques qui ont encouragé les autres peuples à la pêche des baleines, l'ont comme abandonnée, elle leur était devenue presque dommageable, parce qu'ayant préféré le détroit de Davis aux côtes du Groenland, ils ont trouvé le détroit, les trois dernières années qu'ils y ont été, très-dépourvu de baleines.

Les Basques auparavant envoyaient à la pêche dans les temps favorables, environ trente navires de deux cent cinquante tonneaux, armés de cinquante hommes tous d'élite, avec quelques mousses ou demi-hommes. On mettait dans chacun de ces bâtiments, des vivres pour six mois, consistants en biscuit, vin, cidre, eau, légumes et sardines salées. On y embarquait encore cinq à six chaloupes, qui ne devaient prendre la mer que dans le lieu de la pêche, avec trois funins de cent vingt brasses chacun : au bout desquels était saisie et liée par une bonne épissure, la harpoire faite de fin brin de chanvre, et plus mince que le funin. A la harpoire tient le harpon de fer dont le bout est triangulaire et de la figure d'une flèche, et qui a trois pieds de long, avec un manche de bois de six pieds, lequel se sépare du harpon quand on a percé la baleine, afin qu'il ne puisse ressortir d'aucune manière. Celui qui le lance se met à l'avant de la chaloupe, et court de grands risques, parce que la baleine, après avoir été blessée, donne de furieux coups de queue et de nageoires, qui tuent souvent le harponneur, et renversent la chaloupe.

On embarquait enfin dans chaque bâtiment destiné à la pêche, trente lances ou dards de fer de quatre pieds, avec des manches de bois d'environ le double de longueur ; quatre cent barriques tant vides que pleines de vivres ; deux cent autres en bottes ; une chaudière de cuivre contenant douze barriques et pesant huit quintaux ; dix mille briques de toutes espèces pour construire le fourneau, et vingt-cinq barriques d'une terre grasse et préparée pour le même usage.

Quand le bâtiment est arrivé dans le lieu où se fait le passage des baleines, on commence par y bâtir le fourneau destiné à fondre la graisse et à la convertir en huîle ; ce qui demande de l'attention. Le bâtiment se tient toujours à la voile, et on suspend à ses côtés les chaloupes armées de leurs avirons. Un matelot attentif est en vedette au-haut du mât de hune ; et dès qu'il aperçoit une baleine, il crie en langue basque balia, balia ; l'équipage se disperse aussi-tôt dans les chaloupes, et court la rame à la main après la baleine aperçue. Quand on l'a harponnée (l'adresse consiste à le faire dans l'endroit le plus sensible) elle prend la fuite et plonge dans la mer. On fîle alors les funins mis bout à bout, et la chaloupe suit. D'ordinaire la baleine revient sur l'eau pour respirer et rejeter une partie de son sang. La chaloupe s'en approche au plus vite, et on tâche de la tuer à coups de lance ou de dard, avec la précaution d'éviter sa queue et ses nageoires, qui feraient des blessures mortelles. Les autres chaloupes suivent celle qui est attachée à la baleine pour la remorquer. Le bâtiment toujours à la voile, la suit aussi, tant afin de ne point perdre ses chaloupes de vue, qu'afin d'être à portée de mettre à bord la baleine harponnée.

Quand elle est morte et qu'elle Ve par malheur au fond avant que d'être amarrée au côté du bâtiment, on coupe les funins pour empêcher qu'elle n'entraîne les chaloupes avec elle. Cette manœuvre est absolument nécessaire, quoiqu'on perde sans retour la baleine avec tout ce qui y est attaché. Pour prévenir de pareils accidents, on la suspend par des funins dès qu'on s'aperçoit qu'elle est morte, et on la conduit à un des côtés du bâtiment auquel on l'attache avec de grosses chaînes de fer pour la tenir sur l'eau. Aussitôt les charpentiers se mettent dessus avec des bottes qui ont des crampons de fer aux semelles, crainte de glisser ; et de plus ils tiennent au bâtiment par une corde qui les lie par le milieu du corps. Ils tirent leurs couteaux qui sont à manche de bois et faits exprès ; et à mesure qu'ils enlèvent le lard de la baleine suspendue, on le porte dans le bâtiment, et on le réduit en petits morceaux qu'on met dans la chaudière, afin qu'ils soient plus promptement fondus. Deux hommes les remuent sans-cesse avec de longues pelles de fer qui hâtent leur dissolution. Le premier feu est de bois ; on se sert ensuite du lard même qui a rendu la plus grande partie de son huile, et qui fait un feu très-ardent. Après qu'on a tourné et retourné la baleine pour en ôter tout le lard, on en retire les barbes ou fanons cachés dans la gueule, et qui ne sont point au-dehors comme plusieurs Naturalistes se l'imaginent.

L'équipage de chaque bâtiment a la moitié du produit de l'huîle ; et le capitaine, le pilote et les charpentiers ont encore par-dessus les autres une gratification sur le produit des barbes ou fanons. Les Hollandais ne se sont pas encore hasardés à fondre dans leurs navires le lard des baleines qu'ils prennent, et cela à cause des accidents du feu, qu'ils appréhendent avec juste raison. Ils le transportent avec eux en barriques pour le fondre dans leur pays, en quoi les Basques se montrent beaucoup plus hardis : mais cette hardiesse est récompensée par le profit qu'ils font, et qui est communément triple de celui des Hollandais, trois barriques ne produisant au plus fondues, qu'une barrique d'huile. Voyez le recueil de différents traités de Physique, par M. Deslandes.

C'est à un bourgeois de Cibourre, nommé François Soupite, que l'on doit la manière de fondre et de cuire les graisses dans les vaisseaux, même à flot et en pleine mer. Il donna le dessein d'un fourneau de brique qui se bâtit sur le second pont : on met sur ce fourneau la chaudière, et l'on tient auprès des tonneaux d'eau pour garantir du feu.

Voici maintenant la manière dont les Hollandais fondent le lard de baleine, qu'ils apportent par petits morceaux dans des barriques. Une baleine donne aujourd'hui quarante barriques : celles qu'on prenait autrefois en donnaient jusqu'à soixante à quatre-vingt.

On voit, fig. première des planches qui suivent celles de notre histoire naturelle, une coupe verticale des bacs, de la chaudière et du fourneau à fondre le lard. On place les tonneaux A A pleins de lard qui a fermenté, sur le bord du bac B ; on vide ces tonneaux dans ce bac ; on y remue le lard afin de le délayer, et de le disposer à se fondre. On met le feu au fourneau C, dont on voit le cendrier en E, et la grille en F ; on jette le lard du bac B dans la chaudière G, placée dans un massif de brique et de maçonnerie, sur le fourneau C. Les bacs 1, 2, 3, qui sont tous moins élevés les uns que les autres, communiquent entr'eux par les gouttières H ; ils sont pleins d'eau fraiche. Lorsque le lard est délayé, on le jette du bac B dans la chaudière G, comme on vient de dire. On l'y laisse fondre ; à mesure qu'il se fond l'huîle se forme et s'élève à la surface. On la ramasse avec des cuillières, et on la jette dans le bac 1 : à mesure qu'elle s'amasse dans le bac 1, elle descend dans le bac 2, et du bac 2 dans le bac 3. Au sortir du bac 3, on l'entonne dans des barriques pour être vendue.

On la fait passer successivement par ces bacs pleins d'eau, afin qu'elle se refroidisse plus promptement. Après qu'on a enlevé l'huile, il reste dans la poele un marc, des grillons, ou, pour parler la langue de l'art, des crotons. On prend ces crotons, et on les jette sur un grillage de bois, dont un des bouts porte sur le massif de la chaudière, et l'autre bout à l'extrémité d'un long bac qui correspond à toute la longueur du grillage, et qui reçoit l'huîle qui tombe des crotons qui s'égouttent sur le grillage. Voyez fig. 2. A, bac où l'on met le lard au sortir des barriques. B, fourneau. C, cendrier. D, grille. E, chaudière. G H, grillage à égoutter le croton. I K, bac qui reçoit les égouttures. Fig. 3. plan des mêmes choses. A, bac à lard. C, chaudière. D E, grillage. F G, bac à égouttures.

Les Basques, dans le commencement, faisaient la pêche dans la mer Glaciale, et le long des côtes du Groenland, où les baleines, qu'on appelle de grande baie, sont plus longues et plus grasses que dans les autres mers : l'huîle en est aussi plus pure, et les fanons de meilleure qualité, surtout plus polis, mais les navires y courent de très-grands dangers, à cause des glaces qui viennent souvent s'y attacher, et les font périr sans ressource. Les Hollandais l'éprouvent tous les ans de la manière du monde la plus triste.

Les côtes du Groenland ayant insensiblement rebuté les Basques, ils allèrent faire leur pêche en pleine mer, vers l'île de Finlande, dans l'endroit nommé Sarde, et au milieu de plusieurs bas-fonds. Les baleines y sont plus petites qu'en Groenland, plus adroites, s'il est permis de parler ainsi d'un pareil animal, et plus difficiles à harponner, parce qu'elles plongent alternativement, et reviennent sur l'eau. Les Basques encore rebutés, ont quitté ce parage, et ont établi leur pêche dans le détroit de Davis, vers l'île d'Inseo, souvent environnée de glaces, mais peu épaisses. Ils y ont trouvé les deux espèces de baleines, connues sous le nom de grandes baies, et de sarde. Voyez la pêche des baleines, dans l'ouvrage de M. Deslandes, que nous avons déjà cité.

La pêche des baleines, que nous avons apprise aux Hollandais, est devenue si considérable pour eux, qu'ils envoyent tous les ans sur nos ports sept à huit mille barrils d'huile, et du savon à proportion.

Quelqu'utîle que soit cette pêche, il s'est passé des siècles sans que les hommes aient osé la tenter. C'était, au temps de Job, une entreprise qu'on regardait comme si fort au-dessus de leurs forces, que Job même se sert de cet exemple pour leur faire sentir leur faiblesse, en comparaison de la toute-puissance divine. An extrahere poteris leviathan hamo, et fune ligabis linguam ejus ? Numquid pones circulum in naribus ejus, aut armillâ perforabis maxillam ejus ? Numquid multiplicabit ad te preces, aut loquetur tibi mollia ? Numquid faciet tecum pactum, et accipies eum servum sempiternum ? Numquid illudes ei quasi avi, aut ligabis eum ancillis tuis ? Concident eum amici ? Divident illum negociatores ? Numquid implebis sagenas pelle ejus, et gurgustium piscium capite illius ? Pone super eum manum tuam, memento belli ; nec ultra addas loqui. " Homme, enleveras-tu la baleine avec l'hameçon, et lui lieras-tu la langue avec une corde ? Lui passeras-tu un anneau dans le nez, et lui perceras-tu la mâchoire avec le fer ? La réduiras-tu à la supplication et à la prière ? Fera-t-elle un pacte avec toi, et sera-t-elle ton esclave éternel ? Te joueras-tu d'elle comme de l'oiseau, et servira-t-elle d'amusement à ta servante ? Tes amis la couperont-ils par pièces, et tes négociants la trafiqueront-ils par morceaux ? Rempliras-tu ton filet de sa peau, et de sa tête, le réservoir des poissons ? Mets ta main sur elle ; souviens-toi de la guerre, et ne parle plus. "

En vain les incrédules voudraient-ils mettre en contradiction le discours de Job avec l'expérience d'aujourd'hui : il est évident que l'écriture parle ici d'après les notions populaires de ces temps-là, comme Josué quand il dit, arrête-toi, Soleil. L'exemple du livre de Job est bien choisi : montre parfaitement la hardiesse de la tentative des Basques, et prouve qu'une exactitude scrupuleuse et peu nécessaire dans des raisonnements physiques, nuirait souvent au sublime.

Les anciens ne disent autre chose des baleines, sinon qu'elles se jettent quelquefois d'elles-mêmes à terre pour y jouir de la chaleur du soleil qu'elles aiment, et que d'autres échouent ou sont poussées sur les bords de la mer, par la violence de ses vagues. Si Pline rapporte que l'empereur Claude a donné le plaisir au peuple Romain, d'une espèce de pêche où l'on prit une baleine, il observe en même temps que ce monstre marin avait échoué au port d'Ostie ; qu'aussi-tôt qu'on l'aperçut dans le détroit, l'empereur en fit fermer l'entrée avec des cordes et des filets, et que ce prince accompagné des archers de la garde prétorienne, en fit monter un certain nombre dans des esquifs et des brigantins, qui lancèrent plusieurs dards à cet animal, dont il fut blessé à mort ; que dans le combat, il jeta une si grande quantité d'eau par son évent ou tuyaux, qu'il en mit à fond l'un des esquifs : mais cette histoire est rapportée comme un fait rare et singulier ; ainsi il demeure toujours pour constant que l'usage de cette pêche n'était pas commun.

Et pourquoi l'aurait-il été ? on ne connaissait presque pas, dans ces premiers temps, le profit qu'on en pouvait tirer, Juba, roi de Mauritanie, écrivant au jeune prince Caïus César fils d'Auguste, lui manda qu'on avait Ve en Arabie des baleines de six cent pieds de long et de trois cent soixante pieds de large, qui avaient remonté de la mer dans un fleuve d'Arcadie, où elles avaient échoué. Il ajoute que les marchands Asiatiques recherchaient avec grand soin la graisse de ce poisson, et des autres poissons de mer ; qu'ils en frottaient leurs chameaux pour les garantir des grosses mouches appelées taons, qui craignent fort cette odeur. Voilà, selon Pline, tout l'avantage que l'on tirait alors des baleines. Cet auteur fait ensuite mention de quarante-deux sortes d'huile, et l'on n'y trouve point celle de ce poisson : on savait encore si peu profiter de ce poisson, sous les règnes de Vespasien, de Tite, de Domitien, et de Nerva, que Plutarque rapporte que plusieurs baleines avaient échoué en donnant de travers aux côtes de la mer, comme un vaisseau qui n'a point de gouvernail ; que lui-même en avait Ve dans l'île d'Ancire ; qu'une entre les autres, que les flots avaient jetée sur le rivage proche la ville de Bunes, avait tellement infecté l'air par sa putréfaction, qu'elle avait mis la peste dans la ville et dans les environs.

Voici comment on prétend que nos Biscayens du cap-Breton, près de Bayonne, et quelques autres pêcheurs, ont été engagés à la pêche des baleines. Il parait tous les ans sur leurs côtes, vers l'hiver, de ces baleines qui n'ont point d'évent, et qui sont fort grasses : l'occasion de pêcher de ces poissons se présenta donc dans leur propre pays, et ils en profitèrent. Ils se contentèrent de ces baleines pendant fort longtemps : mais l'observation qu'ils firent ensuite, que ces monstrueux poissons ne paraissaient dans les mers de ces pays-là qu'en certaines saisons, et qu'en d'autres temps ils s'en éloignaient, leur fit naître le dessein de tenter la découverte de leur retraite. Quelques pêcheurs du cap-Breton s'embarquèrent et firent voîle vers les mers de l'Amérique, et l'on prétend que ce fut eux qui découvrirent les premiers les îles de Terre-Neuve, et la terre-ferme du Canada, environ cent ans avant les voyages de Christophle Colomb, et qu'ils donnèrent le nom de cap-Breton, leur patrie, à une de ces iles, nom qu'elle porte encore. Voyez Corneil. Witfl. Ant. Mang. Ceux qui sont de ce sentiment ajoutent que ce fût l'un de la nation de ces Biscayens qui donna avis de cette découverte à Colomb, l'an 1492, et que celui-ci s'en fit honneur : d'autres croient que ce ne fut que l'an 1504 que ce premier voyage fut entrepris par les Basques, auquel cas il serait postérieur à celui de Colomb. Quoi qu'il en sait, il est certain qu'ils découvrirent, dans les mers qui sont au nord de l'Amérique, un grand nombre de baleines, mais en même temps, qu'ayant aussi reconnu qu'elles sont encore plus abondantes en morues, ils préférèrent la pêche de ce dernier poisson à la pêche de l'autre.

Lorsque le temps approche où les navires baleiniers doivent revenir, il y a toujours des matelots en sentinelle dans le port de Succoa. Les premiers qui découvrent un bâtiment prêt à arriver, se hâtent d'aller à sa rencontre, et se font payer un droit de 30 sous par homme. Quelque temps qu'il fasse, ils s'embarquent sans rien appréhender, et se chargent de mouiller le bâtiment à un des endroits connus de la bonne rade. " Il est, dit M. Deslandes, aisé de voir que l'intérêt seul ne les guide point : rien, en effet, n'est plus modique, surtout dans les mauvais temps, et lorsque la mer brise contre une côte toute de fer, que la rétribution qu'on leur donne : mais ils seraient infiniment affligés de voir périr leurs compatriotes, et c'est un service d'humanité qu'ils se rendent mutuellement ".

* BALEINE, (le blanc de) n'est autre chose qu'une préparation de cervelle de cachalots, qui se fait à Bayonne et à Saint Jean de Luz. Prenez la cervelle de cet animal ; fondez-la à petit feu ; jetez-la ensuite dans des moules comme ceux des sucreries, laissez-la égoutter son huîle et se refroidir ; refondez-la ensuite, et continuez de la faire égoutter et fondre jusqu'à ce qu'elle soit bien purifiée et bien blanche : coupez-la ensuite et la remettez en écaille de la forme de celles qu'on nous vend. Il faut choisir ces écailles belles, blanches, claires, et transparentes, d'une odeur sauvagine, et sans aucun mélange de cire blanche, et les tenir dans des barrils ou des vaisseaux de verre bien fermés.

Je ne prétens point contredire M. Pomet sur la nature et la manière de faire le blanc de baleine, dit M. James dans son Dictionnaire de Médecine ; j'ai pourtant vu, ajoute-t-il, du blanc de baleine qui n'avait essuyé aucune préparation, et qu'on s'était contenté de mettre dans des sacs de papier pour en absorber l'huîle ; et je puis assurer que ce n'est ni l'huîle ni le sperme de la baleine, mais une substance particulière qu'on trouve dans la tête de ce poisson. On le trouve aussi dans d'autres endroits que la tête ; mais il y est moins bon. Voyez à l'article CACHALOT, ce qu'il y a de vrai ou de faux dans ce sentiment de M. James.

BALEINE, (le blanc de) Mat. med. est un remède dans plusieurs cas ; on l'emploie d'ordinaire pour les meurtrissures, les contusions internes, et après l'accouchement ; c'est un balsamique dans plusieurs maladies de la poitrine ; il déterge et consolide : il est très-sur et très-efficace dans les toux qui viennent d'un catarrhe opiniâtre, d'érosion, d'ulcération, aussi-bien que dans les pleurésies et les abcès internes ; c'est un consolidant, lorsque la mucosité des intestins a été emportée par l'acrimonie de la bile, comme dans les diarrhées et les dyssenteries. Il convient aussi dans les ulcères des reins et pour l'épaississement du sang ; il ramollit et relâche les fibres ; il contribue souvent à l'expulsion de la gravelle, en élargissant les passages : on l'emploie en forme d'électuaire et de bol, avec des conserves convenables et autres choses de cette espèce ; et lorsqu'on a eu le soin de le mêler comme il faut, il est difficîle que le malade le découvre sous cette forme ; on le dissout aussi par le moyen d'un jaune d'œuf, ou bien on le réduit en émulsion ; la dose ordinaire est d'environ demi-gros.

Employé à l'extérieur il est émollient, consolidant ; il sert surtout dans la petite vérole, et l'on en oint les pustules lorsqu'elles commencent à se durcir, après l'avoir mêlé avec de l'huîle d'amendes douces. Il n'y a pas longtemps qu'on s'en sert dans cette maladie, quoiqu'il ait été en usage du temps de Schroder, pour dissiper les crevasses que laissent la galle et les pustules.

On l'emploie souvent comme un cosmétique dans le fard, et dans les pâtes avec lesquelles on se lave les mains. (N)

BALEINE, (Astronomie) est une grande constellation de l'hémisphère méridional sous les Paissons, et proche de l'eau du Verseau. Voyez CONSTELLATION.

Il y a dans la baleine 22 étoiles selon le catalogue de Ptolomée ; 21, selon le catalogue de Tycho ; 22, selon Hevelius, et 78, dans le catalogue Britannique. (O)