S. m. (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante dont voici les caractères. Ses fleurs sont composées de plusieurs feuilles, rangées, à ce que quelques auteurs disent, comme dans la tulipe ; son pistil part du centre ; il est environné d'un grand nombre d'étamines, et il dégénere en un fruit écaillé, ou en cône droit. On peut ajouter à ces caractères, que ses feuilles sont pour la plupart angulaires, concaves dans la partie supérieure, et terminées par deux pointes, comme si l'extrémité avait été divisée avec des ciseaux. Miller en nomme deux espèces ; 1°. tulipifera arbor virginiana, H. L. tulipier de Virginie ; 2°. tulipifera virginiana, laurinis foliis aversâ parte rore coeruleo tinctis, coudi baccifera, Pluk. Phyt. tulipier à feuilles de laurier.

La première espèce est fort commune en Amérique, où elle s'élève à une grande hauteur ; mais de tous ceux qu'on cultive en Angleterre, il y en a très-peu qui aient pris quelque force ; on le tient dans des caisses, et on serre les caisses avec beaucoup de soin pendant l'hiver : malgré tous ces soins il profite peu, et ne produit point de fleurs. Il y a une cinquantaine d'années qu'on en planta un dans un lieu champêtre, au milieu des jardins du comte Peterborough, à Parsons-Gréen, proche Fulham ; les progrès prodigieux qu'il fit en quelques années, détrompèrent les curieux sur la manière dont ils cultivaient cet arbre ; il ne tarda pas à produire des fleurs ; il subsiste encore, et produit tous les ans en grande quantité. Si quelques-unes de ses branches commencent à se sécher, il y a tout lieu de croire que cela provient de ce qu'il est trop serré par d'autres arbres qui l'environnent, dont les racines s'entrelacent avec les siennes, et qui le privent d'une partie de sa nourriture. Il donne aussi des cônes, mais qui ne sont pas assez parfaits pour que les semences qui y sont contenues soient fécondes.

Il y a encore quelques autres tulipiers qui ont produit des fleurs pendant plusieurs années, mais ils ne sont pas devenus fort gros ; le plus haut de tous ceux que j'ai vus, excepté à Parsons-Gréen, n'avait pas plus de vingt-cinq pieds, au-lieu que celui de milord Peterborough s'est élevé à cinquante pieds, et a le tronc d'une grosseur proportionnée à sa hauteur. Ce tronc est nud ; ce n'est qu'au-dessus de quarante pieds qu'il commence à pousser, ce qu'il faut peut-être attribuer, ainsi que je l'ai dit, au voisinage des autres arbres dont il est trop serré ; car j'ai remarqué que par-tout où le tulipier avait la liberté de s'étendre, il poussait promptement des branches, et s'élevait moins. Il en est de cet arbre, ainsi que du plane, il part de son milieu un rejeton droit, qui croit à-peu-près de la même manière dans l'un et l'autre de ces arbres.

Il ne faut pas s'imaginer que ces fleurs soient fort semblables à la tulipe, comme ont fait quelques personnes peu attentives, et surtout les habitants de l'Amérique, qui ont nommé cet arbre, auquel les Européens ont conservé le nom qu'ils lui ont trouvé. Je n'ai point entendu dire que le tulipier fleurisse en aucune contrée de l'Europe qu'en Angleterre.

M. Catesby dit dans son histoire naturelle de la Caroline, qu'il y a des tulipiers en Amérique, qui ont jusqu'à trente pieds de tour ; que leurs branches sont inégales, irrégulières, et font un grand nombre de coudes ; ce qui rend cet arbre reconnaissable à une grande distance, même lorsqu'il est dépouillé de ses feuilles. On le trouve dans la plupart des contrées de l'Amérique méridionale, depuis le cap de Florida, jusqu'à la nouvelle Angleterre, où son bois est d'un grand usage.

Le tulipier à feuilles de laurier est maintenant très-rare en Angleterre ; il y avait jadis plusieurs de ces arbres dans les jardins de l'évêque de Londres à Fulham, et dans ceux de la duchesse de Beaufort à Chelsea : mais ils sont tous péris ; en sorte qu'il n'en reste plus qu'un dans les jardins de M. Pierre Collinson à Peckam ; il a donné les trois dernières années un grand nombre de fleurs.

On trouvera une fort bonne figure de la plante du tulipier, qui avait ce nom lorsqu'on l'apporta en Angleterre, dans la troisième partie de l'histoire naturelle de la Caroline de M. Catesbi, sous le nom de magnolia, lauri folio, subtus albicante. Il dit que c'est un petit arbre qui s'élève rarement à plus de seize pieds de haut ; que son bois est blanc, spongieux, et couvert d'une écorce blanche ; que ses feuilles ressemblent à celles du laurier commun ; qu'elles sont d'un verd pâle en-dessus, et blanches en-dessous ; que ses fleurs commencent à paraitre en Mai ; qu'elles sont blanches et odoriférantes ; qu'elles durent pendant la plus grande partie de l'été, et remplissent les bois de leur odeur ; qu'après la chute des fleurs, leur pistil dégenere en un fruit conique, de la grosseur d'une bonne noix, tout couvert d'éminences, et plein de semences grosses comme des feves françaises, qui ont une amande couverte d'une peau mince et rouge ; que ces semences sortent de leurs cellules, sans tomber à terre ; qu'elles demeurent suspendues par de petits filaments blancs, d'environ deux pouces de long. Ce qui forme un fort beau spectacle, c'est que son fruit qui est verd d'abord, devient rouge en mûrissant, et finit par être brun ; que cet arbre nait dans des lieux humides, et des terres bourbeuses ; mais, ce qu'il y a de singulier, c'est que si on le transplante dans des lieux secs, il devient plus beau, plus régulier, et donne plus de fleurs et de fruits ; qu'il se dépouille ordinairement de ses feuilles en hiver, à-moins qu'il ne soit fort doux.

On en a découvert une autre espèce, nommée par le père Plumier, magnolia amplissima, flore albo, fructu caeruleo. C'est un des plus beaux arbres qu'il y ait en Amérique, où il croit dans les lieux humides et marécageux : il s'élève quelquefois à la hauteur de soixante pieds et davantage ; ses feuilles sont beaucoup plus larges que celles du laurier commun ; elles sont d'un verd léger, fort larges, blanchâtres, et odoriférantes. Son fruit ressemble à la première espèce de tulipier, mais il est plus grand ; il porte ses semences de la même manière ; en sorte que cet arbre n'est jamais plus beau à voir, que depuis le mois de Mai jusqu'au mois de Décembre. Cependant comme il est toujours verd, il forme un assez bel aspect, même en hiver ; ses feuilles croissent promptement, et sont placées sur des pédicules droits ; ce qui les fait paraitre avec avantage, notre climat n'étant pas trop froid pour lui ; je ne doute point que dans quelques années on ne le voie avec plaisir chargé de fleurs dans les jardins de quelques curieux, où on le cultive, où il a supporté le froid des trois derniers hivers, et où il profite admirablement tous les ans. (D.J.)