L'eau cémentatoire est très-claire et très-limpide dans sa source ; l'on fait des réservoirs pour la recevoir, afin qu'elle puisse s'y rassembler : l'on fait entrer l'eau de ces réservoirs dans des auges ou canaux de bois, qui ont environ un pied de large et autant de profondeur. Quant à leur longueur elle n'est point déterminée ; on la pousse aussi loin que l'on peut, quelquefois même jusqu'à 100 ou 150 pieds ; on appelle ces auges ou canaux cementers, suivant M. Schlutter, on les remplit de vieille ferraille autant qu'il y en peut tenir ; l'on fait ensuite entrer l'eau cémentatoire dans ces auges ; elle couvre le fer, le dissout, et le détruit, et met en sa place le cuivre dont elle est chargée ; il prend la figure et la forme que la ferraille avait auparavant, de sorte qu'en trois mois de temps, plus ou moins, suivant la force de l'eau vitriolique, tout le fer se trouve consommé et détruit, et le cuivre est entièrement précipité. La raison pour laquelle le cuivre précipité prend la même figure qu'avait le fer, c'est que l'acide vitriolique ayant plus d'affinité avec le fer, lâche le cuivre qu'il tenait en dissolution pour s'y attacher ; il arrive de-là qu'il se précipite précisément autant de cuivre qu'il se dissout de fer ; de façon que l'un prend la place de l'autre, et qu'il se met toujours une particule de cuivre à la place de celle de fer, qui a été mise en dissolution. Voyez Wallerius, Hydrologie, p. 62. §. 23.

Voilà la manière dont on s'y prend pour obtenir à peu de frais et sans grande peine, une quantité quelquefois très-considérable de cuivre très-bon, et que l'on dit même plus ductîle et plus malléable que celui qui par des fontes réitérées a été tiré de sa mine. Ce cuivre est mou et semblable à du limon tant qu'il est sous l'eau ; mais il prend de la consistance, et se durcit aussi-tôt qu'il vient à l'air.

Les deux plus fameuses sources d'eau de cémentation de la Hongrie, sont celle de Smolnitz et des Heregrund ; l'on assure que la première peut fournir tous les ans jusqu'à 600 quintaux de cuivre précipité de la manière qui vient d'être décrite ; ce qui vient de la grande abondance de cette source, et de la prodigieuse quantité de vitriol de Venus dont elle est chargée : outre cela le fer que l'on y met tremper, se trouve entièrement dissous en trois semaines de temps, et le cuivre a pris sa place, au lieu que dans d'autres sources, il faut trois mois et même quelquefois un an, pour que cette opération se fasse.

L'on trouve en Hongrie plusieurs autres sources qui ont les mêmes propriétés ; il y en a de pareilles en Allemagne, près de Goslar, en Suède ; etc. L'on attribue la même qualité à une source que l'on voit à Chiessy, dans le Lyonnais. Voyez E. Schwedenborg. tom. III. pag. 49. et suiv. Henckel nous explique, dans sa Pyritologie, pag. 674, la cause de ces phénomènes, savoir, que les eaux qui composent ces sources, venant à passer sur des pyrites cuivreuses, qui ont été décomposées dans les entrailles de la terre, en détachent les parties vitrioliques qui s'y sont formées, et les entraînent avec elles.

C'était une transmutation semblable à celle qui vient d'être décrite, que produisirent il y a quelques années, des personnes qui avaient trouvé le secret d'obtenir un privilège exclusif, pour convertir le fer en cuivre dans toute l'étendue du royaume ; l'on fut très-flaté de l'idée de pouvoir se passer de cuivre de l'étranger, et de pouvoir en produire autant que l'on voudrait. Tout le secret consistait dans une eau vitriolique, où en faisant tremper du fer, il se faisait une précipitation du cuivre tout à fait semblable à celle que nous venons d'expliquer dans cet article : mais comme ces convertisseurs de métaux n'avaient point à leur disposition, une source d'eau vitriolique aussi abondante que celle de Smolnitz, qui put fournir longtemps à faire leur prétendue transmutation, la fraude se découvrit, et le public fut en peu de temps désabusé. (-)