S. f. (Histoire naturelle, Botanique) chelone, genre de plante à fleur en masque, dont la lèvre supérieure est voutée en dos de tortue, l'inférieure est découpée en trois parties. Le derrière de la fleur est retréci en tuyau dont l'ouverture reçoit le pistil qui devient un fruit arrondi, oblong, partagé en deux loges remplies de semences bordées d'un petit feuillet. Tournefort, Mém. de l'acad. royale des Sciences. Voyez PLANTE.

TORTUE, s. f. (Histoire naturelle, Zoologie) testudo, animal quadrupede ovipare, recouvert en-dessus et en-dessous par une grosse écaille. Il y a plusieurs espèces de tortues que l'on divise en deux classes, dont la première comprend les tortues terrestres, et la seconde les tortues aquatiques, c'est-à-dire celles qui restent dans la mer ou dans les eaux douces. Les tortues aquatiques diffèrent principalement des terrestres, en ce que leurs doigts tiennent à une membrane qui leur sert de nageoire. Les tortues de terre ne deviennent jamais aussi grandes que celles qui vivent dans la mer. Solin rapporte que deux écailles d'une certaine espèce de tortue de mer suffisent pour couvrir l'habitation d'un indien. On trouve dans les Mémoires de l'académie royale des Sciences, la description d'une très-grande tortue terrestre prise sur la côte de Coromandel. Cette tortue (Pl. XIV. fig. 5.), avait quatre pieds et demi de longueur depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue, et un pied deux pouces d'épaisseur ; l'écaille était longue de trois pieds, et elle avait deux pieds de largeur ; elle était composée à sa partie supérieure de plusieurs pièces de différentes figures, dont la plupart étaient pentagones ; toutes ces pièces se trouvaient placées et collées sur deux os, dont l'un couvrait le dos et l'autre le ventre ; ils étaient joints ensemble sur les côtés par des ligaments très-forts ; ils enfermaient les entrailles de cet animal, et ils avaient une ouverture en-devant pour laisser passer la tête et les jambes de devant, et une autre en-arrière pour la queue et les jambes de derrière. Ces os sur lesquels ces écailles étaient appliquées avaient un pouce et demi d'épaisseur en quelques endroits, et seulement une ligne et demie dans d'autres. Les trois plus grandes pièces d'écailles étaient situées sur la partie antérieure du dos, elles avaient chacune une bosse ronde, élevée de trois ou quatre lignes, et large d'un pouce et demi. Le dessous du ventre était un peu concave. Toutes les parties de l'animal qui sortaient hors de l'écaille, savoir la tête, les épaules, les bras, la queue, les fesses et les jambes étaient revêtues d'une peau lâche, ridée, et couverte de petits grains ou tubercules comme le maroquin ; cette peau était adhérente aux bords des deux ouvertures où elle se terminait sans se prolonger au-dedans des écailles. La tête ressemblait en quelque sorte à celle d'un serpent, elle avait sept pouces de longueur et cinq de largeur ; les yeux étaient très-petits, et ils n'avaient point de paupière supérieure ; il ne se trouva point d'ouverture pour les oreilles ; les lèvres étaient couvertes d'une peau dure comme de la corne, et découpées en manière de scie, et il y avait en-dedans de la bouche deux rangées de dents. Les jambes étaient fort courtes ; celles de devant avaient cinq doigts qui n'étaient distincts que par les ongles, et les pattes de derrière n'en avaient que quatre. Les ongles étaient arrondis en-dessus et en-dessous, et leur coupe faisait une ovale, car ils étaient émoussés et usés ; ils avaient un pouce et demi de longueur. Les tortues de terre étant renversées sur le dos, peuvent se retourner sur le ventre, en appuyant la tête et le cou fortement contre terre. Mém. de l'acad. royale des Sciences, par M. Perrault, tom. III. part. II.

Les tortues aquatiques diffèrent principalement des tortues terrestres, en ce qu'elles ont des nageoires au-lieu de pattes. Les espèces les mieux connues sont la tortue franche, la kaouanne, et le caret. La chair de la tortue franche ressemble parfaitement à celle du bœuf par sa couleur, mais la graisse est d'un jaune verdâtre ; elle a fort bon gout.

La kaouanne est la plus grosse ; on en trouve qui ont jusqu'à cinq pieds de longueur sur quatre de largeur ; elle a la tête beaucoup plus grosse que toutes les autres à proportion du reste du corps ; sa chair a un mauvais goût et sent la marée ; elle se défend de la gueule et des pattes contre ceux qui veulent la prendre. Les plaques d'écailles de cette espèce de tortue sont beaucoup plus grandes que celles du caret, et cependant moins estimées parce qu'elles ont moins d'épaisseur.

Le caret a la chair moins bonne que celle de la tortue franche, mais beaucoup meilleure que celle de la kaouanne ; il est plus petit que les deux espèces précédentes ; il a treize plaques ou feuilles d'écailles, huit plates et cinq courbes, qui sont plus estimées que celles des autres espèces de tortues.

Les tortues pondent les œufs ronds, et couverts d'une membrane molle et blanche : ces œufs sont composés comme ceux des oiseaux, de deux substances différentes ; le jaune se durcit aisément en cuisant, mais le blanc reste toujours liquide. Une seule tortue pond deux ou trois cent œufs, gros comme des balles de paume, et durant sa ponte rien n'est capable de la faire cesser ni de la mettre en fuite. Les tortues de mer viennent la nuit sur les anses pour y déposer leurs œufs dans le sable ; elles y font un creux qui a environ un pied de largeur et un pied et demi de profondeur : lorsque leur ponte est finie, elles couvrent les œufs avec du sable, et elles retournent à la mer. Les œufs éclosent à la chaleur du soleil, et les petites tortues qui en sortent vont à la mer dès qu'elles sont nées. La pêche des tortues se fait principalement dans le temps de la ponte, on les prend très-aisément lorsqu'elles sont hors de l'eau ; on les renverse sur le dos pour les empêcher d'y retourner. Histoire naturelle des Antilles, par le père Dutertre, tome II.

La tortue a la vie très-dure. Rédi a éprouvé que les tortues de terre peuvent vivre dix-huit mois sans manger : ce même auteur a reconnu que la tortue pouvait vivre assez longtemps sans cerveau, et que la privation de cette partie ne lui faisait pas perdre son mouvement progressif : il fit au crane d'une tortue de terre une large ouverture, par laquelle il tira tout le cerveau, de façon qu'il n'en resta pas la moindre particule, cependant cette tortue conserva tous ses mouvements, excepté ceux des yeux, qui se fermèrent aussi-tôt après l'opération ; au reste, elle allait et venait comme auparavant, et elle vécut encore six mois dans cet état : une autre tortue dont la tête avait été coupée vécut pendant vingt-trois jours : les tortues d'eau ne survivent pas si longtemps à de pareilles opérations.

On vient de lire la description anatomique de la tortue, et beaucoup d'autres faits curieux sur ce genre d'animal testacé, dont le caractère distinctif est d'avoir une queue, et d'être couvert d'une écaille large, voutée, dure et osseuse. Ses pieds de devant sont composés chacun de cinq doigts, garnis d'ongles ; ceux de derrière n'en ont que quatre ; sa queue est grosse au commencement, et finit en pointe ; toutes les parties qui paraissent hors de l'écaille de la tortue sont couvertes d'une peau large, plissée par de grandes rides, et grenées comme du maroquin. Il y a différentes espèces de tortues ; nous allons parcourir les principales.

1°. La tortue commune. Elle est marbrée de taches noires et jaunes, et sillonnée de raies sur le dos. Son écaille de dessus est extrêmement convexe ; celle du dessous du corps est aplatie. Sa tête est courte, ressemblante en quelque manière à celle d'un serpent, et est couverte d'une peau mince ; l'animal peut la tirer en dehors ou en dedans à sa volonté ; il n'a ni paupières, ni oreilles externes ; il peut passer l'hiver sous terre sans presque aucune nourriture.

2°. La jaboti des habitants du Brésil nommée par les Portugais cagado de tierrâ ; cette espèce a une écaille noire, gravée de différentes figures hexagonales ; sa tête et ses jambes sont brunes, avec des marbrures de taches d'un jaune obscur ; son foie est un manger délicat.

3°. La tortue de rivière ou d'eau dormante, se trouve fréquemment dans les fossés qui entourent les murailles des villes. Son écaille est noire, peu convexe, et composée de plusieurs pièces lisses, et délicatement articulées ensemble ; elle est d'une vie si dure, qu'elle conserve encore du mouvement dans son corps pendant quelques minutes après qu'on lui a coupé la tête.

4°. La tortue de mer ordinaire ; elle est plus grosse que la tortue terrestre ; mais son écaille est moins lisse et moins belle, ses pieds sont faits comme les nageoires des poissons, et par conséquent très-propres pour nager. Elle a à chaque mâchoire un os continu qui est reçu dans le sinus de la mâchoire opposée, et qui lui sert à mâcher sa nourriture. La femelle sort de la mer pour pondre ses œufs ; elle en fait à terre une grande quantité en une seule ponte, les couvre de sable, retourne dans l'eau, et le soleil les fait éclore au bout d'une quarantaine de jours.

5°. La jurucua des Brésiliens nommée tartaruga par les Portugais, et par les Français, tortue-franche ; elle a une sorte de nageoire au lieu de pieds ; celles de devant sont longues chacune de 6 pouces, mais celles de derrière sont beaucoup plus courtes ; son écaille est agréablement ornée de différentes figures.

6°. La kaouanne ; c'est une tortue de mer de forme semblable aux autres de cet élément, d'une écaille plus forte, mais d'une chair de mauvais gout.

7°. La tortue nommée en français le caret ; c'est une petite espèce de tortue qui pond ses œufs dans le gravier et le cailloutage ; on ne fait aucun cas de sa chair, mais on en fait un fort grand de son écaille.

8°. La jurura des Brésiliens, ou cagado d'agoa des Portugais ; elle est beaucoup plus petite que les autres ; l'écaille qui la couvre est de forme elliptique, et très-voutée sur le dos. Marggrave dit avoir gardé chez lui une tortue de cette espèce vingt-un mois, sans lui avoir donné aucune nourriture.

9°. La petite tortue terrestre des Indes orientales ; cette espèce n'a que trois pouces de long ; sa coquille est composée de trois sortes d'écailles entourées d'une bordure générale ; leurs couleurs sont d'une grande beauté, blanches, pourpres, jaunes et noires ; la coquille du ventre est blanche avec une agréable empreinte d'un grand nombre de raies ; sa tête et son museau sont assez semblables à la tête et au bec du perroquet ; le dessus de la tête est diapré de rouge et de jaune ; son cou est fort mince ; ses jambes de devant sont garnies de petites écailles avec des pieds aplatis, qui finissent en quatre orteils ; ses jambes de derrière sont beaucoup plus longues, beaucoup plus déliées que celles de devant, et seulement couvertes d'une peau rude ; sa queue est longue de trois pouces, menue et pointue.

10°. La petite tortue échiquetée et rayonnée ; son écaille a environ sept travers de doigts de longueur, et cinq de largeur ; elle est noire, marquetée de figures rhomboïdes, et composée de trois rangs de tubercules, qu'entoure une bordure générale ; le milieu de ces tubercules est rayonnant d'étoiles ; l'écaille du ventre est formée de huit pièces dont les deux plus considérables sont marbrées, d'un jaune tirant sur le noir.

11°. La grande tortue échiquetée ; cette espèce qui est la plus voutée de toutes les tortues se trouve dans l'île de Madagascar. Elle est longue d'un pied, large de huit pouces, et haute de six ; c'est du-moins la taille de celle qui est dans le cabinet de la société royale, et dont Grew a donné la figure.

12°. Joignons ensemble la tortue de Surinam, la tortue de Virginie dont l'écaille est en mosaïque ; ce sont de belles tortues, dont les écailles sont presque autant estimées que celles du caret, comme disent nos ouvriers.

TORTUE, pêche de la, (Pêche marine) on prend ordinairement les tortues de trois manières différentes : la première, en les tournant sur le sable ; la seconde, avec la varre ; et la troisième, avec la folle. Pour la première manière, on observe quand elles viennent pondre leurs œufs sur le sable, ou quand elles viennent reconnaître le terrain où elles ont intention de pondre. Quand on trouve une trace ou un train neuf sur le sable, il est ordinaire qu'en revenant au même lieu dix-sept jours après, on y trouve la tortue qui vient pondre. On la prend par le côté et on la renverse sur le dos, d'où elle ne saurait se relever, à la réserve du caret qui a la carapace convexe, ce qui facilite son retour sur le ventre, mais on tue celui-là sur le champ ; ou bien étant tourné sur le dos, on met de grosses pierres autour de lui.

La seconde manière de pêcher les tortues, est de les varrer dans la mer, ou percer avec la varre. Voyez VARRE.

La troisième est de les prendre avec un filet qui s'appelle la folle. Voyez FOLLE.

On voit souvent vers la côte du Méxique, flotter les tortues en grand nombre sur la surface de la mer, où elles sont endormies pendant la grande chaleur du jour ; on en prend par adresse sans varre et sans filet, et voici comment. Un bon plongeur se met sur l'avant d'une chaloupe, et dès qu'il ne se trouve plus qu'à quelques taises de la tortue, il plonge et fait en sorte de remonter par la surface de l'eau auprès de cet animal ; il saisit l'écaille tout contre la queue, et en s'appuyant sur le derrière de la tortue, il la fait enfoncer dans l'eau ; l'animal se réveille, se débat des pattes de derrière, et ce mouvement suffit pour la soutenir sur l'eau aussi-bien que l'homme, jusqu'à ce que la chaloupe vienne et les pêche tous deux.

Le manger de la tortue franche est non-seulement excellent, mais très-sain. Milord Anson dit que son équipage en vécut pendant tout son séjour dans l'île de Quibo, c'est-à-dire pendant plus d'un mois. (D.J.)

TORTUE, (Matière médicale) il ne s'agit dans cet article que de la tortue de notre pays, ou tortue de terre, et de celle d'eau-douce qui diffère très-peu de la première, surtout par ses qualités médicinales, l'article suivant étant particulièrement destiné à la grande tortue de l'Amérique ou tortue de mer.

On mange à peine chez nous la tortue de terre ou la tortue d'eau-douce, ainsi nous n'avons aucune observation à proposer sur son usage diétetique. Quant à ses usages médicinaux, nous observerons que les Médecins modernes l'emploient assez communément sous la forme de bouillon, et qu'on en prépare un syrop composé auquel elle donne son nom, et qui est connu dans les dispensaires sous le nom de syrupus de testudinibus resumptivus.

Pour préparer un bouillon de tortue, on prend un de ces animaux de médiocre grosseur, par exemple, pesant environ douze onces avec l'écaille. On la retire de son écaille ; on en sépare la tête, les pieds et la queue ; on prend la chair, le sang, le foie et le cœur ; et on les fait cuire ordinairement avec un jeune poulet, et des plantes et racines propres à remplir l'intention du médecin, passant et exprimant selon l'art : ces bouillons sont recommandés dans tous les livres, et sont assez généralement employés par les médecins de Montpellier, comme une sorte de spécifique contre la phtisie, le marasme et les autres maladies de langueur. Tous ceux qui n'en ont pas observé l'effet par eux-mêmes, craient qu'un suc mucilagineux, incrassant, éminemment adoucissant qu'ils supposent dans la tortue, adoucit le sang, lui redonne son baume naturel, en corrige, en enveloppe les âcretés ; assouplit les solides, et dispose ainsi les petites crevasses, et même les ulcères naissants de la poitrine à se consolider ; que ce prétendu suc glutineux et balsamique est encore capable de déterger et de consolider des ulcères internes plus avancés ; mais indépendamment des raisons victorieuses contre ces vaines spéculations qui sont déduites aux articles incrassants, muqueux et nourrissants, voyez ces articles, les médecins qui ont quelqu'expérience sur l'opération des bouillons de tortue, savent que leur effet prochain et immédiat consiste à animer le mouvement progressif du sang, jusqu'au point de donner quelquefois la fièvre et à pousser considérablement vers les couloirs de la peau. Il peut très-bien être que dans plusieurs de ces phtisies, de marasme, de fièvre hectique, etc. ce dernier effet, savoir l'effet sudorifique, concourt très-efficacement à la guérison de ces maladies, dans lesquelles l'excrétion cutanée est considérablement diminuée ; mais il arrive aussi dans bien d'autres cas, par exemple, dans la plupart de ceux où les maladies de poitrine ont commencé par des crachements de sang ; il arrive, dis-je, que les bouillons de tortue renouvellent et précipitent le malade vers sa fin. Ce remède doit donc être administré avec beaucoup de circonspection : d'ailleurs les observations de ses bons effets dans les cas dont nous venons de parler, manquent presque absolument, sont du-moins très-rares ; parce qu'on a recours communément à ce remède, comme à tous ceux qui sont les plus vantés contre les maladies chroniques de la poitrine, lorsque ces maladies sont trop avancées, lorsqu'il n'y a plus rien à espérer des remèdes.

Les maladies dans lesquelles les bouillons de tortue font le plus manifestement du bien, sont celles de la peau ; mais il faut persister longtemps dans l'usage de ce remède.

Le syrop de tortue se prépare ainsi, selon la pharmacopée de Paris : Prenez chair de tortue de terre, une livre : orge mondé et chair de dattes, de chacun deux onces : raisins secs de Damas, mondés de leurs pepins, et réglisse seche rapée, de chacun une once : sebestes et jujubes, de chacun demi-once : pignons et pistaches mondées, de chacun demi-once : fruits de cacao rôtis et broyés, semences de melon, de concombre et de citrouille, de chacun deux gros : semence de laitue, de pavot blanc, de mauve, de chacun un gros : feuilles de pulmonaire, demi-once : fleurs seches de violettes et de nénuphar, de chacun un gros (ou recentes, de chacun une once.) Faites la décoction de toutes ces drogues, selon l'art, dans douze livres d'eau, que vous réduirez à la moitié.

Passez et clarifiez avec quatre livres de sucre rosat ; et cuisez à consistance de syrop, auquel vous pouvez ajouter pour l'aromatiser, quatre gouttes de néroli ou huîle essentielle de fleurs d'orange.

Nota. Que ce syrop ne doit pas être conservé longtemps, parce qu'il n'est pas de garde, et qu'il est sujet à se gâter.

On a voulu rassembler dans ce syrop le principe médicamenteux des principales matières regardées comme éminemment pectorales ou béchiques incrassantes : on a réuni en effet dans ce remède une gelée animale assez tenace, lenta, savoir celle de tortue. Plusieurs substances muqueuses, végétales, éminemment douces ; savoir, celle des dattes, des raisins-secs, de la réglisse, des sebestes, des jujubes et le sucre ; un mucilage léger, fourni par les fleurs de violette et de nénuphar ; et enfin l'extrait très-nitreux des feuilles de pulmonaire ; les semences émulsives qu'on y a entassées, ne fournissent rien à ce syrop. Dans l'état où l'art est parvenu aujourd'hui, c'est une ignorance et une barbarie, que de laisser subsister dans la formule de ce syrop, les pignons, les pistaches, les semences de melon, de concombre, de citrouille, de laitue, de mauve et de pavot blanc, et très-vraisemblablement le cacao. Voyez ÉMULSION et SEMENCES EMULSIVES. Le sucre-rosat est une puérilité ; c'est du bon sucre blanc qu'il faut employer à sa place. Voyez SUCRE et SYROP.

S'il existait de vrais pectoraux, voyez PECTORAL ; s'il existait de vrais incrassants, voyez INCRASSANT, ce syrop serait le pectoral incrassant, par excellence ; si une préparation toute composée de matières purement alimenteuses pouvait être véritablement restaurante, on ne devrait point refuser cette qualité au syrop de tortue. Mais comme les substances purement nourrissantes ne sont ni pectorales ni incrassantes, ni restaurantes à petite dose, il est évident que ces vertus sont attribuées au syrop de tortue par charlatanerie ou par préjugé. On peut assurer que cette préparation n'a restauré personne ; et que si elle a calmé quelque toux, ç'à été toujours des toux gutturales ou stomachales, et encore sur des sujets qui avaient l'estomac assez bon pour vaincre la fade et gluante inertie du syrop de tortue. (b)

TORTUE, autrement TORTILLE, (Géographie moderne) Cette île qui appartient à la couronne d'Espagne, doit le nom qu'elle porte à la quantité de tortues que l'on prend sur son rivage. Elle est située à douze lieues ou environ sous le vent de l'île de la Marguerite, sur la côte de Venezuela, dans l'Amérique équinoxiale. Il ne faut pas la confondre avec une autre île de la tortue située à la bande du nord de Saint-Domingue.

TORTUE, (Chirurgie) espèce de tumeur qui se forme à la tête. Voyez TESTUDO et TALPA. (Y)

TORTUE, (Art militaire) On appelait ainsi chez les anciens une espèce de galerie couverte, dont on se servait pour approcher à-couvert de la muraille des places qu'on voulait ruiner, ou pour le comblement du fossé.

On appelle tortues-bélières celles qui servaient à couvrir les hommes qui faisaient agir le bélier. Voyez BELIER.

Vitruve nous a donné la description et la structure de la tortue qui servait à combler le fossé. On la poussait sur le comblement, à-mesure que l'ouvrage avançait, jusqu'au pied du rempart ou des tours qu'on sappait à-couvert de cette machine. Elle était composée d'une grosse charpente très-solide et très-forte. C'était un assemblage de grosses poutres : les salières, les poteaux, et tout ce qui la composait, devait être à l'épreuve des machines et de toutes sortes d'efforts : mais sa plus grande force devait être portée au comble et dans les poutres qui la soutenaient, pour n'être point écrasée des corps jetés d'en-haut. On l'appelait tortue, parce qu'elle servait de couverture et de défense très-forte et très-puissante contre les corps énormes qu'on jetait dessus, et ceux qui étaient dessous, s'y trouvaient en sûreté, de-même que la tortue l'est dans son écaille : elle servait également pour le comblement du fossé et pour la sappe de la muraille. (Folard, Attaq. des places des anciens.) Cet auteur prétend que la tortue n'était autre chose que le musculus des anciens.

Les Romains avaient encore d'autres espèces de tortues, savoir, pour les escalades et pour le combat.

La tortue pour l'escalade consistait à faire avancer les soldats par pelotons proche des murs, en s'élevant et en y couvrant la tête de leurs boucliers ; en sorte que les premiers rangs se tenant droits et les derniers à-genoux ; leurs boucliers arrangés ensemble les uns sur les autres comme des tuiles, formaient tous ensemble une espèce de toit, sur lequel tout ce qu'on jetait du haut des murs, glissait sans faire de mal aux troupes qui étaient dessous. C'était dans ces opérations que les boucliers creux dont se servaient les légionnaires, devenaient plus utiles et plus commodes que les autres. On faisait encore monter d'autres soldats sur ce toit de boucliers, qui se couvrant de-même, tâchaient d'écarter avec des javelines ceux qui paraissaient sur les murs, et d'y monter en se soulevant les uns les autres.

Cette tortue ne pouvait avoir lieu que lorsque les murs étaient peu élevés.

L'autre tortue pour le combat, se formait en rase campagne avec les boucliers pour se garantir des traits et des flèches. Selon Plutarque, Marc-Antoine s'en servit contre les Parthes pour se mettre à-couvert de la prodigieuse quantité de flèches qu'ils tiraient sur ses troupes. Cette tortue se faisait ainsi :

Les légionnaires enfermaient au milieu d'eux les troupes légèrement armées ; ceux du premier rang avaient un genou en terre, tenant leur bouclier droit devant eux ; et ceux du second rang mettaient le leur dessus la tête de ceux du premier rang ; ceux du troisième couvraient ceux du second ; et ainsi des autres, en observant que leurs boucliers anticipassent un peu les uns sur les autres, de-même qu'on arrange les tuiles, en sorte qu'ils formaient une manière de toit avec leurs boucliers, qui étant un peu creux, se joignaient facilement les uns aux autres, et les mettaient ainsi à l'abri des flèches, principalement de celles qu'on tirait en l'air, comme faisaient les Parthes. Des mœurs et des usages des Romains. (Q)

TORTUE DE MER, (Marine) sorte de vaisseau qui a le pont élevé en manière de tait, afin de mettre à-couvert les personnes et les effets qui y sont.

TORTUE, île de la, (Géographie moderne) île de l'Amérique septentrionale, une des Antilles, à deux lieues au nord de S. Domingue. Elle a six lieues de long de l'est à l'ouest, et deux de large du nord au sud. Sa partie septentrionale est inaccessible à cause des rochers qui l'environnent. Les autres parties peuvent produire du tabac, du coton, du sucre et de l'indigo. Cette île chétive, aujourd'hui déserte, a couté aux Espagnols et aux François cent fois plus qu'elle ne peut produire en cent ans. Latit. 20. (D.J.)

TORTUE, île de la, (Géographie moderne) île de l'Amérique septentrionale, dans la mer du Nord, à 14 lieues au sud-ouest de celle de Sainte-Marguerite ; elle abonde en sel, ainsi que l'île de la Tortue de Saint-Domingue ; mais elle est déserte. Latit. septent. 11. d. (D.J.)

TORTUES, îles des, (Géographie moderne) îles de l'Amérique septentrionale, au nombre de sept ou huit, et que quelques-uns mettent au rang des Lucayes ; on les trouve au midi occidental du cap de la Floride, environ à 294 d. de longitude, entre les 24 et 25 d. de latitude nord. (D.J.)