Un auteur qui connait les droits et les décisions de l'usage ne se sert que des mots reçus, ou ne se résout à en introduire de nouveaux que quand il y est forcé par une disette absolue et un besoin indispensable : simple et sans affectation dans ses tours, il ne rejette point les expressions figurées qui s'adaptent naturellement à son sujet, mais il ne les recherche point, et n'a garde de se laisser éblouir par le faux éclat de certains traits plus hardis que solides, en un mot il connait la maxime d'Horace (Art poèt. 309.), et il s'y conforme avec scrupule :

Scribendi rectè sapere est et principium et fons.

Voyez USAGE et STYLE.

Il ne faut pourtant pas inférer des reproches raisonnables que l'on peut faire au néologisme, qu'il ne faille rien oser dans le style. On risque quelquefois avec succès un terme nouveau, un tour extraordinaire, une figure inusitée ; et le poète des grâces semble lui-même en donner le conseil, lorsqu'il dit, ib. 48.

Dixeris egregiè, notum si callida verbum

Reddiderit junctura novum. Si fortè necesse est

Indiciis monstrare recentibus abdita rerum ;

Fingère cinctutis non exaudita cethegis

Continget, dabiturque licentia sumpta pudenter.

Mais en montrant une ressource au génie, Horace lui assigne tout-à-la fois comment il doit en user ; c'est avec circonspection et avec retenue, licentia sumpta pudenter ; et il faut y être comme forcé par un besoin réel, si fortè necesse est.

Dans ce cas, le néologisme change de nature ; et au lieu d'être un vice du style, c'est une figure qui est en quelque manière opposée à l'archaïsme.

L'archaïsme est une imitation de la manière de parler des anciens, soit que l'on en revivifie quelques termes qui ne sont plus usités, soit que l'on fasse usage de quelques tours qui leur étaient familiers et qu'on a depuis abandonnés : les pièces du grand Rousseau en style marotique sont pleines d'archaïsmes. Ce mot vient du grec , ancien, auquel en ajoutant la terminaison , qui est le symbole de l'imitation, on a , qui veut dire antiquorum imitatio.

Le néologisme, envisagé comme le pendant de l'archaïsme, est une figure par laquelle on introduit un terme, un tour, ou une association de termes dont on n'a pas encore fait usage jusques-là ; ce qui ne doit se faire que par un principe réel ou très-apparent de nécessité, et avec toute la retenue et la discrétion possibles. Rien ne serait plus dangereux que de passer les bornes ; la figure est sur les frontières, pour ainsi dire, du vice, et ce vice même ne change pas de nom ; il n'y a que l'abus qui en fait la différence.