Cette résine découle d'un arbre qui vient sans culture dans l'île de Chio. Il est déjà décrit : parlons donc du même térébinthe de Languedoc et du Dauphiné ; c'est le terebinthus vulgaris, C. B. P. terebinthus, J. B. Cet arbre est toujours verd, de la grosseur d'un poirier, ayant une écorce cendrée et gersée ; ses branches s'étendent au large, et les feuilles y sont alternativement rangées, conjuguées, roides et fermes, peu différentes de celles du laurier, mais plus obscures ; les fleurs, au commencement de Mai, se trouvent ramassées par grappes au bout des petites branches ; ces fleurs sont des étamines de couleur pourpre, auxquelles il ne succede aucun fruit ; car l'espèce qui rapporte du fruit, a des fleurs qui n'ont point d'étamines ; les fruits viennent aussi en grappes ; ils sont arrondis, longs de deux ou trois lignes, ayant une coque membraneuse, rougeâtre ou jaunâtre, un peu acide, stiptique, et résineuse : cette coque n'a qu'une loge, souvent vide, d'autres fois pleine d'une amande.

Cet arbre est chargé vers l'automne de certaines vessies attachées aux feuilles et aux rameaux, assez semblables à celles qui naissent sur les feuilles de l'orme, mais de couleur purpurine ; quelquefois l'on trouve à l'extrémité des branches des excraissances cartilagineuses, de la figure des cornichons, longues de quatre, cinq, six doigts, et davantage, de formes différentes, creuses et roussâtres : ces excraissances étant ouvertes, paraissent contenir, de même que les vessies, une petite quantité d'humeur visqueuse, couverte d'ordures cendrées et noirâtres, et de petits insectes ailés. Tous les auteurs qui ont parlé de cet arbre, ont fait mention de ces excraissances, et elles ne sont autre chose que des espèces de gales produites par des insectes qui piquent les feuilles, y déposent leurs œufs, et leur fournissent par-là une matière propre à les faire éclore, les nourrir ensuite, et les conserver par une sage prévoyance de la nature. On ne ramasse point de résine de ces vessies, ni de ces excraissances ; mais on la retire du bois : on fait des incisions aux troncs, et aux branches de cet arbre, après qu'il a poussé ses bourgeons, ainsi qu'aux autres arbres qui sont résineux ; de ces incisions il découle une résine d'abord liquide, qui s'épaissit peu-à-peu, et se desséche.

Celle que répand abondamment le térébinthe de Chio, est épaisse, d'une couleur blanche tirant sur le bleuâtre, presque sans saveur, et sans odeur, s'attachant fort légèrement aux dents, et s'endurcissant facilement. La récolte de ce suc se fait en incisant en-travers, avec une hache, les troncs des gros térébinthes, depuis la fin de Juillet, jusqu'en Octobre ; la térébenthine qui en coule, tombe sur des pierres plates, placées sous ces arbres par les paysans ; ils l'amassent avec des petits bâtons qu'ils laissent égoutter dans des bouteilles : on la vend sur les lieux trente ou trente-cinq parats l'oque, c'est-à-dire, les trois livres et demie et une once. Toute l'île n'en fournit pas plus de trois cent oques. Cette liqueur passe pour un grand stomachique dans le pays ; nous parlerons plus bas de ses vertus.

Kaempfer fait particulièrement mention de la térébenthine de Perse, très-usitée parmi les Orientaux ; elle n'est pas différente de celle de Cypre : on la recueille des térébinthes qui abondent dans les montagnes, dans les déserts, aux environs de Schamachia en Médie, de Schiras en Perse, dans les territoires de Luristan, et ailleurs. Les habitants retirent beaucoup de liqueur résineuse, qui coule pendant la grande chaleur, du térébinthe auquel on a fait une incision, ou de lui-même, ou des fentes et des nœuds des souches qui se pourrissent. Ils font un peu cuire cette liqueur à un feu lent, et ils la versent avant qu'elle commence à bouillir ; étant refroidie, elle a la couleur et la consistance de la poix blanche.

Cette térébenthine ne sert chez les Orientaux que de masticatoire. Les femmes qui demeurent au-delà du fleuve Indus, sont si habituées d'en mâcher, qu'elles ont de la peine à s'en passer ; elles prétendent que cette résine, en provoquant l'excrétion d'une lymphe surabondante, les délivre des fluxions, qu'elle procure de la blancheur et de la fermeté aux dents, et qu'elle donne à la bouche une haleine agréable : on en trouve par-tout dans les boutiques, et chez les parfumeurs des Turcs, des Perses, et des Arabes, sous le nom turc de sakkis, et sous le nom persan de konderuun.

Les habitants du mont Benna en Perse, ne tirent pas la térébenthine du tronc de l'arbre par des incisions, mais ils brulent le bois même du térébinthe pour en faire la résine, jusqu'à ce qu'elle ait la couleur d'un rouge brun foncé : elle sert aux peintres à cause de la vivacité de sa couleur ; car cette résine est dure, friable, et brillante : on en trouve chez les Turcs, dans les boutiques, sous le nom de sijah Benna, c'est-à-dire noir du mont Benna.

On fait usage de la térébenthine persique, comme des autres térébenthines, extérieurement et intérieurement : elle est bonne extérieurement pour amollir, résoudre, purifier les ulcères, et réunir les lèvres des plaies récentes : on la compte au nombre des remèdes balsamiques et vulnéraires internes : on la prescrit dans les exulcérations des viscères, dans la toux invétérée, dans le commencement de la phtisie, et le crachement purulent ; elle donne aux urines l'odeur de violette, et est avantageuse dans leur suppression, quand cette suppression procéde d'une sérosité âcre, épaisse, et gluante, sans inflammation.

La térébenthine de Chio, passe pour être douée des mêmes vertus : on l'emploie dans la thériaque d'Andromaque, le mithridate de Damocrates, et les trochisques de Cyphi. On pourrait préparer avec cette térébenthine, ainsi qu'avec la persique, une huile, et une colophone ; mais on trouve rarement ces deux résines dans nos boutiques, où on ne connait guère que la térébenthine des méleses, qui d'ailleurs fournit plus d'esprit que la résine des térébinthes.

La térébenthine de Venise, ou des méleses, terebenthina veneta, laricea, off. est une substance résineuse, liquide, limpide, gluante, tenace, plus grossière que l'huile, plus coulante que le miel ; elle découle également et entièrement du doigt que l'on y a trempé, est un peu transparente comme du verre, de couleur jaunâtre, d'une odeur résineuse, pénétrante, agréable, et cependant un peu dégoutante ; d'un goût fin, âcre, un peu amer, qui surpasse par son âcreté et sa chaleur, la résine du térébinthe. On estime celle qui est récente, pellucide, blanche, liquide, qui n'est pas salie par des ordures, et dont les gouttes s'attachent à l'ongle, sans couleur. On l'appelle térébenthine de Venise, parce qu'autrefois on l'apportait de ce lieu ; mais présentement on l'apporte du Dauphiné et de la Savoie ; cette espèce de résine était connue des anciens Grecs, et dès le temps de Galien, à ce qu'il rapporte.

Le mélese, dont nous avons donné la description en son lieu, produit cette térébenthine ; elle en découle d'elle-même, ou par une incision faite à l'arbre au printemps et en automne, comme une eau limpide, et de la consistance de l'huîle ; mais bientôt après elle jaunit un peu, et elle s'épaissit avec le temps.

Il parait par l'analyse chymique, que la térébenthine de mélese est composée d'une huîle subtile, tellement unie avec un sel acide, que les deux ensemble font un composé résineux ; qu'elle ne contient que très-peu ou point de terre, et une très-petite portion de sel alkali fixe, que l'on aperçoit à peine. En effet, si l'on fait digérer de l'esprit de térébenthine avec l'acide vitriolique, quelques jours après ils se changent en une résine semblable à la térébenthine, qui s'épaissit de plus en plus en continuant cette digestion, et elle se change enfin en un bitume noir.

Il faut observer que la térébenthine prise non-seulement par la bouche et en lavement, mais encore appliquée extérieurement est assez célèbre ; c'est pourquoi il n'y a presque aucun liniment, aucun emplatre, ou onguent pour les plaies et les ulcères, où la térébenthine de Venise n'entre. Les chirurgiens en préparent un onguent digestif, très-usité et très-recommandé dans les plaies ; ils mêlent avec la térébenthine une suffisante quantité de jaune d'œuf et de l'huîle rosat, ou quelqu'autre liqueur convenable.

Dans la dyssenterie, les exulcérations des intestins, la néphrétique, la suppression de l'urine ; on donne utilement des lavements avec la térébenthine. Il faut cependant l'employer avec prudence, et dans les cas où l'on n'a pas lieu de craindre l'inflammation des viscères. Elle est encore d'usage dans la gonorrhée, et les fleurs blanches. La résine du térébinthe, la térébenthine de Venise, et celle de Cypre, ont les mêmes propriétés. On préfère cependant la térébenthine du mélese à toutes les autres pour l'usage intérieur. On prépare avec cette térébenthine un esprit et une huîle de térébenthine, ainsi que de la colophone ; enfin la térébenthine du mélese entre dans presque tous les onguents, et les emplâtres des pharmacopées.

La térébenthine de Strasbourg, ou plutôt la térébenthine des sapins, est nommée dans les auteurs résine liquide des sapins ; terebenthina abietina, terebenthina argentoratensis, c'est une substance résineuse, liquide lorsqu'elle est récente, plus transparente que celle du mélese, moins visqueuse et moins tenace : son odeur est plus agréable et plus amère, et ressemble en quelque façon à celle de l'écorce de citron, dont elle a presque le goût : elle jaunit et s'épaissit avec le temps. On l'appelle térébenthine de Strasbourg, parce qu'on l'apporte de cette ville à Paris.

Cette liqueur résineuse découle du sapin nommé abies taxi folio, fructu sursum spectante, I. R. H. 585, abies conis sursum spectantibus, sive mas, C. B. P. 505. Cet arbre est grand, et surpasse le pin par sa hauteur. Son tronc est droit, nud par le bas, couvert d'une écorce blanchâtre et cassante. Ses branches croissent tout-autour du tronc, quelquefois au nombre de quatre, de cinq, de six, et même davantage ; elles sont ainsi arrangées de distance en distance jusqu'au sommet. Ces branches donnent des rameaux disposés le plus souvent en forme de croix, sur lesquels naissent de tous côtés de petites feuilles mousses, d'un verd foncé en-dessus, un peu blanchâtres endessous, et traversées par une côte verte.

Ses fleurs sont des chatons composés de plusieurs sommets d'étamines, qui se partagent en deux loges, s'ouvrent transversalement, et répandent une poussière très-fine, le plus souvent de la figure d'un croissant, comme on l'observe au microscope. Ces fleurs sont stériles. Les fruits naissent dans d'autres endroits du même arbre : ce sont des cônes oblongs presque ovoïdes, plus courts et plus gros que ceux de la pesse ou picea : ils sont composés d'écailles larges à leur partie supérieure, attachés à un axe commun, sous lesquelles se trouvent deux semences garnies d'un feuillet membraneux, blanchâtres, remplies d'une humeur grasse et âcre. Ces cônes sont verts au commencement de l'automne, et donnent beaucoup de résine ; et vers le commencement de l'hiver ils parviennent à leur maturité. Cet arbre est très-commun en Allemagne, et dans les pays du nord.

On tire la résine ou l'huîle de sapin, non-seulement de la tige et des branches, mais encore de quelques tubercules qui sont placés entre l'écorce. Celle qui découle de sa tige par l'incision que l'on y fait est moins odorante et moins précieuse : lorsqu'elle est seche, elle ressemble un peu à l'encens par sa couleur et son odeur ; c'est pourquoi quelques-uns la lui substituent ; mais la résine qui découle des tubercules auxquels on a fait une incision, est fort estimée ; on l'appelle spécialement larme de sapin, huîle de sapin, et communément bigion. Voici la manière de tirer cette résine.

Les bergers, pour ne pas être aisifs pendant le jour, vont dans les forêts de sapins, portant à la main une corne de vache creuse. Lorsqu'ils rencontrent de jeunes sapins revêtus d'une écorce luisante, et remplis de tubercules, car les vieux sapins ridés n'ont point de tubercules, ils conjecturent aussitôt qu'il y a de l'huîle sous ces tubercules ; ils les pressent avec le bord de leur corne, et en font couler toute l'huile. Ils ne peuvent pas cependant par cette manœuvre recueillir plus de trois ou quatre onces de cette huîle en un jour ; car chaque tubercule n'en contient que quelques gouttes : c'est ce qui rend cette résine rare et chère. Mais on tire une bonne quantité de térébenthine de la tige des sapins et des picea par des incisions qu'on leur fait au mois de Mai.

Les paysans commencent le plus haut qu'ils peuvent atteindre avec leurs coignées à enlever l'écorce de l'arbre, de la largeur de trois doigts depuis le haut, sans cependant descendre plus bas qu'à deux pieds de terre : ils laissent à côté environ une palme d'écorce, à laquelle ils ne touchent point ; et ils recommencent ensuite la même opération, jusqu'à ce qu'ils aient ainsi enlevé toute l'écorce de distance en distance, depuis le haut jusqu'en-bas. La résine qui coule aussitôt est liquide, et elle s'appelle térébenthine de Strasbourg ; cette térébenthine s'épaissit avec le temps ; et deux ou trois ans après les plaies faites aux arbres, sont remplies d'une résine plus grossière ; alors ils se servent de couteaux à deux tranchans, recourbés, attachés à des perches pour enlever cette seconde résine, qu'ils conservent pour en faire de la poix. La pure térébenthine de Strasbourg a les mêmes principes que celle de Venise, et elle a presque les mêmes vertus.

La térébenthine commune, la grosse térébenthine, resina pinea, est une substance résineuse, visqueuse, tenace, plus grossière et plus pesante que celle du sapin ou du mélese. Elle est blanchâtre, presque de la consistance de l'huîle un peu condensée par le froid, d'une odeur résineuse, désagréable, d'un goût âcre, un peu amer, et qui cause des nausées.

Cette résine découle d'elle-même, ou par l'incision, de différentes espèces de pin ; mais on la tire surtout dans la Provence près de Marseille et de Toulon, et dans la Guyenne près de Bordeaux, du pin appelé pinus sylvestris, vulgaris genevensis, par J. B. I. 253, et pinus sylvestris, par C. B. P. 491. Cet arbre n'est pas différent du pin ordinaire. Il est seulement moins élevé, ses feuilles sont plus courtes, et ses fruits plus petits.

Il découle deux sortes de résine de ces arbres, l'une nommée résine de cones, parce qu'elle en suinte naturellement ; l'autre qui est tirée par l'incision que l'on fait à l'arbre, est appelée résine de pin. Lorsque cet arbre est plein de résine, il est nommé torche, taeda en latin. La trop grande abondance de résine, est une maladie propre et particulière au pin sauvage. Elle consiste en ce que non-seulement la substance interne, mais encore la partie externe du tronc, abonde tellement en suc résineux, que cet arbre est comme suffoqué par la trop grande quantité de suc nourricier. On en coupe alors, surtout près de la racine, des lattes grasses, et propres pour allumer le feu, et pour éclairer. La pesse et le mélese deviennent aussi torches, mais très-rarement. Dans la Provence non-seulement on recueille cette résine tous les ans ; mais on tire encore de l'arbre des sucs résineux, dont on fait ensuite diverses sortes de poix. Voyez POIX.

Les médecins emploient rarement la térébenthine commune tirée du pin sauvage et du picea, quoiqu'elle ait les mêmes qualités que celle de Strasbourg ; mais plusieurs ouvriers en font usage. (D.J.)

TEREBENTHINE, huîle de, (Chimie) l'inflammation des huiles par les acides parait d'abord avoir été découverte par Glauber, qui en a parlé assez au long dans plusieurs de ses ouvrages ; Beccher l'a aussi connue ; mais il y a près de quatre-vingt-dix ans que Borrichius proposa dans les journaux de Copenhague, ann. 1671. d'enflammer l'huîle de térébenthine par l'esprit de nitre, suivant un procédé qu'il donnait. Son problême chymique a pendant longtemps exercé le génie et l'adresse des plus grands artistes. A l'envi les uns des autres, ils ont fait plusieurs tentatives sur cette inflammation ; ils ont d'abord été peu heureux ; il y en a même qui ont eu si peu de succès, qu'ils ont regardé ce phénomène comme un problême très-difficîle à résoudre, parce que l'auteur n'a pas assez détaillé des circonstances, qu'il a peut-être ignorées lui-même. D'autres moins modérés ont traité cette expérience de paradoxe.

Le mauvais succès sur l'huîle de térébenthine, loin de décourager plusieurs autres artistes, les a au contraire conduits à tenter le mélange de l'acide nitreux avec d'autres huiles essentielles ; ils ont non-seulement réussi à enflammer les huiles essentielles pesantes, mais encore quelques huiles empyreumatiques, telles que celles de Gayac.

Dippelius, Hoffman et M. Geoffroi sont parvenus à enflammer l'huîle de térébenthine, et un nombre d'huiles essentielles légères par l'acide nitreux, mais avec le concours de quelques portions d'acide vitriolique concentré. Enfin M. Rouelle a trouvé le secret du procédé de Borrichius, consistant à enflammer l'huîle de térébenthine par l'acide nitreux seul, et c'est une chose assez curieuse ; voici l'essentiel du procédé de Borrichius.

Il emploie quatre onces d'huîle de térébenthine et six onces d'eau-forte, ou d'acide nitreux. Il demande que l'huîle de térébenthine soit nouvellement distillée, que l'eau-forte soit bonne, récente, et que le vaisseau soit ample ; il les mêle ensemble et les agite ; il couvre le vaisseau, et au bout d'une demi-heure, il le découvre ; alors les matières produisent ensemble une effervescence des plus violentes, accompagnée d'une fumée très-épaisse, et elles s'enflamment en surmontant le vaisseau et se répandant.

Ce n'est pas de la force de l'esprit de nitre que dépend absolument le succès de l'expérience de Borrichius ; il faut cependant que l'esprit de nitre soit au-moins assez fort pour agir sur l'huîle aussi-tôt qu'il lui est mêlé ; plus faible il ne ferait aucun effet ; mais plus il sera fort et concentré, plus le succès de l'opération sera assuré. A l'égard de l'huîle de térébenthine, il n'y a aucun choix à en faire ; ancienne ou nouvelle, elle est également bonne.

Il faut verser peu d'acide nitreux à la fois sur le champignon : s'il arrive qu'il ne s'enflamme pas, on attend que le charbon paraisse davantage et soit plus considérable ; alors on verse de nouvel acide, et avec un peu d'usage, il est rare qu'on ne réussisse pas.

Les vaisseaux doivent être larges d'ouverture, afin que le mélange présente une plus grande surface à l'air, qui aide beaucoup au succès de cette expérience.

On doit employer parties égales d'acide et d'huîle de térébenthine ; mais quand on mettrait plus d'acide, on ne nuirait aucunement à l'inflammation. L'on observera seulement que le succès de l'opération est plus assuré, quand on emploie des doses un peu considérables.

M. Rouelle ayant trouvé cette clé, a réussi dans les mêmes expériences sur d'autres huiles essentielles ; savoir, celles de cédra, de genièvre et de lavande ; cette dernière demande seulement un acide un peu plus fort.

Mais l'huîle de girofle, quoique de même espèce que les deux autres, a offert une singularité remarquable, et qui fait une exception à la règle que nous avons donnée, de prendre toujours par préférence l'acide le plus fort, pour assurer le succès de l'opération : mêlée avec de l'esprit de nitre trop fort, l'effervescence est si vive, qu'il se fait une espèce d'explosion, et que l'huîle est jetée hors du vaisseau. M. Rouelle n'a pu réussir à l'enflammer, qu'en employant le plus faible et le moins concentré des trois esprits de nitre dont il s'est servi dans ses expériences.

Quant aux huiles par expression, les unes comme les huiles de lin, de noix, d'oeillet et de chenevis, s'enflamment comme les huiles essentielles, par l'acide nitreux seul, pourvu qu'on le mêle avec elles en plus grande proportion, et qu'il soit récent, et très-concentré. D'autres huiles par expression, telles que celles d'olive, d'amande douce, de fêne et de navette, ne s'enflamment point par l'acide nitreux seul, quelque concentré qu'il puisse être, et en quelque dose qu'on le mêle avec elle ; il faut pour qu'elles s'enflamment, ajouter l'acide vitriolique à celui du nitre. Ainsi par le moyen de l'acide nitreux, et de l'acide vitriolique, on peut enflammer presque toutes les huiles.

Un artiste pourrait imaginer des vaisseaux et des espèces de grenades qui puissent contenir ces feux liquides, comme disait Glauber, et les mettre en usage dans les opérations militaires. Mais quand on viendrait à-bout de disposer à son gré d'un élément aussi terrible que le feu, quel avantage en résulterait-il ? Pourrait-il demeurer secret ? Les hommes n'ont trouvé malheureusement que trop de moyens de se détruire. Mémoire de l'acad. des Sciences, année 1747. (D.J.)