lents, s. f. (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante à fleur papilionacée ; il sort du calice un pistil qui devient dans la suite une silique courte, remplie de semences rondes, mais applatties, convexes sur chaque face, c'est-à-dire plus épaisses au centre que sur les bords. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

LENTILLE, (Botanique) M. de Tournefort compte six espèces de lentilles : nous allons décrire en peu de mots les principales de terre, petite et grande, et la lentille aquatique ou de marais.

La petite lentille, la lentille commune, lents arvensis minor, ou lents vulgaris, est une plante annuelle ; sa racine est menue, blanche, garnie de peu de fibres. Sa tige est assez grosse, eu égard au reste de la plante : elle est haute d'environ dix pouces, branchue dès la racine, velue, anguleuse, faible et couchée sur terre, à moins qu'elle ne trouve quelques plantes auxquelles elle puisse s'accrocher. Ses feuilles placées alternativement jettent de leurs aisselles des petits rameaux comme les autres plantes légumineuses : elles sont composées de cinq ou six paires de petites feuilles portées sur une côte qui se termine en une vrille ; chaque petite feuille est oblongue, étroite, velue, terminée en une pointe aiguë.

Il sort des aisselles des feuilles, des pédicules grêles, oblongs, qui portent deux ou trois fleurs légumineuses petites, blanchâtres, dont cependant le petale supérieur ou l'étendart est marqué intérieurement de petites lignes bleues. Il s'élève du calice de la fleur un pistil qui se change en une gousse lisse, courte, large, plate, contenant deux ou trois graines ; ces graines sont fort grandes à proportion de cette petite plante ; elles sont orbiculaires, aplaties, convexes des deux côtés, c'est-à-dire un peu plus épaisses vers le centre que sur les bords, dures, lisses, jaunâtres quand elles sont mûres, rougeâtres dans quelques espèces, et noirâtres dans d'autres.

La grande lentille, lents major, lents arvensis major, est la plus belle à tous égards, et plus grande que la lentille commune. Sa tige est plus haute, ses feuilles sont plus grandes, ses fleurs sont plus blanches ; ses siliques et ses graines sont deux fois plus grosses que dans la précédente.

On seme beaucoup de l'une et de l'autre dans les champs, parce qu'il se fait une grande consommation de leurs graines. Elles sont une des principales nourritures du petit peuple dans les pays chauds catholiques et dans l'Archipel. Il est constant par les monuments des anciens, que l'on les estimait beaucoup autrefois dans la Grèce. Athénée dit que le sage assaisonnait toujours bien ses lentilles ; mais on n'a jamais trop essayé d'en faire du pain, peut-être a-t-on pensé que leur sécheresse et leur friabilité n'y convenaient pas.

On trouve au reste plusieurs variétés dans les deux espèces de lentilles que nous venons de décrire, tant pour la couleur des fleurs que des graines, mais ce ne sont que des variétés accidentelles.

La lentille de marais, lents ou lenticula palustris des Botanistes ne se plait que dans les eaux qui croupissent ; elle surnage au-dessus de l'eau comme une espèce de mousse verte ; elle en couvre toute la superficie d'une multitude infinie de feuilles très-petites, noirâtres en-dessous, vertes en-dessus, luisantes, orbiculaires et de la forme des lentilles. Ces feuilles sont unies étroitement ensemble par des filaments blancs très-menus, et de chaque feuille par un filet ou racine par le moyen de laquelle la plante se nourrit. On trouve cette lentille dans les lacs, dans les fossés des villes, et dans les eaux dormantes. Elle fait les délices des canards, d'où vient que les Anglais l'appellent duck-meat. (D.J.)

LENTILLE, (Diète et Matière médicale) Les Médecins ont toujours regardé les lentilles comme le pire de tous les légumes. Rivière, qui a compilé la doctrine des anciens sur ce point, dit que les lentilles sont froides et seches, de difficîle digestion ; qu'elles engendrent un suc mélancholique, causent des obstructions, affoiblissent la vue, occasionnent des rêves tumultueux, nuisent à la tête, aux nerfs et aux poumons, resserrent le ventre, empêchent l'écoulement des règles et des urines : toutes ces mauvaises qualités dépendent, dit-il, de leur substance grossière et astringente.

Les auteurs plus modernes n'ont pas dit à la vérité tant de mal des lentilles, mais ils se sont tous accordés à les regarder comme un assez mauvais aliment ; mais sur ceci, comme sur tant d'autres objets de diete, les observations et les occasions d'observer nous manquent. Il est peu de gens qui fassent longtemps leur principale nourriture de lentilles : or tous les vices que les Médecins leur ont attribué, s'ils étaient réels, ne pourraient dépendre que d'un long usage.

Il y a donc grande apparence que toutes ces prétentions sont purement rationelles et de tradition : l'usage rare et modéré des lentilles peut être regardé comme très-indifférent pour les sujets sains, dumoins n'en connaissons-nous point les bons effets ou le danger, encore moins les qualités spécifiques qui pourraient distinguer les lentilles des autres légumes, voyez LEGUMES.

La première décoction des lentilles est laxative selon Galien, et la seconde astringente ; la substance qui pourrait faire les vertus de ces décoctions, est fournie par l'écorce : on peut reprocher à cette écorce un vice plus réel ; elle est épaisse et dure, elle n'est point ramollie et ouverte dans l'estomac : en sorte que les lentilles qui ne sont point mâchées passent dans les excréments presqu'absolument inaltérées, et par conséquent sans avoir fourni leur partie nutritive. C'est pour cela qu'il vaut mieux réduire les lentilles en purée que de les manger avec leur peau.

La décoction des lentilles passe pour un excellent remède dans la petite vérole et dans la rougeole : Rivière, que nous avons déjà cité, fait l'éloge de ce remède, aussi bien que plusieurs autres auteurs qui ont emprunté cette pratique des Arabes ; plusieurs auteurs graves en ont au contraire condamné l'usage dans cette maladie. Geoffroy rapporte fort au long, dans sa matière médicale, les diverses prétentions des uns et des autres ; mais cette querelle ne nous parait pas assez grave pour nous en occuper plus long temps. Les lentilles ne sont plus aujourd'hui un remède ni dans la petite vérole, ni dans d'autres cas.

Au reste ce que nous venons de dire convient également aux grandes lentilles et aux petites lentilles rouges, appelées à Paris lentilles à la reine. (b)

LENTILLE de marais, (Matière médicale) cette plante n'est d'usage que pour l'extérieur : on croit qu'elle rafraichit, qu'elle resout, qu'elle apaise les douleurs appliquée en cataplasme.

La lentille de marais passe pour faire rentrer la hernie des enfants.

On l'a recommandée encore contre la goutte et contre les douleurs de la tête, appliquée extérieurement sur cette partie.

La lentille d'eau est fort peu employée. (b)

LENTILLE d'eau, lenticula, (Botanique) genre de plante qui flotte sur les eaux stagnantes, et dont la fleur est monopétale et anomale. Quand elle commence à paraitre, elle a un capuchon ; mais dans la suite elle se déploie et elle quitte son calice : alors elle a la forme d'une oreille ouverte. Cette fleur est stérile, elle sort par une petite ouverture que l'on voit à l'envers des feuilles : l'embryon sort aussi d'une semblable fente, et devient dans la suite un fruit membraneux, arrondi et dur qui renferme quatre, cinq ou six semences relevées en bosses, striées d'un côté et plates de l'autre, comme dans les ombelliferes. Micheli, nova plantarum genera.

LENTILLE D'EAU, la grande, lenticularia, (Botanique) genre de plante qui ressemble à la lentille d'eau ordinaire par sa nature et par sa figure. Jusqu'à-présent on n'a pu voir ses fleurs : les semences naissent abondamment dans les parois inférieurs des feuilles attachés irrégulièrement à leur substance ; elles sont arrondies ou elliptiques. Nova plantarum genera, etc. par M. Micheli.

LENTILLES, (Médecine) ce sont de petites taches roussâtres qui sont répandues çà et là sur la peau du visage et des mains, particulièrement dans les personnes qui ont la peau délicate ; elles viennent surtout dans le temps chaud quand on s'expose au soleil et à l'air ; elles sont formées des vapeurs fuligineuses qui s'arrêtent et qui se coagulent dans la peau. Voyez le Traité des maladies de la peau, par Turner. On les appelle en latin lentigines, parce qu'elles ont la figure et la couleur des lentilles ; les François les appellent rousseurs et bran de Judas ; les Italiens, rossore et lentigine.

Les lentilles paraissent être formées des parties terrestres, huileuses et salines de la sueur, qui sont retenues dans la substance réticulaire de la peau : tandis que les parties aqueuses qui leur servaient de véhicule, s'évaporent par la chaleur du corps, ces parties plus grossières s'amassent peu-à-peu, jusqu'à ce que les mailles de la peau en soient remplies.

Il y a continuellement quelques parties de sueur qui suintent de la cuticule ; et comme elles sont d'une nature visqueuse, elles retiennent la poussière et tout ce qui voltige dans l'air : cette matière visqueuse s'arrête sur la surface des lentilles, et plus on l'essuie, plus on la condense, ce qui la force de s'introduire dans les petites cavités des lentilles.

On trouve plus de lentilles autour du nez que partout ailleurs, et cela parce que la peau y étant plus tendue, les pores sont plus ouverts et plus propres à donner entrée à la poussière.

Il suit de là qu'on ne peut guère trouver un remède sur pour garantir des lentilles ; il peut y en avoir qui dissipent pour un temps la matière déjà amassée, mais les espaces vides se remplissent derechef.

Le meilleur remède, selon M. Homberg, est le fiel de bœuf mêlé avec de l'alun : il faut que cet alun ait été précipité et exposé au soleil dans une phiole fermée pendant trois ou quatre mois ; il agit comme une lessive, en pénétrant les pores de la peau et dissolvant le coagulum des lentilles. Mém. de l'académ. des Scienc. année 1709, p. 472, &c.

LENTILLE, terme d'Optique, c'est un verre taillé en forme de lentille, épais dans le milieu, tranchant sur les bords ; il est convexe des deux côtés, quelquefois d'un seul, et plat de l'autre, ce qui s'appelle plan convexe. Le mot de lentille s'entend ordinairement des verres qui servent au microscope à liqueurs, et des objectifs des microscopes à trois verres. Le plus grand diamètre des lentilles est de cinq à six lignes ; les verres qui passent ce diamètre s'appellent verres lenticulaires. Il y a deux sortes de lentilles, les unes soufflées et les autres travaillées : on entend par lentilles soufflées de petits globules de verre fondus à la flamme d'une lampe ou d'une bougie, mais ces lentilles n'ont ni la clarté ni la distinction de celles qui sont travaillées, à cause de leur figure qui n'est presque jamais exacte, et de la fumée de la lampe ou bougie qui s'attache à leur surface dans le temps de la fusion. Les autres sont travaillées et polies au tour dans de petits bassins de cuivre. On a trouvé depuis peu le moyen de les travailler d'une telle petitesse, qu'il y en a qui n'ont que la troisième et même la sixième partie d'une ligne de diamètre : ce sont celles qui grossissent le plus, et cette augmentation Ve jusqu'à plusieurs millions de fois plus que l'objet n'est en lui-même ; la poussière qui est sur les ailes des papillons, et qui s'attache aux doigts quand on y touche, y parait en forme de tulipes d'une grosseur surprenante. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de les faire plus petites ; la difficulté de les monter deviendrait insurmontable.

Manière de tourner les lentilles. Après avoir mastiqué un petit morceau de cuivre au bout de l'arbre d'un tour à lunette, avec un foret d'acier aplati et arrondi, on tourne le bassin du diamètre de la lentille qu'on veut y travailler, Voyez BASSIN ; ensuite ayant choisi et taillé un petit morceau de glace blanche et bien nette, on le mastique du côté d'une de ses surfaces plates au bout d'un petit mandrin, avec de la cire d'Espagne noire, la rouge ne faisant pas si bien voir les défauts qui sont au verre que l'on travaille, et l'on use cette glace du côté qui n'est point mastiqué, en la tournant sur une meule avec de l'eau jusqu'à ce qu'elle ait une figure presque convexe : on l'acheve au tour dans le bassin qui y est monté avec du grais fin et mouillé. Il faut prendre souvent de ce grais, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que la lentille est bien ronde : lorsqu'elle est parvenue à ce point, on cesse d'en prendre, mais on continue de la tourner dans le bassin jusqu'à ce que le reste du sable qui y est resté soit devenu si fin qu'il l'ait presque polie. On s'aperçoit de cela lorsqu'après l'avoir essuyée, l'image de la fenêtre du lieu où l'on travaille se peint sur sa superficie ; si elle ne l'est pas, on la trempe dans l'eau sans prendre du sable, et on la tourne jusqu'à ce qu'elle soit assez polie. Il faut alors couvrir le bassin d'un linge plié en deux ou trois doubles, et avec de la potée d'étain ou du tripoli de Venise délayé dans l'eau, on acheve de la polir entièrement : on connait qu'elle est polie en regardant avec la loupe si les petites cavités que le sable a faites en l'usant sont effacées ; il faut alors la démastiquer et la mastiquer du côté qui est travaillé pour travailler l'autre de même que le premier, jusqu'à ce que les bords de la lentille soient tranchants et qu'elle soit parfaitement polie. Lorsqu'elle est entièrement achevée, on se sert d'esprit-de-vin pour la laver et emporter ce qui peut y être resté de cire.

On pourrait ajouter une troisième sorte de lentille, qui consiste en une goutte d'eau posée sur un petit trou fait à une pièce de laiton que l'on applique au microscope ; cette goutte réunie en globe par la pression de l'air, fait le même effet qu'une lentille soufflée : ce sont les marchands de lunettes qui font et vendent ces lentilles. Voyez LUNETTIER.

M. Guinée a donné dans les Mémoires de l'académie des Sciences de 1704, une formule générale pour trouver le foyer d'une lentille, en supposant que la réfraction des rayons de l'air dans le verre soit comme 3 à 2. Voyez REFRACTION.

Il suppose l'objet placé à une distance quelconque y dans l'axe de la lentille. Il suppose ensuite un autre rayon qui partant du même objet tombe infiniment près de celui-là ; et il trouve facilement le point où ce rayon rompu par la réfraction de la première surface de la lentille, irait rencontrer l'axe. Ensuite il regarde ce rayon rompu comme un rayon incident sur la seconde surface, et il trouve encore très-aisément le point où ce rayon rompu de nouveau par la première surface, irait rencontrer l'axe ; et ce point est le foyer. Voyez FOYER.

Si on nomme a le rayon de la convexité tournée vers l'objet qu'on appelle la première convexité ; b, le rayon de la seconde convexité ; z la distance du foyer ouvert ; et qu'on néglige l'épaisseur de la lentille, on aura, suivant les formules de M. Guinée, z = .

Si l'objet est très-éloigné, de manière que les rayons puissent être censés parallèles, on aura y = à l'infini ; et négligeant alors dans le dénominateur le terme 2 a b qui est nul par rapport aux autres, on aura z = = .

Si de plus dans cette supposition a était = b, c'est-à-dire que les deux verres de la lentille fussent de convexités égales, alors on aurait z = = a ; c'est-à-dire que dans une lentille formée de deux faces également convexes, le foyer des rayons parallèles qu'on appelle proprement le foyer de la lentille, est au centre de la première convexité. C'est à cet endroit qu'il faut appliquer un corps que l'on veut bruler au soleil, au moyen d'un verre ardent ; car un verre ardent n'est autre chose qu'une lentille.

Si les rayons tombaient divergens sur le verre, il faudrait faire y négative ; et alors on aurait z = = , qui est toujours positive.

Si dans le cas où les rayons tombent convergens, on a y < , alors a y + b y - 2 a b, est une quantité négative, et z est par conséquent négative, c'est-à-dire que les rayons, au lieu de se réunir au-dessous de la seconde convexité, se réuniraient au-dessous de la première ; et qu'au lieu de sortir convergens, ils sortiraient divergens.

Les rayons sortent donc divergens d'une lentille à deux verres, si l'objet est placé en-deçà du foyer de la première convexité. De plus, si y est = , c'est-à-dire si l'objet est placé au foyer même. Alors z = , c'est-à-dire que les rayons sortent parallèles. Delà on voit que si un objet est placé en-deçà du foyer d'une lentille ou d'un verre convexe, et assez proche de ce foyer, il rendra les rayons beaucoup moins divergens qu'ils ne le sont en partant de l'objet même : on trouvera en effet que z est alors beaucoup plus grand que y, si a y + b y - 2 a b est négative et fort petite. C'est pour cela que les verres de cette espèce sont utiles aux presbytes. Voyez PRESBYTE.

Lorsque les deux faces de la lentille sont fort convexes ; c'est-à-dire que leur rayon est très-petit, la lentille reçoit alors le nom de loupe, et forme une espèce de microscope. Voyez MICROSCOPE.

Les lentilles à deux surfaces convexes ont cette propriété, que si on place un objet assez près de la lentille, les rayons qui partent des deux extrémités de l'objet, et qui arrivent à l'oeil, y arriveront sous un angle beaucoup plus grand que s'ils ne passaient point par la lentille. Voilà pourquoi ces sortes de lentilles ont en général le pouvoir d'augmenter les objets et de les faire paraitre plus grands. Voyez OPTIQUE, VISION, etc.

Dans les Mém. de 1704, que nous avons cités, M. Guinée donne la formule des foyers des lentilles, en supposant en général le rapport de la réfraction comme m à n, et en ayant égard, si l'on veut, à l'épaisseur de la lentille. On peut voir aussi la formule des lentilles, dans la recherche de la vérité du P. Malebranche, tome IV. à la fin. Voyez les conséquences de cette formule, aux mots MENISQUE, VERRE, etc. (O)

LENTILLE, (Horlogerie) signifie aussi parmi les Horlogers un corps pesant qui fait partie du pendule appliqué aux horloges. On l'a nommée ainsi à cause de sa forme. La lentille est adaptée au bas de la verge du pendule, et elle y est ordinairement soutenue par un écrou que l'on tourne à droite ou à gauche pour faire avancer ou retarder l'horloge. Voyez PENDULE en tant qu'appliqué aux horloges, pendules, et verge de pendule, voyez PENDULE à secondes, et nos Planches d'Horlogerie, et leur explication.