(Botanique) Le redoul nommé par nos botanistes coriaria, est un genre de plante à fleur composée de dix étamines chargées chacune de deux sommets ; elles sortent du fond du calice, lequel est divisé en cinq parties jusqu'à sa base. Lorsque la fleur est passée, le pistil contenu dans un autre calice devient un fruit, qui renferme cinq semences assez semblables en figure à celle d'un rein.

Nous ne connaissons qu'une espèce de ce genre dite coriaria ou rhus myrtyfolia, monspeliaca, par C. B. Pin. 414. On l'appelle coriaria ou herbe aux tanneurs, parce qu'elle a le même usage pour apprêter les cuirs, que Théophraste, Dioscoride, Pline et autres auteurs attribuent au sumach, qu'ils ont nommé rhus coriaria ou rhus coriariorum.

Les tanneurs sechent cette herbe, et la font moudre sous une meule posée de champ, qui tourne autour d'un pivot vertical ; cette poudre est un tan bien plus fort que celui de l'écorce de chêne vert ; car quand les tanneurs veulent hâter la préparation des cuirs, ils ne font que mêler le tiers ou le quart de cette poudre au tan ordinaire ; au moyen de ce mélange, le cuir est plus tôt nourri, mais il en vaut beaucoup moins pour l'usage.

M. Linnaeus a rangé le redoul parmi les plantes qui ont des fleurs mâles sur des pieds différents de ceux qui portent les femelles. Il a dix étamines à sa fleur mâle, et la femelle est baccifère ; toutes deux sont sans pétales ; les feuilles sont entières, lisses, trois ou quatre fois plus grandes que celles du myrte, opposées deux à deux le long des tiges.

La plupart des modernes qui ont écrit sur cette plante, se sont contentés de dire qu'elle servait aux tanneurs à nourrir les cuirs, et aux teinturiers à teindre en noir les maroquins ; d'autres l'ont pris pour le rhus obsoniorum, c'est-à-dire, le sumach, avec lequel ils l'ont confondu, trompés par la ressemblance des noms, et le défaut de connaissance de leurs caractères distinctifs ; d'autres, copistes de Pline, ont avancé que le frutex coriarius ou rhus sauvage à feuilles de myrte, était utîle en Médecine pour déterger les ulcères, pour résister au venin, et pour guérir les maladies appelées poeliaques.

Après ces éloges, on ne soupçonnerait pas que le redoul fût une plante vénéneuse ; c'est cependant un vrai poison, et un poison singulier par ses effets ; car il cause également l'épilepsie aux hommes qui mangent de ses fruits, et aux animaux qui broutent ses jeunes rejetons. Ce sont des faits intéressants, sur lesquels on doit quelques observations à M. Sauvage de la Croix insérées dans le recueil de l'académie royale des Sciences, année 1739.

Les chevreaux et les agneaux qui ont mangé des rejetons de cette plante, chancellent, tournoyent, et tombent avec des trémoussements de tout le corps ; ces animaux se relèvent ensuite, mais pendant un temps ils portent la tête basse, et donnent étourdiment contre ce qui se présente à leur passage, et restent enfin des heures entières dans cet état épileptique. Les bergers disent que le redoul enivre seulement ces animaux, et que ce ne sont que les jeunes qui s'y laissent attrapper, les vieux se donnant bien de garde d'y toucher ; ils ajoutent que leur yvresse ne tire pas à conséquence ; mais comme des témoignages de bergers ne sont d'aucun poids, on est venu à des expériences, et l'on a trouvé que les feuilles tendres et nouvelles ne font effectivement qu'enivrer ces animaux, au lieu que les vieilles feuilles et les baies du redoul sont un poison plus violent. M. Linnaeus a remarqué que les jeunes pousses de certaines plantes très-venimeuses étaient sans danger, du moins dans certains pays. Dans la Lapponie suédoise, on mange en salade, sans aucun accident, les jeunes feuilles du napel, ou de l'aconit bleu. En France ne mange-t-on pas les asperges, ou jeunes pousses du clematitis, l'herbe aux gueux, dont les feuilles plus anciennes servent aux mendiants à s'exciter des ulcères aux jambes ?

Mais le redoul est-il réellement un poison pour les hommes ; car on sait que ce qui l'est pour les animaux ne l'est pas toujours pour nous ? Je réponds que deux expériences funestes qui coutèrent la vie à deux personnes, ont assez prouvé combien cette plante est dangereuse.

A Alais, un enfant âgé de dix ans s'avisa de manger au mois de Septembre de l'année 1732, des baies de cet arbrisseau, trompé peut-être par la ressemblance qu'elles ont avec les mûres de ronces ; étant de retour chez lui, il tomba coup sur coup dans plusieurs attaques d'épilepsie si violentes, que nonobstant tous les secours de l'art, il mourut le lendemain.

L'année suivante à pareille saison, un laboureur âgé de 40 ans avala une vingtaine de baies de redoul, et une demi-heure après il fut saisi d'épilepsie ; on le saigna ; les attaques redoublèrent ; on lui donna l'émetique, il vomit une dixaine des baies qu'il avait mangées, et néanmoins il mourut le soir même.

L'action du redoul est inexplicable ; l'inspection et l'ouverture du cadavre n'en découvrent rien ; le gout, la vue, l'odorat ne rendent le redoul suspect qu'autant que la prudence demande de ne pas manger d'un fruit dont on ignore les vertus ; l'affinité de cette plante avec la casia, l'éphédra, le smylax, le tamnus, le genevrier n'apprend rien de ses qualités. Ses baies qui d'abord paraissent agréables, ne se démentent pas pour être mâchées plus longtemps, comme il arrive aux ricins, à l'aconit, à la dentelaire. L'extrait de leur pulpe est mucilagineux, doux, aigrelet, et se fond à l'air, après avoir été desséché. Les pepins pulvérisés et infusés dans l'eau-de-vie, ensuite passés au travers d'un papier brouillard, ne donnent aucune partie huileuse. Soupçonner dans ce fruit un acide coagulant, serait un soupçon imaginaire, et même démenti par l'examen ; car le sang des cadavres ne parait nullement coagulé. Enfin l'analyse chymique du redoul fournit les mêmes principes que ceux des plantes salutaires. Ainsi tenons-nous-en à savoir par le fait, que c'est un poison végétal dont il faut se garder, et qui produit à peu près les mêmes symptômes dans l'homme et dans les animaux qui broutent : ce n'est pas que le redoul ne méritât de nouvelles recherches ; mais personne ne s'occupe des plantes véneneuses. Nous avons quantité d'ouvrages sur les plantes usuelles, où l'on n'a cessé de se copier ; et nous n'en avons pas un sur les plantes nuisibles. (D.J.)