Pour faire une juste estimation des fautes ou des crimes par un corps, et pour y proportionner les peines, il faut toujours considérer qu'on se tromperait beaucoup de croire qu'il y ait dans un corps aucun crime qui puisse être véritablement regardé comme un crime égal dans chaque particulier qui compose ce corps. Lorsque ses membres sont assemblés pour les affaires du corps, ils ne sauraient apporter le même sens froid, la même prudence, la même sagesse, que chacun a dans ses affaires particulières. La faute que commet alors la communauté, est l'effet de son état de communauté, et de l'influence de quelques membres qui ont le crédit ou l'art de persuader les autres. La multitude s'échauffe, s'anime, s'irrite, parce qu'elle fait corps, et qu'elle prend nécessairement une certaine confiance dans le nombre, qu'elle ne saurait prendre quand elle est séparée. Il suit de-là que les peines qui tomberaient sur le corps entier, doivent être très-douces et de courte durée. La vérité de cette réflexion n'échappa pas aux Romains, malgré la sévérité de la discipline militaire qu'ils avaient à cœur de maintenir. C'est pourquoi nos pères, disait Cicéron, cherchant un sage tempérament, imaginèrent la décimation des soldats qui ont commis ensemble la même faute, afin que tous soient dans la crainte, et qu'il n'y en ait pourtant que peu de punis. (Orat. pro Cluentio). Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.