S. m. (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante, dont les fleurs n'ont point de pétales ; elles sont composées de plusieurs étamines, et réunies en une sorte de tête écailleuse ; le pistil sort des ailes des écailles, et il devient dans la suite une semence triangulaire ; les semences sont aussi réunies en une sorte de tête : ajoutez aux caractères de ce genre, que les tiges ne sont pas triangulaires. Tournefort, inst. rei herb. Voyez PLANTE.

C'est en français le jonc de marais, et Tournefort la met sous le genre des joncs. Il compte deux ou trois espèces de jonc de marais ; la principale que nous allons décrire, est celle qu'il appelle scirpus palustris, altissimus, Instit. rei herbar. 528. le grand jonc de marais, auquel Pline compare la portion supérieure de la tige du papyrus.

Cette espèce de jonc a en effet beaucoup de rapport avec le papyrus, et elle la représente assez bien avec ses tiges droites, nues, lisses, sans aucuns nœuds, et dont le sommet est aussi garni d'un panache par le corps qui en compose l'intérieur, et qui est d'une substance blanche, fibreuse, moèlleuse et spongieuse, couverte d'une écorce mince et de couleur verte. Cette plante d'ailleurs est pareillement aquatique, et croit plus volontiers dans les lacs, les étangs, les lieux marécageux, et sur les bords des rivières : elle imite encore le papyrus par la longueur de ses tiges, qui dans les plus hautes, est de six à sept pieds, et par l'épaisseur qui vers le bas, à l'endroit où elles sont plus grosses, est d'environ un pouce, et quelquefois plus.

Mais pour que les tiges parviennent en cet état d'embonpoint, il faut que la plante naisse au milieu des eaux, et qu'elle en soit continuellement baignée, sans cependant en être trop surchargée ; car alors, bien loin de produire des tiges, elle ne pousse que des feuilles très-longues et fort étroites : changement bien singulier dont ne s'était pas aperçu Tournefort ; puisque dans l'ouvrage déjà cité il indique cette variété comme une plante particulière, sous le genre des algues, et à laquelle il donne le nom d'alga fluviatilis, graminea, longissimo folio.

Si au contraire le scirpus vient hors de l'eau dans des terrains simplement humides, ses tiges ne sont jamais aussi élevées ni aussi grosses ; et les feuilles, qui par leur pédicule en forme de gaine, couvrent la base de ces mêmes tiges, sont très-courtes et fort peu apparentes. On peut les comparer à un petit bec qui terminerait d'un seul côté le bout supérieur d'un tuyau membraneux. Quant à la figure des tiges, elles sont rondes comme un bâton ; mais elles diminuent de grosseur d'une manière insensible, et vont aboutir en pointe à l'extrémité supérieure. Le panache qu'elles portent, n'est pas considérable ; il est composé de quelques pédicules courts, épais, simples ou rameux, auxquels sont attachés de petits épis écailleux, ou paquets de fleurs, arrondis en forme d'œuf, et de couleur brune-foncée ou roussâtre : ces pédicules ne sont point à leur naissance entourés de feuilles, telles qu'on en trouve à la base du panache du papyrus.

La partie inférieure des tiges du scirpus est blanche, tendre, succulente, douce au gout, et d'une saveur approchante de celle de la châtaigne : les enfants la mangent avec plaisir. Les racines de cette plante, cachées sous l'eau plus ou moins profondément, rampent et s'étendent fort au loin sur le fond des lacs et des rivières, d'où elles poussent un grand nombre de tiges ; de façon que par rapport à leur prodigieuse multitude, on peut très-bien en comparer le coup-d'oeil à une forêt de mâts ou de plantes sans branches et sans feuilles, comparaison dont Cassiodore s'est servi pour exprimer celui qu'offrent les tiges du papyrus.

Après tous ces détails, nous allons examiner quels étaient les usages du scirpus, surtout en Italie et chez les Romains. Pline nous apprend qu'on en fabriquait des bonnets ou des espèces de chapeaux, des nattes, des couvertures pour les maisons, des voiles pour les vaisseaux ; et qu'après avoir détaché et enlevé l'écorce de la tige de cette plante, on employait la partie intérieure, moèlleuse et spongieuse, comme une meche propre pour les flambeaux qu'on portait dans les funérailles. Voici les paroles de Pline : Nec in fruticum, nec in veprium, cauliumve, neque in herbarum aut alio ullo quàm suo genere numerentur jure : scirpi fragiles palustresque ad tegulum (tegillum espèce de bonnet selon un des meilleurs manuscrits) tegetesque, è quo detracto cortice candelae luminibus, et funeribus serviunt : firmior quibusdam in locis eorum rigor ; namque iis velificant non in pado tantùm nautici, verùm et in mari piscator africus, praepostero more vela intra malos suspendents et mapalia sua Mauri tegunt.

L'interprete de Théocrite a fait observer qu'on tenait de semblables flambeaux allumés autour du cadavre, tant qu'il restait exposé ; et Antipater nous apprend que la meche de scirpus et de papyrus était enduite de cire : Facem ceream tunicam habentem, saturni ardentem lychnum junco et tenui constrictum papyro.

Daléchamp, dans son histoire des Plantes, indique deux espèces de scirpus dont on tirait une moèlle d'une substance spongieuse, assez compacte, très-fléxible, un peu seche, et de couleur blanche, laquelle était employée à des meches pour les lampes. Nous avons Ve à Paris, depuis quelques années, reparaitre cette sorte de meche que l'on présentait aux passants, et que l'on annonçait pour des meches éternelles. Lorsqu'on veut tirer la moèlle des tiges du scirpus, on se sert de deux épingles que l'on passe à-travers le bout inférieur d'une tige, de manière qu'elles se croisent ; on les tient ensuite assujetties dans cette position, et après on prend le petit bout qui se trouve au-dessus des épingles ; on le tire, en agissant comme si l'on voulait partager la tige en quatre parties égales ; mais à mesure qu'elle se partage, l'écorce abandonne la moèlle, qui à la fin de l'opération reste entière, pendant que l'écorce est séparée en quatre lanières.

A la suite du même passage de Pline, conformément à l'édition qu'en a publiée Daléchamp, on lit : Proximèque aestimanti hoc videantur esse quo inferiore Nili parte papyri sunt usu. Ce que le traducteur de l'histoire des plantes, du même auteur, explique ainsi : Desorte que " considérant de-près la nature de ce jonc, il semble qu'on puisse s'en servir comme l'on fait du papyrus dans la basse Egypte ". Mais cette leçon varie ; car un ancien manuscrit la donne ainsi : Proximè aestimanti hoc videatur esse quod interior mundâ parte pari sunt papyri usui ; et dans un autre plus ancien et plus estimé que possédait le célèbre de Thou, et qui maintenant est conservé à la bibliothèque du Roi, elle est autrement écrite : Proximèque aestimanti hoc videatur esse quod in interiore parte mundum papyrum usui det.

Il s'explique après, en disant, que si l'on examine avec attention les usages du scirpus, on trouvera de plus que sa substance intérieure peut servir à faire un beau papier. Ce qui en quelque manière pourrait être vrai ; car ayant séparé la tige du scirpus en différentes lames par le moyen d'une aiguille, on a des lames fort blanches, et même plus fines que celles qu'on séparait anciennement de la tige du papyrus d'Egypte ; et étant desséchées, elles sont également fléxibles. En écrivant sur l'une de leurs faces, on ne s'est pas aperçu que l'encre passât à travers, ni qu'elle s'étendit, ou fit des bavures. Aussi Hermolaus remarque fort-à-propos, que plusieurs auteurs ont confondu le scirpus avec la plante que les Grecs ont appelée biblos ou papyrus, confusion de nom qui parait avoir été chez les Romains et chez les Grecs. On a tout lieu de le conjecturer par ce vers de Martial, ad titulum farctus papyro dùm tibi thorus crescit ; et par un passage de Strabon, où en parlant de certains lacs de la Toscane, il dit : . Et typhe et papyrus et anthela multa, affertur Romam per flumina quae demittunt lacus usque Tiberim.

On voit par ce passage, que dans les lacs de la Toscane il croissait une plante, à laquelle on donnait le nom de papyrus, et dont on faisait à Rome des consommations bien considérables, puisqu'on l'apportait en grande quantité, copiosè. Mais on pourra demander à quoi les Romains employaient cette plante et les deux autres conjointement citées ; savoir le typha, ou masse d'eau, et l'anthela, que l'on pense n'être autre chose que le panache des fleurs d'une espèce de roseau aquatique, auquel les Grecs ont donné le nom de , par rapport à ses fleurs qui sont chargées ou environnées d'un duvet fin et soyeux.

Quoiqu'il ne soit pas aisé de répondre à cette question, les anciens ne s'étant pas assez expliqué sur ce sujet, on peut cependant y satisfaire en quelque sorte, mais surtout par rapport à cette espèce de papyrus, si l'on fait réflexion sur de certaines pratiques que les Romains observaient dans leurs funérailles. Nous apprenons par le vers de Martial, que les lits des morts qu'on portait sur le bucher, étaient remplis de papyrus, farctus papyro dùm tibi thorus crescit. Voilà sans-doute le papyrus dont parle Strabon, et un des usages qu'on en faisait à Rome ; mais il ne faut pas croire, comme Guillandin semble l'avancer, que ces lits fussent composés des racines du papyrus apportées d'Egypte : cette matière était trop utile, trop nécessaire, et si l'on peut dire, trop précieuse dans le pays, à cause de la rareté des autres bois, pour qu'il eut été possible d'en transporter ailleurs une certaine quantité. C'est donc un papyrus commun et assez abondant dont on a pu faire usage à Rome ; tel est celui dont parle Strabon, qui venait des lacs de la Toscane, et par les rivières qui se dégorgent dans le Tibre.

On se persuadera peut-être que ce papyrus doit être l'espèce qui se trouve communément dans les marais de Sicile, de la Calabre et de la Pouille : cette opinion parait d'abord fort vraisemblable, et elle a eu ses partisans : néanmoins nous ne croyons pas qu'on puisse l'adopter ; car il faudrait, pour en prouver la vérité, que l'on eut découvert la plante de Sicîle dans les lacs de la Toscane, et nous ne voyons pas qu'aucun botaniste l'ait observée autre part qu'en Sicile, dans la Calabre, et dans la Pouille ; ce qui semble nous assurer que le papyrus de Strabon est une plante toute différente. Voyez PAPYRUS.

Le savant Micheli, qui vivait à Florence, était le botaniste le plus à portée de faire cette recherche ; cependant il avoue qu'il n'avait pas encore pu visiter les lacs dont parle Strabon. Il faut espérer que les botanistes qui vivent actuellement en Italie, s'empresseront d'éclaircir un point d'histoire aussi curieux, qu'il est intéressant. Mémoires des Inscriptions, tome XXVI. (D.J.)