On distingue deux sortes de bile, l'hépatique et la cystique : la première, plus particulièrement appelée bile, est séparée immédiatement dans le foie, d'où elle est rapportée dans le conduit hépatique : la seconde appelée fiel, est séparée pareillement dans le foie d'où elle coule par le conduit cystique dans la vésicule du fiel. Voyez FIEL, VESICULE, PORE, etc.

Voici ce qui a donné lieu à cette distinction. Malpighi regardait comme une des sources de la bile, les glandes de la vésicule du fiel, et du conduit cystique et hépatique. Bartholin a aussi décrit ces glandes, mais Reverhorst n'en a point fait mention, et Ruisch n'a représenté que quelques lacunes semblables à des cryptes, etc. Sylvius avait autrefois affirmé que la bîle était produite dans la vésicule par l'artère hépatique ; d'autres ont pensé avec Malpighi, que cette bîle était séparée par les glandes de la vésicule du fiel : mais Seger a fait voir par expérience, que la vésicule reste vide dans un chien vivant dont on a lié le canal cystique, ou qu'on n'y trouve que du mucus ; que rien ne coule des artères dans la capacité vide de la vésicule, qui a été encore trouvée vide, quand le canal cystique obstrué, ou le foie skirrheux, ont empêché qu'il ne se fit une aussi abondante secrétion de bîle qu'à l'ordinaire : de sorte qu'il est probable que ces glandes séparent plutôt un mucus qui enduit le tissu réticulaire de la vésicule, et le met à l'abri de l'acrimonie mordicante que la bîle acquiert en croupissant. Reste donc que la bîle qui se trouve dans la vésicule du fiel soit apportée par des conduits particuliers ou par le canal cystique. Il n'est pas douteux que ces conduits qu'on nomme hépati-cystiques ne se découvrent dans la plupart des animaux : mais quant à la distinction qu'en fait Bianchi en cyst-hépatique, venant des principales branches du conduit hépatique, et s'insérant autour du cou de la vésicule, pour y porter la bile, et en hépati-cystiques, venant des plus petits rameaux du canal hépatique pour s'ouvrir çà et là au fond de la vésicule, et y porter la bîle ; cette distinction ne parait pas avoir lieu dans l'homme et dans les animaux semblables à l'homme. En effet, il est démontré qu'il n'y a pas de canal intermédiaire entre le conduit hépatique et la vésicule dans l'homme ni dans le chien ; car le souffle poussé par le canal cholidoque, ne change rien dans la vésicule, le canal cystique étant lié ; au lieu que dans le bœuf on la voit sur le champ s'élever, etc. La bîle hépatique passe donc dans la vésicule du fiel par le conduit cystique, comme on peut le déduire de ce que nous venons de dire : par conséquent la différence qui s'observe entre la bîle hépatique et la cystique, ne peut provenir que de ce que celle-ci reçue dans la vésicule du fiel y séjourne ; la partie la plus fine s'en exhale ; le reste, comme il arrive à une huîle légèrement alkaline dans un lieu chaud, devient acre, se rancit, s'épaissit, devient plus amer, et d'une couleur plus foncée.

La vésicule ne touche point à l'estomac, mais au commencement du duodenum en descendant. Lorsque l'estomac distendu vient à occuper dans le bas-ventre qui est déjà très-rempli, un plus grand espace, il presse le foie, et le duodenum comprime la vésicule du fiel, et en exprime le suc qu'elle contient. Ainsi la bîle coule de la vésicule dans le canal cholidoque par un chemin libre, et avec plus de facilité si l'homme est debout ; parce qu'alors le fond de la vésicule est supérieur.

On a cru que la bîle ne se séparait pas du sang, mais du chyle ; il n'y a pas de raison qui prouve ce sentiment. Il peut se faire qu'une portion du chyle passe dans les veines mésaraïques ; cependant la plus grande partie passe dans le réservoir et dans le canal thorachique : de plus dans les animaux qui meurent de faim, il se sépare une grande quantité de bile.

La bîle est filtrée par les ramifications de la veine-porte, ou par celles de l'artère hépatique : les auteurs qui ont soutenu que c'était des artères que la bîle se séparait, n'ont apporté aucune raison que celle de l'analogie de toutes les autres sécrétions qui se font par des artères. Il est constant que la bîle vient de la veine-porte : car 1°. les ligatures qu'on a faites à l'artère hépatique, n'ont pas supprimé la filtration de la bîle : 2°. les injections faites dans le foie par la veine-porte, sortent par le pore biliaire : mais celles que l'on fait par l'artère hépatique passent plus difficilement ; cependant il faut avouer que la même difficulté ne s'oppose pas au souffle : 3°. il y a une étroite liaison entre les ramifications du canal biliaire et de la veine-porte : 4°. il y a une grande disposition entre les ramifications du canal biliaire et celles de l'artère hépatique, lesquelles sont moins grosses qu'elles ne devraient l'être à l'égard de l'assemblage des pores biliaires : 5°. la veine-porte a une conformation artérielle. Toutes ces raisons font voir que la bîle se filtre dans les extrémités de la veine porte ; on pourrait ajouter à tout cela, qu'en gonflant par le souffle la veine-porte, toutes les vésicules crevent, et l'air se glisse entre la membrane commune et la propre.

Pour savoir pourquoi la filtration de la bîle se fait par des veines et non par des artères, il faut examiner tout ce qui arrive au sang autour des intestins. 1°. Le sang est en trop grande quantité dans le mésentère, dans les parois du ventricule, dans la rate, dans le pancréas, etc. 2°. Le sang perd sa partie la plus fluide, qui s'échappe par les couloirs ; reste donc la partie rouge, la lymphe grossière, et la matière huileuse la moins ténue. 3°. Par des observations réitérées, nous pouvons prouver que lorsque dans ces circonstances ainsi détaillées, le sang est échauffé dans quelque couloir par son long séjour et par la lenteur du mouvement, il s'y forme une matière gommeuse, savonneuse, pénétrante : il faut donc que cette matière étant formée dans les parties qui envoyent leurs veines à la veine-porte, elle se sépare des veines, ou qu'elle rentre dans le sang artériel : or il est nécessaire pour dépurer le sang et pour la digestion, que cela n'arrive pas, donc il faut que les veines fassent la secrétion de la bile.

Il y a différentes opinions sur la manière dont la bîle est séparée dans le foie : quelques-uns croient que les pores des glandes secrétoires du foie ont une certaine configuration et une certaine grandeur, à laquelle les parties de la bîle qui coulent avec le sang sont proportionnées, de manière qu'elles y sont admises, tandis que toutes les autres glissent par-dessus. D'autres avec Sylvius et Heister, ne trouvant aucune différence dans la configuration, et croyant que les pores de tous les vaisseaux sont circulaires ; et que toutes sortes de particules peuvent passer au-travers, si elles ne sont pas d'un volume trop considérable, ont eu recours à une autre hypothèse ; ils ont donc supposé qu'il y avait un ferment dans le foie, par le moyen duquel les particules du sang qui passent à travers les conduits secrétoires, prenaient la forme de la bîle : mais c'est résoudre une question par une nouvelle. D'autres ont eu recours à une autre hypothèse, et ont assuré que les différentes parties dont le sang de la veine-porte est composé, sont toutes appliquées aux ouvertures des canaux secrétoires qui se trouvent aux extrémités de la veine-porte et à celles de l'extrémité des ramifications de la veine-cave ; que les pores de la veine-cave étant trop petits, et ceux de la veine-porte assez grands pour admettre certaines parties, elles sont par ce moyen séparées des autres, et qu'exposées alors à l'action des vaisseaux biliaires, il en résulte une humeur différente du sang, que l'on appelle bîle etc. Le docteur Keill pense que la secrétion de la bîle vient d'une attraction violente entre les parties dont elle est composée ; et il observe que si l'artère coeliaque avait porté au foie tout le sang destiné à la secrétion de la bile, la vitesse du sang dans cette artère, par rapport à son peu de distance du cœur, aurait empêché la secrétion d'une humeur visqueuse, comme la bîle : c'est pourquoi la nature a destiné la veine-porte à cet usage ; et c'est par elle que le sang est porté des branches des artères mésentériques et coeliaques au foie ; en conséquence de quoi le sang a beaucoup de chemin à faire à-travers les intestins, l'estomac, la rate, et le pancréas, avant que de parvenir au foie. Ainsi la vitesse est extrêmement diminuée ; et les particules qui doivent former la bile, ont un temps suffisant pour s'attirer les unes les autres, et pour s'unir avant que d'arriver aux vaisseaux qui les séparent. Mais la nature prévoyante a encore cherché à diminuer cette vitesse du sang, en rendant les capacités de tous les rameaux d'une artère prises ensemble plus grandes que celle de cette artère : ainsi la somme des branches produites par l'aorte, est à l'aorte comme 102740 à 100000 ; et même comme si cette proportion était encore insuffisante, elle a encore pris soin d'augmenter le nombre des branches de l'artère mésentérique. En effet si on examine ces branches dans un cadavre, on trouvera que la somme des branches est plus que le double de celle du tronc : c'est pourquoi la vitesse du sang est moindre de moitié dans les branches que dans le tronc. Cet auteur montre encore par un autre calcul, que le sang est au moins 26 minutes à passer de l'aorte au foie ; au lieu que dans l'artère qui Ve directement de l'aorte au foie, il n'est guère plus que la moitié d'une seconde à faire ce chemin ; savoir le 2437e du temps qu'il met à son autre passage : d'où il parait que le sang n'est pas en état de former la bîle quand il court directement de l'aorte au foie, et qu'il fallait plus de temps, et un mouvement plus lent, pour pouvoir séparer les parties bilieuses. Il ajoute que si les humeurs avaient existé dans les glandes en même qualité qu'on les trouve après la secrétion, la nature n'aurait pas tant travaillé pour retarder la vitesse du sang. D'ailleurs la bîle tire un autre avantage de l'usage de la veine-porte ; car en traversant tant de parties avant que d'arriver au foie, elle dépose beaucoup de sa lymphe ; et par ce moyen les particules etant forcées d'être plus proches les unes des autres, sont plus vivement unies. Tout cela est bien systématique.

Quant à la qualité de la bîle qui se sépare dans le foie, nous ignorons, comme l'observe très-bien le docteur Haller, la vitesse avec laquelle le sang du mésentère circule ; nous ignorons les causes qui peuvent le retarder ou l'accélérer : nous n'avons pas pour nous guider des diamètres assez exactement pris, et qui soient assez constamment vrais, et toujours les mêmes ; et par conséquent nous ne pouvons rien prononcer en général sur la quantité de bîle qui se filtre par le foie dans un espace donné, sans risquer de nous tromper dans tous nos calculs.

Voyons maintenant les expériences que l'on a faites sur la bile.

On sait par expérience que la bîle mêlée avec des acides, change elle-même de nature avec eux. La plupart des esprits acides minéraux et le mercure sublimé coagulent la bîle et la font diversement changer de couleur. Elle se dissout par les sels acides, si ce n'est dans certains animaux herbivores, dans lesquels il doit naturellement se trouver beaucoup d'acide ; et c'est peut-être pour cette raison que l'huîle de tartre par défaillance coagule la bîle cystique du bœuf, suivant Haller ; seul cas, à la vérité, où cette humeur m'ait paru contenir en soi un acide, qu'aucune autre épreuve ne développe et ne manifeste, et qui est apparemment si peu considérable, que la bîle n'en corrige guère moins les qualités acescentes des herbes dont vivent ces animaux ; car d'ailleurs c'est un fait constant, que les autres alkalis, et principalement les alkalis volatils, augmentent les propres qualités de la bile, son gout, sa couleur, sa fluidité ; indice évident de l'affinité qui se trouve généralement entre la bîle et les matières alkalines. Mais que la bîle soit mêlée avec de l'eau, ou qu'elle soit pure, le mélange des sels même simples, la fait passer à-peu-près par les mêmes changements, et à son tour elle ne communique pas moins ses vertus aux autres sucs qui se mêlent avec elle dans les intestins. Au contraire, l'eau servant de dissolvant à la bile, la rend plus propre à atténuer les huiles, la térébenthine, et tant d'autres corps gras, résineux, ennemis de l'eau, et à les diviser en une si grande ténuité, que tous ces corps qui ne pouvaient auparavant se mêler à l'eau, s'y unissent ensuite parfaitement. Ce n'est donc que par cette faculté de mêler les huiles avec l'eau, que cette humeur peut les détacher des corps auxquels elle adhérait, et que le fiel de bœuf fait tout ce que le meilleur savon pourrait faire. Le savon commun est fait d'huîle tirée par expression, et de sel fixe ; le savon de Starkey est composé d'huîle distillée et de sel fixe ; enfin ce savon qui est communément connu sous le titre de soupe de Vanhelmont, est fait de sel alkali volatil, et d'huîle très-atténuée. Or la bîle est composée d'huîle humaine, telle que notre sang la donne, et du sel qu'il fournit, qui est une espèce de sel ammoniac volatil ; et par conséquent cette humeur approche plus du dernier savon que des autres, et doit agir comme un vrai savon humain. C'est une vérité que les Teinturiers mêmes n'ignorent pas : il y a longtemps qu'ils ont observé qu'ils ne pourraient jamais faire prendre la teinture aux laines récentes, parce qu'elles sont fort grasses, s'ils n'avaient soin auparavant de les laisser tremper dans une lessive urineuse et bilieuse, jusqu'à ce que tous les pores de la laine soient purgés en quelque sorte des matières paisseuses et rances qui les bouchent ; et ils s'y prennent aussi de la même manière, avant que de teindre les étoffes tachées d'huile, et principalement ces fils de soie qu'on tire des capsules glutineuses qui se trouvent dans la bouche des vers-à-soie ; parce qu'en effet la glu qui se prépare dans les petits vaisseaux intestinaux de ces capsules, enduit ces fils d'un liniment visqueux qui ne se marie point avec l'eau. La myrrhe, la résine, les gommes bdellium, sagapenum, opopanax, la gomme lacque, les peintures, les fards, toutes les matières gluantes broyées avec de la bîle sur une pierre de porphyre, se détrempent facilement dans l'eau ; et bien des choses qui seraient inutiles autrement, deviennent par cet art propres à dessiner, à farder, etc. Il y a longtemps qu'on a Ve que le fiel de bœuf pouvait être employé au lieu de gomme gutte pour les peintures fines : mais pour le mêler, il faut toujours une certaine agitation. L'huîle et l'eau sont deux corps plus pesans que la bîle : de-là vient que sans quelque trituration, il n'est pas possible de les mêler tous trois ensemble ; mais le moindre broyement suffit pour faire ce mélange ; et les intestins n'en manquent pas, puisqu'ils ont un mouvement péristaltique très-propre à procurer ce broyement. Drelincourt a tiré de la bîle 5/6 d'eau, 1/24 d'huîle et de sel volatil, 1/192 de sel fixe. Pechlin, 11/12 d'eau ; Verheyen 4/3 d'eau, empreinte d'1/11 d'huile, 10/327 d'huîle empyreumatique, point ou très-peu de sel volatil, de sel fixe impur 2/327 = à 1/163, de terre 2/109 : d'autres disent avoir tiré de la bîle des esprits inflammables, des sels volatils en assez grande quantité, du soufre, un peu de sel fixe, et de la terre ; et après la putréfaction, des sels volatils et des esprits. Pourquoi n'ont-ils pas donné les poids exacts de chacune de ces matières ? Baglivi parle aussi de beaucoup de sels volatils et fixes. Boerhaave ayant exposé à une chaleur douce une certaine quantité de bîle cystique, observa qu'il s'en évapora les 3/4 de son poids sous la forme d'une eau ou d'une lymphe à peine fétide ou acre. Le résidu formait une masse gluante, luisante, d'un jaune tirant sur le verd, amère, qui ne fermentait ni avec les acides, ni avec les alkalis. Cette espèce de glu distillée donna beaucoup d'huile, mais peu de sel volatil. De douze onces de bile, il sortit neuf onces d'eau, deux onces 1/2 d'huile, et un ou deux gros de sel fixe : ce qui revient à 1/4 d'eau, plus d'1/6 d'huile, et un ou 2/96 de sel. Les expériences sur lesquelles l'on peut compter, sont ici précisément celles qui s'accordent le mieux ensemble, et nous apprennent clairement que l'eau fait toujours la plus grande portion de la bile, que l'huîle est environ 1/6 de l'eau, le sel volatil 1/20 dans une bîle récente et non putréfiée, l'huîle empyreumatique 1/24, le sel fixe 1/123. Voyons si le savon ordinaire n'offrirait pas à peu près les mêmes proportions. Il est beaucoup plus acre que la bîle ; le sel lixiviel et l'huile, sont en partie égale dans le savon. Supposons qu'on mette partie égale d'huîle d'olive, ou autre ; et d'huîle de tartre par défaillance, pour faire ce savon commun : ce qui ferait suivant Dale, une proportion triple de celle qui se trouve dans la bîle ; et suivant Boerhaave, une proportion plus considérable : car de trois onces d'huile, on met cinq scrupules de sel fixe ; de sorte que dans le savon, l'huîle est au sel comme 1920 à 100 : mais dans la bîle de l'homme, l'eau et l'huîle comme 10 à 2 ; au sel, comme 72 à un, ou un peu moins. La bîle avait sans-doute besoin d'une grande quantité d'eau, pour ne pas former un vrai savon solide qui se coupât au couteau comme le savon ordinaire et dont on eut pu se servir sans le détremper. C'est en effet un savon, mais fluide, et tel en un mot, qu'il n'a besoin ni d'eau, ni d'un délayement étranger, pour tous les usages auxquels il est destiné par la nature. Remarquez que dans tout ce que nous avons dit, il ne s'agit que d'une bîle fraiche et bien conditionnée, que la maladie n'a aucunement altérée, et que la putréfaction n'a pas changée : car si toutes les parties du corps humain solides ou liquides une fois corrompues donnent beaucoup de sel volatil, est-il surprenant que la bîle naturellement plus alcalescente qu'aucun autre suc, fournisse une grande abondance de ce même sel ? Je ne doute pas que tant de contradictions qui se trouvent dans les auteurs au sujet de l'analyse chimique de la bile, ne viennent souvent de ce que les uns auront opéré sur une bîle fraiche, et les autres sur une bîle vieille et comme pourrie ; souvent aussi de l'inexactitude ou de l'ignorance des artistes ; pour ne rien dire de la mauvaise foi de ceux qui ont des systèmes favoris à protéger.

Huile. Le résidu de l'évaporation de la distillation de la bîle est si huileux, qu'il en est inflammable. Les calculs de la vésicule du fiel prennent feu, et même se consument tout entiers. J'ai observé la même chose sur d'autres calculs sortis par les selles à la suite des violentes coliques duodénales et hépatiques, et qui conséquemment étaient faits d'une bîle hépatique plus aqueuse, épaissie et putréfiée, soit dans le méat cholidoque, soit dans l'intestin. Homberg n'a-t-il pas tiré de la bîle une graisse verte et solide ? Hartman n'a-t-il pas Ve dans les cochons un globe de graisse à l'endroit de la vésicule ? enfin l'origine de la bile, qui est constamment l'huîle de l'épiploon fondue, n'est-elle pas la preuve évidente de ce que nous avançons, pour ne pas répéter ici les expériences précèdentes ?

Sel. Il s'en trouve très-peu dans la bile, et toujours de diverse nature. L'un, suivant la nature du sel humain, a de l'affinité avec le sel ammoniac, dont il ne diffère qu'en ce qu'il s'alkalise par la distillation seule : l'autre est un sel fixe terrestre ou mêlé de terre, comme on l'a déjà insinué. On ne découvre au microscope ni l'un ni l'autre, suivant le témoignage vérifié de Leuwenhoeck. L'amertume de la bîle ne vient point de son sel, mais de son huile, qui à force d'être broyée et échauffée dans les vaisseaux qui la préparent, dans le tamis qui la filtre, et le réservoir qui la garde, devient rance et amère : ce qui est confirmé par les deux faits suivants. La bîle du lion et des autres animaux féroces est très-amère, parce qu'elle subit dans leurs vaisseaux l'action de ressorts très-violents ; au lieu que dans les personnes sédentaires, et qui ont le sang doux, on la trouve le plus souvent aqueuse et insipide.

Les esprits de la bîle sont une huîle si atténuée, qu'elle coule comme l'eau et avec l'eau, qu'elle rend laiteuse, comme on l'a Ve dans les expériences de Vieussens et de Verheyen. En effet, la blancheur du lait vient de l'huîle étroitement unie à ses parties : aussi cette blancheur diminue et disparait avec l'huile, comme le fait voir clairement la coagulation du lait, dont la sérosité dépouillée des parties huileuses qui font le beurre et le fromage, devient enfin verdâtre. Il y a de plus beaucoup d'air dans la bile. Un calcul de la vésicule du fiel, donne 648 fois plus d'air que son volume ; ceux de la vessie urinaire, comme un peu moins rares, ou plus compactes, en contiennent un peu moins : cela ne passe pas 645, suivant les expériences de Halles.

La bîle est une liqueur très-importante pour l'économie animale. Le docteur Woodward, qui a observé très-exactement ses effets par tout le corps, ne fait pas difficulté d'attribuer plusieurs maladies à la mauvaise disposition de la bîle : il la regarde comme une des principales sources de la vie de l'animal ; d'où il conclut qu'elle est le principe essentiel de la bonne ou mauvaise disposition du corps : mais les anciens ne la regardaient que comme un excrément inutile. Plusieurs des modernes, à cause de la petite quantité de la bile, ont cru faussement que cette sécrétion n'était pas la seule fonction à quoi un viscère aussi considérable que le foie, fût destiné. Le docteur Keill observe que dans un chien, dont le canal cholidoque était presque aussi gros que celui de l'homme, il se filtra environ deux dragmes de bîle par heure : ainsi il est à croire que dans un homme il s'en doit séparer une plus grande quantité.

Il se trouve de la bîle dans tous les animaux, même dans les pigeons, etc. qui n'ont point de vésicule du fiel, puisque leur foie est toujours très amer. M. Tauvry remarque que la bîle devient une des causes principales de la soif, en se mêlant avec la salive. Voyez SOIF.

Quelquefois la bîle devient verdâtre, de jaune qu'elle était ; quelquefois de couleur de verd-de-gris pâle, semblable au jaune d'œuf, et cela sans aucune autre cause apparente, qu'une émotion, une convulsion, ou un mouvement violent des esprits. Ces émotions causent de grandes maladies, comme le vomissement, le dégout, la mélancholie, les soupirs, les cardialgies ; des vents, la diarrhée, la dissenterie, les maladies aiguës, et des fièvres très-dangereuses. Quelquefois la bîle devient noire, et alors elle prend le nom de choler, et elle a le goût d'un vinaigre très-acide ; quelquefois elle ressemble à du sang pourri, qui corrode, brule, détruit, dissout, occasionne des inflammations, des gangrenes, des mortifications, des douleurs vives, et des fermentations violentes. Boerhaave distingue trois sortes de bîle noire : savoir 1°. la plus douce, provenant d'un mouvement trop violent du sang, d'où elle prend son nom d'aduste, ou bîle brulée. La seconde est dans un degré d'altération plus grand que la première, et vient des mêmes causes qui agissent avec plus de force. La troisième est une bîle corrompue et brulée, qui si elle devient de couleur verdâtre ou pâle, est la plus mauvaise de toutes.

La trop grande évacuation de bile, soit par haut, ou par bas, ôte à la chylification son principal instrument, et par-là empêche la digestion, la secrétion et l'éjection des excréments, occasionne des aigreurs, des frissons, des faiblesses, la pâleur, l'évanouissement ; et si, lorsque la bîle est préparée, elle ne se décharge pas comme il faut dans les intestins, elle cause la jaunisse. Voyez JAUNISSE. (L)