A l'égard des laboureurs, ils mettent encore au nombre des blés plusieurs de ces grains que l'on seme au mois de Mars : comme l'orge, l'avoine, les pais, la vesce, etc. voyez ces mots ; mais pour les distinguer ils les qualifient de petits blés.

Le maïs et le sarasin sont encore des grains auxquels on donne le nom de blé ; l'un s'appelle blé de Turquie et blé d'Inde, et l'autre blé noir. Voyez BLE DE TURQUIE et BLE NOIR.

Il n'y a que l'Europe, mais non pas par-tout, l'Egypte, et quelques autres cantons de l'Afrique, le long des côtes de Barbarie, et peu d'endroits de l'Amérique défrichés et cultivés par les Européens, comme la nouvelle France, la nouvelle Angleterre et l'Acadie, qui produisent du blé.

Les autres parties du monde ont en place le maïs et le riz ; et même en quelques lieux des îles et du grand continent de l'Amérique, de simples racines, telles que sont les patates et le manioc. Voyez PATATE et MANIOC.

L'Egypte passait autrefois pour le pays le plus fertîle en blé. On sait par l'histoire sainte, en quelle réputation elle était sur ce point dès les premiers temps ; et l'on apprend par l'histoire profane, qu'elle en fournissait à une partie des peuples soumis à l'empire romain, et qu'on la nommait la mère nourrice de Rome et de l'Italie. La France, l'Angleterre et la Pologne semblent avoir pris la place de l'Egypte, et c'est de leur abondance et de leur superflu que la plupart des autres nations de l'Europe subsistent.

L'opinion commune est que dans les premiers siècles du monde on ne vivait que des fruits de la terre et de gland : quelques-uns ajoutent cette espèce de naisette que produit le hêtre, qu'ils prétendent avoir été appelé pour cela fagus en latin, du mot grec , je mange. Ils disent qu'on n'avait ni l'usage du blé, ni l'art de le préparer et de le rendre mangeable. Voyez BOULANGER.

On dit que c'est Cerès qui a fait connaître le blé aux hommes, ce qui la fit mettre au rang des dieux. D'autres attribuent cet honneur à Triptoleme, fils de Celée, roi des Eleusiniens. D'autres veulent que Cerès ait trouvé le blé, et que Triptoleme ait inventé l'art de le semer et de le cultiver.

Diodore de Sicîle dit que ce fut Isis ; sur quoi Polydore Virgile observe qu'il ne diffère point des autres, parce qu'Isis et Cerès sont la même. Les Athéniens prétendaient que c'était chez eux que cet art avait commencé. Les Crétais et les Siciliens aspiraient à la même gloire, aussi-bien que les Egyptiens. Quelques-uns croient que les Siciliens sont mieux fondés, parce que la Sicîle était la patrie de Cerès, et que cette déesse n'enseigna ce secret aux Athéniens, qu'après l'avoir appris aux Siciliens.

D'autres prétendent que Cerès passa d'abord dans l'Attique, de là en Crète, et enfin en Sicile. Il est cependant des savants qui soutiennent que c'est en Egypte que l'art de cultiver les blés a commencé ; et certainement il y avait des blés en Egypte et dans l'Orient longtemps avant Cerès. Voyez aux articles FROMENT, SEIGLE, EPAUTRE, METEIL, etc. le choix de la terre, la culture, et les autres parties de l'agriculture qui leur conviennent.

Pour conserver le blé, il faut le bien secher et le tenir net. Le grenier doit avoir ses ouvertures au septentrion ou à l'orient, et des soupiraux au haut. Il faut avoir soin de le travailler de quinze en quinze jours tout au moins, les six premiers mois : dans la suite il suffit de le cribler tous les mois. Après deux années il ne s'échauffe plus, et il n'a plus rien à craindre que de l'air et de l'humidité étrangère. Voyez GRENIER.

Peu de temps après le siege que soutint Metz sous Henri II. le duc d'Epernon fit faire de grands amas de grains dans la citadelle, qui se sont conservés jusqu'en 1707. Quoique la citadelle eut été bâtie sous Henri III. il y en avait un tas dans le magasin, avec lequel on fit du pain, dont le roi, le dauphin, et les seigneurs qui passèrent dans cette ville, mangèrent.

Une des choses qui contribue le plus à la conservation du blé, c'est la croute qui se forme sur toute la superficie par la germination des grains extérieurs, jusqu'à l'épaisseur d'un pouce et demi. On se promenait sur celui de Metz, sans que cette croute obéit. On a Ve à Sedan un magasin taillé dans le roc et assez humide, dans lequel il y avait un tas de blé très-considérable depuis 110 ans : il était revêtu d'une forte croute épaisse d'un pied.

Il y a des greniers à Châlons où l'on conserve le blé 30 ou 40 ans.

On choisit le plus beau blé, et du meilleur cru qu'il est possible. Après l'avoir travaillé, on en fait un tas aussi gros que le plancher le peut permettre : on met ensuite dessus un lit de chaux vive en poudre de trois pouces d'épaisseur ; puis avec des arrosoirs on humecte cette chaux, qui forme avec le blé une croute. Les grains de la superficie germent, et poussent une tige d'environ un pied et demi de haut, que l'hiver fait périr : on n'y touche point que quand la nécessité y oblige.

BLE DE TURQUIE, maïs, genre de plante dont la fleur n'a point de pétales : elle est composée de plusieurs étamines qui sortent d'un calice. Cette fleur est stérîle ; les embryons naissent séparément des fleurs : ils sont rassemblés en épis, et terminés par un long filet. Les épis sont enveloppés dans des feuilles qui leur servent de gaines. Chaque embryon devient une semence arrondie, anguleuse, et enchâssée dans l'un des chatons du poinçon qui soutient l'épi du fruit. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE.

Il y a du blé de Turquie en Bourgogne, en Franche-Comté et ailleurs. Il vient facilement, et c'est toujours un secours dans les famines. On en fait du pain assez sain. On en consomme considérablement dans l'Amérique, aux Indes et en Turquie. Il aime la terre grasse bien remuée, et les sillons larges : le froid lui est très-contraire. Quant à sa culture, Voyez AGRICULTURE.

BLE NOIR ou SARASIN, fagopyrum ; genre de plante dont la fleur n'a point de pétales : elle est composée de plusieurs étamines qui sortent d'un calice divisé en cinq parties. Le pistil devient dans la suite une semence triangulaire, renfermée dans une enveloppe qui a servi de calice à la fleur. Ajoutez aux caractères de ce genre, que les fleurs naissent en grappe ou en épi, et que les racines sont chevelues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez PLANTE. (I)

* Le sarrasin est plus commun en France que le blé de Turquie. Il ne sert qu'à nourrir la volaille. Les faisants en sont friands ; c'est pourquoi l'on en seme dans les bois et par-tout où l'on veut attirer ces oiseaux. Le pain et la bouillie qu'on en fait, sont noirs et amers, à moins qu'on n'y mêle d'autres grains. Le fourrage en est bon pour les vaches. Il vient dans toutes sortes de terres, et aime la sécheresse. Les labours lui sont avantageux, et on le seme en sillons. Les pierres et les cailloux ne l'empêchent pas de pousser. En semant de bonne-heure dans les pays chauds, on en fera jusqu'à deux récoltes par an. Quant à sa culture, c'est la même que celle des autres grains. Voyez AGRICULTURE.