DISCUSSION, est aussi en usage en Médecine, pour exprimer la dissipation de la matière d'une tumeur, et sa sortie au-travers des pores, ou pour distinguer l'évacuation de quelque humeur claire qui s'est amassée dans quelque partie, par une inspiration insensible. Voyez DISCUSSIFS. Chambers.

DISCUSSION, (Jurisprudence) signifie quelquefois contestation, et quelquefois la recherche et l'exécution que l'on fait des biens du débiteur, pour se procurer le payement de ce qui est dû par lui.

La discussion prise dans ce dernier sens est souvent un préalable nécessaire avant que le créancier puisse exercer son action contre d'autres personnes, ou sur certains biens.

Ce bénéfice de discussion, c'est-à-dire l'exception de celui qui demande que discussion soit préalablement faite, est appelé en droit beneficium ordinis, c'est-à-dire une exception tendante à faire observer une certaine gradation dans l'exécution des personnes et des biens.

Ce bénéfice avait lieu dans l'ancien droit, il fut abrogé par le droit du code, et rétabli par la novelle 4 de Justinien, tant pour les cautions ou fidéjusseurs, que pour les tiers acquéreurs.

La discussion ne consiste pas seulement à faire quelques diligences contre le débiteur, et à le mettre en demeure de payer ; il faut épuiser ses biens sujets à discussion jusqu'à le rendre insolvable, usque ad saccum et peram ; c'est l'expression de Loyseau, et l'esprit de la novelle 4 de Justinien.

Anciennement, lorsqu'il était d'usage de procéder par excommunication contre les débiteurs, il fallait avant de prendre cette voie discuter les immeubles du débiteur, si c'était un laïc ; mais la discussion n'était pas nécessaire contre les ecclésiastiques. Voyez les arrêts de 1518. et 1545. rapportés par Bouchel au mot discussion.

La perquisition des biens du débiteur que l'on voulait discuter, se faisait autrefois à son de trompe, suivant ce que dit Masuere ; mais comme c'était une espèce de flétrissure pour le débiteur, on a retranché cette cérémonie, et il suffit présentement que la perquisition soit faite au domicîle du débiteur par un huissier ou sergent, lequel, s'il ne trouve aucuns meubles exploitables, fait un procès-verbal de carence, et rapporte dans son procès-verbal qu'il s'est enquis aux parents et voisins du débiteur s'il y avait d'autres biens, meubles, et immeubles, et fait mention de la réponse : si on ne lui a indiqué aucuns biens, la discussion est finie par ce procès-verbal : si on en a indiqué quelques-uns, il faut les faire vendre en la manière accoutumée, pour que la discussion soit parfaite ; et si après le decret des immeubles indiqués, il s'en trouvait encore d'autres, il faudrait encore les faire vendre.

Si celui qui oppose la discussion prétend qu'il y a encore d'autres biens, c'est à lui à les indiquer ; la discussion doit être faite à ses frais, et il n'est plus recevable ensuite à faire une seconde indication.

Il y a plusieurs sortes de discussions ; savoir celle des meubles avant les immeubles ; celle de l'hypothèque spéciale avant la générale ; celle de l'hypothèque principale avant la subsidiaire ; celle du principal obligé avant ses cautions ou fidéjusseurs, et avant leurs certificateurs ; celle de l'obligé personnellement, ou de ses héritiers, avant les tiers détenteurs ; celle des dernières donations pour la légitime : avant de remonter aux donations précédentes, nous expliquerons ce qui est propre à chacune de ces différentes sortes de discussions, après avoir posé quelques principes qui leur sont communs.

Le bénéfice de discussion a lieu pour les cautions dans tout le royaume ; à l'égard des tiers acquéreurs ou détenteurs, l'usage n'est pas uniforme ; comme on le dira ci-après en parlant de la discussion qui se fait contr'eux.

Il y a des personnes qui ne sont pas obligées de faire aucune discussion préalable, comme le roi pour ce qui lui est dû. et les seigneurs de fief pour leurs droits, pour lesquels ils peuvent directement se prendre à la chose.

Il y a aussi des personnes que l'on n'est pas obligé de discuter, telles que les princes.

On n'est pas non plus obligé de discuter des biens situés hors du royaume : mais on ne peut pas se dispenser de discuter les biens situés dans le ressort d'un autre parlement ; il y a néanmoins quelques parlements, comme Grenoble et Dijon, qui jugent le contraire.

La discussion n'a pas lieu pour les charges foncières ; et dans la coutume de Paris, elle n'a pas lieu non plus pour les rentes constituées. Voyez ci-après DISCUSSION DU TIERS ACQUEREUR.

On peut renoncer au bénéfice de discussion, soit en nommant ce bénéfice, ou dans des termes équipollents, pourvu que la renonciation soit expresse ; la clause que les notaires mettent ordinairement en ces termes, renonçant, etc. n'emporte point une renonciation à ce bénéfice, ni à aucun autre semblable. (A)

DISCUSSION DES BIENS ALIENES. Voyez ci-après DISCUSSION DES TIERS-ACQUEREURS ou DETENTEURS.

DISCUSSION DIS CAUTIONS ou FIDEJUSSEURS. Par l'ancien droit romain, le créancier pouvait s'adresser directement à la caution ou fidéjusseur, et l'obliger de payer sans avoir discuté préalablement le principal obligé ; et s'il y avait plusieurs fidéjusseurs, ils étaient tous obligés solidairement.

L'empereur Adrien leur accorda le bénéfice de division, au moyen duquel chacun ne peut être poursuivi que pour sa part personnelle.

Justinien leur accorda ensuite le bénéfice de discussion, c'est-à-dire le privilège de ne pouvoir être poursuivi que subsidiairement au défaut du principal obligé.

Ce bénéfice a lieu parmi nous pour toutes sortes de cautions, excepté par rapport aux cautions judiciaires contre lesquelles on peut agir directement.

En Bourgogne la caution ne peut exciper du bénéfice de discussion.

On doit discuter la caution avant de s'adresser au certificateur. Voyez Bouvot, tom. II. verbo certificateur, quest. 2. Boerius, decis. 277. n. 3. Loyseau, des off. liv. I. chap. IVe et du déguerp. liv. III. chap. VIIIe (A)

DISCUSSION DU CERTIFICATEUR. Voyez ci-devant DISCUSSION DES CAUTIONS.

DISCUSSION DES DONATAIRES. L'enfant qui ne trouve pas dans la succession de quoi se remplir de sa légitime, peut se pourvoir contre les donataires, en observant seulement de les discuter chacun dans l'ordre des donations, c'est-à-dire en commençant par la dernière, et remontant ensuite aux précédentes de degré en degré. (A)

DISCUSSION DU FIDEJUSSEUR, voyez ci-devant DISCUSSION DES CAUTIONS.

DISCUSSION DE L'HYPOTHEQUE SPECIALE AVANT LA GENERALE, est fondée sur la loi 2 au code de pignoribus. Comme on peut accumuler dans une obligation l'hypothèque générale avec la spéciale, de-là nait un ordre de discussion à observer de la part du créancier, non pas à l'égard de l'obligé personnellement ni de ses héritiers, car vis-à-vis d'eux le créancier peut s'adresser à tel bien qu'il juge à propos ; mais le tiers détenteur d'un immeuble qui n'est hypothéqué que généralement, peut demander que discussion soit préalablement faite de ceux qui sont hypothéqués spécialement : la raison est que quand l'hypothèque générale est jointe à la spéciale, la première semble n'être que subsidiaire.

La discussion de l'hypothèque spéciale peut aussi être opposée entre deux créanciers, c'est-à-dire que celui qui a hypothèque spéciale est obligé de la discuter avant de se venger sur les biens hypothéqués généralement ; au moyen de quoi un créancier postérieur serait préféré au créancier antérieur sur les biens hypothéqués généralement, si ce créancier antérieur avait une hypothèque spéciale qu'il n'eut pas discutée. (A)

DISCUSSION DE L'HYPOTHEQUE PRINCIPALE AVANT LA SUBSIDIAIRE, a lieu en certains cas ; par exemple, le douaire de la femme ne peut se prendre sur les biens substitués, qu'après avoir épuisé les biens libres. (A)

DISCUSSION POUR LA LEGITIME, voyez ci-dev. DISCUSSION DES DERNIERS DONATAIRES.

DISCUSSION DES MEUBLES AVANT LES IMMEUBLES, chez les Romains : dans l'exécution des biens de tout débiteur, soit mineur ou majeur, le créancier devait d'abord épuiser les meubles avant d'attaquer les immeubles ; c'est la disposition de la loi divo pio, § in venditione, au code de re judicatâ.

On observait autrefois cette loi en France ; mais elle cessa d'abord d'être observée en Dauphiné, comme le rapporte Guipape en sa decis. 281. ensuite elle fut abrogée pour tout le royaume à l'égard des majeurs, par l'ordonnance de 1539, article 74.

Plusieurs coutumes rédigées depuis cette ordonnance ont une disposition conforme ; telles que celle de Blais, art. 260. Auvergne, ch. xxjv. art. 1. Berri, tit. IXe art. 23.

La disposition de l'ordonnance s'observe même dans les coutumes qui ont une disposition contraire, comme celle de Lodunais, ch. xxij. art. 5.

Mais la discussion préalable des meubles est toujours nécessaire à l'égard des mineurs, et il ne suffirait pas que le tuteur déclarât qu'il n'a aucun meuble ni deniers ; il faut lui faire rendre compte, sans quoi la discussion ne serait pas suffisante.

Cette formalité est nécessaire, quand même la discussion des immeubles aurait été commencée contre un majeur, à moins que le congé d'adjuger n'eut déjà été obtenu avec le majeur.

Il en serait de même s'il n'était échu des meubles au mineur que depuis le congé d'adjuger.

Au surplus le mineur qui se plaint du défaut de discussion, n'est écouté qu'autant qu'il justifie qu'il avait réellement des meubles suffisans pour acquitter la dette en tout ou partie.

La discussion des meubles n'est point requise à l'égard du coobligé ou de la caution du mineur.

Voyez Lemaître, tr. des criées, ch. xxvij. n. 3. et ch. xxxij. n. 3. Dumolin sur Berri, tit. IXe art. 23. et sur Lodunais, chap. xxij. art. 5. Labbé sur Berri, tit. IXe art. 49. Bourdin sur l'art. 74. de l'ordonn. de 1539, Chenu, quest. 32. et 35. Louet et Brodeau, lett. D. n. 15. Jovet, au mot Discussion. Voyez aussi MEUBLES et MINEUR. (A)

DISCUSSION DES OFFICES : autrefois elle ne pouvait être faite qu'après celle des autres immeubles ; mais depuis que l'on a attribué aux offices la même nature qu'aux autres biens, il est libre au créancier de saisir d'abord l'office de son débiteur, même avant d'avoir discuté les autres biens. (A)

DISCUSSION DU PRINCIPAL OBLIGE, voyez ci-devant DISCUSSION DES CAUTIONS.

DISCUSSION EN MATIERE DE RENTES : elle n'a pas lieu pour les arrérages de rentes foncières échus depuis la détention ; et dans la coutume de Paris, elle n'a pas lieu non plus pour les arrérages de rentes constituées. Voyez ci-apr. DISCUSSION DU TIERS ACQUEREUR. (A)

DISCUSSION DU TIERS ACQUEREUR ou DETENTEUR ; c'est l'exception que celui-ci oppose pour obliger le créancier de discuter préalablement l'obligé personnellement, ou ses héritiers.

Cette exception a lieu à leur égard dans les pays de droit.

A l'égard du pays coutumier, l'usage n'est pas uniforme.

Dans quelques coutumes, comme celle de Sedan, le bénéfice de discussion est reçu indéfiniment.

Dans d'autres il n'a point lieu du tout, comme dans les coutumes de Bourgogne, Auvergne, Clermont, et Châlons.

D'autres l'admettent pour les dettes à une fois payer, et non pour les rentes ; telles que Paris, Anjou, Reims, Amiens.

Quelques-unes l'admettent en cas d'hypothèque générale, et la rejettent lorsque l'hypothèque est spéciale, comme Orléans, Tours, Auxerre, et Bourbonnais.

Enfin il y en a beaucoup qui n'en parlent point, et dans celles-là on suit le droit commun, c'est-à-dire que le bénéfice de discussion est reçu indéfiniment.

Après que discussion a été faite des biens indiqués par le tiers acquéreur ou détenteur, si ces biens ne suffisent pas pour acquitter la dette, le tiers acquéreur ou détenteur est obligé de rapporter les fruits de l'héritage qu'il tient, à compter du jour de la demande formée contre lui.

Voyez au digeste et au code les titres de fidejussoribus. Loyseau, du déguerpiss. liv. III. chap. VIIIe Bouchel et Lapeyrere, au mot discussion. Boerius, décis. 277. et 221. Bouvot, au mot fidéjusseur. Brodeau sur Louet, lett. H. somm. 9. n. 9. Henris, tome II. liv. IV. quest. 22. (A)