Becket en particulier, a tâché de montrer qu'elle est la même chose que ce que nos ancêtres appelaient la lepre ; et qui dans plusieurs anciens écrits anglais, dans des chartres, etc. est nommée brenning ou burning, c'est-à-dire brulure ou incendie.

Cet auteur pour prouver son opinion a recherché les actes concernant les mauvais lieux qui se tenaient anciennement sous la juridiction de l'évêque de Winchester. Voyez MAUVAIS LIEUX.

Dans des constitutions touchant ces mauvais lieux, et qui sont datées de l'an 1162, il est ordonné entre autres choses, " que tout teneur de mauvais lieu ne pourra garder aucune femme qui soit attaquée de la maladie dangereuse appelée burning ". Et dans un autre manuscrit de vélin, qui est présentement sous la garde de l'évêque de Winchester, et qui est daté de 1430, il est encore ordonné, " que tout teneur de mauvais lieu ne pourra garder chez lui aucune femme attaquée de la maladie appelée brenning ; mais qu'il la mettra dehors, sous peine de payer au seigneur une amende de 100 schellings ". Voyez BRULURE.

Becket pour confirmer son sentiment, cite une description de la maladie, tirée d'un manuscrit de Jean Arden, écuyer et chirurgien du roi Richard II. et du roi Henri IV. Arden définit la maladie appelée brenning, une certaine chaleur interne, et une excoriation de l'urethre.

Cette définition suivant la remarque de Becket, donne une parfaite idée de ce qu'on appelle une chaude-pisse ; elle s'accorde avec les dernières et les plus exactes découvertes anatomiques ; et elle est exempte de toutes les erreurs où Platerus, Rondelet, Bartholin, Wharton et d'autres écrivains modernes sont tombés au sujet de cette maladie. Voyez CHAUDE-PISSE et GONORRHEE.

Quant à l'idée que la lepre est la même chose que la vérole, il faut convenir que beaucoup de symptômes de ces deux maladies se ressemblent assez ; cependant on ne saurait faire grand fond là-dessus. Voyez LEPRE.

C'est une tradition commune, que la maladie vénérienne parut pour la première fois dans l'armée française qui était campée devant Naples, et qu'elle fut causée par quelques aliments mal-sains. De-là vient que les François la nomment maladie de Naples, et les Italiens mal français.

Mais d'autres remontent beaucoup plus haut, et craient qu'elle n'est autre chose que l'ulcère horrible dont Job fut attaqué. C'est pourquoi dans un missel imprimé à Venise en 1542, il y a une messe à l'honneur de S. Job, pour ceux qui sont guéris de cette maladie, parce qu'on croyait qu'ils avaient été guéris par son intercession.

Mais l'opinion la plus commune parmi les plus habiles médecins, est que la maladie vénérienne vient originairement des Indes occidentales, et que les Espagnols l'apportèrent des îles de l'Amérique, où elle était fort commune avant que les Espagnols y eussent jamais mis le pied. De-là vient que les Espagnols la nomment sarva de Indias, ou las bubas. Herrera dit néanmoins que les Espagnols portèrent cette maladie au Mexique, au lieu de l'avoir apportée de ce pays-là.

Lister et d'autres prétendent qu'elle doit sa première origine à une sorte de serpent dont on aura été mordu, ou dont on aura mangé la chair. Il est certain que les hommes qui ont été piqués du scorpion, sont fort soulagés par le coït ; mais Pline assure que les femmes en sont fort incommodées : ce qui prouve bien que la maladie vient originairement de quelque personne ainsi empoisonnée.

Lister ajoute qu'il n'y a pas lieu de douter que la maladie vénérienne ne soit venue d'une pareille cause ; car lorsqu'un homme a été mordu de quelque bête venimeuse, la verge devient extrêmement tendue, le malade attaqué de satyriasis ne respire que le coït, la nature semblant demander cela pour remède.

Mais ce qui guérit les hommes ainsi mordus, se trouve pernicieux aux femmes, qui par ce moyen sont infectées du venin, et le communiquent aux autres hommes qui ont commerce avec elles ; et c'est ainsi que la maladie s'est répandue.

Les premiers symptômes qui surviennent ordinairement après qu'on a eu affaire avec une personne infectée, sont une chaleur, une enflure et une inflammation de la verge, ou de la vulve, avec une ardeur d'urine.

Le second et le troisième jour il survient d'ordinaire une gonorrhée, appelée autrement chaudepisse, qui au bout de quelques jours est suivie d'une chaude-pisse cordée. Voyez GONORRHEE et CORDEE.

Quelquefois néanmoins il n'y a point de gonorrhée ; mais le virus pénètre dans les aines à-travers la peau, et il y vient des bubons ou poulains, avec des pustules malignes dans toutes les parties du corps. Voyez BUBON.

Quelquefois aussi il vient au scrotum et au périné des ulcères calleux appelés chancres. D'autres fois il vient entre le prépuce et le gland un ulcère calleux et carcinomateux ; et dans quelques-uns les testicules se tuméfient. Voyez CHANCRES.

Ajoutez à cela de violentes douleurs nocturnes, des nodus, des chaleurs à la paume de la main et à la plante des pieds ; et de-là des gersures, des excoriations, des condylomes, etc. autour du fondement ; des chutes de poil ; des taches rouges, jaunes ou livides ; l'enrouement, le relâchement, et l'érosion de la luette ; des ulcères au palais, et au nez ; des tintements d'oreille, la surdité, l'aveuglement, la gratelle, la consomption, etc. Mais tous ces symptômes attaquent rarement la même personne.

Sydenham observe que la maladie vénérienne se communique par la copulation, l'allaitement, le tact, la salive, la sueur, la mucosité des parties naturelles, la respiration ; et qu'elle se manifeste premièrement dans les parties où elle est reçue. Lorsque le virus est reçu avec le lait de la nourrice, il se manifeste ordinairement par des ulcères de la bouche.

Le traitement varie suivant la différence des symptômes et des degrés de la maladie. Pour ce qui est du premier degré qui est la gonorrhée virulente, Voyez CHAUDE-PISSE et GONORRHEE.

Voici la méthode du docteur Pitcarn. Après avoir fait vomir deux ou trois fais, il ordonne le mercure doux deux fois par jour, durant quelques jours. Lorsque la bouche fait mal, il laisse le mercure doux pendant trois ou quatre jours, et il purge de deux jours l'un. Dès que la bouche ne fait plus de mal, il recommence l'usage du mercure doux, et ainsi alternativement, jusqu'à-ce que les symptômes cessent. Voyez MERCURE.

On tient communément que la salivation mercurielle est le seul remède efficace pour la maladie vénérienne confirmée. Cependant il y a des gens qui craient que les frictions mercurielles, données en petite quantité et de loin-à-loin sans exciter la salivation, non-seulement sont moins fâcheuses et moins dangereuses, mais encore réussissent mieux dans cette maladie que la salivation. Voyez SALIVATION.

Sydenham dit qu'il fait saliver tout de suite, sans aucune évacuation préliminaire, ni préparation quelconque. Voici quelle est sa méthode. Il ordonne un onguent, fait avec deux onces de sain-doux et une once de mercure crud. Il veut que le malade se frotte lui-même les bras et les jambes trois soirs de suite avec le tiers de cet onguent, mais sans toucher les aisselles, ni les aines, ni l'abdomen. Après la troisième friction, les gencives s'enflent d'ordinaire, et la salivation survient. Si elle ne vient pas assez-tôt, il ordonne huit grains de turbith minéral dans de la conserve de roses rouges ; ce qui produit le vomissement, et ensuite la salivation. Si après cela elle diminue avant que les symptômes aient entièrement disparu, il la ranime par une dose de mercure doux. La diete et le régime sont les mêmes que pour la purgation.

Les fumigations mercurielles peuvent être de quelque utilité dans le traitement de la maladie vénérienne. Voyez FUMIGATION.

Les sauvages de l'Amérique sont fort sujets à la maladie vénérienne, mais ils ont des secrets pour s'en débarrasser qui sont, dit-on, beaucoup plus surs et moins dangereux que les frictions mercurielles, ou que les préparations du mercure que l'on emploie ordinairement pour la guérison de ces maux. M. Kalm, de l'académie royale de Suède, ayant voyagé dans cette partie du monde, est parvenu à découvrir le remède dont ces peuples se servent, et qu'ils cachaient avec le plus grand soin aux Européens. Ils emploient pour cet effet la racine d'une plante que M. Linnaeus a décrite sous le nom de lobelia, et que Tournefort appelle rapuntium americanum, flore dilutè caeruleo, en français la cardinale bleue. On prend cinq ou six de ces racines, soit fraiches, soit séchées, on en fait une décoction dont on fait boire abondamment au malade le matin et dans le cours de la journée. Cette boisson purge à proportion de la force de la décoction, que l'on fait moins forte lorsqu'elle agit trop vivement. Le malade s'abstient pendant la cure, des liqueurs fortes et des aliments trop assaisonnés ; ordinairement en observant ce régime, il est guéri en quinze jours ou trois semaines. On se sert de la même décoction pour laver les ulcères vénériens qui peuvent s'être formés sur les parties de la génération. Les sauvages dessechent aussi ces ulcères avec une racine séchée et pulvérisée que l'on répand sur la partie affligée ; cette racine est celle d'une plante, que M. Linnaeus appelle geum, floribus nutantibus, fructu oblongo, seminum caudâ molli plumosâ, Flora Suecica, p. 424 ; c'est la même que G. Bauhin désigne sous le nom de caryophyllata aquatica, nutante flore, 321 ; en français benoite de rivière.

Lorsque le malade a fait usage pendant quelques jours de la décoction de la lobelia décrite ci-dessus, sans que l'on aperçoive aucun changement, on prend quelques racines d'une plante, que M. Gronovius appelle ranunculus, foliis radicalibus, reniformibus, crenatis, caulinis, digitatis, petiolatis, Gronovii flos virginiana 166 ; en français renoncule de Virginie. Après avoir lavé ces racines, on en met une petite quantité dans la décoction de lobelia ; mais il faut en user avec précaution, de peur d'exciter des irritations, des purgations trop vives et des vomissements. Toutes ces plantes se trouvent en Europe, ou peuvent s'y multiplier avec facilité.

M. Kalm nous apprend que d'autres sauvages d'Amérique se servent avec encore plus de succès pour la même maladie de la décoction d'une racine désignée par M. Linnaeus sous le nom de ceanothus, ou de celastus inermis, foliis ovatis serratis, trinerviis, Hort. Cliffort. 73, et Gronovii flor. virginiana 25. Cette plante est plus difficîle à avoir que les autres ; cependant il y en a des pieds au jardin royal des plantes ; M. Bernard de Jussieu soupçonne que cette racine est la même qu'une racine inconnue qui lui fut donnée il y a quelques années, et dont la décoction guérissait en trois jours les gonorrhées les plus invétérées ; jamais il n'a pu découvrir le lieu natal de cette racine si efficace quelque peine qu'il se soit donné pour cela : ce savant botaniste croit que le ceanothus est la plante appelée evonymus novi belgii, corni faeminae foliis, Commelin. hort. Amstel. I. p. 167. Tab. LXXXVI. M. Kalm dit que cette décoction est d'un beau rouge, et se fait de même que celle de la lobelia. Il nous dit que lorsque le mal est fort enraciné, on joint à la décoction du ceanothus celle du rubus, caule aculeato, foliis ternatis, Linnaei flor. suecica 410 ; c'est le rubus vulgaris fructu nigro de G. Bauhin, 479 ; en français ronce. M. Kalm assure de la façon la plus positive qu'il n'y a point d'exemple qu'un sauvage n'ait point été soulagé et parfaitement guéri de la vérole la plus invétérée en faisant usage de ces remèdes. Voyez les mémoires de l'académie de Stockholm, année 1750.