La barbe a été assujettie à diverses coutumes et cérémonies. Kingson nous assure qu'une partie considérable de la religion des Tartares consiste dans le gouvernement de leur barbe ; qu'ils ont fait une longue et sanglante guerre aux Persans, et les ont déclarés infidèles, quoique de leur communion à d'autres égards, précisément à cause que ceux-ci ne se faisaient point la moustache à la mode ou suivant le rite des Tartares.

Athenée remarque, d'après Chrysippe, que les Grecs avant Alexandre, avaient toujours conservé leur barbe, et que le premier Athénien qui coupa la sienne, fut toujours après cela dans les médailles surnommé le tondu, . Plutarque ajoute qu'Alexandre ordonna aux Macédoniens de se faire raser, de peur que les ennemis ne les prissent par la barbe.

Quoi qu'il en sait, nous voyons que Philippe son père, ainsi que ses prédécesseurs Amyntas et Archelaus, sont représentés sans barbe sur les médailles.

Pline observe que les Romains ne commencèrent à se raser que l'an de Rome 454, quand P. Ticinus leur amena de Sicîle une provision de barbiers ; il ajoute que Scipion l'Africain fut le premier qui fit venir la mode de se raser chaque jour.

Ce fut encore une coutume parmi les Romains de se faire des visites de cérémonie, à l'occasion de la première coupe de la barbe. Les jeunes gens commençaient à se faire couper la barbe depuis l'âge de 21 ans, jusqu'à celui de 49 ; passé 49 ans, il n'était plus permis, selon Pline, de ne pas porter la barbe longue. Ils enfermaient leur première barbe dans une petite boite d'or ou d'argent, qu'ils consacraient à quelque divinité, et surtout à Jupiter Capitolin, comme Suétone le remarque de Néron. Les 14 premiers empereurs se firent raser jusqu'au temps de l'empereur Adrien, qui rétablit l'usage de porter la barbe : Plutarque dit que le motif de ce prince fut de cacher les cicatrices qu'il avait au visage.

Tous ses successeurs l'imitèrent jusqu'à Constantin. Les barbes reparurent sous Héraclius, et tous les empereurs Grecs l'ont portée depuis. Les Goths et les Francs ne portaient qu'une moustache, jusqu'à Clodion, qui ordonna aux François de laisser croitre leur barbe et leurs cheveux, pour les distinguer des Romains. Les anciens philosophes et les prêtres des Juifs portaient de longues barbes. On veut que ce soit aussi l'origine du nom des Lombards, Longobardi quasi Longo-barbati. Il y a un canon du concîle de Carthage, qui défend aux clercs de porter de longs cheveux et de longues barbes : clericus nec comam nutriat, nec barbam ; ce qui se concilie difficilement avec cette leçon, nec barbam tundat. Grégoire VII. dit que le clergé d'Occident a toujours été rasé. Aujourd'hui les Occidentaux se font raser, et les Grecs au contraire, les Turcs et presque tous les Orientaux ont conservé la mode de porter de longues barbes.

On usait anciennement de grandes cérémonies en bénissant la barbe ; et l'on voit encore les prières qui se disaient dans la solennité de sa consécration, lorsque l'on tonsurait un clerc. Voyez TONSURE.

Les gens de qualité faisaient raser leurs enfants la première fois par des hommes aussi qualifiés qu'eux, ou plus même ; et ceux-ci devenaient par ce moyen les parreins ou les pères adoptifs des enfants. Voyez ADOPTION.

Il est vrai qu'anciennement on devenait parrein du garçon précisément en lui touchant la barbe ; aussi voit-on dans l'Histoire qu'un des articles du traité entre Clovis et Alaric, fut que ce dernier lui toucherait la barbe, afin de devenir le parrein de Clovis. Voyez PARREIN.

A l'égard des ecclésiastiques, la discipline a considérablement varié sur l'article de la barbe ; on leur a quelquefois enjoint de la porter, à cause qu'il y a quelque chose d'efféminé à se la faire, et qu'une barbe longue sied bien à la gravité du clergé ; d'autres fois on l'a défendue comme suspecte de cacher de l'orgueil sous un air vénérable. L'église grecque et la romaine ont été longtemps aux prises à ce sujet depuis leur séparation. Ceux de l'église de Rome semblent avoir encore eu plus de goût pour se raser afin de contredire les Grecs ; ils ont même fait certaines constitutions expresses de radendis barbis.

Les Grecs, de leur côté défendent la cause des grandes barbes avec un zèle ardent, et sont très-scandalisés de voir dans les églises romaines des images de saints qui n'ont point de barbe. On trouve que par les statuts de quelques monastères, les moines laïques devaient laisser croitre leur barbe, et les prêtres se raser, et que l'on bénissait avec beaucoup de cérémonies les barbes de tous ceux qui étaient reçus dans les couvens.

En certains pays, c'est porter le deuil que de laisser croitre sa barbe ; en d'autres c'en est un que de se raser. Le père le Comte remarque l'extravagance des Chinois dans leur affectation de porter de grandes barbes, eux à qui la nature n'en a donné que de fort petites, qu'ils ont la folie de cultiver avec un grand soin, enviant beaucoup le bonheur des peuples de l'Europe à cet égard, et les considérant comme les premiers hommes du monde, à cause de leur barbe.

Les Russes portaient encore leur barbe, il n'y a que très-peu d'années, quand le Czar Pierre I, leur ordonna de se raser ; mais nonobstant son ordre, il fut contraint de tenir sur pied un bon nombre d'officiers, pour la couper de haute lutte à ceux que l'on ne pouvait réduire autrement à s'en défaire. C'est une remarque de saint Chrysostome, que les rois de Perse avaient leur barbe tissue, et nattée avec un fil d'or. Quelques-uns des premiers rois de France faisaient nouer et boutonner leur barbe avec de l'or. (G)

BARBE D'UNE COMETE, (Astronomie) c'est le nom qu'on donne à ces espèces de rayons qu'envoye une comete, vers la partie du ciel où son mouvement parait la porter. Voyez COMETE.

C'est en quoi la barbe de la comete est distinguée de sa queue, qui se dit des rayons poussés vers la partie d'où il semble que son mouvement l'éloigne. Voyez QUEUE. En un mot la barbe de la comete est une espèce de chevelure lumineuse et rayonnante qui la précède, et la queue est une chevelure lumineuse et rayonnante qui la suit. La cause de la queue des cometes et de leur barbe n'est pas trop bien connue. Voyez sur ce sujet les conjectures des Philosophes, au mot COMETE. (O)

BARBE ou plutôt BARBETTE, (terme de l'Art militaire) tirer en barbe ou à barbette, c'est tirer le canon par-dessus le parapet, au lieu de le tirer par les embrasures, auquel cas le parapet ne doit avoir que trois pieds et demi de hauteur ; au-dessus de l'endroit où le canon est placé. On fait ordinairement de petites élévations de terre aux angles flanqués des ouvrages, pour y placer du canon qu'on tire à barbette. Ces élévations sont aussi appelées barbettes. On donne ce même nom au canon qui est tiré de ces élévations ; parce qu'on prétend que le canon en tirant de-là, par-dessus ce parapet, lui fait pour ainsi dire la barbe, en brulant l'herbe de sa partie supérieure. (Q)

BARBE d'un vaisseau, (Marine) les barbes d'un vaisseau sont les parties du bordage de l'avant, auprès du rinjot, c'est-à-dire vers l'endroit où l'étrave s'assemble avec la quille.

BARBE, sainte-barbe, gardiennerie, chambre des canonniers ; c'est ainsi que se nomme, en Marine, la chambre des canonniers, à cause qu'ils ont choisi sainte Barbe pour patrone. La sainte-barbe est un retranchement de l'arrière du vaisseau, au-dessus de la soute, et au-dessous de la chambre du capitaine. Le timon passe dans la sainte-barbe. Les vaisseaux de guerre y ont ordinairement deux sabords pratiqués dans l'arcasse ; on l'appelle aussi gardiennerie, à cause que le maître canonnier y met une partie de ce qui regarde les ustensiles de son artillerie. Voyez Planche IV. fig. 1. n°. 107. (Z)

BARBE, (Manège) on appelle ainsi un cheval de Barbarie, qui a la taille menue et les jambes déchargées, et qui est fort estimé pour sa vigueur et sa vitesse. Voyez CHEVAL.

Les barbes sont ordinairement d'une taille déliée, et ont les jambes bien écartées. C'est une maxime que les barbes meurent, mais ne vieillissent jamais, parce qu'ils conservent leur vigueur jusqu'à la fin : c'est pourquoi on en fait des étalons. Leur feu, selon le duc de Newcastle, dure autant que leur vie.

On dit que ces chevaux étaient autrefois sauvages, et qu'ils couraient çà et là dans les forêts de l'Arabie, et que ce ne fut qu'au temps du Cheque Ismaèl qu'on commença à les dompter pour la première fais. On assure qu'il y a des barbes en Afrique, qui devancent les autruches à la course, qu'on vend ordinairement dix mille livres, ou comme dit Dapper mille ducats, ou cent chameaux. On les entretient toujours maigres ; et on les nourrit fort peu avec quelques grains et de la pâte, ou comme dit Dapper, avec du lait de chameau qu'on leur donne soir et matin. On conserve la généalogie des chevaux barbes, avec le même soin qu'on fait en Europe celle des grandes familles ; et on ne les vend jamais sans produire leurs titres de noblesse. Il y en a qu'on fait descendre en droite ligne de l'illustre cheval du grand Dalid.

La race des chevaux a fort dégénéré dans la Numidie, les Arabes ayant été découragés de la conserver par les officiers turcs, qui étaient assurés de s'en rendre maîtres. Les Tingitaniens et les Egyptiens ont aujourd'hui la réputation de conserver la meilleure race, tant pour la taille que pour la beauté. Les plus petits de ces derniers ont ordinairement seize palmes, et tous sont formés, suivant leur manière de s'exprimer, comme la gazelle.

Les bonnes qualités d'un cheval de Barbarie (outre celles qu'on lui suppose de ne jamais se coucher, et de ne point bouger lorsque le cavalier vient à laisser tomber sa bride) sont d'avoir une longue allure, et de s'arrêter court, s'il le faut, en pleine course.

Le barbe n'est pas si propre à être étalon pour avoir des chevaux de manège, que pour des coureurs ; car il engendre des chevaux longs et lâches : c'est pourquoi il ne faut point avoir de sa race pour le manège, s'il n'est court de la tête à la croupe ; fort, raccourci, et d'une grande vivacité, ce qui se trouve dans peu de barbes.

BARBE ou SOUS-BARBE, (Manège) est la partie de la tête du cheval qui porte la gourmette. C'est proprement le bout ou plutôt la jonction des os de la ganache. Voyez GANACHE.

BARBES ou BARBILLONS, (Maréchallerie) ce sont de petites excraissances de chair longuettes, et finissant en pointe : qui sont attachées au palais sous la langue du cheval, qui l'empêchent de manger, et qu'on ôte pour cette raison. (V)

BARBE, en Serrurerie, est une partie du pêne, elle a la forme de dents qu'on voit ordinairement à sa partie inférieure, quelquefois à la supérieure, et à l'une et à l'autre. Voyez Planche III. de Serrurerie, en V et en T. La clé en tournant dans la serrure, les rencontre et fait avancer ou reculer le pêle ou pêne.

Il y a différentes sortes de barbes ; des barbes perdues ou volantes ; ce sont celles qui sont mobiles ; et qui peuvent descendre et monter. Elles ne font pas corps avec le pêne, elles y sont seulement ajustées ; et c'est par le mécanisme qu'emploie l'ouvrier qu'elles paraissent ou disparaissent. On trouvera à l'article SERRURE, plusieurs exemples de ces barbes, Voyez SERRURE.

BARBE DE BOUC, tragopogon, (Histoire naturelle Botanique) genre de plante dont la fleur est à demi-fleurons portés chacun sur un embryon, et soutenus par un calice fendu en plusieurs parties sans être écailleux.

Lorsque cette fleur est passée, chaque embryon devient une semence revêtue d'une membrane ou d'une enveloppe garnie d'une aigrette, et attachée sur la couche. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* Le tragopogon pratense, luteum, majus, aime les lieux champêtres, les prés, les pâturages et les terres grasses ; il fleurit en Mai et en Juin, et il ne tarde pas à répandre sa graine : il redonne des fleurs en Juillet et en Aout.

Sa racine échauffe et humecte ; elle est salutaire dans les maladies de poitrine ; son suc lactée agglutine les ulcères récens, pousse par les urines, et excite les graviers à sortir. Il y en a qui mangent la racine cuite, quand elle est tendre : mais ils sont en petit nombre.

BARBE DE CHEVRE, barba caprae, (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond : le pistil sort d'un calice d'une seule pièce, et devient dans la suite un fruit composé de plusieurs petites gaines rassemblées en forme de tête. Chaque gaine renferme une semence ordinairement oblongue. Tournef. Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* La barba caprae, floribus compactis, a la feuille d'un goût d'herbe salé et gluant, et rougissant un peu le papier bleu ; sa racine le rougit beaucoup ; elle est styptique et un peu amère. Il y a apparence que le sel de cette plante approche du sel ammoniac, mais uni avec beaucoup de soufre et assez de terre. Elle donne par l'analyse des liqueurs acides, du sel volatil concret, beaucoup de soufre, et assez de terre : aussi est-elle sudorifique, cordiale et vulnéraire ; la décoction de sa racine est bonne dans les fièvres malignes. Le vin où on la fait bouillir est salutaire dans les cours de ventre, la dyssenterie, le crachement de sang, et les blessures internes. Un gros de son extrait est sudorifique : mais il en faut continuer l'usage pendant deux ou trois jours. Il en faut prendre un gros le matin, autant l'après-midi, et le soir la même dose, avec un grain de laudanum.

BARBE DE JUPITER, barba Jovis, (Histoire naturelle, Botanique) genre de plante dont la fleur est légumineuse ; le pistil sort du calice, et devient dans la suite une silique fort courte et presqu'ovale, qui renferme une semence arrondie. Tournefort, Institut. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* On ne lui attribue aucune propriété medicinale.

BARBE RENARD, tragacantha, (Histoire naturelle bot an.) genre de plante à fleur légumineuse, le pistil sort du calice, et devient dans la suite une silique divisée selon sa longueur en deux loges remplies de quelques semences qui ont ordinairement la figure d'un petit rein. Ajoutez aux caractères de ce genre, que les feuilles naissent par paires sur une côte terminée par un piquant. Tournefort, Institut. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* La tragacantha croit dans les provinces méridionales de la France et en Italie : mais elle ne donne sa gomme que dans les pays orientaux.

On tire de sa racine la gomme adragant des boutiques. Voyez ADRAGANT.

* BARBE a plusieurs autres acceptions : voici les principales. Il se dit des petites arêtes qu'on remarque aux poissons plats, et qui leur servent de nageoires (voyez POISSON, NAGEOIRES) : des franges mollettes dont les plumes sont garnies depuis le haut du tuyau jusqu'à l'extrémité (voyez PLUME) : des poils dont certains épis de blé sont hérissés (voyez BLE, ÉPI) : du poil de certaines étoffes ou usées, ou non ébarbées (voyez DRAPERIE) : de cette espèce de duvet qui dénote la corruption et lamoisissure des confitures gâtées : des petites molécules métalliques, ou grains de limaille, qui restent attachés aux arêtes de tous les corps métalliques limés, après qu'on les a limés, et qu'on enleve, ou avec le fraisoir, ou avec la lime même, ou avec la pierre, ou avec le brunissoir.