Les Protestants ont appelé articles fondamentaux, généralement ceux dont la foi, soit explicite, soit implicite, est nécessaire au salut ; et non-fondamentaux, ceux qu'on peut, disent-ils, se dispenser de croire, ou même nier expressément, malgré l'autorité des différentes sociétés chrétiennes qui voudraient en prescrire la croyance.

On pourrait encore appeler articles fondamentaux, les dogmes principaux de la doctrine chrétienne, ceux qui tiennent plus fortement à tout l'édifice de la religion ; et quelques-uns ont ces qualités-là, sans être de foi explicite. Mais la distinction des articles fondamentaux et non-fondamentaux expliquée ainsi, ne souffre aucune difficulté en Théologie.

Ces définitions une fois établies, je dis 1°. il y a dans la doctrine catholique des dogmes fondamentaux en ce sens, qu'on est obligé de les croire de foi explicite ; et d'autres qu'on peut ignorer sans danger pour le salut. Toutes les sociétés chrétiennes conviennent de ce principe. Cependant l'Eglise catholique n'a pas déterminé bien précisément quels sont les dogmes fondamentaux en ce sens-là. On ne peut pas regarder les symboles comme ne contenant que des dogmes de cette nature. Voyez dans l'article FOI, foi explicite et foi implicite, et l'article SYMBOLE.

2°. La distinction des articles fondamentaux et non-fondamentaux dans le deuxième sens, n'est pas recevable ; parce que tous les dogmes définis par l'Eglise catholique sont fondamentaux ; au moins est-ce en ce sens, qu'on ne peut en nier aucun, lorsqu'on conçoit la définition sur laquelle il est appuyé, sans être hors de la voie du salut. Cela suit des principes de l'autorité et de l'unité de l'Eglise. Voyez EGLISE.

C'est dans ce dernier sens que les théologiens conciliateurs, Erasme, Cassander, Locke, dans l'ouvrage qui a pour titre, le Christianisme raisonnable, ont employé la distinction des articles fondamentaux et non-fondamentaux.

Le ministre Jurieu s'en est aussi servi dans son système de l'Eglise, pour prouver que les églises protestantes d'Angleterre, d'Allemagne, de France, de Danemark, etc. ne sont qu'une même Eglise universelle. Il se fonde sur ce que ces églises conviennent dans la même profession de foi générale sur les articles fondamentaux, quoique divisées entr'elles sur quelques points qui ne ruinent pas le fondement : à quoi il ajoute quelques règles, pour discerner ce qui est fondamental de ce qui ne l'est pas.

En combattant les théologiens conciliateurs qui ont voulu rapprocher les sociétés séparées entr'elles et même avec la catholique, on n'a pas, ce me semble, distingué avec assez de soins les sens différents du mot fondamental. Par exemple, M. Nicole dans son livre de l'unité de l'Eglise, en attaquant Jurieu, s'arrête seulement à lui prouver que les églises réformées ne peuvent regarder ce qui les unit comme fondamental, et ce qui les divise comme non-fondamental, qu'elles n'aient une idée distincte de ce qu'on appelle un article fondamental, et que cela est impossible. Il semble, dit-il, que ce soit la chose du monde la plus claire et la plus commune, la plus uniformément entendue ; cependant la vérité est qu'on ne sait ce qu'on dit, qu'on n'a aucune notion distincte de ce qu'on appelle article fondamental, et que ce qu'on se hasarde quelquefois d'en dire, est étrangement confus et rempli d'équivoque, etc. Il prouve ensuite que les règles que donne Jurieu pour le discernement des vérités fondamentales, sont absolument insuffisantes.

Cette méthode d'argumenter de l'auteur de l'unité de l'Eglise, fournissait au ministre une réponse assez plausible. Il aurait pu dire que les articles fondamentaux étaient ceux que les théologiens catholiques regardent comme de foi explicite ; qu'il distinguerait ceux-là par les mêmes caractères que les Catholiques emploieraient pour ceux-ci ; que l'autorité de l'Eglise ne donnait aucun moyen de plus pour faire ce discernement, puisqu'elle ne décide pas quels sont précisément et uniquement les dogmes qu'il faut croire explicitement, et quels sont ceux pour lesquels la foi implicite suffit.

A quoi il aurait ajouté, que ces dogmes de foi implicite pouvaient être niés sans danger pour le salut, quoique définis par quelques sociétés chrétiennes.

Pour enlever absolument aux Réformés cette ressource, et rappeler la question à son véritable état, il fallait tout de suite les obliger de prouver qu'ils ont pu nier sans danger pour le salut un dogme reçu dans l'Eglise universelle, dans l'Eglise qu'ils ont quitté par un schisme ; prétention absolument insoutenable, et que nos théologiens ont suffisamment combattue. Voyez EGLISE.

FONDANT DE ROTROU, (Chimie) chaux absolue d'antimoine faite avec son régule et le nitre, non lavée, et édulcorée avec l'eau de canelle spiritueuse qu'on brule dessus. Cette préparation est une des cinq qui composent le remède de Rotrou.

La description s'en trouve particulièrement dans deux auteurs célébres. Le premier est M. Astruc, qui l'a donnée à la fin de son traité des maladies vénériennes, imprimé pour la première fois en 1736 : le second est M. Col de Villars, dans le tome II. de sa chirurgie, qui parut en 1738. Nous allons transcrire celle de M. Astruc, et indiquer les différences qui se trouvent dans celle de M. Col de Villars : nous décrirons ensuite les différents procédés par lesquels on fait en Chimie de l'antimoine diaphorétique ; afin d'indiquer les sources dans lesquelles Rotrou a puisé ; de faire voir que ce fondant ne mérite de porter son nom, que parce qu'il a conservé ou ajouté des points dont il n'a certainement pas entendu la raison ; et de suppléer aux défauts d'un manuel dont il n'a donné qu'une description très-imparfaite.

Fondant de Rotrou, empyrique de ce nom. Prenez de régule d'antimoine bien préparé et réduit en poudre ; de nitre purifié et pulvérisé séparément, de chaque une livre et demie : mêlez ces deux poudres bien intimement ; projetez-les, selon l'art, par cuillerées dans un creuset rougi au feu. Les projections étant achevées, vous calcinerez la matière pendant six heures.

Retirez votre matière du creuset, et la réduisez en poudre avant qu'elle soit refroidie ; passez-la par un tamis de crin, et la mettez sur le champ dans un vaisseau de verre, que vous boucherez exactement, pour empêcher qu'elle ne s'imbibe de l'humidité de l'air.

Faites chauffer légèrement cette poudre ; versez dessus peu-à-peu six onces d'eau de canelle spiritueuse, par livre de matière ; remuez-la continuellement, jusqu'à-ce que l'eau de canelle soit entièrement dissipée.

Cette préparation diffère très-peu de l'antimoine diaphorétique non lavé. Astruc, édit. de 1736. et de 1740.

Dans la recette de M. Col de Villars, on met une livre et demie de nitre contre une demi-livre de régule. On couvre le creuset après la détonation ; on calcine la matière au grand feu ; on la laisse refroidir ; on passe cette matière qui est blanche, à-travers un tamis fin. On observe d'ailleurs que cette préparation y est intitulée, grand fondant de Paracelse ; ce qui indique, à la vérité, que Rotrou n'a pas prétendu donner ce remède comme de lui, mais a voulu néanmoins s'autoriser du nom d'un grand homme, dont les écrits n'étaient pas assez à sa portée pour qu'il put le deviner parmi ses énigmes, p. 284. on y ajoute aussi, p. 281. que le remède du sieur Rotrou, chirurgien de Saint-Cyr, dont on fait beaucoup de cas pour la guérison des écrouelles, consiste dans sa teinture aurifique de Basîle Valentin, autre nom supposé, l'élixir aurifique, le grand fondant de Paracelse, l'alkali de Rotrou, et sa pâte en pilules purgatives, et qu'on en donne la description telle qu'elle a été communiquée, pour ne rien omettre de ce qui peut contribuer à la guérison d'une maladie aussi rébelle. M. Astruc les a décrits aussi. Voyez REMEDE DE ROTROU, ROUELLESLLES.

L'antimoine diaphorétique se fait ou avec l'antimoine crud, ou avec le régule d'antimoine ; ou à sa place, avec quelques autres préparations du même demi-métal. Le premier porte particulièrement le nom d'antimoine diaphorétique ; et le second, celui de céruse d'antimoine, chez les chimistes modernes.

Antimoine diaphorétique. Prenez une partie d'antimoine, et trois parties de nitre bien seché. Reduisez-les séparément en poudre bien fine, et les mêlez bien intimement. Ayez un creuset de sept ou huit pouces de diamètre, sur environ autant de hauteur, dont le fond soit hémisphérique : placez ce creuset sur une tourte de deux doigts d'épaisseur, dans un fourneau à capsule (Voyez nos Planches de Chimie, leur explication ; et l'article FOURNEAU) : ajustez-lui un couvercle ; entourez-le de charbons ardents jusqu'au haut, ou du moins à fort peu près ; découvrez-le de temps en temps, pour savoir s'il est rouge ; quand il le sera, projetez-y une cuillerée de votre mélange : il s'en fait sur le champ une détonation assez vive, pendant laquelle il s'élève une fumée noirâtre et épaisse mêlée de quelques étincelles : la détonation cessée, projetez-y en une autre cuillerée, puis une troisième, et ainsi de suite, jusqu'à ce que vous en ayez employé cinq ou six ; observant toujours de laisser finir la détonation, avant que de jeter une nouvelle cuillerée de matière : au bout de ces cinq ou six cuillerées, que vous aurez dans votre creuset un volume de matière égal à celui d'un œuf à-peu-près, remuez-la avec une large spatule de fer. Ce résultat sera un peu pâteux, ressemblant en quelque sorte à du plâtre frais gâché ; retirez-le incontinent du creuset : vous le donnerez à un aide, qui le recevra sur un couvercle renversé : la main qui doit tenir le couvercle sera garantie de la chaleur par une poignée épaisse ; et l'autre sera occupée à racler avec une spatule de fer la spatule chargée de la matière : au sortir du creuset, elle est rouge, et garde quelque temps cet état sur le couvercle : peu-à-peu elle parait sous sa couleur naturelle, qui est un blanc sale ou jaunâtre : quand elle a perdu sa rougeur, on la jette dans une grande terrine de grais remplie d'eau chaude, par parties et au bord de la terrine.

Pendant que l'aide est occupé à jeter ainsi la matière dans l'eau, on ne cesse de projeter le mélange avec les précautions que nous avons mentionnées : on racle bien le creuset chaque fois qu'on en retire une mise, afin de n'y en rien laisser, si cela se peut. On continue de la sorte, jusqu'à ce que tout le mélange soit employé, détonné, et jeté dans l'eau.

Après l'y avoir laissé un certain temps, décantez cette première eau ; édulcorez encore votre chaux 7 ou 8 fois avec de l'eau bouillante ; laissez-l'y quelques heures chaque fois : quand vous aurez décanté l'eau du dernier lavage, mettez votre chaux sur un filtre, ou tout simplement sur un papier gris, pour en essuyer la plus grande humidité. Achevez de la sécher à une chaleur douce, ou à un air chaud.

Il y a des substances métalliques qui ne perdent les dernières portions de leur phlogistique, que bien difficilement, et qui demandent des calcinations longues, quand elles sont seules : pour vaincre la difficulté et abréger les peines, on a recours à des moyens étrangers : tel est le nitre, dans l'opération dont il s'agit ; par son intermède, on vient à bout de réduire l'antimoine crud en une chaux absolue, en suivant le manuel que nous venons de détailler.

Si on prend l'eau du premier lavage, et qu'on la fasse évaporer et crystalliser, on a 1°. du tartre vitriolé : 2°. du nitre non décomposé, en poussant l'évaporation un peu plus loin ; c'est la quantité surabondante à ce qu'il en faut pour enlever le phlogistique à l'antimoine employé : 3°. enfin un alkali fixe en desséchant la matière. On a donné le nom de nitre antimonié à tous ces sels confondus ensemble. Mais il est aisé de voir que cette dénomination est absolument fausse, et ne convient à aucun de ces trois sels : tous contiennent une portion de la chaux la plus subtîle de l'antimoine : l'alkali fixe qui en tient le plus, en devient plus caustique voyez PIERRE A CAUTERE, et NITRE : on ne l'en sépare que par un acide, voyez MATIERE PERLEE. Voici donc comment la chose s'est passée.

Une portion de nitre détonne avec le soufre, dont le phlogistique embrasé enflamme et décompose l'acide nitreux qu'il dégage de sa base : cette base constitue une partie de l'alkali fixe qu'on trouve dans le lavage. Mais le phlogistique du soufre n'est pas plutôt séparé de l'acide vitriolique, que cet acide devenu libre trouvant du nitre près de lui, chasse son acide, et s'introduit à sa place. L'acide nitreux s'enflamme encore ou se dissipe ; et la nouvelle combinaison forme du tartre vitriolé. Le soufre en se dégageant du régule d'antimoine (voyez la calcination de l'antimoine crud), emporte aussi avec lui une partie de son phlogistique, tant par son phlogistique que par son acide. Mais le nitre détonne encore en même temps avec le régule d'antimoine, dont le phlogistique agité par le feu produit sur ce sel le même effet que celui du soufre : d'où résulte une nouvelle portion d'alkali fixe, qui agit encore sur le régule, s'il en reste de non décomposé, voyez plus bas céruse d'antimoine ; en sorte que ce régule est réduit par cette action à l'état d'une pure terre ou chaux absolue. Voyez NITRE, NITRE ALKALISE PAR LE CHARBON, et SEL POLYCHRESTE DE GLASER.

Telle est la méthode que donne M. Rouelle ; cette correction se publie aussi en Allemagne. En suivant celles qui se trouvent décrites dans les auteurs, on avait beaucoup de peine à faire l'antimoine diaphorétique bien blanc : il était presque toujours jaune ; et il était impossible de lui faire perdre ce défaut. Cet inconvénient venait de ce qu'on le laissait trop longtemps dans le creuset après la détonation : on avait beau le laver, jamais on ne réparait ce défaut qu'il avait contracté par une trop longue calcination : c'est en partie pour ce motif, qu'il faut retirer la matière du creuset à différentes reprises.

Si l'antimoine diaphorétique se trouvait brun, alors ce défaut ne viendrait plus de la longueur de la calcination, mais de l'antimoine qui se trouve quelquefois mêlé de fer et d'autres métaux, surtout à la base du cône. Voyez SAFRAN DE MARS ANTIMONIE.

Ce premier inconvénient en entrainait un second. La matière calcinée pendant deux, quatre, et même six heures, comme quelques chimistes l'ont demandé, devenait dure comme une pierre : elle adhérait si fortement au creuset, qu'il fallait souvent le casser pour l'en tirer : en sorte qu'elle était mêlée de quelques morceaux du creuset, ou qu'il en fallait perdre beaucoup pour l'en séparer : et avec quelques soins qu'on la pulvérisât, ce qui exigeait beaucoup de temps et de peines, elle n'était jamais si bien divisée qu'elle le devient par le lavage qui succede à une calcination presque momentanée. En effet, il est aisé de concevoir qu'il se faisait pendant ce temps une espèce de demi-vitrification, par laquelle l'alkali fixe s'unissait assez intimement avec la chaux de l'antimoine, pour lui rester combiné en grande partie malgré le lavage. C'est de cette union que naissait l'accrétion considérable de poids que l'antimoine diaphorétique avait acquise. On suppose ici que le lavage ne fût point employé, comme il parait par quelques descriptions.

On craindra peut-être qu'une calcination si légère en apparence ne remplisse pas les vues de cette opération, dans laquelle on a pour but de réduire l'antimoine en une chaux pure et dégagée de tout phlogistique. Mais on sera convaincu qu'une pareille crainte ne porte que sur un fondement illusoire, quand on aura fait attention qu'il reste dans l'eau du lavage du nitre non décomposé ; parce qu'il ne s'est point trouvé de phlogistique qui ait pu le faire détonner ; et que dans la circonstance présente, au lieu de deux parties de ce sel, on en emploie jusqu'à trois, pour n'avoir aucun soupçon qu'il puisse rester dans l'antimoine diaphorétique la moindre molécule de régule ou de chaux non absolue qui ait échappé à son action. On ne nie pourtant pas qu'il se trouve dans l'antimoine diaphorétique des parties régulines en nature, et sous leur forme métallique, en même temps qu'il s'y trouve du nitre non décomposé : mais ce défaut provient souvent de l'inexactitude du mélange, dans lequel plusieurs molécules régulines ne sont pas assez enveloppées de nitre pour en être totalement décomposées ; pendant que d'un autre côté, ce sel en masse ne trouve point de phlogistique embrasé qui puisse lui procurer la détonation. Dans cette circonstance, l'alkali formé par la détonation imparfaite de l'antimoine, met une barrière entre le nitre et ce demi-métal : mais cet inconvénient sera moins considérable avec trois parties de nitre qu'avec deux, en supposant la même inexactitude dans le mélange, que l'on conseille cependant d'éviter. C'est encore pour la même raison que nous avons prescrit de remuer sans-cesse la matière dans le creuset : ce serait peut-être assez de deux parties de nitre ; mais celui qui est en excès n'est pas perdu ; il se retrouve dans l'eau du lavage, dont on le sépare en évaporant et crystallisant.

Il résulte que la méthode des chimistes qui projettent l'antimoine crud en poudre sur le nitre, doit être proscrite.

Dans cette opération on emploie un creuset large et à fond même presque plat, afin que la petite quantité de mélange qu'on y a mise, détonne à-la-fais, ou le plus promptement qu'il est possible, et surtout pour avoir la commodité de l'en retirer. On attend qu'il soit rouge, pour que la détonation se fasse sur le champ ; il serait inutîle d'y rien mettre avant ce temps. Le couvercle sert à le garantir de la chute des charbons. On sait que ces sortes de corps portent avec eux un principe inflammable, qui ne manquerait pas de réduire en régule une partie de chaux proportionnelle ; inconvénient diamétralement opposé aux fins qu'on se propose : il s'y trouve, à la vérité, du nitre qui pourrait le consumer ; mais il peut se faire aussi qu'il ne s'y en trouve point dans l'endroit où tombera la molécule de charbon : c'est pour la même raison qu'on ne garnit pas le creuset de charbons ardents au-dessus de ses bords.

La précaution de projeter par cuillerées, et d'attendre que la première soit détonnée avant que d'en projeter une seconde, a pour but de rendre la calcination plus lente et plus complete , et d'éviter la perte de matière que l'adhésion des vapeurs poussées par le feu ne manquerait pas d'occasionner dans la méthode contraire. Cette perte d'ailleurs n'est pas le seul inconvenient qui soit la suite du choc des vapeurs ; il arrive encore qu'une molécule réguline poussée hors du creuset vers la fin de la détonation n'y retombe que quand elle est tout à fait cessée, et ne se calcine point-du-tout.

Si l'on ne suit pas les mêmes voies pour le foie de Rulandus (Voyez ANTIMOINE), c'est qu'il n'y importe pas comme ici, que la chaux antimoniale soit absolue.

Un autre inconvenient qui résulte de la détonation d'une grande quantité de matière à-la-fais, c'est que le feu y est si vif qu'il la vitrifie ; et ainsi au lieu d'une chaux d'antimoine bien divisée, qui est ce qu'on se propose, on aurait cette même chaux vitrifiée avec l'alkali fixe du nitre.

On attend que la matière du creuset ait perdu à-peu-près son ignition, pour la jeter dans l'eau : sans cela elle éclabousserait et ferait explosion ; parce que l'eau déjà chaude étant tout-à-coup frappée et mise en expansion par un corps embrasé, ne manquerait pas de le faire sauter de toutes parts, au danger de l'artiste : c'est pour la même raison qu'on n'en jette dans l'eau que peu-à-peu et aux bords de la terrine. Une petite quantité présente plus de surface à l'eau, à proportion de son volume ; et s'il arrive qu'elle soulève l'eau qui la couvre, elle en fait moins jaillir aux bords de la terrine, où elle est moins profondément plongée.

La chaux de l'antimoine sortant du creuset est, abstraction faite de la grande quantité du tartre vitriolé et de la petite portion du nitre, un alkali fixe rendu caustique par la chaux demi-métallique de l'antimoine. Voyez ci-dessous céruse d'antimoine. C'est à-dessein de lui enlever ces différents sels qu'on répète les lavages, et de favoriser par-là la division des molécules d'antimoine diaphorétique, que ces sels interposés tenaient unis par leur intermède. C'est encore pour la même raison qu'on fait ces sortes de lavages en grande eau ; car plus il y en a, plus les molécules ont de quoi s'étendre, et plus elles sont divisées ; sans compter que les sels en sont mieux dissous.

De huit onces d'antimoine et de vingt-quatre de nitre, Lemery a eu onze onces un gros d'antimoine diaphorétique : les calculs de Mender se trouvent à-peu-près les mêmes. Comme cette accrétion de poids vient, selon toute apparence, des débris des sels, au-moins pour la plus grande partie, il n'est pas étonnant qu'on n'en retire pas autant de régule à proportion, si on réduit l'antimoine diaphorétique. Voyez REDUCTION.

Selon la doctrine commune des chimistes, si au lieu d'employer un creuset, on projette la matière en de très-petites quantités dans une cornue de terre tubulée et rougie au feu, à laquelle on adapte plusieurs ballons enfilés dont le dernier est ouvert, les vapeurs noirâtres et épaisses dont nous avons parlé, passent dans les récipiens, et s'y condensent. On y trouve un antimoine diaphorétique très-divisé, et un phlegme légèrement acide et alkali volatil, ainsi qu'on peut s'en convaincre par l'expérience : c'est la petite portion de l'acide nitreux, qui ayant été dégagée par l'acide vitriolique du soufre, est échappée à l'embrasement. Le phlegme est de l'acide vitriolique et de l'acide nitreux décomposés : ces vapeurs ainsi retenues reçoivent le nom de clyssus simple d'antimoine. Quelques auteurs prétendent aussi qu'il y a de l'acide vitriolique ; et en ce cas elles doivent prendre celui de clyssus composé, selon Mender.

On fait encore, selon Lemery, l'antimoine diaphorétique dans les vaisseaux fermés, en se servant d'un pot ou d'une cucurbite de terre, surmontée de trois aludels aussi de terre, et d'un chapiteau de verre, auquel on adapte un récipient. Voyez ALUDEL, FLEURS DE SOUFRE, FLEURS D'ANTIMOINE. La cucurbite est fenêtrée, pour qu'on y puisse projeter le mélange, dont les doses sont toujours les mêmes. On trouve dans la cucurbite une masse semblable à celle que l'on a retirée du creuset : mais les parois des aludels sont tapissées de fleurs blanches d'autant plus émétiques qu'elles sont plus élevées : en sorte qu'il n'y a guère que les plus basses, ou celles que la trusion a élevées, qui soient assez dépouillées de leur phlogistique, pour n'être que diaphorétiques.

L'adepte Geber n'a parlé de l'antimoine qu'en passant. Le moine anonyme qui vivait au douzième siècle, et qui est connu sous le nom emblématique de Basîle Valentin (voyez CHIMIE), est le premier qui ait traité des préparations de l'antimoine. On y trouvera le diaphorétique minéral, sous le nom de poudre blanche d'antimoine, dans le petit nombre d'opérations positives qu'il a données parmi les secrets d'Alchimie, sous le nom de ce demi-métal : en voici la traduction. Prenez de bon antimoine de Hongrie, ou de tout autre pays, pourvu qu'il soit bien pur : réduisez-le en poudre fine ; mêlez-le avec parties égales de nitre purifié de la troisième cuite. Projetez et faites détonner ce mélange peu-à-peu dans un creuset neuf vernissé, entouré de charbons ardents.... mettez en poudre fine la masse dure qui est restée dans le creuset ; mettez cette poudre dans un vase vernissé ; versez dessus de l'eau commune tiede ; décantez cette eau après l'avoir laissée rasseoir. Répétez ce lavage jusqu'à ce que vous ayez emporté tout le nitre : séchez votre matière ; faites-la détonner de nouveau avec son poids égal de nitre : lavez et détonnez une troisième fois : enfin réduisez en poudre subtîle la masse résultant de cette troisième opération : mettez-la dans une cucurbite ; versez dessus de bon esprit de vin : bouchez-bien exactement votre vaisseau : pendant l'espace d'un mois que vous le tiendrez en digestion, vous y mettrez de nouvel esprit-de-vin neuf ou dix fais, et ferez bruler celui qui aura digéré dessus : séchez lentement votre préparation ; calcinez-la ensuite pendant un jour entier dans un creuset rouge : portez cette poudre dans un lieu humide, où vous la laisserez tomber en défaillance sur une table de pierre ou de verre, ou dans des blancs d'œufs durcis : il s'en fait une liqueur qu'on seche et convertit de nouveau en poudre.

Voilà certainement une préparation qui coute bien du temps, des peines, et de l'esprit-de-vin : mais que résulte-t-il de tout ce merveilleux appareil ? On entrevait à-travers l'obscurité de cette description, que la première détonation donne un foie (faux) de Rulandus, que les lavages dépouillent du tartre vitriolé, et de son foie d'antimoine : en sorte que le soufre grossier reste avec une matière vitreuse que Kerkringius appelle la poudre de Rulandus. Voyez son foie à l'art. ANTIMOINE. La seconde fournit après le lavage une céruse d'antimoine, selon les modernes, ou antimoine diaphorétique, qui ne sont autre chose qu'une chaux absolue d'antimoine ; et la troisième, qu'on ne lave point cette même chaux d'antimoine privée des dernières parties régulines qui pouvaient n'être pas encore décomposées, quoiqu'on la regarde communément comme chaux absolue, après la seconde détonation, et de l'alkali fixe, ou nitre alkalisé, et peut-être du nitre ; à moins que la calcination n'ait été très-longtemps soutenue. L'esprit-de-vin digéré dessus ne peut donner qu'une teinture de tartre qu'on décompose en le brulant (voyez TEINTURE DE TARTRE), et en calcinant la matière. Cette poudre mise dans un lieu frais, n'est susceptible de défaillance que par son alkali fixe, qui doit être en petite quantité : c'est cette liqueur seule qu'on prend pour évaporer. Il reste donc après tant de travaux un peu d'alkali fixe mêlé d'une petite quantité de terre provenant de ses débris, et d'une moindre quantité encore de la chaux la plus subtîle de l'antimoine, qu'il a pu tenir suspendue et entraîner avec lui, quoique l'acide de l'esprit-de-vin ait pu en précipiter une partie. Voyez MATIERE PERLEE. Aussi ne faut-il pas s'étonner que Basîle Valentin ait attribué des vertus miraculeuses à sa poudre blanche : nous en ferons grâce au lecteur. Il est bon de remarquer que c'est la préparation que les anciens chimistes appelaient céruse d'antimoine.

Le compilateur Libavius n'entend pas mieux la préparation d'antimoine diaphorétique, qu'il décrit aussi mal. Calcinez, dit-il, de l'antimoine crud et du nitre, jusqu'à ce qu'ils ne donnent plus de vapeurs : faites bouillir cette chaux dans plusieurs eaux ferrées ; macérez-la pendant un mois dans de l'esprit-de-vitriol, que vous changerez toutes les semaines : faites-la rougir plusieurs fois dans un creuset, et l'éteignez dans du vinaigre à chaque fois : enfin mettez-la digérer dans de l'esprit-de-vin ou de l'eau de chardon-bénit. Il faut avouer cependant qu'il en résulte vraiment de l'antimoine diaphorétique, où il y aura peut-être un atome de fer qu'y aura porté l'eau ferrée, qui a dû emporter l'alkali fixe, ce nitre, et le tartre vitriolé. L'esprit-de-vitriol digéré sur la matière ; le vinaigre, en supposant qu'on ait employé assez de nitre pour la réduire en une chaux absolue ; l'esprit-de-vin, et l'eau de chardon-bénit, n'y font ni bien ni mal : et si la préparation lui coute plus de temps et autant de peines à-peu-près que celle de Basîle Valentin, au moins n'en perd-il pas les fruits, comme ce moine qui réduit tout à rien. Libavius, lib. II. alchem. tract. IIe de extract. pp. 188. 1606.

Lemery, Boerhaave, Mender, et Geoffroy, emploient également trois parties de nitre. Le premier laisse calciner la matière pendant deux heures ; le second, pendant un quart-d'heure, et reproche à Basîle Valentin qu'il se donne bien des peines pour dépouiller son antimoine diaphorétique du nitre fixant, pendant qu'il ne lui reste presque autre chose que du nitre fixé. Il croit que le nitre fixe la chaux d'antimoine, comme Lemery s'est imaginé que le soufre de ce demi-métal en était fixé ; erreur que son savant critique a relevée d'une façon qui ne laisse rien à désirer ; ainsi que les reproches que Mender fait mal-à-propos à Boerhaave, sur ce que cet auteur regarde l'antimoine diaphorétique comme insipide et sans vertu. On observe encore que Mender fait fondre la matière détonnée, et renchérit conséquemment sur la mauvaise méthode des deux premiers. Enfin Geoffroy veut aussi que le soufre de l'antimoine soit fixé par l'acide du nitre, et confond les noms de céruse d'antimoine, et d'antimoine diaphorétique.

On fait encore de l'antimoine diaphorétique avec l'antimoine crud, toutes les fois qu'on traite ce demi-métal de manière qu'il soit converti en une chaux absolue blanche et divisée ; soit que l'action du feu aidée de celle de l'air, dissipe par tout son phlogistique sans intermède ; soit qu'elle se trouve mêlée de matières hétérogènes : car il peut se trouver encore quelques molécules d'antimoine diaphorétique parmi la chaux qui reste sur le filtre à-travers lequel on passe la dissolution du régule d'antimoine par les sels, si-tôt après la détonation de ses scories, et du faux foie de Rulandus.

Enfin par la propriété qu'a l'acide nitreux d'enlever le phlogistique à la plupart des substances métalliques, il réduit l'antimoine en chaux absolue, si on y fait dissoudre ce demi-métal. Dépouillé de son principe inflammable, il tombe au fond du vase où se fait l'expérience ; il n'est qu'une terre insipide, pourvu toutefois qu'on l'ait préalablement lavé avec exactitude. Une petite portion d'antimoine reste dissoute dans la liqueur, et forme les deux sels de M. Rouelle, l'une en plus et l'autre en moins d'acide qu'il soit possible. Le soufre surnage sous la forme d'une matière jaunâtre pultacée. Bafîle Valentin fait aussi une poudre fixe d'antimoine avec l'eau forte : mais il ne faut pas regarder son procédé comme positif. Voyez NITRE.

L'eau régale produit le même phénomène en conséquence de ce que l'acide nitreux y domine. Voyez NITRE. L'acide nitreux et l'eau régale attaquent l'antimoine crud avec rapidité : l'effervescence est vive et produit de la chaleur. Ces deux procédés donnent de l'antimoine diaphorétique par la voie humide, et fournissent les moyens de connaître au juste la quantité de soufre que contient l'antimoine crud.

Céruse d'antimoine. Réduisez en poudre fine séparément une partie de régule d'antimoine et trois parties de nitre ; mêlez-les intimement : faites-les détonner dans un creuset : jetez la matière dans l'eau bouillante : décantez ; lessivez sept ou huit fais, et faites sécher votre résultat. Ce procédé exige les mêmes précautions que celui de l'antimoine diaphorétique.

Cette chaux d'antimoine n'est ni plus blanche ni plus divisée que celle que nous avons faite par la précédente méthode : ce procédé n'est donc pas préférable au premier, sans compter qu'il est dispendieux et exige plus de temps. On retire aussi la masse du creuset, si-tôt que la détonation est achevée : sans quoi elle ne manquerait pas de jaunir, de même que dans la précédente préparation.

Si l'on fait évaporer et crystalliser l'eau du premier lavage, on a 1°. du nitre qui est la quantité excédante celle qu'il a fallu pour décomposer le régule employé : 2°. en poussant l'évaporation jusqu'à siccité, de l'alkali fixe rendu caustique par une petite portion de chaux antimoniale, avec laquelle il fait union, qu'il tenait suspendue dans la liqueur : c'est encore de la matière perlée. S'il ne s'y trouve point de sel polychreste, c'est que le régule d'antimoine ne contenait pas la substance nécessaire à sa formation ; savoir l'acide vitriolique du soufre, qui dans l'antimoine diaphorétique, s'est uni à l'alkali fixe du nitre décomposé. Ainsi dans cette opération, le phlogistique du régule produit le même, ou à-peu-près le même phénomène que celui du charbon. Voyez NITRE ALKALISE PAR LE CHARBON. Si-tôt que ce principe inflammable est mis en agitation, et dégagé par l'action du feu, il dégage l'acide nitreux de sa base, lequel se consume et dissipe en partie. Il suit que le régule doit rester dans le creuset avec l'alkali, sous la forme d'une chaux blanche dépouillée de son phlogistique en entier.

Mais il ne faut pas croire que le nitre alkalise le régule par son acide seul : son alkali produit le même phénomène, indépendamment du concours de son acide. La calcination n'en Ve donc que plus vite, quand on emploie le nitre ; et cela par deux raisons : la première, c'est que l'acide nitreux dégagé de sa base, rencontrant quelques portions régulines, doit certainement leur enlever une partie de leur phlogistique, avant que de se consumer ou de se dissiper ; et la preuve que la chose se passe de la sorte, c'est qu'il y a une légère détonation qui est certainement dû. à l'acide nitreux, et non à sa base alkaline : la seconde, c'est qu'avec l'alkali fixe seul, il faut aller assez lentement, pour que ce sel ne se fonde point avec le régule. Si l'on donnait le feu trop fort, surtout au commencement de l'opération, il en résulterait d'abord une matière vitreuse très-foncée, qu'il faudrait réduire en poudre, pour lui enlever plus promptement les dernières portions du principe du feu ; et sur la fin, un verre peu coloré, dont le lavage ne pourrait séparer les substances qui entrent dans sa composition. Voyez REDUCTION. Si l'on a entretenu le feu par degrés, on a un alkali fixe rendu caustique par la chaux d'antimoine avec laquelle il est combiné.

C'est une des raisons pour lesquelles on emploie le lavage : mais il est d'autant plus necessaire en pareil cas, qu'il sert encore à séparer de la chaux les dernières portions de régule qui ont pu échapper à la détonation ; comme plus pesantes et moins divisées, elles gagnent le fond, surtout quand on a la précaution d'agiter la lessive. Cette considération porte également sur la préparation de l'antimoine diaphorétique.

Si au lieu de trois parties de nitre, c'en serait assez de deux pour la préparation de l'antimoine diaphorétique ; à plus forte raison suffiraient-elles pour la céruse. Mais on agit encore de la sorte pour n'avoir aucun soupçon qu'il puisse rester la moindre molécule de régule sans être décomposée ; le nitre excédent se retrouve par la crystallisation. Il s'en trouve une beaucoup plus grande quantité en nature dans la préparation de la céruse d'antimoine, que dans celle de l'antimoine diaphorétique, proportion gardée ; parce qu'il n'en a pas fallu pour détonner avec le soufre, et que l'acide vitriolique de ce minéral n'en a point converti en tartre vitriolé. Mais il faut observer que la longueur de la calcination de la céruse doit changer ces phénomènes : outre cela, la présence du soufre peut non-seulement accélérer la calcination, mais encore la rendre plus complete avec la même quantité de nitre.

On peut encore, si l'on veut, faire la céruse d'antimoine avec les chaux non-absolues et les verres d'antimoine, en les faisant également détonner avec le nitre ; on pourrait pour lors se dispenser d'employer une aussi grande quantité de ce sel : parties égales suffiraient pour avoir une belle céruse d'antimoine. Mender. C'est la méthode des anciens à-peu-près.

Nous avons dit que l'alkali se combinait avec le régule pendant la calcination ; mais il ne faut pas s'imaginer, comme Hoffman, que c'est cette union qui empêche que le régule ne se dissipe presque tout en fleurs par le feu, comme il arrive quand il est seul : cette fixité vient de la perte du phlogistique, qui le volatilisait auparavant.

Dans ce procédé, la détonation est moins vive que dans le précédent, et il y a même telles proportions de nitre qui n'en donnent point-du-tout, soit parce qu'il n'y a point de soufre, soit parce que les molécules de l'antimoine étant par-là moins divisées, il se dégage une moindre quantité de phlogistique dans un seul et même instant, sans compter que le soufre peut favoriser ce dégagement ; ce qui est confirmé par la lenteur de cette calcination. Il y a d'autant moins d'alkali fixe, et il est d'autant moins caustique, qu'on y emploie davantage de nitre, et qu'on calcine moins longtemps. Ainsi donc il faut bien peser toutes ces circonstances avant que d'avancer s'il se fait plus de nitre fixe dans cette préparation, que dans celle de l'antimoine diaphorétique. Lémery ayant fait détonner seize onces de régule avec quarante-huit de nitre, on a retiré vingt-quatre onces et demie de céruse bien lavée et bien séchée, et il lui est resté vingt-cinq onces de sel.

Libavius donne la préparation suivante de la céruse d'antimoine. Calcinez le régule avec le nitre dans un vaisseau de verre, que vous échaufferez par degré ; lavez-en le sel, et répétez cette opération encore deux fais, pour fixer et blanchir l'antimoine. Exposez-le ensuite à un feu de reverbere pendant trois jours. Si les anciens qui la pratiquaient prenaient beaucoup de peine, au moins étaient-ils très-assurés d'avoir réduit le régule en une terre insipide et inerte.

Le même Libavius donne le nom de turbith à la chaux d'antimoine faite avec le régule, dissous par l'acide nitreux, qu'on faisait bouillir après cela dans du vinaigre, et ensuite dans de l'eau de roses : mais il est évident que ces deux décoctions deviennent inutiles. Page 188.

Si l'on fait digérer de l'esprit-de-vin sur la céruse d'antimoine non-lavée, il se fait une teinture rouge. Voyez TEINTURE DE TARTRE. Si on allume cet esprit-de-vin dessus, et qu'on l'y fasse bruler tout entier, il reste une liqueur lixivielle très-âcre. Cette liqueur étant évaporée sur un feu leger, donne un alkali d'un rouge jaunâtre, caustique et tout soluble dans l'eau. La lessive qui en résulte est rougeâtre et fort âcre. La poudre réguline qu'on sépare de cette teinture est absolument dépouillée de causticité ; elle ne purge ni par le haut ni par le bas, et n'est que diaphorétique. Fred. Hoffman, observat. physico-chim. select. p. 254. 4°.

Quand on verse le verre d'antimoine sur une plaque métallique, il s'élève des fleurs blanches qu'il ne faut pas prendre pour de la céruse d'antimoine, c'est un verre très-divisé. Il faut en dire autant dans la préparation de la neige d'antimoine, des fleurs qui se trouvent entre les deux couvercles du pot. Le régule d'antimoine donne à-peu-près le même produit, toutes les fois qu'on le fond à l'air libre. Les fleurs qui s'élèvent dans la préparation du foie de Rulandus, sont encore de même nature, quoique quelques auteurs aient regardé tous ces produits comme une chaux absolue d'antimoine.

On fait encore une céruse d'antimoine, en dissolvant son régule dans l'eau-forte et l'eau régale, et en versant de l'acide nitreux sur le beurre d'antimoine. Voyez BEZOARD MINERAL. Dans ces trois mélanges, il s'excite une forte effervescence ; il n'est pas plus étonnant que l'eau régale agisse sur le régule, que sur l'antimoine crud : l'acide nitreux en constitue environ les trois quarts. C'est cet acide qui produit tous ces phénomènes ; du moins l'acide marin ne paroit-il y avoir aucune part ; et quand bien même il dissolverait une partie de régule, il serait toujours chassé par l'acide nitreux, comme il arrive dans le bézoard minéral. Par ces trois procédés, on fait une chaux d'antimoine insipide ; mais il n'en est pas de même du beurre d'antimoine, ou de la poudre d'Algaroth, ni de la dissolution du régule d'antimoine par l'acide vitriolique : ces deux sels sont âcres et caustiques. Voyez tous ces articles, et NITRE. Le bézoard minéral en particulier, est une céruse très-divisée ; et comme ce n'est qu'en conséquence de sa grande division que la chaux absolue d'antimoine peut produire quelque effet, le bézoard comme plus atténué que les autres chaux absolues, en produit par-là de beaucoup plus considérables, étant donné même en moindre quantité.

Il est évident par tout ce qui précède, que la chaux absolue d'antimoine, par quelle des méthodes décrites qu'elle soit faite, est toujours la même quant au fond. Quand elle est bien faite, c'est une pure terre insipide, insoluble dans quelque liqueur que ce sait, non-absorbante, et absolument dépouillée de toute éméticité et de toute autre action. Ainsi l'on peut reconnaître celle qui a été falsifiée avec de la craie, ou toute autre terre absorbante, par l'effervescence qu'elle fait pour lors avec les acides.

Il suit donc que l'esprit-de-vin ou toute autre liqueur, soit acide, soit spiritueuse ou huileuse, n'occasionneront aucun changement dans les parties de la chaux antimoniale ; puisque les acides minéraux les plus corrosifs ne peuvent l'altérer en aucune façon, ou bien ont déjà exercé toute leur action sur elle. Ainsi c'est se repaitre de chimères, que de croire augmenter ou changer sa vertu par les édulcorations et digestions merveilleuses, que les différents auteurs ont prescrites. Les changements de couleurs qui arrivent pour lors, sont dû. à l'alkali fixe ou nitre décomposé (Voyez TEINTURE DE TARTRE) ; et la preuve, c'est que ces phénomènes cessent dès qu'on a dépouillé la chaux antimoniale de ce sel. En brulant l'esprit-de-vin, etc. desséchant, calcinant et filtrant, on détruit tout ce que l'alkali en a pu retenir.

Si, à ce que nous avons détaillé jusqu'ici sur les propriétés de l'antimoine diaphorétique et de la céruse d'antimoine, on joint la connaissance des phénomènes de la teinture du tartre, de la déflagration de l'esprit-de-vin et des huiles essentielles, on aura une critique raisonnée du fondant de Rotrou.

On fait un antimoine diaphorétique martial, connu sous le nom de safran de Mars, antimoine de Stahl. Voyez cet article.

Nous avons dit que la terre de l'antimoine par sa simple qualité de substance métallique, absolument privée de son principe inflammable, n'était point émétique. Cette opinion est assez généralement reçue, et même il y a des auteurs qui soutiennent qu'elle n'a aucune vertu. Boerhaave est de ce nombre : mais il se combat lui-même en la regardant comme nuisible, et en avançant dans un autre endroit qu'elle aiguise la vertu des purgatifs. Il cite pour exemple la poudre cornachine, dans laquelle elle entre pour un tiers. On conçoit à la vérité qu'une matière qui n'est ni émétique ni diaphorétique, parce qu'elle est une terre inerte, peut être inutile, mais non nuisible, ni capable d'augmenter la vertu des médicaments. Cependant Boerhaave s'explique là-dessus bien clairement : après avoir dit que l'antimoine diaphorétique non-lavé est un leger irritant, il ajoute que la chaux pure produit plus de mal ; qu'en la lavant, on lui enlève tout ce qu'elle avait de bon, et qu'il n'en conseille l'usage qu'en la laissant avec ses sels, ou bien en l'employant dans la poudre cornachine, que l'expérience confirme avoir plus d'activité en conséquence de l'antimoine diaphorétique, qui n'agit sensiblement que dans ce cas. Ainsi donc Boerhaave doit reconnaître forcément que l'antimoine diaphorétique n'a d'inertie que pour le bien, et point du tout pour le mal. Nous n'entreprenons cependant pas de soutenir son sentiment ; il avait l'observation pour lui à la vérité, mais elle ne peut avoir été faite qu'en conséquence d'une préparation susceptible de quelques changements.

Mender, qui est du sentiment contraire, a bien senti la contradiction évidente qui était échappée à Boerhaave ; mais il le combat avec des raisonnements si peu concluans, qu'on serait tenté de croire qu'il a tort, pendant que l'expérience a décidé en sa faveur. Avec un pareil garant, nous ne citerons aucune autorité, quoiqu'il y en ait pour lui de très-respectables et en fort grand nombre, comme Frédéric Hoffman, etc. mais il y en a aussi contre lui. Il avance donc 1°. qu'il ne faut pas croire qu'une terre insipide n'ait plus de vertu ; puisqu'on voit le contraire de la part du verre d'antimoine et du mercure de vie. 2°. Que d'ailleurs il y a dans l'antimoine diaphorétique, la partie principale du régule : mais on peut répondre à cela que Boerhaave n'attribue aucune vertu à l'antimoine diaphorétique, non-seulement parce qu'il n'a aucune saveur, mais encore parce qu'il est dépouillé de tout principe actif ; ce qui n'est pas également vrai du verre d'antimoine et du mercure de vie, quoique insipides. En second lieu, l'antimoine diaphorétique n'est pas plus actif pour contenir la partie principale du régule, puisque cette même partie est absolument dépouillée du principe du feu qui lui donnait toute son activité. Voyez à ce sujet les excellentes notes de M. Baron sur Lémery, où les raisons de Mender sont exposées avec netteté, et combattues avec force. Mais si Boerhaave s'est contredit en soutenant qu'une terre inactive était nuisible, et avait la faculté d'aiguiser la vertu des purgatifs, on peut le concilier avec lui-même, quand il dit que cette terre qui est nuisible, aiguise ; parce qu'il la considère d'abord seule, et ensuite mêlée avec d'autres substances. Ce point a échappé à Mender.

Nous n'irons pas plus loin sans prévenir les objections qu'on pourrait nous faire contre notre opinion, afin d'empêcher qu'on ne tourne contre nous les armes que nous venons de manier contre les autres. On pourrait s'autoriser de l'aveu que nous avons fait, que l'expérience parle pour Mender, pendant que nous convenons que l'antimoine diaphorétique est une terre inerte ; mais on conclura facilement que ces deux propositions n'ont rien qui répugne, si l'on se rappelle que nous avons particulièrement insisté sur le lavage à grande eau, comme favorisant la division, et que nous avons avancé que c'était cette division qui faisait tout le mérite de la chaux de l'antimoine. En effet il est aisé de sentir que cette chaux flottera par ce moyen dans les humeurs de nos premières voies, enfilera l'orifice des veines lactées à la faveur de ce véhicule, et passera dans le sang, où elle produira tous les effets d'un corps dur et inaltérable : ceux de rompre, diviser et atténuer les molécules sanguines et lymphatiques qui pourront s'être réunies pour quelle cause que ce sait, et de procurer aux molécules morbifiques qu'elles en auront détachées, la facilité de parcourir les couloirs qui ne pouvaient les admettre avant ce temps ; en sorte qu'elles pourront être évacuées par les voies ouvertes, comme les vaisseaux perspiratoires, etc.

Mais il n'y a peut-être point de question qui ait été plus agitée, et sur laquelle les sentiments soient plus partagés, que sur l'éméticité du régule d'antimoine, combiné avec les acides végétaux et minéraux. Tout le monde convient que l'antimoine privé de soufre, n'est émétique qu'à proportion de ce que sa partie réguline contient de phlogistique ; puisque l'antimoine diaphorétique qui l'a tout perdu quand il est bien fait, n'est plus émétique. Nous croyons qu'on ne nous taxera pas de supposer ce qui est en question, au sujet de l'antimoine diaphorétique : mais il y a des auteurs qui veulent que l'éméticité de la partie réguline, ou de la chaux non-absolue de l'antimoine, soit augmentée par les acides végétaux, et diminuée ou détruite par les acides minéraux. D'autres prétendent le contraire exactement. Les premiers avancent pour soutenir leur sentiment, que la poudre cornachine vieille est émétique ; parce que la creme de tartre a eu le temps de se combiner avec l'antimoine diaphorétique, qui n'était pas émétique avant ; que le sirop de limon, mêlé avec le même antimoine diaphorétique, lui donne de l'éméticité. Ils disent, au contraire, qu'on arrête les effets violents de l'émétique par les acides minéraux. Leurs antagonistes disent pour raison, que les acides végétaux donnés intérieurement, arrêtent tout aussi bien que les minéraux, les effets de l'émétique ; et que ces mêmes acides minéraux produisent un émétique beaucoup plus violent que l'ordinaire, qui est fait avec la creme de tartre, comme cela est évident par le mercure de vie. Je crois qu'on peut concilier l'un et l'autre parti sans coup férir. Il est d'expérience que le régule et le verre d'antimoine donnés en substance, à plus grande dose que le tartre stibié, sont moins émétiques que lui, quoiqu'il n'ait peut-être pas la moitié de son poids de parties régulines : mais celui-ci n'est plus émétique que parce qu'il est dissous, selon l'union. Il faut donc que le régule et le verre pris intérieurement, subissent une dissolution préalablement à toute action, comme il parait par les pilules perpétuelles. Peu importe par quel acide que ce sait, minéral, animal ou végétal ; mais il ne faut pas que l'acide végétal soit sur-abondant, car il émane pour lors la vertu émétique. On entend ici par sur-abondant, non-seulement une plus grande quantité d'acide combinée avec la partie réguline, mais encore la présence de cet acide à nud dans l'estomac, qui calme vraisemblablement les convulsions de ce viscère. Il ne faut pas non plus que l'acide minéral enlève tout le phlogistique du régule ; il en fait une terre diaphorétique, comme l'acide nitreux : mais on ne peut pas prendre intérieurement l'acide nitreux, assez concentré pour réduire le régule d'antimoine en chaux. Ce n'est donc pas par cette qualité qu'il agit, non plus que les deux autres, mais en fournissant un acide sur-abondant à l'émétique déjà dissous par un acide, de même que cela se passe de la part des acides végétaux, qu'on donne pour le même sujet. Ainsi donc les acides, quels qu'ils soient, développeront l'éméticité de la partie réguline, en la dissolvant et s'y combinant à un juste point de saturation : plus loin, ils l'affoibliront, et calmeront le spasme de l'estomac ; et l'acide nitreux ne fait pas même d'exception ici, parce qu'il faut qu'il soit assez affoibli pour tenir en dissolution cette partie réguline, et être donné intérieurement. Voyez aux articles FER et NITRE, la dissolution de ce métal par l'acide de ce sel. Quant à l'antimoine diaphorétique, qui devient émétique parce qu'il se trouve uni à la creme de tartre, ou au sirop de limon, c'est qu'il est mal fait, et contient encore quelques parties régulines, qui ont été dissoutes par ces acides ; s'il n'était pas émétique avant, c'est parce que les parties régulines n'étaient pas dissoutes, et qu'elles ne pouvaient agir sans cela. Or que l'antimoine diaphorétique, même le mieux fait, recele encore quelques particules régulines, qui auront échappé à l'embrasement ; c'est ce qui paraitra prouvé par la considération suivante. Il reste ordinairement parmi la chaux de l'antimoine diaphorétique, des grains de régule, qui ne sont nullement calcinés, et qui ressemblent à du plomb granulé ; il peut donc bien y avoir, à plus forte raison, des particules de régule qui se trouvent dans le cas de toutes les nuances de calcination, qui s'étendent depuis le régule jusqu'à la chaux absolue d'antimoine inclusivement. S'il ne se trouvait point de régule d'antimoine en nature, après la calcination de l'antimoine diaphorétique, notre opinion porterait à faux, ou du moins ne pourrait pas se prouver, mais elle est pleinement confirmée par son existence ; car si l'opération est insuffisante pour commencer à calciner une portion de régule entier, il suit qu'elle le sera encore plus pour achever de calciner celles auxquelles elle a déjà fait perdre une portion de phlogistique, puisqu'il est plus difficîle de détruire ces dernières portions qui sont les plus tenaces et les plus profondément cachées, que de dissiper les premières qui sont plus superficielles. Cette dernière considération sert de complément à la preuve de la nécessité du lavage en grande eau, et avertit qu'il ne faut prendre qu'environ la moitié de l'antimoine diaphorétique qu'on a fait ; c'est celle-là seule qui flotte par le lavage, comme la litharge broyée à l'eau. Quant au reste qui est composé de parties régulines et de chaux dans différents degrés de calcination, il les faut soumettre de nouveau à la détonation. Il résulte donc de tout ce que nous avons dit, que pour avoir l'antimoine diaphorétique bien blanc, bien divisé, et dans l'état d'une pure terre, il faut ne lui faire subir qu'une calcination instantanée, mais le laver en grande eau, pour séparer ce qui est diaphorétique d'avec les parties régulines que cette légère calcination n'a pu détruire.

Antimoine diaphorétique, (Pharmacie) Comme la distinction entre céruse d'antimoine et antimoine diaphorétique, ne consiste guère qu'en une différence de noms, et que les artistes habiles font indifféremment l'un ou l'autre, on les confond et on ne les connait que sous celui d'antimoine diaphorétique. On a coutume de garder cette préparation dans les boutiques sous la forme de trochisques. Cette chimérique élégance coute deux peines, celles de les faire et de les réduire en poudre au besoin ; elle doit être proscrite pour les raisons alléguées. L'antimoine diaphorétique entre dans la poudre cornachine et la poudre absorbante. L'antimoine diaphorétique ne devient point émétique en vieillissant, comme quelques auteurs l'ont avancé. Article de M. DE VILLIERS.