COSMETIQUE, s. m. Les Cosmétiques sont tous les remèdes imaginés pour rendre la peau belle, conserver la couleur et la fraicheur du teint, teindre les cheveux, les sourcils, etc. en un mot tout ce qu'Ovide étale sur ce point dans son poème de medicamine faciei, supposé que ce poème soit de lui.

Criton l'Athénien, qui vivait vers l'an 350 de Rome, considérant que les grands n'ont pas moins à cœur de faire passer de petits boutons, des taches de rousseur, et en général tous les défauts de la peau, que de guérir d'une maladie sérieuse, épuisa la matière des Cosmétiques dans un traité de la composition des médicaments. Galien, qui le cite souvent avec éloge, ajoute qu'Héraclide de Tarente en avait déjà dit quelque chose, comme aussi la reine Cléopatre ; mais que ce n'était rien en comparaison de ce que Criton avait écrit sur ce sujet, parce que du temps d'Héraclide, et même du temps de Cléopatre, les femmes ne s'étaient pas portées à cet égard à l'excès où elles parvinrent dans le siècle de Criton. D'ailleurs le même Galien excuse Criton de s'être attaché sérieusement à ces bagatelles, quoiqu'il fût médecin de cour, et d'une cour qui ne les regardait point avec l'indifférence qu'elles méritent.

Celse a judicieusement remarqué que la plupart des cosmétiques les plus vantés, ne sont qu'un vain amusement, un pur charlatanisme ; qu'il est inutîle d'entreprendre de détruire le hâle, les taches de rousseur, les rougeurs du visage ; que c'est une folie d'espérer de changer la grosseur du teint, la couleur de la peau naturelle ; encore plus de vouloir remédier aux rides : mais que les femmes sont tellement éprises de la beauté, et du désir d'éloigner ou de réparer les débris de la vieillesse, qu'il est impossible de vaincre en elles ce penchant, et de leur persuader la futilité de tous ces beaux secrets qui portent le nom de cosmétiques.

Effectivement les meilleurs se réduisent, à les bien peser, au mérite des simples frictions, des lotions de liqueurs spiritueuses pour la propreté, et de celles qui étant onctueuses, peuvent être employées sans danger pour décrasser, polir et adoucir la peau. Tels sont, par exemple, l'eau de fraises, l'eau de lavande, l'eau distillée de fèves, le suc que l'on tire des fleurs de l'oreille d'ours, etc. l'huîle de mirrhe par défaillance, d'amandes, de citrouille, de graine de melon, de noisettes, de graine de pavot blanc, de semence de cameline ou de myagrium ; l'huîle de behin, de cacao, tirée sans feu ; la cire de canelle de la compagnie hollandaise des Indes orientales, les pommades où entre le blanc de baleine, l'onguent de citron fait avec le camphre et les émulsions de substances farineuses ; l'eau de talc tirée par la même méthode qu'on emploie pour l'huîle de mirrhe et autres de cette nature.

On range dans la même classe le fiel de bœuf distillé, mêlé à la quantité de six onces, sur alun de roche, de borax et de sucre candi pulvérisés ; de chacun demi-once. Cette liqueur étant philtrée, on s'en lave le visage le soir avant que de se coucher, et on l'enlève le matin avec de l'eau de lavande.

Enfin on doit mettre au rang des excellents cosmétiques, le baume de la Mecque et la teinture de benjoin. Voyez BENJOIN.

Cette teinture de benjoin mêlangée avec parties égales d'eau de fleurs de fèves, ou autre semblable, donne sur le champ ce qu'on nomme le lait virginal, liqueur blanche, laiteuse, opaque, qui est fort bonne pour la peau.

Les dames qui peuvent avoir du baume de la Mecque, le mêlant avec un peu d'huîle des quatre semences froides ; d'autres dissolvent de ce baume dans de l'esprit de vin ou de l'eau de la reine d'Hongrie : ensuite elles jettent cette dissolution dans de l'eau de lys, et en font une espèce de lait virginal.

Voici la meilleure manière de préparer ce baume cosmetique, suivant M. Geoffroy.

Prenez baume de la Mecque, huîle d'amandes douces nouvellement tirée, de chacune parties égales ; mêlez ces drogues avec soin dans un mortier de verre, pour en faire une espèce de nutritum, sur trois drachmes duquel vous verserez, après l'avoir mis dans un matras, six onces d'esprit de vin ; laissez-le en digestion jusqu'à ce que vous en ayez extrait une teinture suffisante. Séparez cette teinture de l'huile, et mettez-en une once dans huit onces de fleurs de fèves, ou autre analogue, vous aurez un excellent cosmétique laiteux.

Il faut bien se garder de confondre ces sortes de préparations cosmétiques innocentes, avec celles qu'on compose de plomb, de céruse, de vinaigre de Saturne, de magistère, de fleurs de bismuth et autres de cette nature, qui font à la vérité les plus beaux blancs du monde, mais qui par leurs parties salines, venéneuses, arsénicales, indélébiles, altèrent et gâtent le teint sans remède.

Comme on blanchit les fleurs de jacynthe bleues, en les passant à la fumée de soufre, cette expérience a fait imaginer, qu'on pourrait par le même secours rendre blanche la peau brune et basanée ; mais les personnes qui s'en servent pour les mains et les bras, n'en éprouvent point de succès. A l'égard du visage, si ce moyen était praticable sans affecter les yeux et la poitrine, il ne manquerait pas de pâlir les joues et les lèvres, et de les rider en même temps.

Il est donc très-important de n'employer aucun de tous ces dangereux fards cosmétiques, qui plombent la peau, la dessechent, la minent, et produisent finalement les mauvais effets dont parle la Bruyere, quand il dit que " si les dames étaient telles naturellement qu'elles le deviennent par artifice, c'est-à-dire qu'elles perdissent très-promtement la fraicheur de leur teint ; qu'elles eussent le visage aussi gâté qu'elles se le rendent par la peinture dont elles se fardent, elles seraient inconsolables " Par M(D.J.)