Aussi-tôt que la chamade a été battue, on cesse de tirer de part et d'autre, et le gouverneur fait sortir quelques officiers de marque de la ville, qui vont trouver le commandant du siège, et qui lui exposent les conditions sous lesquelles le gouverneur offre de rendre la ville. Pour la sûreté de ces officiers, les assiégeants en envoyent dans la ville un pareil nombre pour ôtages. Si les propositions du gouverneur ne conviennent pas au commandant de l'armée assiégeante, il les refuse, et il dit quelles sont celles qu'il veut accorder. Il menace ordinairement le gouverneur de ne lui en accorder aucune, s'il ne prend le parti de se rendre promptement ; s'il laisse achever, par exemple, le passage du fossé de la place, ou établir quelque batterie vis-à-vis les flancs, etc. Si l'on trouve les propositions qu'il fait trop dures, on rend les ôtages, et on fait rebattre le tambour sur le rempart, pour faire retirer tout le monde, avant que l'on recommence à tirer, ce que l'on fait très-peu de temps après. Il faut observer que pendant le temps que dure la négociation, on doit se tenir tranquille de part et d'autre, et ne travailler absolument en aucune manière aux travaux du siège. Le gouverneur doit aussi pendant ce temps se tenir exactement sur ses gardes, pour n'être point surpris pendant le traité de la capitulation ; autrement il pourrait se trouver exposé à la discrétion de l'assiégeant.

Supposant que l'on convienne des termes de la capitulation, le gouverneur envoye aux assiégeants pour ôtages deux ou trois des principaux officiers de sa garnison, et le général des assiégeants en envoye le même nombre et de pareil grade, pour sûreté de l'exécution de la capitulation. Lorsque les assiégés ont exécuté ce qu'ils ont promis, on leur remet leurs ôtages ; et lorsque les assiégeants ont pareillement exécuté leurs engagements, on leur renvoye aussi les leurs.

Les conditions que demandent les assiégés, varient suivant les différentes circonstances et situations où l'on se trouve. Voici les plus ordinaires : 1°. que la garnison sortira par la breche avec armes et bagages, chevaux, tambour battant, meche allumée par les deux bouts, drapeaux déployés, un certain nombre de pièces de canon et de mortiers, avec leurs armes, et des affûts de rechange, des munitions de guerre pour tirer un certain nombre de coups ; pour être conduite en sûreté dans la ville qu'on indique, et qui est ordinairement la plus prochaine de celles qui appartiennent aux assiégés : on observe de mettre par le plus court chemin, ou on indique clairement celui par lequel on veut être mené. Lorsque la garnison doit être plusieurs jours en marche pour se rendre au lieu indiqué, on demande que les soldats soient munis de provisions de bouche pour quatre ou cinq jours, suivant le temps que doit durer la marche par le chemin dont on est convenu.

2°. Que l'on remettra le soir, ou le lendemain à telle heure, une porte de la ville aux assiégeants, et que la garnison en sortira un jour ou deux après, suivant ce dont on sera convenu à ce sujet de part et d'autre.

3°. Que les assiégeants fourniront un certain nombre de chariots couverts, c'est-à-dire qui ne seront point visités, et en outre des chariots pour conduire les malades et les blessés en état d'être transportés, et en général toutes les voitures nécessaires pour emporter les bagages de la garnison, et l'artillerie accordée par la capitulation.

4°. Que les malades et les blessés, obligés de rester dans la ville, pourront en sortir avec tout ce qui leur appartient, lorsqu'ils seront en état de le faire, et qu'en attendant il leur sera fourni des logements gratis, ou autrement.

5°. Qu'il ne sera prétendu aucune indemnité contre les assiégés, pour chevaux pris chez le bourgeois et pour ces maisons qui ont été brulées et démolies pendant le siège.

6°. Que le gouverneur, tous les officiers de l'état major, les officiers des troupes, et les troupes elles-mêmes, et tout ce qui est au service du roi, sortiront de la place sans être sujets à aucun acte de représailles, de quelque nature que ce puisse être, et sous quelque prétexte que ce sait.

7°. Si ceux auxquels on rend la ville ne sont point de la religion catholique, apostolique et romaine, on ne manque pas d'insérer dans la capitulation, qu'elle sera conservée dans la ville.

8°. Que les bourgeois et habitants seront maintenus dans tous leurs droits, privilèges et prérogatives.

9°. Qu'il sera libre à ceux qui voudront sortir de la ville, d'en sortir avec tous leurs effets, et d'aller s'établir dans les lieux qu'ils jugeront à propos. On y marque aussi quelquefois (& on le doit, lorsqu'on craint que l'ennemi ne traite avec trop de rigueur les bourgeois, sur les marques d'attachement qu'ils auront données pendant le siège pour le prince dont ils quittent la domination) qu'ils ne seront ni inquiétés ni recherchés pour aucune des choses qu'ils auront pu faire avant ou pendant le siège.

10°. On met aussi dans la capitulation, qu'on livrera les poudres et les munitions qui se trouveront dans la place, et qu'on indiquera les endroits où il y aura des mines préparées.

11°. Que les prisonniers faits de part et d'autre pendant le siège, seront rendus.

Il faut observer que pour qu'une place soit reçue à composition, il faut qu'elle ait encore des vivres et des munitions de guerre au moins pour trois jours sans quoi elle se trouverait obligée de se rendre prisonnière de guerre ; mais si l'assiégeant n'en est point informé, et que la capitulation ait été signée, il ne serait pas juste de retenir la garnison prisonnière de guerre, lorsque l'on reconnaitrait sa disette de munitions.

Quand l'ennemi ne veut point accorder de capitulation, à moins que la garnison ne se rende prisonnière de guerre, et qu'on se trouve dans la fâcheuse nécessité de subir cette loi, on tâche de l'adoucir autant qu'il est possible, on convient assez communément.

1°. Que le gouverneur et les principaux officiers garderont leurs épées, pistolets, bagages, etc.

2°. Que les officiers subalternes, au-dessous des capitaines, auront leurs épées seulement, avec leurs ustensiles ou bagages.

3°. Que les soldats ne seront ni dépouillés, ni dispersés de leur régiment.

4°. Que la garnison sera conduite en tel endroit, pour y demeurer prisonnière de guerre.

5°. Que les principaux officiers auront la permission d'aller vaquer à leurs affaires pendant deux ou trois jours.

6°. Que lorsque la garnison évacuera la place, il ne sera pas permis de débaucher les soldats, pour les faire déserter de leurs régiments.

Lorsque toute la capitulation est arrêtée, il entre dans la place un officier d'artillerie des assiégeants, pour faire conjointement avec un officier d'artillerie de la garnison, un inventaire de toutes les munitions de guerre qui se trouvent dans la place, il y entre aussi un commissaire des guerres, pour faire un état des munitions de bouche qui s'y trouvent encore.

Lorsqu'on prévait être dans la nécessité de se rendre, et que l'on a des magasins considérables de munitions de guerre ou de bouche, on en gâte autant que l'on peut avant de parler de se rendre, afin qu'il n'en reste dans la place que ce qu'il doit y en avoir pour pouvoir capituler, et que l'ennemi n'en profite pas : si l'on attendait pour les bruler ou gâter, que l'on entrât en capitulation, l'ennemi pourrait insister à ce qu'ils fussent conservés ; mais il ne peut plus y penser lorsqu'on a pris ses précautions auparavant.

Aussi-tôt que les assiégés ont livré une porte de leur ville aux assiégeants, le premier régiment de l'armée s'en empare, et y fait la garde.

Le jour venu que la garnison doit sortir de la place, on fait mettre l'armée assiégeante sous les armes ; elle se range ordinairement en deux haies de bataillons et d'escadrons, et la garnison passe au milieu. L'heure venue de la sortie, le général et les principaux officiers se mettent à la tête des troupes, pour la voir défiler devant eux.

Le gouverneur sort à la tête de la garnison, accompagné de l'état-major de la place et des principaux officiers ; il la fait défiler dans le meilleur ordre qu'il lui est possible. On met ordinairement les anciens régiments à la tête et à la queue, et les autres au milieu avec les bagages. Lorsqu'on a de la cavalerie, on la partage de même en trois corps pour la tête, le centre et la queue. On détache des cavaliers et de petits corps d'infanterie pour marcher le long des bagages et veiller à leur sûreté, afin qu'il n'en soit pillé aucune partie.

L'artillerie accordée par la capitulation, marche après le premier bataillon. Lorsque la garnison est arrivée à la place où elle doit être conduite, elle remet à l'escorte les ôtages des assiégeants ; et lorsque cette escorte a rejoint l'armée, on renvoye les ôtages que les assiégés avaient laissés pour la sûreté de l'escorte, des chariots, et autres choses accordées par l'armée assiégeante pour la conduite de la garnison.

Lorsque la garnison est prisonnière de guerre, on la conduit aussi avec escorte jusqu'à la ville où on doit la mener par la capitulation.

Tout ce qui est porté dans les capitulations doit être sacré et inviolable, et l'on doit entendre tous les termes dans le sens le plus propre et le plus naturel ; cependant on ne le fait pas toujours. Il faut que le gouverneur apporte la plus grande attention pour qu'il ne s'y glisse aucun terme équivoque et susceptible de différentes interprétations : il y a nombre d'exemples qui prouvent la nécessité de cette attention.

Lorsque la garnison d'une ville où il y a une citadelle, capitule pour se retirer dans la citadelle, il y a quelques conditions particulières à demander, telles que sont celles-ci :

Que la citadelle ne sera point attaquée du côté de la ville : que les malades et blessés qui ne pourront être transportés, resteront dans la ville et dans les logements qu'ils occupent ; et qu'après leur guérison il leur sera fourni des voitures et des passe-ports pour se retirer en toute sûreté dans une ville qui sera marquée dans la capitulation. On doit ne laisser entrer dans la citadelle que ceux qui peuvent y être utiles pour sa défense : les autres personnes, qu'on nomme communément bouches inutiles, ne doivent point absolument y être souffertes. Il faut faire insérer dans la capitulation, qu'ils seront conduits dans une ville voisine de la domination du prince, que l'on indiquera. On doit aussi convenir d'un certain temps pour faire entrer toute la garnison dans la citadelle, et marquer expressément que pendant ce temps il ne sera fait de la part de l'assiégeant aucuns des travaux nécessaires pour l'attaque de la citadelle.

Une ville maritime demande encore quelques attentions particulières pour les vaisseaux qu'il peut y avoir dans son port. On doit convenir qu'ils sortiront du port le jour que la garnison sortira de la ville, ou lorsque le temps le permettra, pour se rendre en sûreté dans le port dont on sera convenu. Ils doivent conserver leur artillerie, agrès, provisions de guerre et de bouche, etc. Si le mauvais temps les obligeait de relâcher pendant leur route dans un des ports des assiégeants, il doit être porté dans la capitulation qu'ils y seraient reçus, et qu'on leur fournirait tous les secours dont-ils auraient besoin pour les mettre en état de continuer leur route. Ils doivent être aussi munis de passe-ports, et en un mot avoir toutes les sûretés qu'on peut exiger pour n'être point insultés par les vaisseaux ennemis, et se rendre sans aucun obstacle dans le port qui leur sera indiqué. Défense des places, par M. Le Blond. (Q)