Il y avait en Orient cinq diocèses de cette nature : l'Egypte sous l'évêque d'Alexandrie, l'Orient proprement dit sous celui d'Antioche, l'Asie sous celui d'Ephese ; le Pont et la Thrace qui, dans les premiers temps, n'avaient pas d'évêques qui eussent une juridiction sur tout le diocèse. Depuis, la ville de Bysance ayant été érigée en ville royale, et nommée Constantinople, devint la capitale d'abord du diocèse de Thrace, ensuite du Pont et de l'Asie même ; et on attribua aussi à l'évêque de Jérusalem, par honneur pour la ville qui avait été le berceau de la religion chrétienne, quelques provinces de la Palestine. Ensorte qu'il y eut quatre patriarchats en Orient : celui de Constantinople qui eut le second rang, celui d'Alexandrie, celui d'Antioche et celui de Jérusalem. En Occident, il n'y avait que celui de Rome qui, selon Rufin, s'étendait sur les provinces suburbicaires, c'est-à-dire sur dix provinces du continent d'Italie et de quelques îles adjacentes ; depuis il s'étendit sur l'Illyrie, la Macédoine, et quelques parties de l'Occident, mais jamais il ne s'est étendu sur tout l'Occident ; car le primat de Carthage qui avait sous lui plus de 500 chaires épiscopales, était regardé comme le patriarche de toute l'Afrique.

Le patriarchat d'Alexandrie avait sous lui les provinces de l'Egypte, de la Pentapole, de la Lybie et de la Marmarique. On ne sait sur quel fondement le P. Morin y ajoute toute l'Afrique, ni pourquoi M. de Valais en retranche la Pentapole qui faisait partie de l'Egypte ; sur laquelle le second concîle général étend et fixe la juridiction du patriarche d'Alexandrie, solam Aegyptum regat.

Celui d'Antioche ne s'étendait pas sur toute l'Asie, comme l'a prétendu le P. Morin, mais dans son origine il était borné à la seule ville d'Antioche, ensuite sur la Cilicie, et enfin sur les quinze provinces qui formaient l'Orient proprement dit : on voit par les actes du second concîle oecumenique, tenu à Constantinople, que l'église d'Antioche n'avait sous sa juridiction ni le Pont, ni l'Asie, ni la Thrace. C'est encore sans raison que M. de Valais soustrait à la juridiction du patriarchat d'Antioche, quelques-unes des quinze provinces, qui composaient le comté d'Orient, par exemple, la Phénicie, la Palestine, la Cilicie et l'île de Chypre : il est constant par l'histoire ecclésiastique que l'évêque d'Antioche était patriarche de toutes ces provinces.

Baronius prétend que l'église de Jérusalem ne fut érigée en patriarchat qu'au cinquième concîle général en 549, mais il est constant que ce fut au concîle de Chalcédoine en 451, où Maxime d'Antioche et Juvenal de Jérusalem ayant eu une vive dispute sur l'étendue de leur juridiction respective, les pères du concîle décidèrent ainsi : Antiochiensium sanctissima ecclesia duas Phenicias et Arabiam sub propria potestate habeat. Sanctissima vero christi resurrectio ibidem tres Palestinas habeat. Jusqu'aux croisades, le patriarchat de Jérusalem ne fut composé que des trois Palestines, et des métropoles de Césarée, de Scythoples et de Petra ; et depuis les croisades, le pape Innocent II. y ajouta la première Phénicie, au lieu de la troisième Palestine qu'on n'avait pu reconquérir sur les Sarrasins.

Le patriarchat de Constantinople ne comprenait d'abord que la Thrace et le Pont, mais la faveur des empereurs, jointe à l'ambition des évêques, en étendit bientôt la juridiction au-delà de ses bornes, tant en Europe qu'en Asie, car il se soumit la Thessalie, la Macédoine, la Grèce, l'Epire, l'Illyrie, la Bulgarie, et presque tout ce qui était en Europe de l'empire d'Orient. Les papes reclamèrent souvent contre ces innovations et ces démembrements, mais presque toujours sans succès, et ç'a été un des principaux sujets de division entre l'Eglise latine et l'Eglise grecque.

Au reste, quoique ces cinq grands patriarchats s'étendissent sur un grand nombre de provinces, tant en Orient qu'en Occident, il ne faut pas croire que toutes les églises du monde dépendissent de leur juridiction, puisqu'il y en avait plusieurs qui étaient autocéphales, qui se gouvernaient par leurs conciles principaux ou nationaux, et dont les métropolitains étaient ordonnés par les évêques de la province.

Enfin l'établissement du plus ancien des patriarchats ne remonte pas plus haut que la fin du IIIe siècle : car les actes du premier concîle de Nicée, tenu en 325, sont le premier monument où il soit fait mention du patriarchat de Rome, et l'institution de tous les autres est certainement postérieure. Thomassin, discipline de l'Eglise, Dupin, de antiq. ecclés. discipl.