LE, s. m. (Botanique) nom commun à plusieurs genres de plantes, et qui peut justifier que les Botanistes modernes ne sont pas toujours exempts des défauts d'homonimie qu'ils reprochent à leurs prédécesseurs.

Saumaise a perdu son temps et ses peines à vouloir découvrir quelles sont les diverses plantes auxquelles les anciens ont donné le nom de lotus. Tout ce qu'il en dit, n'est qu'un étalage d'érudition qui ne répand aucune lumière sur ce sujet. Il est clair qu'il ne faut pas espérer de rien apprendre par l'étymologie du nom, parce que ce nom est commun à beaucoup de plantes, et que Théophraste avoue qu'il y en a effectivement plusieurs qui le portent.

Cependant à force de recherches, il semble dumoins que nous soyons parvenus à connaître aujourd'hui le lotus en particulier, dont parle le même Théophraste, le lotus, dis-je, qui croissait en Egypte et au bord du Nil.

Le merveilleux qui se lit dans la description qu'en a donné cet auteur, avait tellement et si longtemps ébloui les Botanistes, que ne trouvant rien de plus commun dans les campagnes arrosées par le Nil que des nymphaea, ils ont été des siècles entiers à n'oser croire que c'en fût un.

Abanbitar, savant médecin de Malaga, est le premier qui l'ait reconnu pour tel, dans le voyage qu'il fit au Caire avec Saladin, au commencement du XIIIe siècle. Prosper Alpin en est convenu depuis ; et de nos jours, M. Lippi, à qui l'amour de la Botanique fit entreprendre en 1704 le voyage de la haute Egypte, a confirmé cette notion dans les mémoires de ses découvertes, qu'il envoyait à M. Fagon, premier médecin du feu roi.

La figure que nous en avons la plus conforme à la description de Théophraste, nous a été donnée d'après nature par l'auteur du recueil des plantes de Malabar ; les parties qui en sont représentées sur les monuments, s'y trouvent très conformes. La fleur est de toutes ces parties celle qui s'y remarque le plus ordinairement en toutes sortes d'états ; ce qui vient du rapport que ces peuples croyaient qu'elle avait avec le soleil, à l'apparition duquel elle se montrait d'abord sur la surface de l'eau, et s'y replongeait dès qu'il était couché ; phénomène d'ailleurs très-commun à toutes les espèces de nymphaea.

C'était-là l'origine de la consécration que les Egyptiens avaient faite de cette fleur à cet astre, le premier et le plus grand des dieux qu'ils aient adoré. De-là vient la coutume de la représenter sur la tête de leur Osiris, sur celles d'autres divinités, sur celle même des prêtres qui étaient à leur service. De tous temps et en tous pays les prêtres ont voulu partager les honneurs qu'on rend aux divinités qu'ils servent.

Les rois d'Egypte affectant les symboles de la divinité, se sont fait des couronnes de cette fleur. Elle est aussi représentée sur les monnaies, tantôt naissante, tantôt épanouie, et environnant son fruit. On la voit avec sa tige comme un sceptre royal dans la main de quelques idoles.

Le lotus de Théophraste est donc l'espèce de nénuphar, nommée nymphaea alba, major, aegyptiaca, par quelques-uns de nos Botanistes, et que Prosper Alpin a si bien décrite dans son second livre des plantes d'Egypte, chap. XVIe

Sa tige ressemble à celle de la feve, et pousse quantité de fleurs blanches, comme celles du lis. Ses fleurs se resserrent, plongent la tête dans l'eau quand le soleil se couche, et se redressent quand il parait sur l'horizon. Il porte une tête et une graine comme le pavot, ou semblable au millet dont les Egyptiens faisaient autrefois du pain, ainsi que le témoignent Hérodote et Théophraste. Cette plante a une racine faite en forme de pin, qui est bonne à manger crue et cuite.

Il y a une autre espèce de lotus ou de nymphaea, dont Cluvius et Herman nous ont donné des figures, et qui ne diffère de la précédente que par la couleur incarnate de sa fleur. Cette fleur, au rapport d'Athénée, liv. XV. est celle qu'un certain poète présenta comme une merveille, sous le nom de lotus antoien, à l'empereur Hadrien, qui renouvella dans Rome le culte d'Isis et de Sérapis.

Le fruit de cette plante, qui a la forme d'une coupe de ciboire, en portait le nom chez les Grecs. Dans les bas reliefs, sur les médailles et sur les pierres gravées, souvent elle sert de siege à un enfant, que Plutarque dit être le crépuscule, à cause de la similitude de couleur de ce beau moment du jour avec cette fleur. Le lotus antoien est vraisemblablement la même chose que la feve d'Egypte, qui a été assez amplement décrite par Théophraste.

Les autres lotus mentionnés dans les écrits des anciens sont des énigmes qu'on n'a point encore devinées. Nous n'avons point Ve ces plantes dans leur lieu natal pour les reconnaître, et les descriptions qui nous en restent sans figures sont très-vagues, très-courtes et très-imparfaites.

Les modernes n'ont que trop imité les anciens à imposer le nom de lotus à plusieurs genres de plantes différentes, à les mal caractériser, à en donner de mauvaises représentations et des descriptions incomplete s. C'est un nouveau chaos, qu'on a bien de la peine à débrouiller.

Il y a d'abord le lotus, en français lotier ou treffle sauvage, genre de plante particulier, dont on compte vingt-trois espèces.

Il y a le lotus ou melilotus vulgaris, en français mélilot, autre genre de plante, qui renferme 14 ou 15 espèces. Voyez MELILOT.

Il y a le lotus hortensis, odora, en français lotier odorant, treffle musqué, qu'on peut regarder comme une espèce de mélilot. Voyez LOTIER ODORANT.

Il y a le lotus d'Afrique, qui est le guajacana augustiore flore de Tournefort, plante originaire des Indes occidentales, et que les Anglais nomment Indian-date-plumb-tree.

Enfin il y a le lotus arbor africana, que nous appelons en français micocoulier ; cet arbre dont le fruit parut si délicieux aux compagnons d'Ulysse, qu'après en avoir mangé, il fallut user de violence pour les faire rentrer dans leurs vaisseaux. Voyez donc MICOCOULIER. (D.J.)