mandragora, s. f. (Botanique) genre de plante à fleur monopétale en forme de cloche et profondément découpée. Il sort du calice un pistil qui pénétre jusqu'au-bas de la fleur ; ce pistil devient dans la suite un fruit mou, ordinairement rond, et dans lequel on trouve des semences qui ont le plus souvent la figure d'un rein. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

On pourrait presque reconnaître les mandragores, même avant qu'elles soient en fleurs, à la grosseur de leurs racines, et à la grandeur de leurs feuilles rondes et puantes.

Les deux principales espèces de ce genre de plante sont la mandragore blanche ou mâle, et la mandragore noire ou femelle, car il plait aux Botanistes de parler ainsi.

La mandragore mâle, nommée par Bauhin, Tournefort, Ray, mandragora fructu rotundo, C. B. P. 169. J. R. H. 76. Ray hist. 668. n'a point de tige. Sa racine est épaisse, longue, quelquefois simple et unique, souvent partagée en deux, trois ou quatre parties. Elle est blanchâtre en-dehors, ou d'une couleur cendrée, ferrugineuse, pâle en-dedans. Il sort du sommet de sa racine, des feuilles longues d'environ une coudée, presque larges d'une palme et demie, pointues des deux côtés, d'un verd foncé, fétides. On voit naître d'entre les feuilles plusieurs pédicules longs de deux, trois ou quatre pouces. Ces pédicules portent chacun une fleur d'une seule pièce, en cloche, divisée en cinq parties, légérement velue, blanchâtre, un peu purpurine et fétide. Le calice est velu, verd, partagé en cinq lanières. Le pistil perce la partie inférieure de la fleur, se change en un fruit de la figure et de la grosseur d'une petite pomme, verd d'abord, ensuite jaunâtre, charnu, mol, d'une odeur forte et puante. Sa pulpe contient des graines blanches, arrondies, aplaties, et presque de la figure d'un rein.

La mandragore femelle, par Tournefort, J. R. H. 76. mandragora flore sub caeruleo, purpurascente, a les feuilles semblables à celles de la mandragore mâle, mais plus étroites et plus noires. Ses fleurs sont de couleur purpurine, tirant sur le bleu : ses fruits sont plus pâles, plus petits, de la figure de ceux du sorbier ou du poirier, mais d'une odeur aussi forte que ceux de la mandragore mâle. Ses graines sont plus petites et plus noires : sa racine est longue, plus noirâtre en-dehors, blanchâtre en-dedans. L'une et l'autre mandragore viennent naturellement dans les pays chauds, en Italie, en Espagne, dans les forêts, à l'ombre et sur le bord des fleuves.

On les trouve dans les jardins de médecine, où on les seme de graine, et leurs racines se conservent saines, fortes et vigoureuses pendant plus de cinquante ans : les feuilles et l'écorce des racines de cette plante sont de quelque usage rare. (D.J.)

MANDRAGORE, (Pharmac. et Mat. médic.) les feuilles et les racines de mandragore répandent une odeur puante, nauséabonde, et qui porte à la tête. On ne doit point les prescrire intérieurement, quoique les auteurs de matière médicale ne soient pas absolument d'accord sur leur qualité vénéneuse ; car le soupçon seul qu'on peut en avoir suffit pour les faire rejeter de l'ordre des remèdes intérieurs, puisque d'un autre côté la vertu narcotique fébrifuge et utérine qu'on lui a attribuée n'est pas évidente, et que nous ne manquons pas de remèdes éprouvés qui possèdent ces diverses vertus. La propriété de purger par haut et par bas avec violence, quoique plus constatée, surtout dans les racines, n'est pas un meilleur titre, puisque rien n'est si commun que les remèdes qui ont ces qualités.

Les feuilles et l'écorce de la racine de mandragore appliquées extérieurement passent pour émollientes, discussives et éminemment stupéfiantes, elles sont recommandées par divers auteurs, pour résoudre les tumeurs dures et skirrheuses, et pour apaiser la douleur des tumeurs inflammatoires, surtout de l'érésipele : dans ce dernier cas, on les fait ordinairement bouillir avec du lait ; mais les Médecins prudents craignent l'application des remèdes qui calment trop efficacement et trop soudainement la douleur, et qui peuvent opérer des résolutions précipitées. Voyez REPERCUSSIF, STUPEFIANT, TOPIQUE et INFLAMMATION.

L'application extérieure des feuilles, des racines et du suc de mandragore sous forme de cataplasme et de fomentation, ou mêlés avec d'autres substances plus ou moins analogues, telles que la ciguè, le tabac, etc. dans des onguents ou des emplâtres ; leur application, dis-je, sous toutes ces formes est fort recommandée contre les obstructions des viscères, et surtout contre les tumeurs dures de la rate.

On prépare aussi une huîle de mandragore par infusion et par décoction, à laquelle on a attribué les mêmes vertus.

Le fruit de mandragore, dont on ne fait aucun usage, a été regardé aussi comme ayant la vertu d'assoupir et d'engourdir, soit par sa pulpe, soit par ses graines. Mais il a été démontré par des expériences, qu'on pouvait manger des fruits de mandragore avec leur graine, sans en éprouver le moindre assoupissement, ni aucune autre incommodité.

La mandragore entre dans les compositions suivantes de la pharmacopée de Paris ; savoir, ses feuilles dans le baume tranquille, dans l'onguent populeum, et l'écorce de sa racine dans le requies de Nicolas Mirepse.

Les fables que les anciens ont débitées sur la mandragore, se sont dès longtemps répandues chez le peuple ; il sait que la racine de mandragore produit des effets surprenans par sa prétendue figure humaine, qu'elle procure surtout la fécondité aux femmes ; que les plus excellentes de ces racines sont celles qui sont arrosées de l'urine d'un pendu ; qu'on ne peut les arracher sans mourir ; que, pour éviter ce malheur, on creuse la terre tout autour de cette racine ; qu'on y fixe une corde qui est attachée par son autre extrémité au cou d'un chien ; que ce chien étant ensuite chassé, arrache la racine en s'enfuyant ; qu'il succombe à cette opération, et que l'heureux mortel qui ramasse alors cette racine, ne court plus le moindre danger, mais qu'il possède au contraire en elle un trésor inestimable, un rempart invincible contre les maléfices, une source éternelle de bonheur, etc. On ne meurt point en arrachant la racine de mandragore ; cette prétention seule a paru digne d'être examinée, et elle l'a été ; les autres sont trop misérables, pour qu'elles méritent de faire naître le moindre doute.