S. m. (Botanique) plante appelée papyrus nilotica, par Gerard 37. Emac. 40. Papyrus nilotica, Berd Aegyptiis dicta ; Biblos syriaca quorumdam, Chab. 195. Papyrus Aegyptiaca, C. B. P. 119. Papyrus antiquorum nilotica, Parck. Théat. 1207. Morisson a rangé le papyrus avec raison, parmi les souchets, et l'a nommé cyperus niloticus, maximus, papyraceus, hist. Oxon. 3. 239.

Enfin comme les modernes ont fait de nouvelles découvertes en ce genre, il n'est pas possible de les supprimer ; c'est pourquoi je parlerai dans cet article du papyrus d'Egypte, du papyrus de Sicile, et du papyrus de Madagascar, trois plantes différentes, sur lesquelles j'emprunterai les recherches de M. Bernard de Jussieu, insérées par M. le comte de Caylus, dans son excellente dissertation sur le papyrus en général. Ce morceau curieux et intéressant pour les arts, se trouve dans les mém. de Littérat. t. XXVI. in -4°. Voyez aussi SCIRPUS, Botan.

Mais avant que d'entamer la description du papyrus d'Egypte, il est naturel de dire un mot de l'opinion assez généralement reçue dans l'Europe sur la perte de cette plante. On n'a pas besoin de nouvelles preuves pour savoir que les bruits populaires ne sont pas toujours fondés sur les possibilités physiques ; mais en supposant cette perte possible, on ne pourrait au moins la faire remonter fort haut, car il n'y a pas encore deux cent ans que Guillandin et Prosper Alpin observèrent cette plante sur les bords du Nil, et que Guillandin vit les habitants du pays en manger la partie inférieure et succulente de la tige, comme on le pratiquait anciennement ; particularité qui peut servir à nous faire reconnaître le papyrus, et dont il ne parait pas que les voyageurs aient profité. Cet usage, et ceux qui sont rapportés par Prosper Alpin, nous apprennent que cette plante n'est pas tout à fait inutile, quoiqu'elle ait perdu son principal mérite en cessant d'être employée à la fabrique du papier.

Les changements survenus dans le terrain de l'Egypte, et les soins des habitants pour profiter des terres qui peuvent être cultivées, ont rendu vraisemblablement la plante du papyrus moins commune ; mais les causes qui peuvent être admises à l'égard de quelques parties du pays, n'ont pu occasionner la destruction entière du papyrus, d'autant plus qu'étant du nombre des plantes aquatiques, il est à l'abri d'un semblable événement. Le silence des auteurs les plus récens qui ont écrit sur l'Egypte, ne peut être avancé comme une preuve de la destruction entière du papyrus ; on peut dire pour les excuser, qu'ils ne s'étaient pas proposé cet objet dans leurs recherches, ou que n'étant pas assez instruits, ils l'ont négligé ; mais il est étonnant que M. Maillet, homme de lettres, qui parait même avoir fait des recherches à ce sujet, n'ait pu découvrir le papyrus, et qu'il l'ait confondu avec le musa, connu en français sous le nom de figuier d'Adam, et que les Arabes appellent mons, plante qui est très-différente, ce dont il devait s'apercevoir en lisant Théophraste ou Pline.

Le papyrus, dit Pline, croit dans les marais d'Egypte, ou même au milieu des eaux dormantes, que le Nil laisse après son inondation, pourvu qu'elles n'aient pas plus de deux coudées de profondeur. Il jette une racine tortueuse et de la grosseur du poignet ; sa tige est triangulaire, et ne s'élève pas à plus de dix coudées ; Prosper Alpin ne lui donne que six ou sept coudées au-dessus de l'eau. Sa tige Ve toujours en diminuant, et aboutit en pointe. Théophraste ajoute que le papyrus porte une chevelure, un panache, qui forme le thyrse dont parle Pline. Guillandin dit que la racine du papyrus jette à droite et à gauche quantité d'autres petites racines qui soutiennent la plante contre l'impétuosité du vent et le cours du Nil. Selon lui les feuilles de cette plante sont obtuses, et semblables à celles du typha de marais.

Les Egyptiens employaient les racines du papyrus pour du bois non-seulement à bruler, mais encore propre à fabriquer différents vases à leurs usages. De la tige du papyrus entrelacée en façon de tissu, ils construisaient des barques ; et de l'écorce intérieure ou liber, ils faisaient pareillement des voiles, des habillements, des couvertures de lits et des cordes.

Ces barques ressemblaient par leur construction à de grands paniers, dont le tissu devait être fort serré ; et pour empêcher l'eau de les pénétrer, il faut supposer qu'elles étaient enduites au moins à l'extérieur d'une couche de résine, ou de bitume ; ce qui les mettait en état de servir à la navigation sur le fleuve, ou plutôt sur son inondation. Le panier dans lequel Moïse enfant, fut exposé, parait appuyer et confirmer le texte de Théophraste. Cependant quoique Pline parle de navis papyracea, il ne faut pas croire que les vaisseaux fussent faits en entier ex papyro ; c'était seulement de petites barques ou canots, dont même une partie était de bois d'épine. Les anciens Egyptiens prétendaient que les crocodiles, par respect pour la déesse Isis, qui s'était mise une fois sur une barque de papyrus, ne faisaient jamais de mal à ceux qui navigeaient sur des barques de ce roseau.

Le papyrus était encore une plante médicinale dont on faisait usage dans quelques maladies, si nous en croyons Dioscoride. Elle servait aussi de nourriture aux pauvres gens qui mâchaient le papyrus crud ou cuit, en avalaient le suc, et jetaient le reste : mundum quoque crudum, decoctumque, succum tantùm devorantes, dit Pline : Guillandin nous apprend positivement quelles étaient les parties de cette plante dont les Egyptiens avalaient le suc. Il ne faut pas, dit-il, s'imaginer que les Egyptiens mangent la tige entière, je les ai Ve ne manger que les parties les plus proches de la racine.

Ce récit de Guillandin est conforme au témoignage d'Hérodote ; quand les Egyptiens, dit-il, ont coupé le biblus d'un an, ils coupent la partie supérieure qu'ils emploient à différents usages ; ils mangent ou vendent la partie inférieure de la longueur d'une coudée : ceux qui veulent rendre le mets plus délicat, le font rôtir au four ; aussi Dioscoride et Pierius Valerianus se trompent, quand ils disent que l'on mange les racines : la partie du papyrus que mangent les Egyptiens est hors de la terre ; elle est tendre, et pleine d'un suc abondant et agréable ; les Egyptiens l'appellent astus. Eschyle donne à la tige entière le nom de , c'est-à-dire fruit. Guillandin rapporte encore d'après Horus Apollo, que les Egyptiens exprimaient dans leurs hiéroglyphes l'ancienneté de leur origine par un fagot de papyrus, comme leur première nourriture ; on ignorait en quel temps leurs ancêtres avaient commencé à en manger.

Enfin, et c'est ici le principal usage de cette plante, on faisait avec les membranes ou les pellicules du papyrus, les feuilles à écrire qu'on nommait , ou philyria. On les appelait aussi en grec , et en latin charta ; car les auteurs entendent ordinairement par charta, le papier d'Egypte.

Le papyrus ne portait point de graine, ni de fruit, mais ce roseau croissait en si grande quantité sur les bords du Nil, que Cassiodore, liv. XI. ép. 38. la compare à une forêt. Là, dit-il, s'élève cette forêt sans branches, ce bocage sans feuilles, cette moisson qui croit dans les eaux, aquarum seges, ces ornements des marécages.

Prosper Alpin est le premier qui nous ait donné une figure du papyrus, que les Egyptiens appellent berd. Quelque mauvaise qu'on puisse la supposer, elle parait néanmoins convenir à la description de la plante dont parle Théophraste.

Les Botanistes anciens avaient placé le papyrus parmi les plantes graminées ou les chiendents, ignorant à quel genre il devait appartenir ; ils se sont contentés de le désigner sous le nom ancien de papyrus, dont ils ont fait deux espèces, l'une d'Egypte, l'autre de Sicile. Les nouveaux ont cru reconnaître que ces deux plantes étaient une seule et même espèce de cyperus ; c'est sous ce genre qu'on la trouve dans les catalogues et histoires des plantes, publiées après l'édition de Morisson, où le papyrus est nommé cyperus niloticus, vel syriacus maximus papyraceus.

En décrivant cette plante, il dit qu'on conserve dans le cabinet de Médecine à Oxford parmi d'autres curiosités, un grand morceau de la tige du papyrus. On a cru aussi reconnaître dans l'ouvrage de Scheuchzer sur les chiendents, les joncs, et les autres graminées, une description du panache que porte le papyrus ; elle est sous la dénomination suivante : cyperus enodis nudus, culmis ervaginis brevibus prodeuntibus, spicis tenuioribus.

Un des pédicules qui soutiennent les épis des fleurs, est représenté à la Planche VIII. fig. 14. Cet auteur a consideré le panache comme formant la plante entière prise au-dessus de la racine, et les longs pédicules qui portent les épis comme autant de tiges particulières. Ce panache parait être celui du papyrus siciliana, que les Botanistes modernes ne distinguent pas du papyrus nilotica. M. Van-Royen a inséré dans le catalogue des plantes du jardin de Leyde le papyrus, et le nomme cyperus culmo triquetro nudo, umbella simplici foliosa, pedunculis simplicissimis distinctè spicatis. M. Linnaeus l'appelle de même.

Dans les manuscrits qui nous restent d'après les lettres et les remarques de M. Lippi, médecin de la faculté de Paris, qui accompagnait M. du Roule, envoyé du roi Louis XIV. à l'empereur d'Abyssinie, on trouve la description d'un cyperus qu'il avait observé sur les bords du Nil en 1704. Après avoir parlé des fleurs, il dit que plusieurs épis couverts de quelques jeunes feuilles, sont portés sur un pédicule assez long, et que plusieurs de ces pédicules également chargés venant à se réunir, forment une espèce de parasol ; le disque de ce parasol est environné de quantité de feuilles qui couronnent la tige sur laquelle il porte ; la tige est un prisme fort long, dont les angles sont un peu arrondis, et les feuilles représentent parfaitement une lame d'épée, non pas de celles qui font la gouttière, mais de celles dont le plus grand côté soutient une cannelure. Les racines sont noires et chevelues : il nomme cette plante cyperus niliacus major, umbella multiplici.

Le même Lippi en avait remarqué une autre espèce qui ne s'élève pas aussi haut, dont la tige et les feuilles étaient les mêmes, et dont les épis formaient plutôt une espèce de tête qu'une ombelle ; cette tête était fort douce, luisante, et comme dorée, riche, et fort chargée ; elle pose sur de longs pédicules, dont la base se réunit en parasol : il l'appelle cyperus niliacus major, aurea divisa panicula. Ces deux sortes de cyperus ont entr'elles une ressemblance marquée par leurs feuilles, leur tige, le panache en parasol qui les couronne, et les lieux marécageux où elles croissent. La seule différence consiste dans la forme des épis, ce qui sert à les distinguer l'une de l'autre : toutes deux ont quelque rapport avec le papyrus et le sari, tels qu'ils sont décrits par les anciens auteurs ; la première pourrait être le papyrus, et la seconde le sari ; mais ce n'est-là qu'une conjecture.

Le papyrus qui croissait dans le milieu des eaux, ne donnait point de graines ; son panache était composé de pédicules faibles, fort longs, semblables à des cheveux, comâ inutili exilique, dit Théophraste. Cette particularité se montre également dans le papyrus de Sicîle ; nous la connaissons encore dans une autre espèce de papyrus apportée de Madagascar par M. Poivre, correspondant de l'académie royale des Sciences. Les panaches de l'une et l'autre espèce que nous avons, sont dépourvus d'épis, de fleurs, et par conséquent stériles. Bodaeus à Stapel, dans ses commentaires sur Théophraste, a fait représenter la tige et le panache du papyrus en cet état, et le dessein en avait été envoyé d'Egypte à Saumaise.

Si le papyrus de Sicîle dont il s'agit de parler présentement, a été de quelque usage chez les Romains, c'est ce que nous ignorons ; il est nommé papero en Italie, et selon Césalpin pipero : on en trouve la description dans les adversaria de Lobel, qui l'a pris pour le papyrus du Nil. Césalpin dans son ouvrage sur les plantes, n'a pas non plus oublié de le décrire. Ce papyrus de Sicîle était cultivé dans le jardin de Pise, et n'était point le papyrus apporté d'Egypte. Voici la description de Césalpin lui-même.

Le papyrus, dit-il, que l'on nomme vulgairement pipero en Sicile, pousse des tiges plus longues et plus grosses que celles du souchet, cyperus, hautes quelquefois de quatre coudées et à angles obtus : elles sont garnies à leur base de feuilles courtes qui naissent de la racine ; on n'en voit aucune sur la tige lors même qu'elle est entièrement développée ; mais elle porte à son sommet un large panache qui ressemble à une grosse touffe de cheveux épars ; il est composé d'un grand nombre de pédicules triangulaires en forme de joncs, à l'extrémité desquels sont placés entre trois petites feuilles, des épis de fleurs de couleur rousse comme dans le souchet. Ses racines sont ligneuses, aussi grosses que celles du roseau, et genouillées ; elles jettent une infinité de branches qui s'étendent obliquement ; par leur odeur et leur saveur, elles approchent de celles du souchet, mais elles sont d'une couleur moins brune ; de leur surface inférieure sortent plusieurs racines menues et fibreuses ; et de la supérieure s'élèvent des tiges nombreuses, qui tant qu'elles sont tendres, contiennent un suc doux. Cette plante a été apportée des marais de Sicîle dans le jardin de Pise : venit in hortum pisanum ex Siciliae palustribus. Théophraste décrit deux plantes, différentes seulement par leur grandeur, qui ont du rapport avec notre papyrus ; savoir le papyrus et le sari. L'auteur copie ensuite le texte de Théophraste, et donne par extrait celui de Pline, et ce que les anciens ont dit des usages que le papyrus avait en Médecine.

Le panache du papyrus de Sicîle est assez bien représenté, quoique fort en raccourci, dans la seconde partie du Musaeum de Boccone. Ce panache est une touffe ou assemblage d'une très-grande quantité de longs pédicules fort minces, qui naissent d'un même point de division, disposés en manière de parasol, et qui portent à leur extrémité supérieure trois feuilles longues et étroites, du milieu desquelles sortent d'autres pédicules plus courts, chargés vers le haut de plusieurs paquets, ou épis de fleurs. Micheli, dans ses nova plantarum genera, imprimés à Florence en 1728, a fait graver un de ces longs pédicules de grandeur naturelle ; il est d'abord enveloppé à la base par une gaine qui a un pouce et plus de longueur ; ensuite vers son extrémité supérieure, il supporte trois feuilles longues et étroites, et quatre pédicules où sont attachés les paquets de fleurs ; chaque pédicule de fleurs a aussi une très-petite graine à la base. Enfin, on trouve dans l'agrostographia de Scheuchzer, une description fort détaillée du panache d'une espèce de cyperus, qui parait être celui de la plante de Sicile.

On peut conclure de cet exposé, que le papyrus de Sicîle est à peu de chose près, bien connu en Botanique ; il serait à souhaiter qu'on eut autant de connaissances sures à l'égard du papyrus d'Egypte. Néanmoins il faut avouer que ces deux plantes ont entr'elles une très-grande affinité, puisqu'on les a souvent confondues, ainsi que le sari et le papyrus nilotica, qui suivant Théophraste, ont un caractère de ressemblance bien marqué, et ne diffèrent seulement qu'en ce que le papyrus pousse des tiges fort hautes et fort grosses, qui étant divisées en lames minces, servent à la composition des feuilles de papier ; et que le sari au contraire a ses tiges plus menues, et moins élevées, dont on ne peut faire usage pour la fabrique du papier.

Le papyrus de Sicîle vient aussi dans la Calabre et dans la Pouille ; mais on ne doit pas le confondre avec le papyrus qu'on employait anciennement pour faire le papier ; car, selon Strabon, le papyrus ne croissait que dans l'Egypte et dans l'Inde, in Aegypto et sola India. La plupart des botanistes ont cru que la plante de Sicîle était le sari dont parle Théophraste ; d'autres ont avancé que le papyrus d'Egypte et le sari, étaient une même plante considerée seulement en deux états différents, et relativement à leur plus ou moins de grandeur ; ce qui selon eux, pouvait dépendre de la qualité du terrain, et de la différence du climat, ou d'autres accidents ; les pieds qui croissaient au milieu des eaux, ayant des tiges plus hautes, plus grosses, et un panache en forme d'une touffe de cheveux très-longs, faibles, et sans aucunes graines ; pendant que d'autres pieds qui naissaient sur le bord des rivières, des marais, ou des lacs, portaient des tiges plus basses, plus grêles, et un panache moins long, moins faible, chargé de fleurs et de graines par conséquent.

Ces sentiments offrent néanmoins des difficultés insurmontables ; et l'on peut prouver que la différence du papyrus d'Egypte et du sari, ne dépendaient ni du climat, ni de la qualité du terrain ; on tirait du papyrus des lames minces, dont on fabriquait ensuite le papier ; on ne pouvait pas employer le sari à cet usage. Le papyrus de Sicîle ne saurait semblablement être confondu avec le papyrus des anciens, qui ne venait que dans l'Egypte ou dans l'Inde.

Enfin, le papyrus de Sicîle n'a commencé à être connu des Botanistes que vers les années 1570, 1572, et 1583, temps où ont paru les premières éditions des ouvrages de Lobel, de Guillandin, et de Césalpin. Il parait clairement que les anciens n'ont eu aucune connaissance de cette plante. Pline n'en fait aucune mention dans ses livres sur l'Histoire naturelle, ce qui montre que cette plante n'était pas en usage à Rome, ni même dans le pays où elle vient naturellement. Il suit encore de son silence à cet égard, qu'il n'avait pas Ve la plante de Sicîle ; car il aurait été frappé par la ressemblance qu'elle a avec le papyrus du Nil et le sari, tels que les a décrits Théophraste. Enfin, si Pline eut connu cette plante, il n'aurait pas manqué dans les chapitres où il traite à fond du papyrus du Nil et du sari, de nous apprendre tout ce qu'il aurait pu apercevoir de conforme entre ces différentes plantes.

Parmi plusieurs plantes desséchées en herbier, et recueillies dans les Indes orientales par M. Poivre, il s'est trouvé une espèce de papyrus, fort différente de la plante de Sicîle : il porte un panache composé d'une touffe considérable de pédicules très-longs, faibles, menus, et délicats comme de simples filets, terminés le plus souvent par deux ou trois petites feuilles très-étroites, mais entre lesquelles on n'aperçoit aucuns épis ou paquets de fleurs ; ainsi le panache aurait été stérile, et n'aurait produit aucunes graines.

Ces pedicules ou filets sont chacun garnis à leur base d'une gaine membraneuse, assez longue, dans laquelle ils sont pour ainsi dire emboités, et ils naissent tous du même point de division en forme de parasol ; le panache est à sa naissance environné de feuilles disposées en rayons, en manière de couronne. La tige qui le soutenait, était, suivant le rapport de M. Poivre, haute de dix pieds et plus, lorsqu'elle croissait dans l'eau à la profondeur d'environ deux pieds, et de forme triangulaire, mais à angles fort mousses ; par sa grosseur elle imitait assez bien un bâton, qu'on peut entourer avec la main plus ou moins exactement.

Sa substance intérieure quoique moèlleuse, pleine de fibres, était solide, de couleur blanche ; par ce moyen, la tige avait un certain degré de force, et elle résistait à de petits efforts ; on la pliait sans la rompre, on pouvait encore s'en servir en guise de canne, étant fort légère ; le même M. Poivre n'en porta point d'autre pendant plusieurs mois de séjour à Madagascar ; cette tige n'est pas dans toute sa longueur également grosse, elle diminue insensiblement de grosseur vers le haut, elle est sans nœuds, et fort lisse ; lorsque cette plante croit hors de l'eau dans les endroits simplement humides, elle est beaucoup plus petite, ses tiges sont fort basses, et le panache qui le termine, est composé de filets ou pédicules plus courts, lesquels, à leur extrémité supérieure, sont partagés en trois feuilles fort étroites, et un peu plus longues que celles qui sont à l'extrémité des filets du panache de la plante, qui a cru dans le milieu des eaux.

De la base de ces trois feuilles, sortent des petits paquets de fleurs rangées de la même façon que celles du souchet ; mais ces petits paquets ne sont point élevés sur des pédicules ; ils occupent immédiatement le centre des trois feuilles entre lesquelles ils sont placés, et y forment une petite tête. Les feuilles qui naissent de la racine et au-bas des tiges, ressemblent à celles du souchet ; cette plante que les Malgaches nomment sanga-sanga, vient en grande abondance dans les rivières et sur leurs bords, mais particulièrement dans la rivière de Tartas, auprès de Foule-Pointe, à Madagascar. Les Malgaches emploient l'écorce des tiges pour faire leurs nattes ; ils en font aussi les voiles et les cordages de leurs bâteaux de pêche, et des cordes pour leurs filets.

Cette espèce de papyrus jusqu'ici inconnue, et différente du papyrus de Sicîle par la disposition de ses paquets de fleurs, nous montre qu'il y a parmi les espèces de cyperus, deux sortes de plantes qui peuvent aisément se confondre avec le papyrus des Egyptiens ; soit qu'on les considère du côté des usages particuliers auxquels les habitants des lieux où elles croissent les ont destinées ; soit qu'on compare leur forme, leur manière de croitre, et tous les points par lesquels elles paraissent se ressembler : comparaison qui peut se faire par le moyen des traditions, telles qu'on les a dans Théophraste et dans Pline, et encore à l'aide de la figure et de la description du papyrus du Nil, que Prosper Alpin a données, après l'avoir observé sur les lieux ; mais si l'on a égard au témoignage de Strabon, qui papyrum non nisi in Aegypto et solâ Indiâ gigni pro constanti affirmat, on ne sera pas éloigné de croire que le papyrus de l'île de Madagascar, située à l'entrée de l'Inde, pourrait être le même que celui de l'Egypte.

Quoi qu'il en sait, les habitants de cette île n'en savent tirer aucun profit, tandis que les Egyptiens ont immortalisé leur papyrus par l'art d'en faire ce papier célèbre, quo usu maximè humanitas, vita constat et memoria, pour me servir des termes de Pline. Voyez donc PAPIER D'EGYPTE, Arts anciens. (D.J.)