S. m. (Histoire naturelle, Botanique) Les arbres sont les plus élevés, les plus gros, et par conséquent les plus apparents de tous les végétaux. Ce sont des plantes ligneuses et durables ; elles n'ont qu'un seul et principal tronc qui s'éleve, se divise et s'étend par quantité de branches et de rameaux, dont le volume et l'apparence varient en raison de l'âge, du climat, du terrain, de la culture, et principalement de la nature de chaque arbre. En comparant la hauteur et la consistance de toutes les plantes, on Ve par des nuances insensibles depuis l'hyssope jusqu'au cedre du Liban ; je veux dire, depuis la plante la plus basse jusqu'à l'arbre le plus élevé ; depuis l'herbe la plus tendre, jusqu'au bois le plus dur. Ainsi quoique les herbes soient les plus petites des plantes, on aurait pu confondre certaines espèces d'herbes avec les arbres, si on n'était convenu de donner les noms d'arbrisseaux et de sous-arbrisseaux (Voyez ARBRISSEAU et SOUS-ARBRISSEAU.) aux plantes de grandeur et de consistance moyenne entre les herbes et les arbres : cependant il est encore assez difficîle de distinguer les arbres des arbrisseaux. Quelle différence y a-t-il entre le plus petit des arbres et le plus grand des arbrisseaux ? Il n'est pas possible de la déterminer précisément : mais on peut dire en général qu'un arbre doit s'élever à plus de dix ou douze pieds. Cette hauteur est bien éloignée de celle des chênes ou des sapins, dont le sommet s'élève à plus de cent pieds ; c'est pourquoi on peut diviser les arbres en grands, en moyens et en petits arbres ; le chêne, le sapin, le marronnier d'Inde, etc. sont du premier rang ; l'aune, le chêne verd, le prunier, etc. peuvent être du second ; le pêcher, le laurier, le nefflier, etc. sont du nombre des petits arbres.

Les Botanistes ont rapporté les différentes espèces d'arbres à différents genres qu'ils ont caractérisés comme toutes les autres plantes, par le nombre, la figure et la position de certaines parties, principalement des fleurs et des fruits ; et dans cet arrangement la plupart ont confondu les herbes avec les arbres. On a mis sous le même ordre ou dans la même section, la capucine avec l'érable, la filipendule avec le poirier, le pourpier avec le tilleul, etc. Ces méthodes pourraient donner une fausse idée de certains arbres lorsqu'on les voit sous le même genre, c'est-à-dire, sous un nom commun avec des plantes qui ne sont que des sous-arbrisseaux : par exemple, le chêne et le saule sont deux grands arbres ; cependant, selon les méthodes de Botanique, il y a des chênes et des saules nains. Les méthodistes qui se font si peu de scrupule de changer les noms des plantes les plus usités, et qui leur en substituent de nouveaux à leur gré, devraient bien plutôt donner à certains arbrisseaux des noms différents de ceux que portent de grands arbres ; par ce moyen on ôterait toute équivoque dans la signification du mot arbre, autrement on ne s'entend pas : car on a nécessairement l'idée d'un arbre lorsqu'il s'agit d'un chêne ou d'un saule ; cependant pour se prêter aux conventions des méthodistes, et pour se faire à leur langage, il faut prendre de petits arbrisseaux pour des chênes et pour des saules, et donner le nom d'arbre à des plantes que l'on ne doit regarder que comme des sous-arbrisseaux. Toute méthode arbitraire nous induit nécessairement en erreur ; celle que M. de Tournefort a donnée pour la distribution des plantes, est une des meilleures que nous ayons sur cette matière ; il a senti le ridicule des méthodistes, qui mêlent indifféremment les herbes et les arbres, et il a tâché de l'éviter en rangeant les arbres et les arbrisseaux dans des classes particulières : cependant comme sa méthode est arbitraire, il a été obligé, pour la suivre, de s'éloigner quelquefois de l'ordre naturel : par exemple, en réunissant sous le même genre l'yeble avec le sureau, l'althaea frutex avec la guimauve, etc. La nature se refusera toujours à nos conventions ; elle ne s'y soumettra jamais, pas même à la meilleure des méthodes arbitraires. Voyez METHODE.

Les Jardiniers et tous ceux qui ont cultivé des arbres, n'ont donné aucune attention aux calices et aux pétales, ni aux pistils et aux étamines des fleurs : mais ils ont observé soigneusement la nature des différents arbres, pour savoir la façon de les cultiver ; ils se sont efforcés de multiplier ceux qui méritaient de l'être par la qualité du bois, la bonté des fruits, la beauté des fleurs et du feuillage. Aussi ont-ils distingué les arbres en arbres robustes et en arbres délicats ; arbres qui quittent leurs feuilles ; arbres toujours verts ; arbres cultivés ; arbres de forêt ; arbres fruitiers ; arbres d'avenues, de bosquets, de palissades ; arbres fleurissants, etc.

Tous les arbres ne peuvent pas vivre dans le même climat : nous voyons que pour les arbres étrangers, le climat est en France le plus grand obstacle à leur multiplication ; il y a peu de ces arbres qui se refusent au terrain, mais la plupart ne peuvent pas résister au froid. La serre et l'étuve sont une faible ressource pour suppléer à la température du climat ; les arbres délicats n'y végetent que languissamment.

Les arbres qui quittent leurs feuilles sont bien plus nombreux que ceux qui sont toujours verts ; les premiers croissent plus promptement, et se multiplient plus aisément que les autres, parmi lesquels d'ailleurs il ne s'en trouve qu'un très-petit nombre dont le fruit soit bon à manger.

On ne seme pas toujours les arbres pour les multiplier ; il y a plusieurs autres façons qui sont préférables dans certains cas. La greffe perfectionne la fleur et le fruit : mais c'est aux dépens de la hauteur et de l'état naturel de l'arbre. La bouture est une voie facile, qui réussit plus communément pour les arbrisseaux que pour les arbres. Le rejeton est un moyen simple et prompt ; mais il n'y a que de petits arbres, et les plus communs, qui en produisent. Enfin la branche couchée, la marcotte ou le provin, est un autre expédient que l'on emploie pour la multiplication ; c'est celui qui convient le moins pour les grands arbres. Ceux qu'on multiplie de cette façon, pechent ordinairement par les racines qui sont trop faibles, en petite quantité, et placées le plus souvent d'un seul côté. On ne parle pas ici de la multiplication par les racines et par les feuilles, qui est plus curieuse qu'utile. Tous les arbres cependant ne se prêtent pas à toutes ces façons de les multiplier ; il y en a qui ne réussissent que par un seul de ces moyens, et ce n'est pas toujours celui de la graine : beaucoup d'arbres n'en produisent point dans les climats qui leur sont étrangers.

Les arbres des forêts ne sont pas les mêmes partout, le chêne domine plus généralement dans les climats tempérés et dans les terrains plats ; on le trouve aussi dans les coteaux avec le hêtre, si le terrain est cretacée ; avec le châtaignier, s'il est sablonneux et humide ; avec le charme, par-tout où la terre est ferme et le terrain pierreux : par-tout où il y a des sources, le frêne vient bien. Les arbres aquatiques, tels que le peuplier, l'aune, le saule, etc. se trouvent dans les terrains marécageux ; au contraire les arbres résineux, comme sont les pins, le sapin, le melese, etc. sont sur les plus hautes montagnes, etc.

On distingue en général les arbres fruitiers qui portent des fruits à noyau, de ceux dont les fruits n'ont que des pepins. On s'efforce continuellement de les multiplier les uns et les autres ; mais c'est moins par la semence, qui donne cependant de nouvelles espèces, que par la greffe qui perfectionne le fruit. C'est par le moyen de la taille, l'opération la plus difficîle du jardinage, que l'on donne aux arbres fruitiers de la durée, de l'abondance et de la propreté. Les arbres d'ornement servent à former des avenues et des allées, auxquelles on emploie plus ordinairement l'orme, le tilleul, le châtaignier, le peuplier, l'épicéas, le platane, qui est le plus beau et le plus convenable de tous les arbres pour cet objet. On emploie d'autres arbres à faire des plantations, à garnir des bosquets, à former des portiques, des berceaux, des palissades, et à orner des plates-bandes, des amphithéâtres, des terrasses, etc. Dans tous ces cas la variété du feuillage, des fleurs et des formes que l'on donne aux arbres, plait aux yeux et produit un beau spectacle, si tout y est disposé avec gout. Voyez PLANTE. (I)

* Le Jardinier s'occupe de l'arbre de cinq manières principales : 1°. du choix des arbres : 2°. de la préparation qu'il est à propos de leur donner avant que de les planter : 3°. de leur plantation : 4°. de leur multiplication : 5°. de leur entretien. Nous allons parcourir les règles générales que l'on doit observer dans la plupart de ces occasions ; et nous finirons cet article par quelques observations plus curieuses qu'importantes, qu'on a faites sur les arbres.

1°. Du choix des arbres. Prenez plus de poiriers d'automne que d'été, et plus d'hiver que d'automne : appliquez la même règle aux pommiers et aux autres arbres, mutatis mutandis ; ceux qui donnent leur fruit tard, relativement aux autres de la même espèce, sont préférables. Gardez-vous de prendre les poiriers qui auront été greffés sur de vieux amendiers, de quatre à cinq pouces : rejetez ceux qui auront plus d'un an de greffe. Les premiers, pour être bons, doivent avoir trois ou quatre pouces. Les arbres greffés sur coignassier, sont les meilleurs pour des arbres nains : prenez les jeunes arbres avant trois ans ; trop jeunes, ils seraient trop longtemps à se mettre en buisson ; trop vieux, on n'en obtiendrait que des productions chétives : rejetez les arbres moussus, noueux, gommés, rabougris et chancreux. Que ceux que vous préférerez aient les racines saines et belles ; que la greffe en ait bien recouvert le jet ; qu'ils soient bien fournis de branches par le bas ; qu'ils soient de belle venue. Les pêchers et les abricotiers doivent avoir été greffés d'un an seulement. Il suffira que les pommiers greffés sur paradis, aient un pouce d'épaisseur. Pour les arbres de tige, ils n'en seront que meilleurs s'ils ont quatre à cinq pouces d'épaisseur sur sept à huit pieds de haut. Prenez, si vous êtes dans le cas de les choisir sur pied, ceux qui auront poussé vigoureusement dans l'année, qui vous paraitront sains, tant à la feuille qu'à l'extrémité du jet, et qui auront l'écorce unie et luisante. Les pêchers qui ont plus d'un an de greffe, et qui n'ont point été recépés en bas, sont mauvais. Il en est de même de ceux qui par bas ont plus de trois pouces, ou moins de deux de grosseur, et de ceux qui sont greffés sur des arbres de quatre à cinq pouces. Que les nains ou arbres d'espaliers soient droits, d'un seul brin et d'une seule greffe ; qu'ils soient sans aucune branche par bas, qu'on y aperçoive seulement de bons yeux. Que si l'on ne choisit pas les arbres sur pied, mais arrachés ; outre toutes les observations précédentes, il faut encore veiller à ce qu'ils n'aient point été arrachés depuis trop longtemps ; ce qui se reconnaitra à la sécheresse du bois et aux rides de l'écorce : s'ils ont l'écorce bien écorchée, l'endroit de la greffe étranglé de filasse, la greffe trop basse, laissez-les, si surtout ce sont des pêchers. Examinez particulièrement les racines ; que le nombre et la grosseur en soient proportionnés à l'âge et à la force de l'arbre ; qu'il y en ait une au moins à-peu-près de la grosseur de la tige ; les racines faibles et chevelues marquent un arbre faible ; qu'elles ne soient ni seches, ni dures, ni pourries, ni écorchées, ni éclatées, ni rongées : distinguez bien les jeunes racines des vieilles, et exigez scrupuleusement que les jeunes aient les conditions requises pour être bonnes : les jeunes racines sont les plus voisines de la surface de la terre, et rougeâtres et unies aux poiriers, pruniers, sauvageons, etc. blanchâtres aux amendiers, jaunâtres aux mûriers, et rougeâtres aux cerisiers.

2°. De la préparation des arbres à planter. Il y a deux choses à préparer, la tête et le pied. Pour la tête, que l'arbre soit de tige, qu'il soit nain ; comme on l'a fort affoibli en l'arrachant, il faut 1°. lui ôter de sa tête à proportion des forces qu'il a perdues. Il y en a qui diffèrent jusqu'au mois de Mars à décharger un arbre de sa tête ; d'autres font cette opération dès l'automne, et tout en plantant l'arbre, observant de mastiquer le haut des branches coupées, afin qu'elles ne souffrent pas des rigueurs du froid. 2°. Il faut lui ôter de sa tête, selon l'usage auquel on le destine. Si l'on veut que l'arbre fasse son effet par bas, comme on le requiert des buissons et des espaliers il faut les couper courts ; au contraire, si l'on veut qu'ils gagnent en hauteur. Voyez à l'article TAILLE, toutes les modifications que doit comporter cette opération. Mais on ne travaille guère à la tête des arbres, qu'on n'ait opéré sur les racines et au pied.

Quant aux racines, séparez-en tout le chevelu le plus près que vous pourrez, à moins que vous ne plantiez votre arbre immédiatement après qu'il a été arraché. L'action de l'air flétrit très-promptement ces filets blancs, qu'il importe de conserver sains, mais qu'il n'importe pas moins d'enlever et de détacher, pour peu qu'ils soient malades. La soustraction de ce chevelu met les racines à découvert, et expose les bonnes et les mauvaises. Voyez sur le caractère des racines, ce que nous avons dit à la fin de l'article précédent ; séparez les mauvaises, et donnez aux bonnes leur juste longueur. La plus longue racine d'un arbre nain n'aura pas plus de huit à neuf pouces ; celle d'un arbre de tige n'aura pas plus d'un pied. Laissez, si vous voulez, un peu plus de longueur à celles du mûrier et de l'amendier ; en général aux racines de tout arbre qui les aura ou fort molles ou fort seches. Deux, trois ou quatre pouces de longueur suffiront aux racines moins importantes que les racines maîtresses. C'est assez d'un seul étage de racines, surtout si elles sont bien placées. Des racines sont bien placées, quand elles se distribuent du pied circulairement, et laissant entr'elles à-peu-près des intervalles égaux, en sorte que les arbres se tiendraient droits sans être plantés, surtout pour ceux qui sont destinés au plein vent ; cette condition n'est pas nécessaire pour les autres. Ce que nous venons de dire du choix et de la préparation, se réduit à un petit nombre de règles si simples, que celui qui les aura mises en pratique quelquefois sera aussi avancé que le jardinier le plus expérimenté.

3°. De la manière de planter les arbres. Commencez par préparer la terre : faites-y des trous plus ou moins grands, selon qu'elle est plus ou moins seche. Ils ont ordinairement six pieds en carré dans les meilleurs fonds ; deux pieds de profondeur suffisent pour les poiriers. Séparez la mauvaise terre de la bonne, et ne laissez que celle-ci. Il est très-avantageux de laisser le trou ouvert pendant plusieurs mois. Labourez le fond du trou : remettez-y d'excellente terre à la hauteur d'un pied, et par-dessus cette terre une couche d'un demi-pié de fumier bien pourri : mêlez la terre et le fumier par deux autres labours : remettez ensuite un second lit de bonne terre, un second lit de fumier, et continuez ainsi, observant à chaque fois de mêler la terre et le fumier par des labours.

Si la terre est humide et n'a pas grand fond, on n'y fera point de trou ; c'est assez de l'engraisser et de la labourer. Après cette façon on y placera les arbres sans les enfoncer, et l'on recouvrira les racines à la hauteur d'un pied et demi, et à la distance de quatre à cinq en tous sens, avec de la terre de gason bien hachée : enfoncez votre arbre plus avant, si votre sol est sec et sablonneux. Si vous appliquez un espalier à un mur, que votre trou soit de huit pieds de large sur trois de profondeur, et à un demi-pié du mur. Retenez bien encore les règles suivantes. Le temps de planter est, comme l'on sait, depuis la fin d'Octobre jusqu'à la mi-Mars. Dans cet intervalle, choisissez un jour sec et doux : plantez volontiers dès la saint Martin, dans les terres seches et legeres, attendez Février, et ne plantez que sur la fin de ce mois, si vos terres sont froides et humides : laissez entre vos arbres, soit espaliers, soit buissons, soit arbres de tige, la distance convenable : réglez à chaque espèce son canton, et dans ce canton la place à chacun en particulier : disposez vos trous au cordeau : faites porter chaque arbre près de son trou ; plantez d'abord ceux des angles, afin qu'ils vous servent d'alignement ; passez ensuite à ceux d'une même rangée ; qu'un ouvrier s'occupe à couvrir les racines à mesure que vous planterez ; plantez haut et droit ; n'oubliez pas de tourner les racines vers la bonne terre ; si vous plantez au bord d'une allée, que vos principales racines regardent le côté opposé. Quand vos arbres seront plantés, faites mettre deux ou trois pouces de fumier sur chaque pied ; recouvrez ce lit d'un peu de terre. Au défaut de fumier, servez-vous de méchantes herbes arrachées. Si la saison est seche pendant les premiers mois d'Avril, de Mai et Juin, on donnera tous les quinze jours une cruchée d'eau à chaque pied ; et afin que le pied profite de cette eau, on pratiquera à l'entour un sillon qui la retienne. Vous aurez l'attention de faire trépigner la terre de vos petits arbres ; vos espaliers auront la tête penchée vers la muraille : quant à la distance, c'est à la qualité de la terre à la déterminer ; on laisse depuis cinq à six pieds jusqu'à dix, onze, douze entre les espaliers ; depuis huit à neuf jusqu'à douze entre les buissons, et depuis quatre taises jusqu'à sept à huit entre les grands arbres. Il faut dans les bonnes terres laisser plus d'espace entre les arbres que dans les mauvaises, parce que les têtes prennent plus d'étendue. Les arbres qui jettent plus de bois, comme les pêchers, les poiriers et les abricotiers, demandent aussi plus d'espace. Si on cultive la terre qui est entre les arbres, on éloignera les arbres les uns des autres de huit à dix taises, surtout si ce sont des poiriers ou des pommiers ; si on ne la cultive pas, quatre à cinq taises en tous sens suffiront à chaque arbre. Laissez trois taises ou environ entre les fruitiers à noyau, soit en tige, soit en buisson, surtout si ce sont des cerisiers et des bigarotiers plantés sur merisiers ; s'ils ont été greffés sur d'autres cerisiers de racine, ne les espacez qu'à douze ou quinze pieds. Les poiriers sur coignassiers plantés en buisson, se disposent de douze en douze pieds, à moins que les terres ne soient très-humides ; dans ce cas on les éloigne de quinze en quinze pieds. Il faut donner dix-huit pieds aux poiriers et pommiers entés sut le franc, et plantés dans des terres légères et sablonneuses ; vous leur en donnerez vingt-quatre dans les terres grasses et humides : c'est assez de neuf pieds pour les pommiers entés sur paradis, si l'on en fait un plan de plusieurs allées ; c'est trop si on n'en a qu'une seule rangée : il ne leur faut alors que six pieds. Donnez aux pêchers, abricotiers et pruniers en espalier, quinze pieds dans les terres légères, dix-huit pieds dans les terres fortes ; aux poiriers en espalier huit ou dix pieds, selon la terre Ne mettez jamais en contre-espaliers, ni bergamottes, ni bons-chrétiens, ni petit muscat. On peut mêler des pêchers de quatre pieds de tige, ou environ de quinze en quinze pieds, aux muscats mis en espalier ; mais que les pêchers que vous entremêlerez ainsi, soient plantés sur d'autres pêchers : on peut se servir en même cas de poiriers greffés sur coignassiers, pourvu qu'ils aient quatre pieds de tige. Les châtaigniers, les noyers, les pommiers et les poiriers mis en avenues, en allées et en routes, demandent une distance de quatre, cinq ou six taises, selon la terre ; les ormes et les tilleuls deux ou trois taises ; les chênes et les hêtres neuf à dix pieds ; les pins et les sapins quatre à cinq taises. Quant aux expositions, nous observerons en général que la plus favorable dans notre climat est le midi, et la plus mauvaise le nord ; que dans les terres chaudes le levant n'est guère moins bon que le midi ; enfin que le couchant n'est pas mauvais pour les pêches, les prunes, les poires, etc. mais qu'il ne vaut rien pour les muscats, les chasselats et la vigne.

4°. De la multiplication des arbres, et de leur taille. Nous renvoyons le détail de ces deux articles, l'un à l'article TAILLE, l'autre aux articles PLANTE, VEGETATION, VEGETAL, et même à l'article ANIMAL, où l'on trouvera quelques observations relatives à ce sujet. Voyez aussi les articles GREFFE, MARCOTTE, BOURGEON, PINCER, PINCEMENT, etc.

5°. De l'entretien des arbres. Otez aux vieux arbres les vieilles écorces jusqu'au vif, avec la serpe ou une bêche bien tranchante ; déchargez-les du trop de bois vers le milieu de Février ; coupez-leur la tête à un pied au-dessus des fourches pour les rajeunir ; faites-en autant à vos espaliers, contre-espaliers, et buissons sur coignassier et sur franc. Quand ils sont vieux ou malades, ce que vous reconnoitrez à la couleur jaune de la feuille, faites-leur un cataplasme de forte terre, de crotin de cheval ou de bouse de vache, bien liés ensemble. Quand on coupe des branches, il faut toujours les couper près du corps de l'arbre. Pour cet effet ayez un fermoir, voyez FERMOIR. Il y en a qui sur les greffes en fentes et sur les plaies des arbres, aiment mieux appliquer un mélange d'un tiers de cire, d'un tiers de poix résine, d'un tiers de suif, le tout fondu ensemble. S'il est nécessaire de fumer les grands arbres greffés sur franc, faites-les déchausser au mois de Novembre d'un demi-pié de profondeur sur quatre à cinq pieds de tour, selon leur grosseur ; répandez sur cet espace un demi-pié de haut de fumier bien gras et bien pourri : mais à la distance d'un pied de la tige, et un mois après rejetez la terre sur le fumier en mettant le gason en-dessous. Il y en a qui se contentent de les déchausser en Décembre ou Novembre, et de les rechausser en Mars, ne leur procurant d'autre engrais que celui de la saison. N'oubliez pas de nettoyer la mousse des arbres quand il aura plu : cette mousse est une galle qui les dévore.

Si le Naturaliste a ses distributions d'arbres, le Jardinier a aussi les siennes. Il partage les arbres en sauvages qui ne sont point cultivés, et en domestiques qui le sont ; cette distribution est relative à l'avantage que nous en tirons pour la nourriture. En voici une autre qui est tirée de l'origine des arbres. Il appelle arbre de brin, celui qui vient d'une graine et où le cœur du bois est entier ; et arbre de sciage, celui qui n'est qu'une pièce d'arbre refendu, où il n'y a qu'une partie du cœur, où l'on n'aperçoit même cette partie qu'à un angle. Il donne le nom de crossette à celui qui vient de marcotte ; de taillis à celui qui croit sur souche ; s'il considère les arbres par rapport à leur grandeur, il appelle les plus élevés, arbres de haute futaie ; ceux qui le sont moins, arbres de moyenne futaie ; ceux qui sont au-dessous de ceux-ci, arbres taillis. Joint-il dans son examen l'utilité à la grandeur, il aura des arbres fruitiers de haute tige et de basse tige ou nains, et des arbres fruitiers en buissons ; des arbrisseaux ou frutex ; et des arbustes ou sous-arbrisseaux, suffrutex. S'attache-t-il seulement à certaines propriétés particulières, il dit que les pêchers se mettent en espaliers ; que les poiriers forment des vergers ; que les pommiers donnent des pommeraies ; que les abricotiers sont en plein-vent ; que les châtaigniers font les châtaigneraies ; les cerisiers, les cerisaies ; les saules, les saussaies ; les osiers, les oseraies ; les ormes, les charmes, les tilleuls, les maronniers, les hêtres, les allées ; les charmilles et les érables, les palissades ; les chênes et tous les autres arbres, les bois. Quelle foule de dénominations ne verra-t-on pas naître, si on vient à considérer les arbres coupés et employés dans la vie civîle ! Mais l'arbre coupé change de nom ; il s'appelle alors bois. Voyez BOIS.

Des arbres en palissades. Les espaliers se palissent à la mi-Mai. On les palisse encore en Juillet, pour exposer davantage les fruits au soleil. Voyez PALISSER et PALISSADES.

Des arbres à haute-tige. Il faut les placer à l'abri des vents du midi, parce qu'au mois de Septembre, ces vents les dépouillent de leurs fruits. Pour faire un plant de ces arbres, il faut choisir un terrain qui ne soit point battu des vents, ni mouillé d'eaux croupissantes, et chercher la quantité d'arbres nécessaires pour l'étendue du terrain, ce qu'on obtiendra par les premières règles de l'Arpentage et de la Géométrie ; vous diviserez ensuite votre terrain ; vous marquerez l'endroit et l'étendue des trous, et vous acheverez votre plant, comme nous l'avons dit ci-dessus : mais comme les arbres passent ordinairement de la pépinière dans le plant, il y a quelques observations à faire sur la manière de déplanter les arbres.

Marquez dans votre pépinière avec une coutîle ronde les arbres que vous voulez faire déplanter ; marquez-les tous du côté du midi, afin de les orienter de la même façon, car on prétend que cette précaution est utîle ; marquez sur du parchemin la qualité de l'arbre et du fruit ; attachez-y cette étiquette, et faites arracher. Pour procéder à cette opération, levez prudemment et sans offenser les racines, la première terre ; prenez ensuite une fourche ; émouvez avec cette fourche la terre plus profonde : videz cette terre émue avec la pelle ferrée ; ménagez toujours les racines. Cernez autant que vous le pourrez ; plus votre cerne sera ample, moins vous risquerez. Quand vous aurez bien découvert les racines, vous les séparerez de celles qui appartiennent aux arbres voisins ; vous vous associerez ensuite deux autres ouvriers ; vous agiterez tous ensemble l'arbre et l'arracherez. S'il y a quelques racines qui résistent, vous les couperez avec un fermoir bien tranchant. C'est dans cette opération que l'on sent combien il est important d'avoir laissé entre ces arbres une juste distance.

Arbre de haut ou de plein vent, arbre de tige ou en plein air. Toutes ces expressions sont synonymes, et désignent un arbre qui s'élève naturellement fort haut et qu'on ne rabaisse point. Il y a des fruits qui sont meilleurs en plein vent qu'en buisson ou en espalier.

Arbre nain ou en buisson : c'est celui qu'on tient bas auquel on ne laisse que demi-pié de tige. On l'étage en-dedans, afin que la séve se jetant en-dehors, ses branches s'étendent de côté, et forment une boule ou buisson arrondi.

Arbre en espalier : c'est celui dont les branches sont étendues et attachées contre des murailles, et qu'on a taillé à main ouverte ou à plat ; il y a aussi des espaliers en plein air : ils sont cependant taillés à plat, et prennent l'air sur deux faces ; mais leurs branches sont soutenues par des échalas disposés en raquette.

Arbre sur franc : ce sont ceux qui ont été greffés sur des sauvageons venus de pepins, ou venus de boutures dans le voisinage d'autres sauvageons ; ainsi on dit, un poirier greffé sur franc, &c.

Arbres en contre-espalier ou haies d'appui : ce sont des arbres plantés sur une ligne parallèle à des espaliers.

Observations particulières sur les arbres. 1°. La racine des arbres, même de toute plante en général, en est comme l'estomac ; c'est-là que se fait la première et principale préparation du suc. De-là il passe, du moins pour la plus grande partie, dans les vaisseaux de l'écorce, et y reçoit une nouvelle digestion. Les arbres creusés et cariés, à qui il ne reste de bois dans leurs troncs que ce qu'il en faut précisément pour soutenir l'écorce, et qui cependant vivent et produisent, prouvent assez combien l'écorce est plus importante que la partie ligneuse.

2°. Les arbres dont les chenilles ont rongé les feuilles, n'ont point de fruit cette année, quoiqu'ils aient porté des fleurs, ou du moins n'ont que des avortons : donc les feuilles contribuent à la perfection du suc nourricier. Histoire de l'Acad. pag. 51. an. 1707.

Les deux propositions précédentes sont de M. de Réaumur : mais la première parait contredite par deux observations rapportées. Histoire de l'Acad. 1709. pag. 51. En Languedoc, dit M. Magnol, on ente les oliviers en écusson, au mois de Mai, quand ils commencent d'être en séve, au tronc ou aux grosses branches. Alors on coupe l'écorce d'environ trois ou quatre doigts tout autour du tronc ou des branches, un peu au-dessus de l'ente ; de sorte que le bois ou corps ligneux est découvert, et que l'arbre ne peut recevoir de nourriture par l'écorce. Il ne perd pourtant pas encore ses feuilles ; elles sont nourries par le suc qui est déjà monté. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'arbre porte dans cette année des fleurs et des fruits au double de ce qu'il avait coutume d'en porter. Ensuite les branches au-dessus de l'ente, étant privées du suc qui doit monter par l'écorce, meurent, et les rejetons qui sortent de l'ente, font un nouvel arbre : il parait de-là que le suc qui monte par l'écorce n'est pas celui qui fait les fleurs et les fruits ; que c'est donc celui qui a passé par la moelle et qui y a été préparé ; que la quantité du suc qui devait naturellement passer par la moelle a été augmentée de celui qui ne pouvait plus passer par l'écorce, et que c'est-là ce qui a causé la multiplication des fleurs et des fruits. En effet, ajoute M. Magnol, la moelle des plantes est, comme celle des animaux, un amas de vesicules qui paraissent destinées à filtrer et à travailler un suc plus finement qu'il ne serait nécessaire pour la seule nourriture du bois ; et les plantes qui ont beaucoup de moelle, comme le rosier, le troèsne, le lilas, ont aussi beaucoup de fleurs et de graines : dans les plantes férulacées, la moelle monte de la tige jusqu'à la semence ; et les longues semences du myrrhis odorata, n'étant pas encore mûres, ne sont visiblement que de la moelle.

Un orme des Tuileries, qui à l'entrée du printemps de 1708 était entièrement dépouillé de son écorce depuis le pied jusqu'aux branches, ne laissa pas de pousser la séve dans toutes ses parties, et d'entretenir ses feuilles pendant tout l'été suivant, cependant avec moins de vigueur que les autres ormes. Le premier Jardinier le fit arracher en automne, persuadé qu'il ne pouvait plus subsister à l'avenir. C'est dommage, dit M. de Fontenelle, qu'on ne l'ait pas laissé vivre autant qu'il aurait pu : mais les intérêts de la Physique et ceux de la beauté du jardin se sont trouvés différents. M. Parent a montré à l'Académie une attestation de M. Dupuis (c'était le premier Jardinier) qui méritait en effet d'être bien certifiée ; car on a cru jusqu'à présent l'écorce beaucoup plus nécessaire à la vie des plantes. L'Académie avait donc alors changé d'avis, et ne pensait pas sur ce point en 1709, comme en 1707.

3°. Un arbre abandonné à lui-même, pousse à une certaine hauteur un certain nombre de branches plus ou moins grand : par exemple 2, 3, 4, 5, selon l'espèce, le sol, l'exposition et les autres circonstances. Si ce même arbre est cultivé par l'amendement de la terre, par le labour au pied de l'arbre, et par l'arrosement durant les secheresses, il poussera peut-être un plus grand nombre de branches et de rameaux ; mais la culture par le retranchement d'une partie de ses branches, contribue plus qu'aucune autre industrie à la multiplication : de sorte qu'on peut dire que plus on retranche de cette sorte de corps vivants jusqu'à un certain point, plus on les multiplie.

Cela montre déjà combien sont abondantes les ressources de cette sorte d'êtres vivants ; car on peut dire que depuis l'extrémité des branches jusqu'au pied de l'arbre, il n'y a presque point d'endroit, si petit qu'on le puisse désigner, où il n'y ait une espèce d'embryon de multiplication prêt à paraitre, dès que l'occasion mettra l'arbre dans la nécessité de mettre au jour ce qu'il tenait en réserve.

Si on n'avait jamais Ve d'arbre ébranché jusqu'à sa racine, on croirait qu'un arbre en est estropié sans ressource et n'est plus bon qu'à être abattu, pour être débité en charpente ou mis au feu. Cependant si un orme, ou un chêne, ou un peuplier, en un mot, un arbre dont la tige s'étend assez droite du pied à la cime, est ébranché de bas en haut, il poussera depuis le collet des branches retranchées jusqu'à la cime de la tige, de toutes parts, un nombre infini de bourgeons, qui poussant des jets de tous côtés feront d'un tronc haut de trente à quarante pieds, comme un gros bouquet de feuilles si touffu, qu'à peine verra-t-on le corps de l'arbre.

Si on n'avait jamais Ve d'arbre étêté par un tourbillon de vent, ou par le retranchement exprès de son tronc au collet des branches, il n'y a personne qui ne regardât durant six mois, un arbre mis en cet état, comme un tronc mort et inhabîle à toute génération ; cependant cet arbre étêté repoussera du tronc au-dessous de l'endroit où il avait poussé ses branches, un grand nombre de jets, ou au couronnement, ou vers le couronnement.

On en peut dire autant des arbres coupés à rase terre ; car il repoussent autant et plus qu'à toute hauteur : c'est ce qui fait les arbres nains, en buisson ou en espalier, entre les fruitiers ; et le taillis entre les sauvageons. Voyez Mém. de l'Acad. an. 1700. page 140. Je rappelle ces faits, afin qu'on se détermine à réflechir un peu plus sur cette reproduction, et à en tirer plus d'avantages encore qu'on n'a fait jusqu'à présent, soit pour l'ornement des jardins, soit pour l'utilité du Jardinier.

4°. Comme il est nécessaire que les bois aient une certaine courbure pour la bonne et facîle construction des vaisseaux, il y a longtemps que l'on a proposé de les plier jeunes dans les forêts : mais il ne parait pas que jusqu'à présent on ait suivi cette idée ; serait-ce qu'elle est d'exécution difficîle ?

5°. Dans les environs de Paris, M. Vaillant comptait en 1700, jusqu'à 137 espèces de mousses ou plantes parasites, qui sont dans le règne végétal, ce que les insectes sont dans le règne animal. Toutes ces plantes sucent la séve des arbres par une infinité de petites racines ; et c'est une sorte de maladie pédiculaire dont il serait très-important de les guérir. Pour cet effet, l'expédient le plus simple qui se présente, serait de la racler, surtout dans un temps de pluie, comme nous l'avons prescrit plus haut : mais outre que cette opération serait longue dans bien des cas, elle serait dans tous très-imparfaite ; c'est-là ce qui détermina M. de Ressons à proposer à l'Académie en 1716, un moyen qu'on dit être plus court et plus sur : c'est de faire avec la pointe d'une serpette une incision en ligne droite, qui pénètre au bois, depuis les premières branches jusqu'à fleur de terre ; cette longue plaie se referme au bout d'un certain temps, après quoi l'écorce est toujours nette et il n'y vient plus de mousse. Le temps de cette opération est depuis Mars jusqu'à la fin d'Avril. En Mai, l'écorce aurait trop de séve et s'entrouvrirait trop. Ce remède a été suggéré à M. de Ressons d'une manière singulière ; il s'aperçut que les noyers auxquels c'est la coutume en Bourgogne de faire des incisions, n'avaient point de lepre, et il conjectura qu'ils en étaient garantis par cette opération. Voyez dans les Mémoires de l'Académie, année 1716. pag. 31. de l'Histoire, le rapport qu'il y a entre le remède et le mal.

6°. Pour peu qu'on ait fait attention à l'état des arbres qui forment les forêts, on aura remarqué que ceux qui sont plus près des bords sont considérablement plus gros que ceux qui sont plus proches du milieu, quoiqu'ils soient de même âge ; d'où il s'ensuit, dit M. de Réaumur, dans un mémoire sur l'amélioration de nos forêts, que quand on n'a pas une grande quantité de terrain où l'on puisse élever des arbres en futaie, il est plus avantageux de les laisser élever sur des lisières longues et étroites, que de laisser élever la même quantité d'arbres sur un terrain plus large et moins long. Voyez Mém. de l'Acad. an. 17210 pag. 291.

7°. Le rigoureux hiver de 1709, dont la mémoire durera longtemps, fit mourir par toute la France un nombre prodigieux d'arbres : mais on remarqua, dit M. de Fontenelle, Histoire de l'Acad. 1710. p. 59. que cette mortalité ne s'étendait pas sur tous indifféremment : ceux qu'on aurait jugé en devoir être les plus exempts par leur force, y surent les plus sujets. Les arbres les plus durs, et qui conservent leurs feuilles pendant l'hiver, comme les lauriers, les cyprès, les chênes verts, etc. et entre ceux qui sont plus tendres, comme les oliviers, les châtaigniers, les noyers, etc. ceux qui étaient plus vieux et plus forts moururent presque tous. On chercha dans l'Académie la cause de cette bizarrerie apparente (cela suppose qu'on s'était bien assuré de sa réalité) ; et M. Cassini le fils en donna une fort simple à l'égard des vieux arbres. Il dit avoir remarqué que le grand froid avait détaché leur écorce d'avec le bois, de quelque manière que cela fût arrivé. En effet, il est bien naturel que l'écorce soit plus adhérente au bois dans les jeunes arbres que dans les vieux, beaucoup plus remplis de sucs, et de sucs huileux. M. Chomel en imagina une autre raison. M. Homberg tenta aussi d'expliquer le même phénomène. Voyez leurs conjectures dans les Mémoires de l'Académie.

Quoi qu'il en sait, il est constant que plusieurs arbres qui semblaient avoir échappé à ce cruel hiver, parce qu'ils repoussèrent des branches et des feuilles à la séve du printemps, ne purent profiter de celle de l'automne, et périrent tout à fait. Quand on les coupait, on les trouvait plus noirs et plus brulés dans le cœur, que vers l'aubier et vers l'écorce ; le cœur, qui est plus dur, avait été plus endommagé que l'aubier ; et il était déjà mort, que l'aubier conservait encore un petit reste de vie.

8°. Dans plusieurs arbres fruitiers, comme les pommiers, les poiriers, les châtaigniers, et généralement dans ceux qui en imitent le port, tels que sont les noyers, les chênes, les hêtres, la base de la touffe affecte toujours d'être parallèle au plan d'où sortent les tiges, soit que ce plan soit horizontal ou qu'il ne le soit pas, soit que les tiges elles-mêmes soient perpendiculaires ou inclinées sur ce plan ; et cette affectation est si constante, que si un arbre sort d'un endroit où le plan soit d'un côté horizontal, et de l'autre incliné à l'horizon, la base de la touffe se tient d'un côté horizontale, et de l'autre s'incline à l'horizon autant que le plan. C'est M. Dodart qui s'est le premier aperçu de ce phénomène extraordinaire, et qui en a recherché la cause.

Nous ne rapporterons point ici les conjectures de M. Dodart, parce que nous ne désespérons pas qu'on n'en forme quelque jour de plus vraisemblables et de plus heureuses ; et que ce serait détourner les esprits de cette recherche, que donner quelque satisfaction à la curiosité. Quand la solution d'une difficulté est éloignée, notre paresse nous dispose à prendre pour bonne la première qui nous est présentée : il suffit donc d'avoir appris le phénomène à ceux qui l'ignoraient.

9°. Tout le monde connait ces cercles peu réguliers d'aubier et de bois parfait, qui se voient toujours dans le tronc d'un arbre coupé horizontalement, et qui marquent les accroissements en grosseur qu'il a pris successivement ; par-là on compte son âge assez surement. Le dernier cercle d'aubier qui est immédiatement enveloppé par l'écorce, et la dernière production du tronc en grosseur, est d'une substance plus rare et moins compacte, est bois moins parfait que le cercle qu'il enveloppe lui-même immédiatement, et qui a été la production de l'année précédente ; et ainsi de suite jusqu'au cœur de l'arbre : mais on s'aperçoit qu'à mesure que les cercles concentriques sont plus petits, la différence des couleurs qui est entr'eux disparait.

On croit assez communément que ces cercles sont plus serrés entr'eux du côté du nord que du côté du midi ; et on en conclut qu'il serait possible de s'orienter dans une forêt en coupant un arbre. En effet, il parait assez naturel que les arbres croissent plus en grosseur du côté qu'ils sont plus exposés aux rayons du soleil : cependant ce sentiment n'est pas général ; on soutient que c'est du côté du midi que les cercles sont plus serrés ; et on en donne la raison physique, bonne ou mauvaise : quelques-uns même sont pour le levant, et d'autres pour le couchant.

On a trouvé par un grand nombre d'expériences que ces faits opposés sont vrais. L'arbre a de grosses racines qui se jettent les unes d'un côté les autres de l'autre : s'il en avait quatre à-peu-près égales, qui tendissent vers les quatre points cardinaux de l'horizon, elles fourniraient à tout le tronc une nourriture égale, et les différents cercles auraient chaque année un même accroissement, une même augmentation de largeur ou d'épaisseur, sauf les inégalités qui peuvent survenir d'ailleurs : mais si une des quatre racines manque, celles du nord, par exemple, ce côté-là du tronc sera moins nourri, et les cercles par conséquent seront moins larges ou plus serrés du côté du nord : mais une grosse branche qui part du tronc d'un certain côté, fait le même effet qu'une grosse racine ; la nourriture qui a dû se porter à cette branche en plus grande abondance, a rendu les cercles plus larges de ce côté-là ; et de-là le reste s'ensuit. Mais on voit que tout cela suppose une direction régulière dans le mouvement des sucs de l'arbre : or si une parfaite régularité n'est pas dans la nature ; il faut y calculer des à-peu-près, réitérer des expériences, et reconnaître une cause générale à-travers les petites altérations qu'on remarque dans ses effets.

D'où il s'ensuit que plus les grosses racines sont également distribuées autour du pied de l'arbre, et les grosses branches autour du tronc, plus la nourriture sera également distribuée dans toute la substance de l'arbre ; de sorte qu'on aura un signe extérieur d'une de ses principales qualités, relativement à l'usage des bois.

L'aubier se convertit peu-à-peu en bois parfait ; qu'on appelle cœur : il lui arrive par le mouvement, soit direct, soit latéral de la séve, des particules qui s'arrêtent dans les interstices de sa substance lâche, et la rendent plus ferme et plus dure. Avec le temps l'aubier n'est plus aubier ; c'est une couche ligneuse : le dernier aubier est à la circonférence extérieure du tronc ; et il n'y en a plus quand l'arbre cesse de croitre.

Un arbre est d'autant plus propre au service, qu'il a moins d'aubier et plus de cœur ; et MM. Duhamel et de Buffon, dont nous tirons ces remarques, ont trouvé, par des expériences réitérées, que les bons terrains ont toujours fourni les arbres qui avaient le moins d'aubier ; et que plus les couches d'aubier ont d'étendue, plus le nombre en est petit. En effet, c'est l'abondance de nourriture qui leur donne une plus grande étendue ; et cette même abondance fait qu'elles se convertissent plus promptement en bois, et ne sont plus au nombre des couches d'aubier.

L'aubier n'étant pas compté pour bois de service, deux arbres de même âge et de même espèce peuvent être tels par la seule différence des terrains, que celui qui aura cru dans le bon, aura deux fois plus de bois de service que l'autre, parce qu'il aura deux fois moins d'aubier. Il faut pour cela que les arbres soient d'un certain âge.

On croit communément qu'en plantant les jeunes arbres qu'on tire de la pépinière, il faut les orienter comme ils l'étaient dans la pépinière ; c'est une erreur : vingt-cinq jeunes arbres de même espèce, plantés dans un même champ, alternativement orientés et non orientés comme dans la pépinière, ont tous également réussi.

Le froid par lui-même diminue le mouvement de la séve, et par conséquent il peut être au point de l'arrêter tout à fait, et l'arbre périra : mais le cas est rare, et communément le froid a besoin d'être aidé pour nuire beaucoup. L'eau et toute liqueur aqueuse se raréfie, en se gelant ; s'il y en a qui soit contenue dans les pores intérieurs de l'arbre, elle s'étendra donc par un certain degré de froid, et mettra nécessairement les petites parties les plus délicates dans une distension forcée et très-considérable ; car on sait que la force de l'extension de l'eau qui se gèleest presque prodigieuse ; que le soleil survienne, il fondra brusquement tous ces petits glaçons, qui reprendront leur volume naturel : mais les parties de l'arbre qu'ils avaient distendues violemment pourront ne pas reprendre de même leur première extension ; et si elle leur était nécessaire pour les fonctions qu'elles doivent exercer, tout l'intérieur de l'arbre étant altéré, la végétation sera troublée ou même détruite, du moins en quelque partie. Il aurait fallu que l'arbre eut été dégelé doucement et par degrés, comme on dégèledes parties gelées d'animaux vivants. Ce système est très-applicable à l'effet du grand froid de 1709, dont nous avons parlé plus haut.

Les plantes résineuses seront moins sujettes à la gelée, ou en seront moins endommagées que les autres. L'huîle ne s'étend pas par le froid comme l'eau ; au contraire, elle se resserre.

Un grand froid agit par lui-même sur les arbres qui contiendront le moins de ces petits glaçons intérieurs, ou qui n'en contiendront point du tout, si l'on veut ; sur les arbres les plus exposés au soleil et sur les parties les plus fortes, comme le tronc. On voit par-là quelles sont les circonstances dont un froid médiocre a besoin pour être nuisible : il y en a surtout deux fort à craindre ; l'une, que les arbres aient été imbibés d'eau ou d'humidité quand le froid est venu, et qu'ensuite le dégel soit brusque ; l'autre, que cela arrive dans un temps où les parties les plus tendres et les plus précieuses de l'arbre, les rejetons, les bourgeons, les fruits commencent à se former.

L'hiver de 1709 rassembla les circonstances les plus fâcheuses ; aussi est-on bien sur qu'un pareil hiver ne peut être que rare. Le froid fut par lui-même fort vif : mais la combinaison des gelées et des dégels fut singulièrement funeste ; après de grandes pluies, et immédiatement après, vint une gelée très-forte dès son premier commencement ; ensuite un dégel d'un jour ou deux, très-subit et très-court ; et aussitôt une seconde gelée longue et forte.

MM. de Buffon et Duhamel ont Ve beaucoup d'arbres qui se sentaient de l'hiver de 1709, et qui en avaient contracté des maladies ou des défauts sans remède. Un des plus remarquables est ce qu'ils ont appelé le faux aubier : on voit sous l'écorce de l'arbre le véritable aubier, ensuite une couche de bois parfait qui ne s'étend pas comme elle devrait jusqu'au centre du tronc, en devenant toujours plus parfaite, mais qui est suivie par une nouvelle couche de bois imparfait ou de faux aubier ; après quoi revient le bois parfait qui Ve jusqu'au centre. On est sur par les indices de l'âge de l'arbre et de leurs différentes couches, que le faux aubier est de 1709. Ce qui cette année-là était le véritable aubier ne put se convertir en bon bois, parce qu'il fut trop altéré par l'excès du froid ; la végétation ordinaire fut comme arrêtée-là : mais elle reprit son cours dans les années suivantes, et passa par-dessus ce mauvais pas ; de sorte que le nouvel aubier qui environna ce faux aubier, se convertit en bois de son temps, et qu'il resta à la circonférence du tronc celui qui devait toujours y être naturellement.

Le faux aubier est donc un bois plus mal conditionné et plus imparfait que l'aubier ; c'est ce que la différence de pesanteur et la facilité à rompre ont en effet prouvé. Un arbre qui aurait un faux aubier serait fort défectueux pour les grands ouvrages, et d'autant plus que ce vice est plus caché, et qu'on s'avise moins de le soupçonner.

Les gelées comme celle de 1709, et qui sont proprement des gelées d'hiver, ont rarement les conditions nécessaires pour faire tant de ravages, ou des ravages si marqués en grand : mais les gelées du printemps, moins fortes en elles-mêmes, sont assez fréquentes, et assez souvent en état, par les circonstances, de faire beaucoup de mal. La théorie qui précède en rend raison : mais elle fournit en même temps dans la pratique de l'agriculture des règles pour y obvier, dont nous nous contenterons d'apporter quelques exemples.

Puisqu'il est si dangereux que les plantes soient attaquées par une gelée du printemps, lorsqu'elles sont fort remplies d'humidité, il faut avoir attention, surtout pour les plantes délicates et précieuses, telles que la vigne, à ne les pas mettre dans un terrain naturellement humide, comme un fond, ni à l'abri d'un vent de nord qui aurait dissipé leur humidité, ni dans le voisinage d'autres plantes qui leur en auraient fourni de nouvelles par leur transpiration, ou des terres labourées nouvellement, qui feraient le même effet.

Les grands arbres mêmes, dès qu'ils sont tendres à la gelée, comme les chênes, doivent être compris dans cette règle : mais voyez dans le Mémoire même de MM. Duhamel et Buffon, année 1737, le détail des avantages qu'on peut retirer de leurs observations, et concluez avec l'historien de l'Académie, 1°. que si la nécessité des expériences pouvait être douteuse, rien ne la prouverait mieux que les grands effets que de petites attentions peuvent avoir dans l'agriculture et dans le jardinage. On aperçoit à chaque moment des différences très-sensibles, dans des cas où il ne parait pas qu'il dû. s'en trouver aucune ; d'où naissent-elles ? de quelques principes qui échappent par leur peu d'importance apparente : 2°. que si l'agriculture qui occupe la plus grande partie des hommes pendant toute leur vie, et pour leurs besoins les plus essentiels, n'a pourtant fait que des progrès fort lents, c'est que ceux qui exercent par état cet art important, n'ont presque jamais un certain esprit de recherche et de curiosité ; ou que quand ils l'ont, le loisir leur manque ; ou que si le loisir ne leur manque pas, ils ne sont pas en état de rien hasarder pour des épreuves. Ces gens ne voient donc que ce qu'ils sont forcés de voir, et n'apprennent que ce qu'ils ne peuvent, pour ainsi dire, éviter d'apprendre. Les Académies modernes ont enfin senti combien il était utîle de tourner ses vues d'un côté si intéressant, quoique peut-être dépourvu d'un certain éclat : mais tout prend de l'étendue, de l'élevation et de la dignité dans certaines mains ; le caractère de l'esprit de l'homme passe nécessairement dans la manière dont il exécute sa tâche, et dans la manière dont il l'expose. Il est des gens qui ne savent dire que de petites choses sur de grands sujets ; il en est d'autres à qui les plus petits sujets en suggèrent de grandes.

10. Des arbres dépouillés de leur écorce dans toute leur tige, et laissés sur pied en cet état jusqu'à ce qu'ils meurent ; ce qui ne Ve qu'à trois ou quatre ans au plus, fournissent un bois plus pesant, plus serré, et plus uniformément serré que ne feraient d'autres arbres de même espèce, de même âge, de même grosseur, semblables en tout, mais qui n'auraient pas été dépouillés de leur écorce, et qui n'auraient pas été traités de même : outre cela ils fournissent plus de bois bon à employer ; car des autres arbres il en faut retrancher l'aubier, qui est trop tendre et trop différent du cœur ; au lieu que dans ceux-ci tout est cœur ; ou leur aubier, ou ce qui en tient la place, est aussi dur ou même plus dur que le cœur des autres. On trouvera dans les remarques précédentes de quoi expliquer ce phénomène ; on n'a qu'à voir comment l'aubier devient bois parfait à la longue, et l'on verra comment il doit se durcir tout en se formant, quand l'arbre est sans écorce.

La différence de poids entre deux morceaux de chêne, qui ne diffèrent que de ce que l'un vient d'un arbre écorcé, et que l'autre vient d'un arbre non écorcé ; et par conséquent la différence de solidité est d'un cinquième, ce qui n'est pas peu considérable.

Malgré cet avantage de l'écorcement des arbres, les ordonnances le défendent sévèrement dans le royaume ; et les deux Académiciens, à qui nous avons obligation de ces expériences utiles, ont eu besoin de permission pour oser les faire. Cette manière de consolider les bois n'était entièrement inconnue ni aux anciens ni aux modernes : Vitruve avait dit que les arbres entaillés par le pied en acquéraient plus de qualité pour les bâtiments ; et un auteur moderne Anglais, cité par M. Buffon, avait rapporté cette pratique comme usitée dans une province d'Angleterre.

Le tan nécessaire pour les cuirs se fait avec l'écorce de chêne ; et on l'enlevait dans le temps de la seve, parce qu'alors elle était plus aisée à enlever, et que l'opération coutait moins : mais ces arbres écorcés ayant été abattus leurs souches repoussaient moins, parce que les racines s'étaient trop épuisées de sucs. On croyait d'ailleurs que ces souches ne repoussaient plus du collet, comme il le faut pour faire de nouveau bois ; ce qui n'est vrai que des vieux arbres, ainsi que M. Buffon s'en est assuré.

Un arbre écorcé produit encore au moins pendant une année des feuilles, des bourgeons, des fleurs, et des fruits ; par conséquent il est monté des racines dans tout son bois, et dans celui-même qui était le mieux formé, une quantité de séve suffisante pour ces nouvelles productions. La seule séve propre à nourrir le bois, a formé aussi tout le reste : donc il n'est pas vrai, comme quelques-uns le croient, que la séve de l'écorce, celle de l'aubier, et celle du bois, nourrissent et forment chacune une certaine partie à l'exclusion des autres.

Pour comparer la transpiration des arbres écorcés et non écorcés, M. Duhamel fit passer dans de gros tuyaux de verre des tiges de jeunes arbres, toutes semblables ; il les mastiqua bien haut et bas, et il observa que pendant le cours d'une journée d'été tous les tuyaux se remplissaient d'une espèce de vapeur, de brouillard, qui se condensait le soir en liqueur, et coulait en-bas ; c'était-là sans doute la matière de la transpiration ; elle était sensiblement plus abondante dans les arbres écorcés : de plus on voyait sortir des pores de leur bois une séve épaisse et comme gommeuse.

De-là M. Duhamel conclut que l'écorce empêche l'excès de la transpiration, et la réduit à n'être que telle qu'il le faut pour la végétation de la plante ; que puisqu'il s'échappe beaucoup plus de sucs des arbres écorcés, leurs couches extérieures doivent se dessécher plus aisément et plus promptement ; que ce desséchement doit gagner les couches inférieures, etc. Ce raisonnement de M. Duhamel explique peut-être le durcissement prompt des couches extérieures : mais il ne s'accorde pas, ce me semble, aussi facilement avec l'accroissement de poids qui survient dans le bois des arbres écorcés.

Si l'écorcement d'un arbre continue à le faire mourir, M. Duhamel conjecture que quelque enduit pourrait lui prolonger la vie, sans qu'il prit un nouvel accroissement : mais il ne pourrait vivre sans s'accroitre, qu'il ne devint plus dur et plus compact ; et par conséquent plus propre encore aux usages qu'on en pourrait tirer : la conjecture de M. Duhamel mérite donc beaucoup d'attention.

Mais nous ne finirons point cet article sans faire mention de quelques autres vues de l'habîle académicien que nous venons de citer, et qui sont entièrement de notre sujet.

La manière de multiplier les arbres par bouture et par marcotte, est extrêmement ancienne et connue de tous ceux qui se sont mêlés d'agriculture. Une branche piquée en terre devient un arbre de la même espèce que l'arbre dont elle a été séparée. Cette manière de multiplier les arbres est beaucoup plus prompte que la voie de semence ; et d'ailleurs elle est unique pour les arbres étrangers transportés dans ce pays-ci, et qui n'y produisent point de graine. C'est aussi ce qui a engagé M. Duhamel à examiner cette méthode avec plus de soin.

Faire des marcottes ou des boutures, c'est faire en sorte qu'une branche qui n'a point de racines s'en garnisse ; avec cette différence que si la branche est séparée de l'arbre qui l'a produite, c'est une bouture ; et que si elle y tient pendant le cours de l'opération, c'est une marcotte. Voyez BOUTURE et MARCOTTE. Il était donc nécessaire d'examiner avec attention comment se faisait le développement des racines, si on voulait parvenir à le faciliter.

Sans vouloir établir dans les arbres une circulation de séve analogue à la circulation du sang qui se fait dans le corps animal, M. Duhamel admet une séve montante qui sert à nourrir les branches, les feuilles et les bourgeons ; et une descendante qui se porte vers les racines. L'existence de ces deux espèces de séve est démontrée par plusieurs expériences : celle-ci surtout la prouve avec la dernière évidence. Si on interrompt par un anneau circulaire enlevé à l'écorce, ou par une forte ligature le cours de la séve, il se forme aux extrémités de l'écorce coupée deux bourrelets : mais le plus haut, celui qui est au-bas de l'écorce supérieur, est beaucoup plus fort que l'inférieur, que celui qui couronne la partie la plus basse de l'écorce. La même chose arrive à l'insertion des greffes ; il s'y forme de même une grosseur ; et si cette grosseur est à portée de la terre, elle ne manque pas de pousser des racines : alors si le sujet est plus faible que l'arbre qu'on a greffé dessus, il périt, et la greffe devient une véritable bouture.

L'analogie de ces bourrelets et de ces grosseurs dont nous venons de parler, a conduit M. Duhamel à penser que ceux-ci pourraient de même donner des racines ; il les a enveloppés de terre ou de mousse humectée d'eau, et il a Ve qu'en effet ils en produisaient en abondance.

Voilà donc déjà un moyen d'assurer le succès des boutures. Ordinairement elles ne périssent que parce qu'il faut qu'elles vivent de la séve qu'elles contiennent, et de ce qu'elles peuvent tirer de l'air par leurs bourgeons, jusqu'à ce qu'elles aient formé des racines par le moyen que nous venons d'indiquer. En faisant sur la branche, encore attachée à l'arbre, la plus grande partie de ce qui se passerait en terre, on les préservera de la pourriture et du desséchement, qui sont ce qu'elles ont le plus à craindre.

M. Duhamel ne s'est pas contenté de cette expérience, il a voulu connaître la cause qui faisait descendre la séve en si grande abondance. On pouvait soupçonner que c'était la pesanteur. Pour s'en éclaircir, après avoir fait des entailles et des ligatures à des branches, il les a pliées de façon qu'elles eussent la tête en-bas : cette situation n'a point troublé l'opération de la nature, et les bourrelets se sont formés, comme si la branche eut été dans sa situation naturelle. Mais voici quelque chose de plus surprenant. M. Duhamel a planté des arbres dans une situation absolument renversée, les branches dans la terre et les racines en l'air ; ils ont repris dans cette étrange position ; les branches ont produit des racines, et les racines des feuilles. Il est vrai qu'ils ont d'abord poussé plus faiblement que ceux qui étaient plantés à l'ordinaire : mais enfin ils ont poussé ; et dans quelques-uns de ces sujets, la différence au bout de quelques années ne s'apercevait plus.

Il en a fait arracher plusieurs, et il a Ve que les racines portaient toutes des grosseurs qui se trouvaient à l'insertion des bourgeons ; il a jugé en conséquence que ces grosseurs analogues aux loupes des greffes et aux bourrelets causés par les ligatures, étaient indifférentes à produire des bourgeons ou des racines. Pour s'en assurer il a fait élever à trois pieds de haut une futaille, qu'il a remplie de terre ; après en avoir percé le fond de plusieurs trous, il a passé par ces trous des boutures, dont le bout entrait dans le terrain au-dessous de la futaille. Les unes étaient placées le gros bout en haut, et les autres au contraire. Toutes ont poussé des racines dans la partie qui entrait dans le terrain, des bourgeons et des feuilles entre le terrain et la futaille, des racines dans la futaille et des feuilles au-dessus.

Les germes qui existent dans les arbres sont donc également propres à produire des bourgeons ou des racines : le seul concours des circonstances les détermine à l'un ou à l'autre ; il n'en faut cependant rien conclure contre les causes finales : ce n'est pas un seul phénomène qui peut ébranler un dogme conforme à la raison, à la saine Théologie, et confirmé par une multitude d'effets enchainés les uns aux autres avec tant de sagesse.

M. Duhamel appuie l'expérience précédente par un grand nombre d'autres, et donne le manuel de l'opération nécessaire pour élever des boutures avec autant de sûreté et de facilité qu'il est possible. Voici l'extrait de ce manuel.

Le vrai temps pour couper les boutures est vers le commencement du mois de Mars. Miller veut qu'on attende l'automne pour les boutures d'arbres verts : et peut-être a-t-il raison. Il faut choisir une branche dont le bois soit bien formé, et dont les boutons paraissent bien conditionnés. On fera former un bourrelet, si on en a le temps et la commodité : dans ce cas si la branche est menue, on n'entaillera pas l'écorce ; il suffira d'une ligature ferme de laiton ou de ficelle cirée : si elle a plus d'un pouce de diamètre, on pourra enlever un petit anneau d'écorce de la largeur d'une ligne, et recouvrir le bois de plusieurs tours de fil ciré : si la branche ne périt pas, le bourrelet en sera plus gros et plus disposé à produire des racines ; on recouvrira aussitôt l'endroit où se doit former le bourrelet avec de la terre et de la mousse qu'on retiendra avec un réseau de ficelle : on fera bien de garantir cet endroit du soleil, et de le tenir un peu humide. Le mois de Mars suivant, si en défaisant l'appareil on trouve au-dessus de la ligature un gros bourrelet, on aura tout lieu d'espérer du succès : si le bourrelet est chargé de mamelons ou de racines, le succès est certain ; on pourra en assurance couper les boutures au-dessous du bourrelet et les mettre en terre, comme on Ve dire.

Si on n'a pas le temps ou la commodité de laisser former des bourrelets, on enlevera du moins avec les boutures la grosseur qui se trouve à l'insertion des branches. Si dans la portion des boutures qui doit être en terre il y a quelques branches à retrancher, on ne les abattra pas au ras de la branche : mais pour ménager la grosseur dont on vient de parler, on conservera sur les boutures une petite éminence qui ait seulement deux lignes d'épaisseur.

Si à la portion des boutures qui doit être en terre il y avait des boutons, on les arracherait, en ménageant seulement les petites éminences qui les supportent, puisqu'on a reconnu qu'elles sont disposées à fournir des racines. Malpighi recommande de faire de petites entailles à l'écorce ; et je crois que cette précaution peut être avantageuse.

Voilà les boutures choisies et taillées : il faut faire en sorte qu'elles ne se dessechent pas, qu'elles ne pourrissent pas, et qu'elles poussent promptement des racines. Voyez, dans le Mémoire de M. Duhamel, ce qu'on peut pratiquer pour remplir ces intentions.

Quant aux marcottes, quand on veut en avoir beaucoup d'un même arbre, on fait ce que les jardiniers appellent des mères, c'est-à-dire qu'on abat un gros arbre presqu'à ras de terre ; le tronc coupé pousse au printemps quantité de bourgeons ; l'automne suivante on bute la souche, c'est-à-dire qu'on la couvre d'un bon demi-pié d'épaisseur de terre, ayant soin que les bourgeons sortent en-dehors : deux ans après on trouve tous ces bourgeons garnis de bonnes racines, et en état d'être mis en pépinière ; et comme la souche, à mesure qu'on la décharge de bourgeons qui ont pris racine, en fournit de nouveaux, une mère bien ménagée fournit tous les deux ans du plant enraciné en abondance, et cela pendant des 12 à 15 années.

La tige pousse d'autant plus de bourgeons qu'elle est plus grosse, et qu'on n'aurait qu'un très-petit nombre de boutures d'une tige qui n'aurait que deux à trois pouces de diamètre. En ce cas, on coupe la tige à un pied ou deux pieds de terre : elle produit quantité de bourgeons dans toute cette longueur ; l'automne on fait une décomble tout autour et une tranchée, dans le milieu de laquelle on couche cette tige, et on étend de côté et d'autre tous les bourgeons. On couvre de terre la tige couchée et l'insertion des bourgeons ; et on peut être assuré que la seconde année, toutes ces marcottes seront bien garnies de racines.

Mais il y a des branches qui seront dix à douze ans en terre, sans y produire la moindre racine ; tel est le catalpa : alors il faut arrêter la séve descendante, et occasionner la formation d'un bourrelet par incision ou par ligature.

On fera l'incision ou la ligature à la partie basse. Si on laisse les bourgeons dans la situation qu'ils ont prise naturellement, on fera la ligature le plus près qu'on pourra de la souche ou de la branche dont on sort la marcotte. Si on est obligé de courber la marcotte, on placera la ligature à la partie la plus basse au-dessous d'un bouton de l'éruption d'une branche, etc.

Enfin comme les racines poussent aux endroits où les tumeurs sont environnées d'une terre convenablement humectée, on entretiendra la terre fraiche et humide ; ce sera pour les marcottes qu'on fait en pleine terre, en couvrant la terre de litière, et en l'arrosant. Quant aux marcottes qu'on passe dans des manequins, pots ou caisses, voyez, dans le mémoire de M. Duhamel, les précautions qu'il faut prendre.

Il suit de tout ce qui précède, que plus on étudie la nature, plus on est étonné de trouver dans les sujets les plus vils en apparence des phénomènes dignes de toute l'attention et de toute la curiosité du philosophe. Ce n'est pas assez de la suivre dans son cours ordinaire et réglé, il faut quelquefois essayer de la dérouter, pour connaître toute sa fécondité et toutes ses ressources. Le peuple rira du philosophe quand il le verra occupé dans ses jardins à déraciner des arbres pour leur mettre la cime en terre et les racines en l'air : mais ce peuple s'émerveillera quand il verra les branches prendre racine, et les racines se couvrir de feuilles. Tous les jours le sage joue le rôle de Démocrite, et ceux qui l'environnent celui des Abdéritains. Cette aventure est des premiers âges de la philosophie et d'aujourd'hui.

ARBRE DE JUDEE ou ARBRE DE JUDAS, voyez GAINIER. (I)

ARBRE, (Histoire naturelle, Botanique) qui porte des savonnettes, arbor sapinda ; genre de plante observé par le P. Plumier. Ses fleurs sont composées ordinairement de quatre pétales disposés en rose ; le pistil sort d'un calice composé de quatre feuilles, et devient dans la suite un fruit sphérique qui renferme une petite noix aussi sphérique, dans laquelle il y a une amande de même figure. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* Cet arbre est désigné dans les Botanistes par arbor saponaria americana. Il croit à la Jamaïque et dans d'autres contrées des Indes occidentales. Son fruit est mûr en Octobre. Lorsqu'il est sec, il est sphérique, d'une couleur rougeâtre, plus petit qu'une noix de galle, amer au gout, mais sans odeur.

On le recommande dans les pâles couleurs. Le fruit passe pour un spécifique contre cette maladie ; il la guérit infailliblement, surtout quand on a fait usage des eaux ferrugineuses. On en croit la teinture, l'extrait et l'esprit plus énergiques encore.

ARBRE DE VIE, thuya, (Histoire naturelle, Botanique) arbrisseau dont les embryons écailleux deviennent des fruits oblongs. On trouve entre les écailles des semences bordées d'un feuillet délié. Ajoutez aux caractères de ce genre la structure singulière de ses feuilles, qui sont formées par de petites écailles posées les unes sur les autres. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

On apporta cet arbre de Canada en France au roi François I. Ses feuilles sont résolutives, dessiccatives, carminatives, sudorifiques ; son bois est détersif, sudorifique, propre pour résister aux venins, aux maux des yeux ou des oreilles, étant pris en poudre ou en infusion.

Il est ainsi nommé parce qu'il est toujours verd, et qu'il rend une odeur douce et agréable. On l'appelle encore cedre américain, ou arbre toujours verd. Il est chaud et apéritif ; il provoque les règles, guérit les pâles couleurs, dissout les tumeurs : son huîle appliquée sur la goutte, la soulage. Son action est analogue à celle du feu ; elle irrite et elle dissout ; elle purge les lits de puces et de poux. Boerh. Inst. (N)

ARBRE DE VIE, (Théologie) c'était un arbre planté au milieu du paradis, dont le fruit aurait eu la vertu de conserver la vie à Adam, s'il avait obéi aux ordres de Dieu ; mais cet arbre de vie fut pour lui un arbre de mort, à cause de son infidélité et de sa desobéissance.

ARBRE de la science du bien et du mal ; c'était un arbre que Dieu avait planté au milieu du paradis. Il avait défendu à Adam d'y toucher, sous peine de la vie : quo enim die comederis ex eo, morte morieris. On dispute si l'arbre de vie et l'arbre de la science du bien et du mal étaient un même arbre. Les sentiments sont partagés sur cela. Voici les raisons qu'on apporte pour et contre le sentiment qui tient que c'étaient deux arbres différents. Moyse dit que Dieu ayant planté le jardin d'Eden, y mit toutes sortes de bons arbres, et en particulier l'arbre de vie au milieu du paradis ; comme aussi l'arbre de la science du bien et du mal. Et lorsqu'il eut mis l'homme dans le paradis, il lui dit : mangez de tous les fruits du jardin, mais ne mangez pas du fruit de la science du bien et du mal ; car au moment que vous en aurez mangé, vous mourrez. Et lorsque le serpent tenta Eve, il lui dit : pourquoi Dieu vous a-t-il défendu de manger de tous les fruits du jardin ? Eve répondit, Dieu nous a permis de manger des fruits du paradis, mais il nous a défendu d'user du fruit qui est au milieu du jardin, de peur que nous ne mourrions. Le serpent répliqua : vous ne mourrez point ; mais Dieu sait qu'aussi-tôt que vous en aurez mangé, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal. Et après qu'Adam et Eve eurent violé le commandement du Seigneur, Dieu les chassa du paradis, et leur dit : voilà Adam qui est devenu comme l'un de nous, sachant le bien et le mal ; mais à-présent de peur qu'il ne prenne encore du fruit de vie, qu'il n'en mange, et ne vive éternellement, il le mit hors du paradis. Genèse IIe 9. ibid. Ve 17. Genèse IIIe 1. 2. 3. et Ve 22.

De tous ces passages on peut inférer en faveur du sentiment qui n'admet qu'un arbre dont Dieu ait défendu l'usage à Adam. 1°. Qu'il n'est pas nécessaire d'en reconnaître deux ; le même fruit qui devait conférer la vie à Adam, pouvant aussi donner la science. 2°. Le texte de Moyse peut fort bien s'entendre d'un seul arbre : Dieu planta l'arbre de la vie ou l'arbre de la science. Souvent dans l'hébreu la conjonction et est équivalente à la disjonctive ou ; et de la même manière, de peur qu'il ne prenne aussi le fruit de vie, et ne vive éternellement, se peut expliquer en ce sens : de peur que comme il en a pris, croyant y trouver la science, il n'y retourne aussi pour y trouver la vie. 3°. Enfin le démon attribue véritablement au même arbre le fruit de la vie et le fruit de la science : vous ne mourrez point ; mais Dieu sait qu'aussi-tôt que vous aurez mangé de ce fruit, vous saurez le bien et le mal. Il les rassure contre la peur de la mort, et leur promet la science en leur offrant le fruit défendu.

Mais l'opinion contraire parait mieux fondée dans la lettre du texte. Moyse distingue manifestement ces deux arbres, l'arbre de la vie, et l'arbre de la science : pourquoi les vouloir confondre sans nécessité ? La vie et la science sont deux effets tout différents ; pourquoi vouloir qu'ils soient produits par le même fruit ? Est-ce trop que de défendre à Adam l'usage de deux arbres ? Le discours que Dieu tient à Adam après son péché, parait bien exprès pour distinguer ici deux arbres : de peur qu'il ne prenne aussi du fruit de vie, et ne vive éternellement ; comme s'il disait, il a déjà gouté du fruit de la science, il faut l'éloigner du fruit de vie, de peur qu'il n'en prenne aussi. Le démon à la vérité rassure Eve et Adam contre la crainte de la mort ; mais il ne leur offre que le fruit de la science, en leur disant que dès qu'ils en auront gouté, ils seront aussi éclairés que des dieux : d'où vient qu'après leur péché il est dit que leurs yeux furent ouverts. Ces raisons nous font préférer ce dernier sentiment au premier. Voyez S. Augustin, lib. VI. de l'ouvrage imparfait contre Julien, cap. xxx. p. 1359 et suiv.

On demande quelle était la nature du fruit défendu. Quelques-uns ont cru que c'était le froment, d'autres que c'était la vigne, d'autres le figuier, d'autres le cerisier, d'autres le pommier : ce dernier sentiment a prévalu, quoiqu'il ne soit guère mieux fondé que les autres. On cite pour le prouver le passage du Cantique des cantiques : je vous ai éveillée sous un pommier, c'est-là que votre mère a perdu son innocence ; comme si Salomon avait voulu parler en cet endroit de la chute de la première femme. Rabb. in Sanhedrin, fol. 70. Theodos. apud Theodor. quaest. xxviij. in Gent. Indor. Pelus. liv. I. épitr. IIe canticor. VIIIe 5.

Plusieurs anciens ont pris tout le récit de Moyse dans un sens figuré, et ont cru qu'on ne pouvait expliquer ce récit que comme une allégorie.

S. Augustin a cru que la vertu de l'arbre de vie et de l'arbre de la science du bien et du mal, était surnaturelle et miraculeuse ; d'autres croient que cette vertu lui était naturelle. Selon Philon, l'arbre de vie marquait la piété, et l'arbre de la science la prudence. Dieu est l'auteur de ces vertus. Les Rabbins racontent des choses incroyables et ridicules de l'arbre de vie. Il était d'une grandeur prodigieuse, toutes les eaux de la terre sortaient de son pied ; quand on aurait marché cinq cens ans, on en aurait à peine fait le tour. Peut-être que tout cela n'est qu'une allégorie ; mais la chose ne mérite pas qu'on se fatigue à en chercher le sens caché. August. de Genèse ad Litter. lib. VIII. et lib. II. de peccat. Merit. c. xxj. Josephe, Antiq. lib. I. Bonavent. Hugo Victor. etc. Philo. de Opificio mundi, pag. 35. Basnage, Histoire des Juifs, liv. VI. cap. XIIe art. 18. Calmet, dict. de la Bib. tom. I. lett. A. p. 205. (G)

ARBRE de Diane ou ARBRE philosophique, (Chimie) végétation métallique artificielle, dans laquelle on voit un arbre se former et croitre peu-à-peu du fond d'une bouteille pleine d'eau.

Cette opération se fait par le mélange de l'argent, du mercure et de l'esprit de nitre, qui se crystallisent ensemble en forme d'un petit arbre.

Furetière dit qu'on a Ve à Paris végéter les métaux, l'or, l'argent, le fer et le cuivre, préparés avec l'eau-forte ; et qu'il s'élève dans cette eau une espèce d'arbre qui croit à vue d'oeil, et se divise en plusieurs branches dans toute la hauteur de l'eau, tant qu'il y a de la matière. On appelle cette eau, eau de caillou ; et le secret en a été donné par Rhodès Carasses, chimiste grec, dont parle le Journal des Savants de 1677.

Il y a deux manières différentes de faire cette expérience amusante. La première est d'une longueur à faire languir un curieux : voici comment la décrit Lemery. Prenez une once d'argent ; faites la dissolution dans trois onces d'esprit de nitre ; jetez votre dissolution dans un matras où vous aurez mis dixhuit ou vingt onces d'eau et deux onces de vif-argent : il faut que le matras soit rempli jusqu'au cou ; laissez-le en repos sur un petit rondeau de paille en quelque lieu sur durant quarante jours : vous verrez pendant ce temps-là se former un arbre avec des branches, et des petites boules au bout qui représentent des fruits.

La seconde manière de faire l'arbre de Diane est plus prompte, mais elle est moins parfaite ; elle est dû. à M. Homberg, et elle se fait en un quart-d'heure. Pour la faire, prenez quatre gros d'argent fin en limaille ; faites-en un amalgame à froid avec deux gros de mercure ; dissolvez cet amalgame en quatre onces d'eau-forte ; versez cette dissolution dans trois demi-septiers d'eau commune ; battez-les un peu ensemble pour les mêler, et gardez le tout dans une bouteille bien bouchée.

Quand vous voudrez vous en servir pour faire un arbre métallique, prenez-en une once ou environ, et mettez dans la même bouteille la grosseur d'un petit pois d'amalgame ordinaire d'or ou d'argent, qui soit maniable comme du beurre ; ensuite laissez la bouteille en repos deux ou trois minutes de temps,

Aussi-tôt après vous verrez sortir de petits filaments perpendiculaires de la boule d'amalgame qui s'augmenteront à vue d'oeil, en jetant des branches en forme d'arbrisseau.

La petite boule d'amalgame se durcira, et deviendra d'un blanc terne ; mais le petit arbrisseau aura une véritable couleur d'argent poli. M. Homberg explique parfaitement la formation de cet arbre artificiel. Le P. Kirker avait à Rome dans son cabinet un pareil arbre métallique, dont on peut trouver une belle description dans son Musœum colleg. Rom. s. 4. p. 46. Cet article est en partie de M. Formey.

ARBRE de Mars, (Chimie) c'est une invention moderne : on en est redevable à M. Lemery le jeune.

Il la découvrit de la manière suivante. Sur une dissolution de limaille de fer dans l'esprit de nitre renfermé dans un verre, il versa de la liqueur alkaline de tartre. La liqueur s'échauffa bientôt très-considérablement, quoiqu'avec une fort petite fermentation ; elle ne fut pas plutôt en repos, qu'il s'y éleva une sorte de branches adhérentes à la surface du verre, lesquelles continuant à croitre, le couvrirent enfin tout entier.

La forme des branches était si parfaite, que l'on pouvoir même y découvrir des espèces de feuilles et de fleurs ; de manière que cette végétation peut être appelée l'arbre de Mars à aussi juste titre que l'on appelle la précédente l'arbre de Diane. Voyez l'Histoire de l'acad. royale des Sciences de 1706. (M)

ARBRE de porphyre, en Logique, s'appelle autrement échelle des prédicaments, scala praedicamentalis. Voyez PREDICAMENT.

* ARBRE, (Mythologie) Il y avait chez les Payens des arbres consacrés à certaines divinités. Exemple : le pin à Cybele, le hêtre à Jupiter, le chêne à Rhea ; l'olivier à Minerve, le laurier à Apollon, le lotus et le myrte à Apollon et à Venus, le cyprès à Pluton ; le narcisse, l'adiante ou capillaire à Proserpine ; le frêne et le chien-dent à Mars, le pourpier à Mercure, le pavot à Cérès et à Lucine, la vigne et le pampre à Bacchus, le peuplier à Hercule, l'ail aux dieux Penates ; l'aune, le cedre, le narcisse et le genevrier aux Eumenides ; le palmier aux Muses, le platane aux Génies. Voyez aux articles de ces divinités, les raisons de la plupart de ces consécrations ; mais observez combien elles devaient embellir la poésie des anciens : un poète ne pouvait presque parler d'un brin d'herbe, qu'il ne put en même temps en relever la dignité, en lui associant le nom d'un dieu ou d'une déesse.

ARBRE, s. m. en Marine ; c'est le nom que les Levantins donnent à un mât. Arbre de mestre, c'est le grand mât. Voyez MAST. (Z).

ARBRE se dit figurément, en Mécanique, pour la partie principale d'une machine qui sert à soutenir tout le reste. On s'en sert aussi pour désigner le fuseau ou l'axe sur lequel une machine tourne. (O)

Dans l'art de bâtir et dans la Charpenterie, l'arbre est la partie la plus forte des machines qui servent à élever les pierres ; celle du milieu qu'on voit posée à plomb, et sur laquelle tournent les autres pièces qu'elle porte, comme l'arbre d'une grue, d'un gruau, ou engin. Voyez GRUE, GRUAU, ENGIN.

Chez les Cardeurs, c'est une partie du rouet à laquelle est suspendue la roue, par le moyen d'une cheville de fer qui y entre dans un trou assez large pour qu'elle puisse tourner aisément. Voyez ROUET.

Chez les Cartonniers, c'est une des principales pièces du moulin dont ils se servent pour broyer et délayer leur pâte. Il confiste en un cylindre tournant sur un pivot par en-bas, et sur une crapaudine placée dans le fond de la cuve ou pierre, et par en-haut dans une solive. La partie d'en-bas de ce cylindre qui entre dans la cuve ou pierre, est armée de couteaux : à la hauteur d'environ six pieds, est une pièce de bois de quatre ou cinq pieds de longueur, qui traverse par un bout l'axe de l'arbre, et qui de l'autre a deux mortaises à environ deux ou trois pieds de distance, dans lesquelles sont assujetties deux barres de bois de trois pieds de longueur, qui descendent et forment une espèce de brancart ; on conduit ce brancart à bras, ou par le moyen d'un cheval, qui, en tournant autour de la cuve, donne le mouvement à l'arbre, et par conséquent facilite l'action des couteaux. Voyez les figures 1. et 4. Planche du Cartonnier.

Chez les Friseurs d'étoffes, c'est une pièce A B qui est couchée le long de la machine à friser, sur laquelle est montée la plus grande partie de la machine. Voyez A B, fig. 1. de la machine à friser, Pl. X. de la Draperie. L'ensuple est aussi montée sur un arbre de couche. Voyez ENSUPLE.

Chez les Fileurs d'or, c'est un bouton de fer qui, traversant le sabot et la grande roue, donne en les faisant tourner le mouvement à toutes les autres, par le moyen de la manivelle qu'on emmanche à une de ses extrémités. Voyez MOULIN A FILER L'OR.

Chez les Horlogers ; c'est une pièce ronde ou carrée, qui a des pivots, et sur laquelle est ordinairement adaptée une roue. Les arbres sont en général d'acier ; quelquefois la roue tourne sur l'arbre, comme le barillet sur le sien ; mais le plus communément ils ne font l'un et l'autre qu'un seul corps. Lorsqu'il devient fort petit, il prend le nom de tige. Voyez ESSIEU, AXE, TIGE, BARILLET, FUSEE, etc. (T)

Chez les mêmes ouvriers, c'est un essieu qui est au milieu du barillet d'une montre ou d'une pendule. Voyez la figure 49. Planche X. d'Horlogerie. Cet arbre a sur sa circonférence un petit crochet auquel l'oeil du ressort s'arrêtant, il se trouve comme attaché à cet arbre par une de ses extrémités : c'est autour de cet essieu que le ressort s'enveloppe lorsqu'on le bande en montant la montre. Voyez BARILLET, RESSORT, CROCHET, etc.

C'est encore chez les Horlogers, un outil qui sert à monter des roues et autres pièces, pour pouvoir les tourner entre deux pointes.

Il est ordinairement composé d'une espèce de poulie A, qu'on appelle cuivrot. Voyez la figure 26. Planc. XIII. de l'Horlogerie, et d'un morceau d'acier trempé et revenu bleu, carré dans sa partie B, et rond dans l'autre C, ayant deux pointes à ses deux extrémités B et C. La perfection de cet outil dépend de la justesse avec laquelle on a tourné rond toute la partie C, pour que les pièces que l'on tourne dessus le soient aussi ; et de sa dureté, qui doit être telle qu'il ne cede et ne se fausse point par les différents efforts que l'on fait en tournant les pièces qui sont montées dessus.

Les Horlogers se servent de différentes sortes d'arbres, comme d'arbres à cire, à vis, etc. Ces arbres représentés, figures 18. et 20. de la même Planche, servent à tourner différentes choses, comme des platines, des fausses plaques, et d'autres pièces dont le trou a peu d'épaisseur, et qui ne pourraient que difficilement être fixées sur un arbre, et y rester droites. Pour se servir de l'arbre à vis (figure 20.), on fait entrer la pièce à tourner sur le pivot A fort juste ; et par le moyen de l'écroue 21, on la serre fortement contre l'assiette C C ; par ce moyen on remédie aux inconvénients dont nous avons parlé.

Les Horlogers se servent encore d'un arbre qu'ils appellent un excentrique. Voyez la figure 64. Planche XVI. de l'Horlogerie. Il est composé de deux pièces, l'une A Q, et l'autre C D. La première s'ajuste dans la seconde ; et au moyen des vis V V V qui pressent la plaque Q, elles font corps ensemble, mais de manière cependant qu'en frappant sur la partie Q, on la fait mouvoir ; en sorte que le même point de cette pièce ne répond plus au centre du cuivrot A. On se sert de cet outil pour tourner les pièces qui n'ayant qu'une seule pointe, ne peuvent pas se mettre sur le tour : par exemple, une fusée qui n'a point de pointe à l'extrémité de son carré, et qu'on veut tourner, on en fait entrer le carré dans l'espèce de pince P, et au moyen de la vis S on l'y assure ; ensuite ayant mis le tout dans un tour, supposé que la fusée ne tourne pas rond, on frappe sur l'une des extrémités Q de la pièce Q A, qui par-là changeant de situation par rapport à la pointe E, fait tourner la fusée plus ou moins rond, selon que son axe prolongé passe plus ou moins près de l'extrémité de la pointe E. On réitère cette opération jusqu'à ce que la pièce tourne parfaitement rond.

On appelle encore arbre, un outil (figure 73.) qui a un crochet C, et qui sert à mettre les ressorts dans les barillets et à les en ôter ; il se met dans une tenaille à vis par sa partie A, qui est carrée. (T)

Chez les Imprimeurs, on nomme arbre de presse, la pièce d'entre la vis et le pivot : ces trois parties distinctes par leur dénomination seulement, ne font essentiellement qu'une même pièce de serrurerie travaillée de trois formes différentes. La partie supérieure est une vis ; le milieu ou l'arbre, de figure carrée, quelquefois sphérique, est celle où passe la tête du barreau ; son extrémité est un pivot, qui eu égard à la construction générale et aux proportions de la presse, a toute la force qui est convenable à sa destination et aux pièces dont il fait la troisième et dernière partie ; laquelle trois ou quatre doigts au-dessus de son extrémité, est percée et reçoit une double clavette qui soutient la boite dans laquelle passe la plus grande partie de l'arbre, dimension prise depuis l'entrée du barreau jusqu'à la clavette qui soutient la boite. Voyez VIS, PIVOT, BARREAU, BOITE, Planche IV. figure 2. B E, F, est le pivot qui après avoir traversé la boite, Ve s'appuyer sur la crapaudine de la platine.

ARBRE du rouleau, chez les mêmes ; voyez BROCHE du rouleau.

Dans les Papeteries, arbre est un long cylindre de bois qui sert d'axe à la roue du moulin ; il est armé des deux côtés de tourillons de fer qui portent sur deux piliers ou montants, sur lesquelles il tourne par l'action de l'eau. Cet arbre est garni d'espace en espace de morceaux de bois plats, qui ressortent d'environ quatre pouces, et qui en tournant rencontrent l'extrémité des pilons ou maillets qu'ils élèvent, et laissent ensuite retomber. Les arbres des moulins à papier sont plus ou moins longs, selon la disposition du terrain et la quantité de maillets qu'ils doivent faire jouer. J'ai Ve un moulin à papier dont l'arbre donnait le mouvement à vingt-quatre maillets distribués en six piles. Voyez MOULIN A PAPIER.

Chez les Potiers-d'étain, c'est la principale des pièces qui composent leur tour ; elle consiste en un morceau de fer ordinairement rond ou à huit pans, dont la longueur et la grosseur n'ont point de règle que celle de l'idée du forgeron. Cependant on peut fixer l'une à-peu-près à six pouces de circonférence, et l'autre à environ dix-huit pouces de long. On introduit dans le milieu une poulie de bois sur laquelle passe la corde que la roue fait tourner : aux deux côtés de la poulie, à environ deux pouces d'éloignement, il y a deux moulures à l'arbre qu'on nomme les oignons ; ils sont enfermés chacun dans un collet d'étain posé vers le haut des poupées du tour : ces oignons doivent être bien tournés par l'ouvrier qui a fait l'arbre, et c'est sur ces oignons que l'arbre se meut. L'arbre est ordinairement creux par le bout en-dedans du tour, pour y introduire le mandrin. Voyez MANDRIN. L'autre bout qu'on appelle celui de derrière, doit être préparé à recevoir quelquefois une manivelle qu'on appelle ginguette. Voyez TOURNER A LA GINGUETTE.

Il y a des arbres de tour qui ne sont point creux, et dont le mandrin et l'arbre sont tout d'une pièce : mais ils sont anciens et moins commodes que les creux. Voyez TOUR DE POTIER D'ÉTAIN.

Chez les Rubaniers, c'est une pièce de bois de figure octogone, longue de quatre pieds et demi avec ses mortaises percées d'outre en outre pour recevoir les 12 traverses qui portent les ailes du moulin de l'ourdissoir ; cet arbre porte au centre de son extrémité d'en-haut une broche ou bouton de fer, long de 8 à 9 pouces, qui lui sert d'axe ; l'extrémité d'en bas porte une grande poulie sur laquelle passe la corde de la selle à ourdir. Voyez SELLE A OURDIR. Il y a encore au centre de l'extrémité d'en bas un pivot de fer qui entre dans une petite crapaudine placée au centre des traverses d'en bas. C'est sur ce pivot que l'arbre tourne pendant le travail. Voyez OURDISSOIR.

Chez les Tourneurs, c'est un mandrin fait de plusieurs pièces de cuivre, de fer, et de bois, dont on se sert pour tourner en l'air, pour faire des vis aux ouvrages de tour, et pour tourner en ovale et en d'autres figures irrégulières. Voyez TOUR.

On voit par les exemples qui précédent, qu'il y a autant d'arbres différents de nom, qu'il y a de machines différentes où cette pièce se rencontre ; mais qu'elle a presque par-tout la même fonction : aussi les différentes sortes d'arbres dont nous avons fait mention, suffiront pour faire connaître cette fonction.