Dans les cottes d'armes de tous ceux qui en Angleterre sont au-dessous du degré des nobles, cette couleur s'appelle tanné, dans celles des nobles hyacinthe, et dans celles des princes, tête ou sang de dragon.

TANNEE, couleur, (Teinturerie) sorte de couleur qui ressemble à celle du tan ou de la chataigne, et qui tire sur le roux obscur. Une étoffe tannée, un drap tanné sont une étoffe, un drap de cette couleur. (D.J.)

TANNEE, fleurs de la, (Botanique) les ouvriers employés au tan ont donné le nom de fleurs de la tannée à plusieurs touffes d'une espèce de gazon de belle couleur jaune matte, dispersées en différents endroits sur le haut des monceaux de tan qui ont servi plusieurs mois à tanner et couvrir des cuirs de bœufs, qu'on range par lits l'un sur l'autre dans des fosses faites à cet usage ; ensuite de quoi ce tan retiré des mêmes fosses est mis en gros tas.

Ce tan, après avoir servi, est alors appelé par les ouvriers de la tannée, et cette matière ne sert plus qu'à faire des mottes, dont on sait que les pauvres se servent, faute de bois, pendant l'hiver.

Les touffes en manière de gazon dont on vient de parler, sont donc la végétation connue chez les Tanneurs sous le nom de fleurs de la tannée. Cette végétation sort de la substance de la tannée en une espèce d'écume, qui peu-à-peu s'épaissit en consistance de pâte molle, de couleur jaune-citron, et de l'épaisseur de six à huit lignes.

A mesure que cette plante végete, sa surface devient poreuse et spongieuse, bouillonnée, remplie d'une infinité de petits trous de différents diamètres, dont les interstices forment une espèce de rézeau plus ou moins régulier, et souvent interrompu par des bouillons qui s'élèvent un peu au-dessus de la superficie de cette matière ; quand elle est à son dernier point d'accroissement, elle a plus de rapport à la surface d'une éponge plate et fine, qu'à toute autre végétation. Sa couleur augmente toujours jusqu'au jaune doré, et alors elle devient un peu plus solide en se desséchant en l'air.

On n'aperçoit dans la matrice de cette végétation aucunes fibres qu'on puisse soupçonner être ou faire les fonctions de racine pour la production de cette végétation qui a d'abord une légère odeur de bois pourri, laquelle augmente par la suite. Sa saveur a quelque chose du stiptique.

La tannée sur laquelle elle croit, est alors de couleur brune, dure, foulée et plombée, quoique fort humide, et dans l'instant de cette production, la tannée a une chaleur aussi considérable depuis sa surface jusqu'à un demi-pié de profondeur, que si elle avait été récemment abreuvée d'eau tiede.

Pendant le premier jour de la naissance de la végétation, elle parait fort agréable à la vue, légère, et comme fleurie, lorsque les portions de gazon qu'elle forme, s'étendent circulairement en façon de lobes, jusqu'à dix ou douze pouces de diamètre ; mais si par hasard elle se trouve naître en un lieu exposé au midi (ce qui lui est favorable pour sa production et non pour sa durée), les rayons du soleil la résolvent dès le second jour en une liqueur bleue-jaunâtre, laquelle en peu de temps se condense, et se convertit entièrement en une croute seche épaisse d'environ deux lignes.

La végétation ayant ainsi disparu, on trouve quelques jours après sous cette croute, une couche, ou lit de poussière noire, très-fine, qui a assez de rapport à la poussière qu'on découvre dans le lycoperdon, et qui ici pourrait être de la tannée dissoute, puis desséchée, et enfin convertie en une espèce de terreau réduit en poudre impalpable.

La fleur de la tannée parait tous les ans vers le commencement du mois de Juin, ou quelquefois plutôt, suivant la chaleur du printemps. Il est donc assez vraisemblable que le tan qui a servi à tanner les cuirs, est la matrice de cette végétation. En effet la chaux qu'on emploie pour faire tomber le poil des cuirs, les sels, les huiles et les soufres contenus dans les cuirs, joints à l'acide du tan, macérés ensemble dans des fosses pendant plusieurs mois, et dont le tan a été parfaitement imbibé, contient des substances qui aidées de l'air, sont toujours prêtes à produire la végétation dont il s'agit.

Il semble que si l'on compare cette végétation à l'éponge reconnue pour plante, et dans laquelle on n'aperçoit presque ni racines, ni feuilles, ni fleurs, ni graines, on pourrait la ranger sous le genre des éponges, et la nommer, en attendant de plus amples découvertes, spongia fugax, mollis, flava, in pulvère coriario nascens. Mém. de l'acad. des Sciences, année 1727. (D.J.)