La concurrence de privilège arrive entre deux créanciers qui ont saisi tous deux en même temps les meubles de leur débiteur, ou lorsque leurs créances sont de même nature, ou également favorables.

Il y a certaines matières dont la connaissance est attribuée à différents juges ; mais c'est par prévention entr'eux, et non pas par concurrence. Voyez ce qui est dit ci-devant au mot CONCOURS. (A)

CONCURRENCE, en fait de Commerce. Ce mot présente l'idée de plusieurs personnes qui aspirent à une préférence : ainsi lorsque divers particuliers s'occupent à vendre une même denrée, chacun s'efforce de la donner meilleure ou à plus bas prix, pour obtenir la préférence de l'acheteur.

On sent au premier coup-d'oeil que la concurrence est l'âme et l'aiguillon de l'industrie, et le principe le plus actif du commerce.

Cette concurrence est extérieure ou intérieure.

La concurrence extérieure du commerce d'une nation, consiste à pouvoir vendre au-dehors les productions de ses terres et de son industrie en aussi grande quantité que les autres nations vendent les leurs, et en proportion respective de la population, des capitaux, de l'étendue et de la fertilité des terres. Celle qui ne soutient pas cette concurrence dans les proportions dont nous venons de parler, a immanquablement une puissance relativement inférieure à la puissance des autres ; parce que ses hommes sont moins occupés, moins riches, moins heureux, dès lors en plus petit nombre relativement ; enfin moins en état, dans le même rapport, de secourir la république. On ne peut trop le répéter, la balance du commerce est véritablement la balance des pouvoirs.

Cette concurrence extérieure ne s'obtient point par la force ; elle est le prix des efforts que fait l'industrie pour saisir les gouts du consommateur, les prévenir même et les irriter.

La concurrence intérieure est de deux sortes : l'une entre les denrées de l'état et les denrées étrangères de même nature, ou de même usage ; et celle-là privant le peuple des moyens de subsister, doit en général être proscrite. Ceux qui contribuent à l'introduire, soit en vendant, soit en achetant, sont réellement coupables envers la société d'augmenter ou d'entretenir le nombre des pauvres qui lui sont à charge.

L'autre espèce de concurrence intérieure est celle du travail entre les sujets : elle consiste à ce que chacun d'eux ait la faculté de s'occuper de la manière qu'il croit la plus lucrative, ou qui lui plait davantage.

Elle est la base principale de la liberté du commerce ; elle seule contribue plus qu'aucun autre moyen, à procurer à une nation cette concurrence extérieure, qui l'enrichit et la rend puissante. La raison en est fort simple. Tout homme est naturellement porté (je ne dois peut-être pas dire par malheur à s'occuper), mais il l'est du moins à se procurer l'aisance ; et cette aisance, salaire de son travail, lui rend ensuite son occupation agréable : ainsi dès que nul vice intérieur dans la police d'un état ne met des entraves à l'industrie, elle entre d'elle-même dans la carrière. Plus le nombre de ses productions est considérable, plus leur prix est modique ; et cette modicité des prix obtient la préférence des étrangers.

A mesure cependant que l'argent entre dans un état par cette voie, à mesure que les moyens de subsister se multiplient pour le peuple, le nombre ou la concurrence des consommateurs s'accrait, les denrées doivent être représentées par une plus grande somme : cette augmentation du prix de chaque chose est réelle, et le premier effet des progrès de l'industrie ; mais un cercle heureux de nouvelles concurrences y apporte les tempéraments convenables. Les denrées qui sont l'objet de la consommation deviennent journellement plus abondantes, et cette abondance modere en partie leur augmentation ; l'autre partie se partage insensiblement entre tous ceux qui font les ouvrages, ou qui en trafiquent, par la diminution de leurs bénéfices ; la diminution de ce bénéfice se trouve enfin compensée elle-même par la diminution de l'intérêt de l'argent : car le nombre des emprunteurs se trouvant plus faible que celui des prêteurs, l'argent perd de son prix, par une convention unanime, comme toutes les autres marchandises. Cette baisse des intérêts est, comme on le voit, l'effet d'un grand commerce : ainsi nous observerons en passant que pour connaître si une nation qui n'a point de mines fait autant de commerce que les autres, en proportion des facilités respectives qu'elles ont pour commercer, il suffit de comparer le taux des intérêts de l'argent dans chacune ; car il est certain que si la concurrence de ces intérêts n'est pas égale, il n'y aura point d'égalité dans la concurrence extérieure des ventes et de la navigation.

Lorsqu'on aperçoit à ces signes évidents un accroissement continuel dans le commerce d'un état, toutes ses parties agissent et se communiquent un mouvement égal ; il jouit de toute la vigueur dont il est susceptible.

Une pareille situation est inséparable d'un grand luxe ; il s'étend sur les diverses classes du peuple, parce qu'elles sont toutes heureuses : mais celui qui produit l'aisance publique, par l'augmentation du travail, n'est jamais à craindre ; sans-cesse la concurrence extérieure en arrête l'excès, qui serait bien-tôt le terme fatal de tant de prospérités. L'industrie s'ouvre alors de nouvelles routes, elle perfectionne ses méthodes et ses ouvrages ; l'économie du temps et des forces multiplie les hommes en quelque façon ; les besoins enfantent les arts, la concurrence les éleve, et la richesse des artistes les rend savants.

Tels sont les effets prodigieux de ce principe de la concurrence, si simple à son premier aspect, comme le sont presque tous ceux du commerce. Celui-ci en particulier me parait avoir un avantage très-rare, c'est de n'être sujet à aucune exception. Cet article est de M. V. D. F.