Il faut principalement, lorsque les parties préparées sont grosses et épaisses, et que le temps est chaud, empêcher les mouches d'en approcher et d'y déposer leurs œufs, qui transformés en vers les détruiraient. Il faut aussi avoir soin qu'elles ne soient point attaquées des souris, des rats, et des autres insectes : pour cela il faut, avant que de mettre la pièce sécher, la tremper dans une dissolution de sublimé corrosif, faite avec de l'esprit-de-vin ; et pendant qu'elle seche, il faut la mouiller de temps en temps avec la même liqueur. On peut par ce moyen, et sans craindre aucun inconvénient, faire dessécher, même dans l'été, des cadavres disséqués de sujets assez grands.

Lorsque la préparation est seche, elle est encore exposée à se réduire en poudre, à devenir cassante, à se gerser et à avoir une surface inégale ; c'est pourquoi il est nécessaire de la couvrir par-tout d'un vernis épais, dont on mettra autant de couches qu'il faudra pour qu'elle soit luisante ; et il faut toujours la préserver de la poussière et de l'humidité.

Les préparations seches sont fort utiles en plusieurs cas : mais il y en a aussi beaucoup d'autres où il est nécessaire que les préparations anatomiques soient flexibles et plus approchantes de l'état naturel que ne le sont ces premières. La difficulté a été jusqu'à présent de trouver une liqueur qui puisse les conserver dans cet état approchant du naturel : les liqueurs aqueuses n'empêchent pas la pourriture, et elles dissolvent les parties les plus dures du corps : les liqueurs spiritueuses préviennent la corruption, mais elles réduisent les parties en mucilage : les esprits ardents les racornissent, en changeant la couleur, et détruisent la couleur rouge des vaisseaux injectés ; l'esprit de térébenthine, outre qu'il a l'inconvénient des liqueurs spiritueuses, a encore celui de devenir épais et visqueux.

Mais sans s'arrêter plus longtemps sur le défaut des liqueurs qu'on peut employer, celle dont on se trouve le mieux est quelque esprit ardent rectifié, n'importe qu'il soit tiré du vin ou des grains ; qui soit toujours limpide, qui n'ait aucune couleur jaune, et auquel on ajoute une petite quantité d'acide minéral, tel que celui de vitriol ou de nitre : l'une et l'autre de ces liqueurs résistent à la pourriture ; et les défauts qu'elles ont chacune séparement, se trouvent corrigés par leur mélange.

Lorsque ces deux liquides sont mêlés dans la proportion requise, la liqueur qui en résulte ne change rien à la couleur ni à la consistance des parties, excepté celles où il se trouve des liqueurs séreuses ou visqueuses, auxquelles elle donne presqu'autant de consistance qu'en donnerait l'eau bouillante : le cerveau, celui-même des enfants nouveaux-nés, acquiert tant de fermeté dans cette liqueur, qu'on peut le manier avec liberté.

Le crystallin et l'humeur vitrée de l'oeil y acquièrent aussi plus de consistance, mais ils en sortent blancs et opaques ; elle coagule l'humeur que filtrent les glandes sebacées, la mucosité et la liqueur spermatique : elle ne produit aucun changement sur les liqueurs aqueuses et lymphatiques, comme l'humeur aqueuse de l'oeil, la sérosité lymphatique du péricarde et de l'amnios : elle augmente la couleur rouge des injections, de manière que les vaisseaux qui ne paraissent pas d'abord, deviennent très-sensibles lorsque la partie y a été plongée pendant quelque temps.

La quantité de liqueur acide qu'il faut ajouter à l'esprit ardent, doit varier selon la nature de la partie qu'on veut conserver, et selon l'intention de l'Anatomiste. Si on veut donner de la consistance au cerveau, aux humeurs de l'oeil, &c il faut une plus grande quantité de la liqueur acide : par exemple, il faudra deux gros d'esprit de nitre, pour une livre d'esprit-de-vin rectifié : lorsqu'on veut seulement conserver les parties, il suffira d'y en mettre 40 ou 30 gouttes, ou même moins, surtout s'il y a des os dans la partie préparée ; si on en mettait une trop grande quantité, les os deviendraient d'abord flexibles, et ensuite ils se dissoudraient.

Lorsqu'on a plongé quelque partie dans cette liqueur, il faut avoir une attention particulière qu'elle en soit toujours couverte : autrement ce qui se trouve hors du fluide perd sa couleur, et certaines parties se durcissent, tandis que d'autres se dissolvent. Pour prévenir donc, autant qu'il est possible, l'évaporation de la liqueur, et pour empêcher la communication de l'air, qui fait que la liqueur spiritueuse se charge d'une teinture, il faut boucher exactement l'ouverture de la bouteille avec un bouchon de verre ou de liège enduit de cire, mettre par-dessus une feuille de plomb, de la vessie, ou une membrane injectée ; par ce moyen la liqueur se conservera un temps considérable, sans aucune diminution sensible. Quand on a mis assez de liqueur pour atteindre à peu près le haut de la préparation, il faut pour la couvrir entièrement ajouter de l'esprit-de-vin sans acide, de peur que ce dernier ne s'échappe.

Lorsque la liqueur spiritueuse devient trop colorée, il faut la verser, et mettre sur les préparations une nouvelle liqueur moins chargée d'acides que la première : on conservera cette ancienne liqueur dans une bouteille bien bouchée, et on s'en servira pour laver les préparations nouvelles, et les dépouiller de leurs sucs naturels ; attention toujours nécessaire, avant que de mettre quelque partie que ce soit dans la liqueur balsamique ; et toutes les fois qu'on renouvelle cette liqueur, il faut laver les préparations dans une petite quantité de la liqueur spiritueuse limpide, afin d'en enlever tout ce qui pourrait y rester de la liqueur ancienne et colorée ; ou bien il faut faire une nouvelle préparation. Les liqueurs qui ne sont plus propres à servir dans des vaisseaux de verre transparents, peuvent être encore d'usage pour conserver dans des vaisseaux de terre ou de verre commun certaines parties, qu'il faut tirer hors de la liqueur pour les préparer.

Il est bon d'être instruit qu'il faut éviter, autant que cela se peut, de tremper les doigts dans cette liqueur acidule, ou de manier les préparations qui en seront imprégnées, parce qu'elle rend la peau si rude pendant quelque temps, que les doigts en deviennent incapables d'aucune dissection fine : ce qu'il y a de meilleur pour remédier à cette sécheresse de la peau, est de se laver les mains dans de l'eau à laquelle on aura ajouté quelques gouttes d'huîle de tartre par défaillance.

Ceci est tiré d'un essai sur la manière de préparer, etc. par M. Alexandre Monro, de la Société d'Edimbourg. (L)