Dans notre ancienne institution militaire, presque tous les corps étaient livrés à une routine arbitraire qui se pliait aux caprices des colonels, et perpétuait les défectuosités et les abus. Un ministre chéri de tout le militaire, animé d'un zèle ardent pour la perfection du service, aperçut le désordre, et s'appliqua à y remédier. Occupé des plus grands objets, M. le comte d'Argenson ne dédaigna pas de descendre aux moindres détails : on essaya des changements, on multiplia les épreuves ; un plan de réforme, fruit des méditations d'illustres guerriers, fut arrêté ; et enfin la qualité, l'espèce, la quantité, la forme et les proportions de chaque partie d'habillement, d'équipement et d'armement, furent sous son ministère, successivement déterminées par plusieurs ordonnances et règlements que nous ne ferons ici que rapprocher et résumer. Les colonels, commandants et majors des corps, ne doivent y permettre aucune altération ni changement, à peine de répondre des contraventions.

Lorsque le roi ordonne la levée d'un régiment, Sa Majesté pourvait, pour cette première fais, par un traitement particulier accordé aux capitaines, à la dépense de l'habillement, de l'équipement, et de l'armement à neuf de chaque troupe.

Et pour assurer d'une manière stable et uniforme l'entretien de toutes les parties qui en dépendent, elle a réglé qu'elles ne seraient plus renouvellées en totalité, mais seulement par tiers, par quart, ou suivant la partie jugée nécessaire par les inspecteurs généraux de ses troupes ; disposition nouvelle par laquelle on a judicieusement sacrifié l'agrément du coup d'oeil à l'utilité.

Au moyen du traitement que le roi fait à ses troupes, tant de cavalerie que d'infanterie, soit à titre de solde pour les unes et les autres, soit à titre d'ustensîle ou d'écus de campagne pour celles de cavalerie, les cavaliers, hussards et dragons sont obligés de s'entretenir en tout temps de linge, de culottes, bas et souliers ; d'entretenir leurs chevaux de ferrage, de conserver leurs armes nettes, et d'y faire les menues réparations, en sorte qu'elles soient toujours en bon état ; et les soldats de s'entretenir de linge, de chaussure, et de tenir également leurs armes propres et en bon état.

Outre ce traitement, le roi fait payer tant en paix qu'en guerre, vingt deniers par jour pour chaque sergent, et dix deniers pour chaque brigadier, cavalier, hussard, dragon et soldat, pour composer une masse toujours complete , sans avoir égard aux hommes qui peuvent manquer dans les compagnies.

Cette masse est spécialement affectée aux dépenses principales et accessoires du renouvellement et de l'entretien de l'habillement, de l'équipement, et de l'armement des troupes. Le fonds en demeure entre les mains des trésoriers militaires, qui en donnent leurs reconnaissances aux majors ou autres officiers chargés du détail des corps, en deux billets comptables ; l'un à titre de grosse masse sur le pied de douze deniers par sergent, et de six deniers par brigadier, cavalier, hussard, dragon et soldat ; l'autre à titre de petite masse pour les huit deniers restants par sergent, et les quatre deniers par chacun des autres. Les fonds de la masse sont remis, sur la main-levée des inspecteurs généraux, aux entrepreneurs des fournitures d'habillement, d'équipement, et d'armement de chaque corps.

A l'égard des régiments d'infanterie étrangère qui sont au service du roi, et qui jouissent de traitements différents des troupes nationales, il a été réglé une retenue de trois livres par homme sur le pied complet par mois, à titre de masse, sur la paye de paix de chaque compagnie, et de quatre livres dix sols sur la paye de guerre, dont l'emploi est affecté aux habillement, équipement, armement, et à la petite monture de ces régiments. La petite monture n'est autre chose que le linge et la chaussure dont nous avons dit que le soldat est obligé de s'entretenir sur sa solde. Pour prévenir les inconvénients et le danger de sa négligence sur cet article qui intéresse essentiellement sa santé, on a établi une retenue journalière sur sa paye, dont le fonds reste entre les mains de l'officier major de chaque corps. Il en fait manuellement la distribution tous les trois mois, après avoir examiné si toutes les parties de l'équipage militaire ou privé du soldat sont complete s et en bon état. Le décompte des cinq écus de campagne de la cavalerie, se fait avec la même attention en cinq payements égaux, dans les mois de Juin, Juillet, Aout, Septembre et Octobre de chaque campagne. La retenue est réglée à un sou par jour sur la solde des cavaliers, hussards et dragons, et à six deniers sur celle du soldat ; dans la pratique elle est pour l'ordinaire de deux sous pour la cavalerie, et d'un sou pour l'infanterie. Mais il ne suffit pas d'envisager ces objets sous un point de vue général ; passons au détail des parties d'habillement, d'équipement et d'armement. La connexité et la dépendance réciproque de ces trois branches importantes de l'économie militaire, permettent de les associer sous un même article.

Habillement. L'habillement du cavalier est composé d'un justaucorps de drap de Lodeve ou de Berry, doublé de serge ou d'autre étoffe de laine ; d'une veste de peau de bufle, nommée le bufle ; d'un sarrau de toîle pour panser les chevaux ; d'une culotte de peau à double ceinture, d'une seconde culotte de panne rouge, d'un chapeau de laine bordé d'un galon d'argent, et d'un manteau de drap fabriqué à deux envers.

Celui du hussard, d'une pelisse, d'une veste et d'une culotte à la hongroise, de drap bleu céleste, la pelisse doublée de peau en laine de mouton blanc ; d'une culotte de peau, d'un bonnet ou schakos de feutre blanc ou rouge, et d'un manteau de drap bleu de roi.

Celui du dragon, d'un justaucorps et d'une veste de drap doublés d'étoffe de laine, d'un sarrau de toile, d'une culotte de peau, d'une seconde culotte de panne, d'un chapeau bordé en argent, et d'un manteau.

Et celui du soldat, d'un justaucorps de drap doublé d'étoffe de laine, d'une veste de tricot ou d'autre étoffe équivalente aussi doublée, d'une culotte de même étoffe sans doublure, d'un caleçon de toîle pour tenir lieu de doublure, et d'un chapeau bordé d'or ou d'argent faux. Les chapeaux des milices de terre sont bordés en poil de chèvre blanc ; ceux des soldats gardes-côtes en laine blanche, les bords ayant seize à dix-sept lignes de large.

Les justaucorps sont coupés sur des patrons de trois tailles, grande, moyenne et petite. Ceux de la moyenne doivent avoir trois pieds quatre pouces six lignes de hauteur par-devant, et trois pieds trois pouces six lignes par-derrière ; ceux de la grande taille un pouce et demi de plus ; ceux de la petite un pouce et demi de moins, et les largeurs proportionnées. Les bufles et vestes doivent être plus courtes de huit à neuf pouces que les justaucorps.

Les parements des manches sont ronds, de six pouces de haut et de dix-huit pouces de tour ; les pattes sans poches, les poches placées dans les plis de l'habit. Celui du cavalier est garni de deux épaulettes ; celui du dragon d'une seule placée sur l'épaule gauche. Les quantités d'étoffes qui doivent entrer dans chaque partie d'habillement, sont déterminées par les ordonnances qu'on peut consulter.

Les brigadiers et carabiniers dans la cavalerie et dans les dragons à cheval, et les sergens, caporaux et anspessades dans les dragons à pied et dans l'infanterie, sont distingués par des galons d'or, d'argent ou de laine, diversement attachés sur les parements des manches. Ces marques distinctives sont nécessaires dans les divers détails du service, et surtout pour l'accord et la régularité dans l'ordonnance des escadrons et des bataillons. Les tambours des régiments royaux sont habillés à la livrée du Roi ; ceux des régiments de gentilshommes à la livrée des colonels.

Les chapeaux doivent être fabriqués de laine d'agneaux, et exactement feutrés ; ceux de la cavalerie du poids de treize, quatorze et quinze onces, petits, moyens et grands ; ceux des dragons de douze, treize et quatorze onces ; et ceux de l'infanterie de dix, onze et douze onces ; tous d'environ quatre pouces de hauteur de forme, à peine de confiscation et d'amende contre les fabriquans et entrepreneurs, en cas de contravention.

Lorsque les cavaliers, hussards, dragons ou soldats d'une compagnie ne se trouvent pas habillés, équipés et armés, suivant le prescrit des ordonnances, l'inspecteur général ou le commissaire des guerres chargé de la police du corps, ordonnent la retenue des appointements du capitaine, jusqu'à ce que sa troupe ait été mise de tout point en bon état.

Et lorsqu'après six ans de service ils reçoivent leurs congés absolus dans l'ordre de leur ancienneté, ils emportent de droit leur habit, linge et chapeau ; mais le capitaine a l'option de leur laisser l'habit, ou de leur donner à chacun quinze livres comptant, en les renvoyant avec la veste, le linge et le chapeau.

Equipement. L'équipement du cavalier est composé d'une cartouche à douze coups, d'une bandoulière de bufle, d'un ceinturon aussi de bufle à deux pendants, de bottes molles, guêtres et souliers, d'une besace de toîle de coutil, de chemises, col noir et bonnet, de gants, cordon de sabre et coquarde.

Celui du hussard, d'une cartouche à vingt coups, d'une bandoulière, d'un ceinturon et de bottes molles à la hongroise, d'une écharpe et d'un sabretache rouges, d'une besace, de chemises, col noir, bonnet, gants et cordon de sabre.

Celui du dragon, d'une demi-giberne à trente coups, d'une bandoulière, d'un ceinturon à un pendant, de bottines, guêtres et souliers, d'une besace, de chemises, col, bonnet, gants, cordon de sabre et coquarde.

Et celui du fantassin, d'une demi-giberne à trente coups, d'une bandoulière, d'un ceinturon en couteau de chasse, d'un havresac de coutil, de chemises, col, bonnet, guêtres, souliers et coquarde. Le grenadier a une giberne et un ceinturon à deux pendants.

Tout ce qui compose l'équipage du soldat, étant d'un usage indispensable et de nécessité physique, on doit avoir grande attention à ce qu'il soit exactement complet : mais on ne doit pas en donner moins à empêcher qu'il ne se charge de nippes et d'effets superflus, qui dans les marches accablent par leur poids les hommes et les chevaux, en même-temps qu'ils amollissent le soldat dans le repos : " on peut savoir que jamais on n'a prétendu rendre la discipline et la vigueur à une armée, qu'en bannissant le luxe relatif ; que les soldats et les subalternes ont leur luxe ainsi que les autres ".

La visite des besaces et havresacs fait partie des devoirs des maréchaux des logis dans la cavalerie, et des sergens dans l'infanterie, sous l'autorité des officiers respectifs. Cet objet pour être moins relevé, n'en est pas moins important, et ne serait pas indigne de l'attention des officiers supérieurs ; mais loin de s'y abaisser, eux-mêmes ne tombent que trop souvent dans l'excès à cet égard, par la quantité et la vaine somptuosité de leurs équipages de guerre. La nation ne peut se dissimuler le besoin qu'elle a d'exemples d'austérité et de simplicité en ce genre.

Nous ne rappellerons pas ici ce que nous avons dit ailleurs de plusieurs menus effets et ustensiles dont la cartouche, la giberne et la demi-giberne doivent être garnies (voyez GIBERNE), non plus que ce qui a trait à l'équipement des chevaux de la cavalerie. Voyez les institutions militaires de M. de la Porterie.

Armement. L'armement du cavalier est composé d'un mousqueton, de deux pistolets et d'un sabre, avec un plastron et une calotte.

Celui du hussard, d'un mousqueton, de deux pistolets et d'un sabre.

Celui du dragon, d'un fusil avec la bayonnette à douille, d'un pistolet et d'un sabre.

Et celui du fantassin, d'un fusil avec la bayonnette, et d'une épée, excepté le grenadier qui porte un sabre au lieu d'épée. Voyez GRENADIER.

La longueur du mousqueton est de trois pieds six pouces six lignes, le canon ayant deux pieds quatre pouces.

Celle du fusil, de quatre pieds dix pouces, le canon ayant trois pieds huit pouces depuis la lumière jusqu'à l'extrémité.

Celle du pistolet monté, de seize pouces.

Le calibre des mousquetons, fusils et pistolets, est réglé à une balle de dix-huit à la livre.

La bayonnette à dix-huit pouces de longueur, la douille comprise.

Le sabre est la principale arme de la cavalerie, comme l'est pour l'infanterie le fusil armé de sa bayonnette.

Le sabre de la cavalerie et des dragons est monté à poignée de cuivre à double branche, la lame à dos, de trente-trois pouces de longueur.

Celui des hussards courbé, à monture de cuivre, la poignée couverte de cuir bouilli crenelé, la lame à dos, de trente-cinq pouces de longueur, et de quatorze lignes de large.

Celui du grenadier aussi courbé, à poignée et monture de cuivre, la lame à dos, de trente-un pouces de long.

L'épée à monture de cuivre, la lame à dos, de vingt-six pouces de longueur.

Le sentiment de plusieurs bons officiers de nos jours, était qu'on supprimât l'épée du fantassin, comme superflue au moyen de la bayonnette, et incommode dans une action. Pour bonnes considérations sans-doute, on a adopté le parti contraire ; mais en même temps on a dépouillé cette arme de ce qui la rendait embarrassante. La monture est unie, à demi-coquille, et la lame courte et forte : c'était ainsi que la portaient les Romains, nos modèles et nos maîtres dans la science des armes.

Chaque chambrée doit être pourvue, paix ou guerre, d'une tente, d'une marmite, d'une gamelle et d'un barril ou bidon ; et chaque compagnie de cavalerie et de dragons, en guerre, de sacs à fourrages et de hachoirs.

Les dragons à cheval portent au lieu du second pistolet, une hache, une pelle, ou autre outil propre à remuer la terre et à ouvrir des passages.

Dans chaque compagnie de dragons à pied de soixante hommes, il y a vingt outils, dont huit grosses haches, quatre pelles, quatre pioches, et quatre serpes.

Il doit y en avoir dix dans chaque compagnie d'infanterie de quarante hommes, dont trois pelles, trois pioches, deux haches et deux serpes.

Dans les compagnies des grenadiers, dix grenadiers portent de grosses haches, tous les autres des haches à marteaux, avec des pelles et pioches.

Les outils sont enfermés dans des étuis de cuir ; il serait à désirer que l'on fournit aussi des sacs de toîle pour les marmites et gamelles.

Milices. Il n'y a point de masse établie pour l'habillement et l'armement des milices. Le Roi y pourvait directement, en faisant verser de ses magasins et arsenaux et répartir dans les provinces, les parties nécessaires à chaque bataillon.

L'équipement des soldats de milice est fourni par les paroisses pour lesquelles ils servent, et composé pour chacun d'une veste et d'une culotte, d'un chapeau, d'une paire de guêtres et d'une paire de souliers, de deux chemises, un col noir et un havresac.

Officiers. L'habillement des officiers doit être en tout semblable à celui du soldat, excepté que les étoffes sont d'une qualité supérieure. Leurs manteaux ou redingotes doivent être aussi des couleurs affectées à chaque régiment. Il est expressément défendu aux officiers de porter, étant à leurs corps, d'autre habit que l'uniforme, comme le plus décent et le plus convenable pour les faire reconnaître et respecter du soldat ; comme aussi d'y faire des changements, ni d'y ajouter aucuns ornements superflus, sous peine d'interdiction.

L'armement des officiers est composé pour la cavalerie de deux pistolets, d'une épée à monture de cuivre doré, la lame à dos de trente-un pouces de long, et d'une cuirasse.

Pour les hussards, de deux pistolets et d'un sabre courbé, la monture de cuivre doré, la lame pareille à celle des hussards.

Pour les dragons, d'un fusil avec la bayonnette, de deux pistolets, et d'une épée semblable à celles de la cavalerie, avec une gibecière garnie de six cartouches.

Et pour l'infanterie, d'un esponton et d'une épée.

Les officiers et les sergens de grenadiers sont armés de fusils et bayonnettes avec la gibecière ; les sergens des compagnies de fusiliers, de halebardes et d'épées.

Le haussecol n'est ni arme, ni armure : il est seulement la marque du service actuel des officiers d'infanterie, ainsi que le sont les bottes et les bottines, du service actuel des officiers de cavalerie et de dragons.

On a souvent proposé de faire armer tous les officiers et sergens d'infanterie, comme le soldat : c'était bien aussi le sentiment de M. le maréchal de Puysegur, qui doit être d'un grand poids dans cette matière. Ce qui forme un puissant préjugé en faveur de cette méthode, c'est qu'encore qu'elle soit proscrite par les ordonnances, la pratique ordinaire des officiers dans une action, est d'abandonner l'esponton, et de saisir un fusil armé de sa bayonnette. Voici une nouvelle autorité : " Le fusil avec sa bayonnette, dit un auteur accrédité, étant tout-à-la-fais arme à feu et halebarde, pourquoi les sergens et officiers n'en portent-ils pas ? Pourquoi se prive-t-on ainsi de cinq armes par compagnie, qui seraient portées par ce qu'il y a de meilleur " ?

Nous avons dit que le soldat doit entretenir son armure, et y faire les menues réparations dont elle a besoin : il faut l'obliger aussi à la tenir dans la plus grande propreté. " Les Romains avaient fort à cœur cette propreté dans leurs soldats ; ils les forçaient à nettoyer et à fourbir souvent leurs cuirasses, leurs casques et leurs lances, persuadés que l'éclat des armes imposait beaucoup à l'ennemi ".

Nous ne parlerons pas ici des uniformes des officiers généraux, de ceux des états-majors des armées, des aides-de-camp, des commissaires des guerres, des chirurgiens militaires, et d'autres établis par divers règlements auxquels nous renvoyons. On s'étonne qu'il n'en ait pas encore été déterminé un pour les officiers des états-majors des places de guerre, qui puisse en toute occasion les faire reconnaître dans les fonctions importantes et purement militaires dont ils sont chargés.

Il est défendu à tous sujets, autres que les militaires, de porter aucun habit uniforme des troupes ; à tous marchands d'en acheter et exposer en vente, même d'en garder dans leurs magasins, à peine de confiscation et de deux cent livres d'amende ; et à tous cavaliers, hussards, dragons et soldats, de vendre leurs habits, armes ou autres effets uniformes, sous peine des galeres perpétuelles.

Les officiers même ne peuvent vendre les armes de leurs compagnies, à peine de cassation ; ni les armuriers ou autres, les acheter, à peine de confiscation et de cinq cent livres d'amende. Les armes de réforme sont déposées dans les arsenaux du Roi, et Sa Majesté, sur l'estimation qui en est faite, pourvait au dédommagement des capitaines.

Ils doivent faire retirer des hôpitaux les habillements, armements, effets et argent des soldats décédés, dans l'an et jour de la date du décès ; ce temps passé, ils demeurent au profit des entrepreneurs des hôpitaux.

Aucun officier ne doit habiller ses valets de l'uniforme du soldat, à peine contre l'officier de cassation, et contre les valets, d'être punis comme passe-volans.

M. le maréchal de Saxe, dont la mémoire est à jamais consacrée dans nos fastes militaires, avait suggéré plusieurs changements avantageux dans l'habillement de nos troupes ; mais ses idées sur cet article, toutes lumineuses et salutaires qu'elles sont, paraissent à beaucoup d'égards trop éloignées de nos mœurs, et peut-être de nos préjugés. Nos yeux seraient blessés de l'aspect d'un bataillon chaussé de sandales semelées de bois, et de soldats en vestes, couverts de manteaux à la turque, avec des capuchons et des perruques de peau d'agneau. D'ailleurs serait-il bien aisé de soumettre à cet accoutrement sauvage, l'esprit vain du soldat français jaloux de parure, et qui pour l'ordinaire a autant d'amour propre que de bravoure ?

Nous pensons qu'on peut se fixer à ce qui est établi par rapport à l'habillement de nos troupes, surtout si les commandants des corps portent leur attention comme ils le doivent, à empêcher toute manœuvre contraire au bien du service dans cette partie, soit de la part des entrepreneurs toujours avides, soit de celle des officiers députés des corps, qui ne sont pas tous également inaccessibles à la seduction. Cet habillement, dans sa bizarrerie même, est approprié aux usages et au caractère de la nation ; et cette conformité est une raison de préférence, parce qu'en matière de goût et d'opinion, la volonté générale doit être consultée.

Les proportions réglées à trois hauteurs et largeurs, fournissent à toutes les tailles des justaucorps et des vestes amples et aisés. Nous voudrions que les culottes fussent plus hautes et plus profondes, afin de laisser plus de liberté aux mouvements du soldat dans les exercices qui appartiennent à la gymnastique ; même qu'elles fussent garnies de ceintures très-larges, capables de garantir les reins contre l'humidité, lorsque le soldat est couché. Rien ne doit être négligé de ce qui tend à perfectionner les formes pour la plus grande commodité du service, et à conserver des hommes d'une espèce si précieuse, surtout dans ce siècle belliqueux, et dans le déclin malheureusement trop sensible de notre population. Peut-être serait-il plus avantageux encore de fournir au soldat des culottes de peau au lieu d'étoffe.

Il doit avoir deux paires de guêtres de toile, l'une blanche pour les revues et les parades, l'autre noire pour les marches et le service ordinaire.

On a proposé de substituer aux havresacs de toile, ceux de peaux de chien ou de chèvre garnies de poil, tels qu'ils sont en usage dans les troupes étrangères ; ils ont la propriété de garantir les effets du soldat contre la pluie et l'humidité ; et cet avantage est sans-doute bien désirable. On souhaiterait aussi des outres de peau de bouc au lieu de barrils, pour mettre la boisson du soldat.

Les besaces des cavaliers, hussards et dragons, sont faites en forme de porte-manteau, longues de l'épaisseur d'un cheval, et d'une grandeur déterminée sur la quantité de nippes, d'effets, ustensiles et denrées qu'elles doivent renfermer.

La chaussure et la coiffure des troupes sont deux points dignes de la plus grande attention, parce que la santé du soldat, conséquemment le complet des régiments et la force des armées, en dépendent essentiellement.

Les sandales ou galoches à semelles de cuir fort garnies de clous, ne sont point une nouveauté dans nos troupes. Beaucoup de vieux soldats éclairés par une longue expérience, en font leur chaussure ordinaire dans les mauvais temps. On a imaginé depuis peu pour nos troupes employées en Canada, des souliers ferrés à doubles semelles fortes, garnis de clous rivés entre deux cuirs, qui résistent longtemps aux plus rudes épreuves, et préservent le pied de toute humidité ; il serait à désirer que l'usage en fût rendu général pendant l'hiver et dans les marches difficiles ; mais la vanité française révoltée ne manquera pas de proscrire encore cette salutaire invention.

Le maréchal de Saxe relève avec raison l'incommodité et le danger de la coiffure de nos soldats. " Je voudrais, dit-il, au lieu de chapeaux, des casques à la romaine ; ils ne pesent pas plus, ne sont point du tout incommodes, garantissent du coup de sabre, et font un très-bel ornement ". Il ajoute plus bas : " Les casques sont un si bel ornement, qu'il n'y en a point qui lui soit comparable ".

Le régiment de hullans que ce général commandait en France, était ainsi et très-bien coèffé : en effet, le casque donne au soldat un air de guerre que le chapeau ne pourra jamais lui prêter, quelque effort que l'on fasse pour lui donner de la grâce par la manière de le retaper.

Nous avons observé que les habits sont coupés sur des patrons de trois hauteurs et largeurs. Lorsque le temps et les lieux le permettent, la coupe se fait sur la taille des cavaliers, dragons et soldats ; ce qui est toujours plus expédient. Si l'on n'en a pas l'aisance, la distribution partielle des justaucorps, vestes et culottes se fait d'un tiers de la grande taille, et de deux tiers de la moyenne pour la cavalerie, les dragons et les compagnies de grenadiers où les hommes sont ordinairement de haute stature et bien traversés ; et pour l'infanterie, de moitié de la moyenne taille, d'un quart de la grande, et d'un quart de la petite.

Le Roi, comme nous l'avons dit, fournit de ses magasins et arsenaux, l'habillement et l'armement aux bataillons de milice ; c'est l'usage, voici l'abus. L'officier qui n'attache pas plus de gloire qu'il n'a d'intérêt à la conservation de ces effets, n'y donne qu'une médiocre attention. Les armes dépérissent, l'habit s'use, et le soldal mal armé reste mal propre et mal vétu. Un inspecteur arrive, on exagère encore à ses yeux les besoins de la troupe ; il ordonne des radoubs aux armes, des réparations à l'habillement, et la dépense toujours enflée tombe à la charge du Roi, qui bien-tôt après, est obligé de faire remplacer le tout à neuf.

Les visites des commissaires des guerres ne sont que des palliatifs contre le mal. Le spécifique serait de charger les capitaines de milice, de l'entretien de l'habillement, de l'équipement et de l'armement de leurs compagnies, en leur accordant un traitement particulier affecté à cet objet, ou un fonds de masse sur le pied de celui des troupes réglées, pour les temps d'assemblée des bataillons de milice : le bien du service exige, l'humanité même sollicite ce changement ; et nous l'espérons du zèle des ministres, malgré le jeu intéressé des ressorts secrets qui s'y opposent.

Il suffit d'avoir expliqué les règlements généraux sur l'habillement, l'équipement et l'armement des troupes. Les bornes que nous nous prescrivons dans cet article ne nous permettent pas de parler des cas d'exception résultants soit de l'institution primitive, soit de la nature du service de quelques corps. Le détail des différences d'uniformes des régiments n'entre pas non plus dans notre plan ; on les distingue soit par la diversité des couleurs de l'habillement ou de quelques-unes de ses parties ; soit par la forme des pattes de poches, par le nombre, la couleur, le mélange ou l'arrangement des boutons ; soit enfin par la couleur des galons de parements et des bords de chapeaux.

En général, la cavalerie est habillée de drap bleu, rouge, ou gris piqué de bleu, avec parements et revers jusqu'à la taille en demi-écarlate.

Les dragons de drap bleu, rouge-garence ou en vermillon.

L'infanterie de drap gris-blanc, bleu, ou rouge.

Toutes les milices, soit de terre, soit garde-côtes, en drap gris-blanc.

Il serait sans-doute bien utîle que chaque arme fût distinguée par sa couleur exclusive ; la cavalerie par le bleu, les dragons par le rouge, et l'infanterie par le gris-blanc, sans mélange de couleurs de l'un des corps à l'autre. L'attachement de quelques régiments aux anciens usages, ou à quelques antiques prérogatives, ne doit pas balancer les avantages sensibles qui résulteraient d'un tel règlement, ni empêcher l'établissement invariable de l'uniformité respective, si essentiellement nécessaire dans toutes les parties du genre militaire. (Article de M. DURIVAL le cadet.)