juge de l'aréopage. Voici le portrait qu'Isocrate nous a tracé de ces hommes merveilleux, et du bon ordre qu'ils établirent dans Athènes. " Les juges de l'aréopage, dit cet auteur, n'étaient point occupés de la manière dont ils puniraient les crimes, mais uniquement d'en inspirer une telle horreur, que personne ne put se résoudre à en commettre aucun : les ennemis, selon leur façon de penser, étaient faits pour punir les crimes, mais eux pour corriger les mœurs. Ils donnaient à tous les citoyens des soins généreux, mais ils avaient une attention spéciale aux jeunes gens. Ils n'ignoraient pas que la fougue des passions naissantes donne à cet âge tendre les plus violentes secousses, qu'il faut à ces jeunes cœurs une éducation dont l'âpreté soit adoucie par certaine mesure de plaisir ; et qu'au fonds il n'y a que les exercices où se trouve cet heureux mélange de travail et d'agrément, dont la pratique constante puisse plaire à ceux qui ont été bien élevés. Les fortunes étaient trop inégales pour qu'ils pussent prescrire à tous indifféremment les mêmes choses et au même degré ; ils en proportionnaient la qualité et l'usage aux facultés de chaque famille. Les moins riches étaient appliqués à l'agriculture et au négoce, sur ce principe que la paresse produit l'indigence, et l'indigence les plus grands crimes : ayant ainsi arraché les racines des plus grands maux, ils croyaient n'en avoir plus rien à craindre. Les exercices du corps, le cheval, la chasse, l'étude de la philosophie, étaient le partage de ceux à qui une meilleure fortune donnait de plus grands secours : dans une distribution si sage, leur but était de sauver les grands crimes aux pauvres, et de faciliter aux riches l'acquisition des vertus. Peu contens d'avoir établi des lois si utiles, ils étaient d'une extrême attention à les faire observer : dans cet esprit, ils avaient distribué la ville en quartiers, et la campagne en cantons différents. Tout se passait ainsi comme sous leurs yeux. Rien ne leur échappait des conduites particulières. Ceux qui s'écartaient de la règle étaient cités devant les magistrats, qui assortissaient les avis ou les peines à la qualité des fautes dont les coupables étaient convaincus. Les mêmes aréopagites engageaient les riches à soulager les pauvres ; ils réprimaient l'intempérance de la jeunesse par une discipline austère. L'avarice des magistrats effrayée par des supplices toujours prêts à la punir, n'osait paraitre ; et les vieillards à la vue des emplois et des respects des jeunes gens, se tiraient de la léthargie, dans laquelle ce grand âge a coutume de les plonger ". Aussi ces juges si respectables n'avaient-ils en vue que de rendre leurs citoyens meilleurs, et la république plus florissante. Ils étaient si désintéressés qu'ils ne recevaient rien ou presque rien, pour leur droit de présence aux jugements qu'ils prononçaient ; et si intègres qu'ils rendaient compte de l'exercice de leur pouvoir à des censeurs publics, qui placés entre eux et le peuple, empêchaient que l'aristocratie ne devint trop puissante. Quelque courbés qu'ils fussent sous le poids des années, ils se rendaient sur la colline où se tenaient leurs assemblées, exposés à l'injure de l'air. Leurs décisions étaient marquées au coin de la plus exacte justice : les plus intéressantes par leurs objets, sont celles qu'ils rendirent en faveur de Mars ; d'Oreste qui y fut absous du meurtre de sa mère par la protection de Minerve qui le sauva, ajoutant son suffrage à ceux qui lui étaient favorables, et qui se trouvaient en parfaite égalité avec les suffrages qui le condamnaient. Cephale pour le meurtre de sa femme Procris, et Dedale pour avoir assassiné le fils de sa sœur, furent condamnés par ce tribunal. Quelques anciens auteurs prétendent que S. Denys premier évêque d'Athènes avait été aréopagite, et qu'il fut converti par la prédication que fit S. Paul devant ces juges. Un plus grand nombre ont confondu ce Denys l'aréopagite avec S. Denys premier évêque de Paris. Voyez dans le recueil de l'acad. des belles-Lettres, tom. VII. deux excellents mémoires sur l'aréopage, par M. l'abbé de Canaye, qui sait allier à un degré fort rare l'esprit et la philosophie à l'érudition. (G)