Cette délectation peut être victorieuse ou absolument, c'est-à-dire par des moyens ineffables, et que Dieu seul peut employer : miris et ineffabilibus modis, dit S. Augustin, lib. de corrept. et gratiâ, cap. Ve ou relativement, entant que la délectation céleste, par exemple, surpasse en degrés la délectation terrestre, et réciproquement.

Jansenius, dans tout son ouvrage de gratiâ Christi, et nommément liv. IV. ch. VIe IXe et Xe liv. V. ch. V. et liv. VIII. chap. IIe se déclare pour cette délectation relativement victorieuse, et prétend que, dans toutes ses actions, la volonté est soumise à l'impression nécessitante et alternative des deux délectations, c'est-à-dire de la concupiscence et de la grâce. D'où il conclut que celle des deux délectations qui, dans le moment décisif de l'action, se trouve actuellement superieure à l'autre en degrés, détermine nos volontés, et les décide nécessairement pour le bien ou pour le mal. Si la cupidité l'emporte d'un degré sur la grâce, le cœur se livre nécessairement aux objets terrestres. Si, au contraire, la grâce l'emporte d'un degré sur la concupiscence, alors la grâce est victorieuse, elle incline nécessairement la volonté à l'amour de la justice. Enfin, dans le cas où les deux délectations sont égales en degrés, la volonté reste en équilibre sans pouvoir agir. Dans ce système, le cœur humain est une vraie balance, dont les bassins montent, descendent ou demeurent au niveau l'un de l'autre, suivant l'égalité ou l'inégalité des poids dont ils sont chargés.

Il n'est pas étonnant que, de ces principes, Jansenius infère qu'il est impossible que l'homme fasse le bien, quand la cupidité est plus forte que la grâce ; que l'acte opposé au péché n'est pas en son pouvoir, lorsque la cupidité le domine ; que l'homme, sans l'empire de la grâce, plus forte en degrés que la concupiscence, ne peut non plus se refuser à la motion du secours divin, dans l'état présent où il se trouve, que les bienheureux qui sont dans le ciel peuvent se refuser à l'amour de Dieu. Jansen. lib. VIII. de grat. Christi, c. XVe et lib. IV. de stat. naturae lapsae, c. xxjv.

C'est par cette découverte de la délectation relativement victorieuse, qui est la base de tout son système, que Jansenius est parvenu à réduire le mystère de l'action de la grâce sur la volonté, à une explication fondée sur les lois de la mécanique. Voyez JANSENISME. (G)