Quand l'hiver a été moins rude et le printemps assez doux vers sa fin, les abeilles n'ont pu trouver assez tôt de quoi faire leur récolte : elles se sont excédées de fatigue, et n'ont pu remplir les ruches et engendrer ; l'un a nuit à l'autre, de manière qu'il n'en a pu résulter que peu ou point d'essaims.

Quand le printemps commence de bonne heure à faire sentir ses douces influences, les abeilles cessent d'être engourdies, la nature se réveille, et leur ardeur est inexprimable, quand les campagnes peuvent fournir à leur diligence. C'est en ces années-là que les ravages sont d'abord réparés, les gâteaux multipliés et allongés, et les cellules remplies de miel, à quoi succedent bientôt beaucoup d'essaims.

Quand le nombre des essaims est grand, la durée de l'apparition depuis le premier jusqu'au dernier est plus longue que quand le nombre est petit, comme nous l'avons déjà dit, parce que certaines ruches en donnent plusieurs dans la même saison. Nous devons, en ces années-là plus qu'en toutes les autres, porter plus d'attention à châtrer les ruches, et le faire à plusieurs reprises. 1°. parce que levant le miel dans toutes, le même jour ; si c'est trop tôt, nous détruisons la multiplication, puisque les abeilles cherchent dès-lors à réparer les pertes qu'elles viennent d'essuyer, par un travail opiniâtre qui nuit à la génération. 2°. On détruit inévitablement le couvain mélé en certaines ruches, avec le miel ; 3°. et le miel ainsi confondu, en acquiert un goût bien moins agréable. Il faut donc donner à nos abeilles le temps de peupler et reconnaître, en observant, celles qui ont donné des essaims, afin de les châtrer quand on jugera qu'un certain nombre de ruches en aura assez engendré.

J'ai remarqué, en voyant prendre les essaims, que certains entraient de bonne grâce dans les ruches qu'on leur avait préparées, et qu'ils y restaient. D'autres n'entraient qu'en partie ; ou s'ils entraient en entier, ils ne faisaient qu'aller et venir de la ruche à l'arbre où ils s'étaient d'abord accrochés. Ce dégoût pour les ruches était plus ou moins long en certains ; les uns s'arrêtaient après quelques heures, à celles qu'on leur avait présentées ; d'autres flottaient plus longtemps dans l'incertitude, et disparaissaient bientôt après ; d'autres entraient dans les ruches : on les plaçait, mais ils disparaissaient après quelques jours ; enfin, certains, après avoir commencé leurs rayons, abandonnaient leur besogne et leur demeure.

On pourrait croire que l'abandon de leur ruche était la marque du changement de patrie, ou que la mort avoir suivi leur établissement. Quelques soins que je me sois donnés pour découvrir la cause de ce changement, je n'ai jamais Ve que la mort l'eut produit ; il y a tout lieu de croire que les corps morts auraient été au pied de la ruche et dans les rayons, comme on les trouve dans les anciennes, quand la vieillesse ou d'autres causes la produisent. Je n'ai jamais Ve aussi, pendant plusieurs années que j'ai observé ces animaux, qu'ils aient changé de patrie : l'homme destiné à en avoir soin pendant toute l'année, et occupé uniquement au printemps à veiller à la sortie des essaims, à les loger et à les placer, n'a pu découvrir cette transmigration. Il est donc vraisemblable que ces essaims mécontens de leurs logements, ou par affection pour la maison paternelle, vont rejoindre leurs parents, qui, apparemment comme nous, sont toujours prêts à accueillir leurs enfants. Il semble sur ce pié-là que l'inconstance de la jeunesse et la tendresse des pères produisent ces déguerpissements.

Ne pourrait-on pas soupçonner quelqu'autre cause, en considérant les allées et les venues des essaims et leurs murmures dedans et dehors les ruches ? Ne semble-t-il pas que celles qu'on leur destine manquant par la grandeur (car les aromates dont elles sont parfumées devraient les y arrêter) en paraissent mécontens, après un examen assez long, à en juger par leurs mouvements contraires et bruyans ? Les uns trouvent la ruche trop grande pour loger la famille ; les autres, celle qu'on leur présente trop petite ; certains s'accommodent de celles qu'on leur offre, et la famille s'y loge, enfin, il en est qui s'étant d'abord accommodés du logement qu'on leur a offert, y travaillent ; mais soit inconstance, soit que la saison qui a suivi leurs premiers travaux, n'ait pu seconder leur ardeur, elles se sont découragées, après avoir reconnu apparemment qu'elles ne pouvaient remplir leurs premiers projets ; elles abandonnent la place avec un ou deux petits gâteaux déjà élevés. Je me confirmai dans cette opinion en 1757, où j'eus assez abondamment des essaims. J'avais fait construire des ruches pour les loger, plus grandes que les ruches-mères, croyant alors que celles-ci étant pleines et donnant des essaims, exigeaient des caisses pareilles ou plus grandes pour me procurer à l'avenir plus de miel, en y plaçant les plus gros. Je me trompai ; puisque quelque temps après, toutes ces ruches furent désertées, malgré les rayons que les essaims avaient déjà commencé d'élever ; au lieu que les petites ruches réussirent mieux. Il n'y eut que les plus petits essaims, qui étant les derniers nés, ne trouvèrent aucun logement convenable : la moindre de mes ruches était pour eux des palais trop spacieux ; tous déguerpirent, y étant peut-être déterminés par la difficulté des subsistances qui survint alors. On doit entrevoir de-là, que, ne voulant pas des petits essaims, il faut châtrer les ruches dès qu'elles ont donné des essaims, quand on reconnaitra qu'ils deviennent plus petits ; dès-lors elles chercheront plutôt à réparer leur perte qu'à engendrer ; et l'on éviterait de voir périr ces ruches-mères, suite ordinaire de l'épuisement. Si l'on veut cependant profiter de leur fécondité, il faut proportionner la grandeur des caisses à la grosseur des essaims ; en sorte qu'un essaim n'ayant que le quart de la grosseur d'un autre (telle était à-peu-près la proportion des grosseurs du plus petit au plus grand de mes essaims de l'année 1757), il faut que la capacité des caisses soit dans le rapport de 1 à 4 ; ou bien réunir plusieurs essaims, en ne conservant qu'une reine (chose si difficile) pour éviter la rébellion. Il semble cependant, selon ce que nous avons dit précédemment, que les essaims quittant leur ruche, et ne changeant pas de patrie, mais se réunissant avec leurs pères, leurs reines ne sont plus rébelles, et qu'elles inspirent au contraire à leurs sujets la paix et l'union. Leurs pères d'ailleurs sont vraisemblablement plus disposés à les recevoir, quand on leur a enlevé le miel : car, comme nous le dirons bientôt, il se fait pendant cette opération, une perte si considérable d'abeilles, que les ruches-mères en sont dépeuplées ; ce qui dispose les survivants à recevoir leur postérité dans le sein de la famille.

Nous devons avoir déjà entrevu que la grandeur des ruches doit être limitée. La pratique a fixé communément dans le climat de Narbonne, la grandeur et la figure à un prisme rectangulaire de 8 à 9 pouces de côté à sa base, sur environ 2 pieds 8 pouces de hauteur mesuré intérieurement. Sur quoi nous remarquerons que cette hauteur les expose plus aux vents que si elle était moindre, et exige des travaux plus longs et plus pénibles des abeilles qui portent les provisions dans les rayons.

On sait que les vents, surtout ceux d'hiver, les tourmentent beaucoup. Or, plus les ruches seront courtes, moins les secousses seront grandes, et moins les abeilles en souffriront. Il en résultera encore que les abeilles auront moins de chemin à faire dans les ruches pour porter les mêmes provisions que si elles étaient hautes ; et que le trajet étant plus court, elles y trouveront moins d'obstacles et moins de détours, que le prodigieux concours de ces animaux produit inévitablement entr'eux pour parvenir à leur but. Ils en fatigueront d'autant moins qu'ils emploieront moins de temps à porter leur fardeau plus pesant en montant.

Je n'ai qu'une observation pour appuyer l'avantage des ruches courtes ou basses. Je vois depuis huit ans que la seule que j'ai de 2 pieds de hauteur sur un calibre plus grand que celui des autres, a été constamment celle qui a porté le plus de miel. Nous devons défendre nos ruches, non-seulement contre les vents, mais encore contre le froid. Elles le craignent si fort, qu'elles tombent dans une espèce d'engourdissement proportionnel au degré de froid. J'avais cru, pour en mieux garantir les abeilles, devoir exposer mes ruches directement au midi. Je préparai pour leur postérité un local relativement à cette idée et à l'opinion générale *. Deux essaims y furent placés ; je suivis leur conduite ; je les voyais paresseux, tandis que les ruches voisines exposées au levant travaillaient avec ardeur. Leur paresse augmenta si fort que deux mois après ou environ, elles furent désertées, y ayant vécu pendant ce temps-là sans commencer leurs gâteaux. J'avais cru cependant ce local plus favorable que celui des autres ruches. J'eus donc lieu d'être surpris. D'où venait cette différence si contraire à mes vues ? non de l'exposition au midi, puisque l'expérience l'exige ; mais uniquement de ce que le soleil, comme je l'observai, n'éclairait ces deux ruches que bien long temps après son lever. Les abeilles ne sortaient que tard par cette raison ; tandis que celles exposées au levant, quoique voisines, apportaient avec diligence chaque jour, depuis quelques heures, leur miel et leur cire. Celles-ci profitaient de la rosée ou des transpirations des plantes abondantes alors ; et les autres ne commençaient leur travail que quand l'ardeur du soleil avait fait évaporer en grande partie cette humidité bienfaisante. Elles ne trouvaient presque plus alors des moyens d'extraire les sucs des plantes trop desséchées pour elles, et ne pouvant y pomper qu'avec peine, elles n'amassaient que pour vivre sur le courant, sans pouvoir faire des provisions. Aussi j'apercevais presque chaque jour diminuer l'affluence aux deux ruches. Enfin elles déguerpirent entièrement. Je me confirmai dans le sentiment, que cette exposition était mauvaise par ce qui m'est arrivé pendant plusieurs années de suite. Deux ruches étaient exposées dans le même alignement de mes deux essaims. Des jeunes arbres naquirent et s'élevèrent au derrière qui auparavant était net ; on négligea d'y remédier, les ruches ne recevaient que tard les rayons du soleil ; leur fécondité diminua, et il m'est arrivé qu'elles n'ont plus donné du miel jusqu'à ce qu'elles ont été rangées à la ligne des autres.

Il est d'autres attentions qu'il faut porter pour elles. On doit tenir bouchées exactement les ruches, aux petits passages près à laisser aux abeilles, pour entrer et sortir, afin de les préserver des ardeurs du soleil, des vents et du froid. Nos ruches n'y sont gueres propres, puisqu'elles ne sont que quatre ais de sapin verd et mince cloués entr'eux, qui se fendant aux premières impressions de l'air, laissent à-travers les fentes les abeilles exposées aux intempéries du temps. On prend soin alors (on le doit prendre assidument) de les boucher, en les enduisant avec de la fiente de bœuf détrempée avec de l'eau. On s'en soulagerait, en se servant de ruches faites de troncs d'arbres creusés, desséchés et parfumés avec des aromates. On leur assurerait ainsi une demeure tranquille, à l'abri des temps fâcheux, et par surcrait de bonheur, une plus longue vie, que la destruction des ruches avec ces ais de sapin abrège trop souvent. C'est en vain qu'on se promettrait de remédier à cette perte en voulant contraindre ces pauvres vieux animaux à passer dans de nouvelles ruches. Car, soit attachement à leur ancienne maison, soit faiblesse de l'âge, elles ne peuvent s'accoutumer à changer et recommencer ailleurs leurs logements ; elles périssent dans ces travaux, devenus plus onéreux par le dégout. Je l'éprouvai sur deux ruches qui s'écroulaient. Je voulus contraindre leurs habitants à en prendre de nouvelles bien préparées. On eut assez de peine à les y faire passer ; on les plaça enfin au même endroit : mais bientôt elles périrent, quoique l'opération fut faite en même temps qu'on levait le miel des autres, c'est-à-dire dans la belle saison, propre à les engager à élever leur édifice. On ferait bien, quand cette destruction des ruches est près, de les enfermer chacune toute entière dans une plus grande, qui les conserverait plus longtemps et déterminerait peut-être les abeilles à s'attacher à la nouvelle, pour y recommencer leurs travaux quand la vieille croulerait.

De la confection du miel. On l'amasse ordinairement dans le diocèse de Narbonne et dans le Roussillon une fois chaque année, et quelquefois deux quand l'année est favorable. La première récolte se fait vers le commencement du mois de Mai, et la seconde dans le mois de Septembre. Le miel du printemps est toujours le plus beau, le plus blanc, et le meilleur. Celui de Septembre est toujours roux. Le degré de beauté et les autres qualités dépend de l'année. Un printemps doux donnant beaucoup de fleurs et de rosées, est le plus favorable pour le rendre parfait.

Pour l'amasser, on ôte le couvercle de la ruche, arrêté sur les montants avec des cloux, de façon à l'ôter aisément, et recouvert d'une pierre plate, telle qu'elle puisse défendre la ruche contre la pluie. On tâche en même temps d'introduire de la fumée par-là en soufflant constamment sur des matières allumées et propres à l'exciter. On contraint ainsi les

* On prépare le local pour les ruches, en y plaçant des pierres plates de niveau, plus grandes chacune que la base de la ruche, la ratissant quelques pouces à l'entour, afin qu'aucun obstacle n'empêche les abeilles d'y aborder librement en tout temps.

abeilles attachées à élever ou remplir les gateaux, de descendre vers le bas de la ruche qu'on veut leur conserver. Dès qu'on juge avoir rempli cet objet, on châtre avec un fer tranchant leur nouveau travail ; on l'enlève et le dépose de suite dans des vases qu'on recouvre de manière à empêcher que les abeilles puissent y reprendre ce qu'elles viennent de perdre, et les préserver en même temps de leur perte où les entraîne leur insatiabilité naturelle, en les excitant à s'enfoncer dans le volume perdu pour elles.

Les vases pleins, on les porte où le miel doit être séparé des rayons entremêlés, et l'on suspend dans ces endroits, un, deux, etc. paniers, en forme de cone tronqué, ouverts par la grande base ayant deux anses diamétralement opposées, dans lesquelles on passe un bâton, par où l'on suspend chaque panier dans un grand vase de terre sur les bords duquel les deux bouts du baton reposent, et dans lequel le panier doit être au large. On remplit ensuite le panier du miel et des rayons entremélés, qu'on prend soin de briser à mesure ; il découle à-travers tous les vides du panier le miel qui, tombant dans le fond du vase, en sort en filant dans un autre vase mis au-dessous pour le recevoir. Cette pratique n'est pas sans de grands inconvéniens. Le premier et le plus grand de tous vient de ce qu'on ne peut, quelque soin qu'on se donne, chasser toutes les abeilles hors des gâteaux qu'on veut châtrer ; il en reste toujours beaucoup, malgré la fumée qu'y chasse en soufflant un homme qui tient à la main des matières propres à en fournir ; en sorte que celui qui châtre, tue, malgré lui, une partie des opiniâtres avec son fer tranchant, et noie les autres dans le vase où il dépose le miel ; il en est peu de celles-ci qui se sauvent malgré leurs mouvements pour se dégager du gouffre où elles sont englouties. Enfin, elles succombent après des longs et vains efforts. Il en est pourtant parmi elles qui, peu enfoncées, pourraient se dégager ; mais soit avidité, soit défaut de conduite, la plupart s'embourbent plus fort. Enfin mélées, et comme pétries par ceux qui remplissent les paniers, elles périssent ; le miel en reçoit apparemment un goût désavantageux, augmenté par le couvain, quand il y en a, selon la durée de l'écoulement.

Un autre inconvénient vient de l'indifférence qu'on a de mettre, sans distinction, dans les vases tout le miel à mesure qu'on le tire des ruches ; quoique les gâteaux soient de différentes nuances du blanc au roux, certains tirant sur le noir. On ferait bien de faire choix de ces divers gâteaux, et de mettre chaque qualité à part pour le faire couler séparément ; ou bien mélant tout, pour aller plus vite en besogne (car les abeilles tâchent de regagner l'emplacement qu'elles ont quitté par la force de la fumée) il faut séparer sans délai du vase où tout aura été confondu, le beau de celui qui ne l'est pas. On pourrait en même temps occuper des gens à sauver du naufrage les abeilles qui semblent s'y précipiter, en tirant avec leurs doigts ces pauvres animaux, qui, en les mettant en lieu sec, se dégageront en marchant du miel dont elles se sont enduites, et s'envoleront. Cette voie, quoiqu'utile, ne peut que diminuer faiblement la perte, parce que, malgré nos empressements, on ne saurait fouiller dans les vases sans engloutir de plus fort celles qu'on voudra sauver.

Tout cela nous montre le défaut de l'opération de lever le miel, en ce qu'il n'y a pas assez de fumée pour chasser tous ces animaux. Le souffle de l'homme ne suffit pas contre les opiniâtres au moyen de la fumée. Il faudrait donc tâcher d'en augmenter le volume. C'est à quoi l'on parviendra par l'expédient suivant. Employons un soufflet qui, par son aspiration, reçoive dans sa capacité la fumée qu'on excitera dehors, et qui par sa compression la chasse dans la ruche. Il s'agit donc d'un moyen pour introduire la fumée du soufflet, à quoi me parait très-propre un petit poêle, semblable à ceux de nos appartements, ayant comme eux un tuyau destiné à porter la fumée dont le bout d'en haut s'emboitât dans l'ouverture du paneau où sera la soupape du soufflet. On mettra ensuite sur la grille quelque petite braise recouverte de quelque matière propre à fumer, comme sont les plantes vertes, la fiente de bœuf, etc. Après quoi faisant aspirer le soufflet, et l'ouverture du poêle ouverte, l'air extérieur soufflera la braise ; la fumée s'excitera, et montera par le tuyau, dans le soufflet qu'on suppose arrêté fixement au fourneau, sur trois bras de fer en trépié assez hauts, afin que le canon du soufflet porte la fumée à sa destination. Ce qui exige que le couvercle de la ruche soit percé dans son milieu d'un trou rond, et propre à recevoir exactement le bout du canon, qui, à cause de cela, doit être coudé. L'opération faite, on pourra retirer le canon de ce trou, qu'on bouchera pour remettre de suite le couvercle à sa place.

Au moyen d'un pareil soufflet, on pourra porter autant et si peu de fumée qu'on voudra dans la ruche, et par la force de la compression, forcer les abeilles à se retrancher vers le fond, ou d'en sortir. On peut commencer cette fumigation avant que d'ouvrir la ruche, et la continuer à l'aise pendant que l'on en levera le miel sans embarrasser l'opérateur. Nous aurons ainsi le temps de choisir à notre aise les gâteaux, en séparer les différentes couleurs, et par-dessus tout, sauver la vie à un grand nombre d'abeilles.

Il doit paraitre singulier que les gâteaux étant élevés ordinairement en même temps dans une ruche, soient si différemment nuancés, quoique ce soit les mêmes matières et les mêmes ouvrières qui les ont formés. Ne peut-on pas attribuer en partie ces différentes couleurs aux différents volumes des gâteaux que laisse l'homme qui lève le miel, selon qu'il l'entend, et relativement à la constitution de l'année ? Il tranche profondément quand les ruches sont pleines, jusqu'à la croix faite de deux bâtons, toujours mise au milieu de la ruche, et traversant les quatre ais. L'expérience a fait voir qu'il ne faut jamais s'enfoncer plus bas, et souvent moins, parce que la sécheresse du printemps est ordinaire en ce climat. Par où l'on voit qu'il est des années où l'on retranche des morceaux des vieux gâteaux qu'on avait eu raison d'épargner l'année précédente. Ce long séjour leur donne une couleur jaune. Ce qui le prouve sont les gâteaux sous la croix qu'on ne détruit pas ; ils sont roux de plus en plus, jusqu'à devenir presque noirs à mesure qu'ils vieillissent. J'ai remarqué d'ailleurs que le miel des essaims est toujours le plus blanc ; ce qui confirme de plus en plus que les différentes couleurs des gâteaux dans la même ruche viennent de leurs différents âges. Il y a apparence que le miel de l'automne étant toujours roux, contracte, indépendamment de la qualité des fleurs, cette couleur par le chaud de l'été, qui agit sur les gâteaux que les abeilles se sont empressées d'élever d'abord après qu'on leur a enlevé le miel du printemps. Cela nous conduit à conseiller de plus fort de lever le miel à reprises, en commençant toujours par les ruches qui ont donné les premiers essaims, afin d'éviter son séjour trop long dans les gâteaux, où il contracte par-là une couleur moins belle, et un goût moins agréable.

Lorsqu'il ne découle plus du miel de nos vases ; nous croyons l'avoir tout tiré, et l'on porte ce que contiennent les parties dans une chaudière pour en faire la cire. Il est pourtant certain que cet entassement des gâteaux qui ont été lacerés, malgré les grands vides qu'ils laissent entr'eux dans les paniers, n'ont pu suffire pour laisser écouler tout le miel de l'entredeux : de sorte que ce qui y reste se perd dans les eaux dans lesquelles on fait fondre la cire. On le gagnerait sans doute par des lotions avec de l'eau, qui, mêlées avec celles où les gens qui font le miel lavent leurs mains, produiraient ensemble une eau emmiellée, qu'il faudrait réduire ensuite à une certaine consistance par l'action du feu, afin qu'elle se conservât pour servir de nourriture aux abeilles pendant l'hiver. On peut encore extraire ce miel par expression, en mettant dans un sac de toîle claire à diverses reprises, et partie par partie, ce qui est dans les paniers pour le faire presser. Le peu qui en découlera sera roux, et de la dernière qualité. On peut en extraire un plus grand volume, et l'avoir bien moins roux, si l'on donne des passages libres à ce miel afin qu'il coule vite, et afin qu'il reste moins de temps mêlé avec la matière qui compose les gâteaux. Je voudrais à cette fin qu'on se servit d'une caisse plus grande, mais semblable à celles de ces grandes rapes carrées longues avec lesquelles on rape le tabac, et qu'on mit à la place du châssis mobîle qui porte la feuille de tole ou de fer-blanc, un châssis en bois à haut bord avec des fils de fer arrangés entr'eux sur le fond à la place de la grille de tole, comme ils le sont aux cribles avec trémie pour le blé ; sur lesquels déposent le résidu des gâteaux en couche mince ; on verrait découler dessous dans la caisse le miel entremêlé, d'où il s'écoulerait en inclinant la machine dans un vase mis au-dessous. Ce même crible, ou plusieurs ensemble, serait favorable pour hâter l'écoulement de tout le miel. Il en résulterait sans doute plus de beauté en diminuant la durée du mélange avec la matière des gâteaux. S'il passait plus de parties de cire par ce crible, mêlées avec le miel, qu'il n'en passe par la méthode ordinaire, on aurait la même ressource qu'on a en celle-ci, d'écumer et de faire filtrer les écumes en les remettant sur les parties qui resteront sur le crible.

Il nous reste à conseiller un autre épurement du miel que j'ai Ve faire à une personne à qui j'en avais envoyé un barril ; quoiqu'il fût beau, elle voulut l'avoir encore plus beau, et le filtra au moyen d'une toîle de canevas ; il en devint en effet bien plus beau ; le canevas arrêta des parties mêlées de plusieurs couleurs, qui n'avaient pu s'en séparer sans cela. Ce que j'en ai Ve m'a déterminé de faire à l'avenir quelque chose de semblable. J'ai fait faire deux chausses d'hipocrat de canevas, dont l'ouverture de chausse est un cercle de bois d'environ quatre pouces de diamètre, autour duquel j'ai attaché chacune ayant environ un pied de longueur. J'ai attaché aussi sur le cercle une anse de ruban de fil par lequel je veux suspendre cette chausse au col du vase où loge le panier, et par où coule le miel qui en sort. En passant dans cette chausse, il y déposera les saletés et les écumes qu'on videra, à mesure qu'elles s'y entasseront, ou dans les paniers ou dans les cribles que je propose, ou dans une autre chausse, tandis que le miel épuré tombera dans le vase au-dessous. Article de M. BARTHES le père, de la Société royale des sciences de Montpellier.

MOUCHES A MIEL du continent des îles de l'Amérique. Elles sont plus petites et plus noires que celles de l'Europe, errantes et vagabondes dans les bois, cherchant des troncs d'arbres creusés pour y établir leur demeure ; leur miel est toujours liquide comme du sirop, ce qui provient, sans doute, de l'extrême chaleur du climat ; c'est pourquoi ces mouches ont soin de l'enfermer dans des espèces de vessies, bien jointes les unes auprès des autres, et disposées à-peu-près comme les alvéoles que font nos abeilles.

La cire qu'elles emploient dans leur travail est d'un noir un peu roussâtre, très-fine, très-douce au toucher, et s'étendant facilement entre les doigts, ce qui la rend très-propre pour tirer fort exactement les empreintes des pierres gravées en creux. Les moines de la nouvelle Espagne et de la côte de Carac s'en servent pour faire des cierges, qui donnent une lumière fort triste : on en fait aussi des petits emplâtres pour ramollir les durillons et corps des pieds. Les Caraïbes en composent une espèce de mastic, qu'ils appellent many, servant à différents usages. Voyez l'article MANY.

Cette cire est connue dans les Antilles sous le nom de cire de la Guadeloupe, d'où on l'apporte à la Martinique pour en faire des bouchons de bouteille ; elle ne blanchit jamais, pas même en la faisant bouillir dans une forte dissolution d'alkali fixe ; elle y prend seulement une couleur brune, ses parties perdent leur liaison, et elle devient séche et friable ; si, après l'avoir lotionnée plusieurs fois dans de l'eau bouillante, on la fait liquefier sur le feu, elle reprend sa couleur noire ; mais elle n'a plus sa première qualité, et se trouve fort altérée, l'alkali ayant décomposé une portion de son huîle constituante. M. LE ROMAIN.

MOUCHE GUEPE, voyez GUEPES.

MOUCHE PORTE-LANTERNE, voyez PORTE-LANTERNE.

MOUCHE BALISTE ; on nous en a envoyé la description suivante de Lizieux ; cette mouche, la seule que j'aye Ve de son espèce, dit M. l'abbé Préaux, avait seize ou dix-sept lignes de long, sur à-peu-près deux lignes de diamètre dans la plus grosse partie de son ventre ; la tête brune, le dos d'un verd olive, et le ventre rouge de grenade, partagé dans sa longueur d'une ligne jaune : elle a quatre ailes attachées à un corcelet ; mousse dans sa partie postérieure. (Nous n'avons pu en insérer ici la figure.) J'étais à la chasse, dit l'auteur, lorsque je pris cet insecte. La chaleur m'avait contraint de m'asseoir à l'ombre d'un chêne : je sentis un petit corps me frapper le visage, ce qui me fit lever la vue : j'aperçus une grosse mouche de l'espèce que les enfants nomment messieurs, pour la distinguer d'une autre espèce de demoiselles beaucoup plus petite, qui nait de la chrysalide du fourmi-lion. Cet animal volait avec une très-grande rapidité autour de l'arbre, et je ne fus pas longtemps à m'apercevoir qu'il réglait son vol sur les tours et les détours d'un autre insecte plus petit qui fuyait devant lui. Pendant que je considérais ce combat, je reçus sur le front un coup semblable au premier qui m'avait touché un moment auparavant, et cela dans l'instant où la mouche poursuivie et son ennemi, passaient à-peu-près à la hauteur de ma tête. Je dis son ennemi, parce que je connais les messieurs très-friands des autres mouches ; j'ignore cependant s'ils mangent indifféremment tous les insectes volans. Je ne sais trop sur quel soupçon je pris mon mouchoir pour abattre le plus gros des deux insectes, il m'échappa, mais je frappai la mouche, qui tomba au pied de l'arbre. L'ayant prise par les ailes je la considérais, lorsqu'après avoir retroussé son corps vers les doigts où je la tenais, comme pour me piquer, elle le rabaissa d'un mouvement aussi subit que celui d'un ressort qui reprend sa ligne. Ce jeu se répéta trois ou quatre fois sans que j'eusse lieu de deviner quel en était l'objet ; mais un petit corps qui me tomba sur l'autre main m'ayant rendu plus attentif aux mouvements de ma mouche, que je nommerai si vous le voulez, mouche baliste, de , je lance, je vis qu'en se recourbant sur elle-même, les anneaux de son ventre se rétrécissaient en rentrant un peu les uns dans les autres, et l'insecte se raccourcir et s'enfler en proportion de sa contraction. Dans cet état un mouvement vermiculaire qui se fit de la partie antérieure du ventre vers la postérieure, apporta à l'anus, dont l'orifice se partagea en deux dans la longueur d'une ligne, un globule verd olive qui s'arrêta dans cette partie : il paraissait retenu et pressé comme l'est un noyau de cerise par les doigts d'un enfant qui veut en frapper un objet. Alors le corps de l'animal reprenant son état naturel avec la même élasticité que j'avais déjà remarquée, je reçus dans la main, que je présentai à dessein, le petit corps que j'avais aperçu. Comme il fut lancé avec tant de force, et bondit sur ma main avec tant de vitesse que je ne pus le retenir, il tomba et se perdit dans l'herbe. Ne voulant pas risquer une nouvelle perte, je fis un cornet de papier, tins ma baliste au-devant de l'ouverture, et je reçus après les mêmes procédés de sa part, douze ou quinze petits boulets.

Les forces et peut-être les armes lui manquant pour sa défense, elle cessa de tirer. Un autre cornet me servir à enfermer l'animal, pour me donner le loisir d'examiner ce que contenait le premier. J'eus lieu de croire que c'était des œufs : ils étaient moins oblongs que ceux des oiseaux, et de la grosseur d'une tête de grande épingle. J'en écrasai quatre, ils étaient fort durs, et pleins d'une matière rouge et épaisse. Je gardai ce qui m'en restait, les mis ainsi que la mère dans ma poche, en me promettant de nouveaux plaisirs à mon retour ; mais en arrivant chez moi, après quelques heures de chasse, je vis avec un vrai chagrin, que j'avais perdu mes deux cornets. J'ai bien des fois depuis cherché aux environs de mon chêne et dans le canton, à réparer cette perte, que je regrette véritablement ; mes recherches ont été infructueuses.

Peut être cet animal, que tous mes soins n'ont pu me procurer une seconde fois dans le pays que j'habite, est-il commun ailleurs. Quoi qu'il en sait, je ne puis me lasser d'admirer les vues de la nature sur cette mouche singulière ; mais j'avoue que j'ai quelque peine à concilier des desseins qui semblent si opposés ; car en supposant que ces petits boulets soient les œufs de la baliste, comme la matière qu'ils contiennent m'a porté à le soupçonner, le moyen d'imaginer que cet insecte, quand il se sent en danger, se serve de ses œufs pour se défendre contre l'ennemi qui le presse ? Cela ne s'accorde pas avec l'amour que la nature a donné généralement aux animaux pour leurs petits et pour leurs œufs : le plus faible oiseau se livre au chien ou au tiercelet qui approche de son nid ; et l'amour de sa famille naissante ou prête à naître, lui fait oublier sa propre conservation. Je sai que les insectes ne couvent point les œufs, et par cette raison y sont moins attachés que les oiseaux ; mais au moins les déposent-ils dans des lieux où ils éclosent en sûreté. La baliste en cela bien différente, si je puis juger sur ce que j'ai vu, se sert des siens pour combattre et se défendre ; elle les lance contre l'ennemi pour retarder son vol et ralentir sa poursuite. Je sens qu'on peut répondre que prête à périr, la baliste connaissant que sa mort sera celle des petits qu'elle porte, se décharge d'un fardeau qui l'appésantit, qu'elle peut n'avoir d'autre dessein que de se rendre plus légère et sa fuite plus rapide ; que d'ailleurs elle sait que ses œufs ne seront pas perdus, que la chaleur de la terre les fera éclore, et que de cette ponte forcée dépend le salut de la mère et de sa famille. Je ne sai si la singularité de la chose me séduit ; mais il me semble que pour tout cela, il suffirait que l'insecte poursuivi, laissât tomber ses œufs. Tous les mouvements que je vous ai décrits, cette force avec laquelle l'animal se contracte, cette vitesse avec laquelle il se détend, cette petite pincette enfin qui retient et presse l'œuf un instant avant que de le lancer pour en rendre le jet plus rapide, tout cela, dis-je, serait autant d'inutilités, si la baliste n'avait d'autre objet que de se délivrer d'un poids incommode, ou de sauver sa famille ; or l'expérience nous apprend que la nature ne fait rien inutilement. De plus, quand on admettrait pour un moment que la baliste se débarrasse de ses œufs pour fuir plus facilement, et qu'elle sait que la chaleur de la terre les fera éclore, cela sera bon pourvu que les œufs soient arrivés au terme d'être pondus ; et alors il faudra supposer, ce qui est absurde, que la demoiselle de la grande espèce ne fait la guerre à la baliste que quand elle est prête à faire sa ponte ; ou, ce qui ne sera pas beaucoup plus satisfaisant, qu'elle devient la proie de son ennemi lorsqu'elle n'est pas à temps de se délivrer de ses œufs.

MOUCHE, (Science microscop.) la seule mouche commune est ornée de beautés qu'on ne peut guère imaginer sans le microscope. Cet insecte est parsemé de clous depuis la tête jusqu'à la queue, et de lames argentées et noires ; son corps est tout environné de soies éclatantes ; la tête offre deux grands yeux cerclés d'une bordure de poils argentins ; elle a une trompe velue pour porter sa nourriture à la bouche, une paire de cornes, plusieurs touffes de soie noire, et cent autres particularités. Le microscope nous découvre que sa trompe est composée de deux parties qui se plient l'une sur l'autre, et qui sont engainées dans la bouche ; l'extrémité de cette trompe est affilée comme un couteau, et forme une espèce de pompe pour attirer les sucs des fruits et autres liqueurs.

Quelques mouches plus légérement colorées, et plus transparentes que les autres, font voir distinctement le mouvement des boyaux qui s'étend depuis l'estomac jusqu'à l'anus, ainsi que le mouvement des poumons qui se resserrent et se dilatent alternativement ; si on disseque une mouche, on y découvre un nombre prodigieux de veines dispersées sur la surface des intestins ; car les veines étant noirâtres et les intestins blancs, on les aperçoit clairement par le microscope, quoiqu'elles soient deux cent fois plus déliées que le poil de la barbe d'un homme. Selon Leeuwenhoek, le diamètre de quatre cent cinquante de ces petites veines, était à peu-près égal à celui d'un seul poil de sa barbe.

Dans plusieurs espèces de mouches la femelle a un tube mobîle au bout de sa queue ; en l'étendant elle peut s'en servir pour porter ses œufs dans les trous et les retraites propres à les faire éclore. Il vient de ces œufs de petits vers ou magots, qui après avoir pris leur accroissement, se changent en aurélies, d'où quelque temps après, ils sortent en mouches parfaites.

Je ne finirais point si je voulais parcourir toutes les différentes sortes de mouches que l'on trouve dans les prairies, les bois et les jardins : je dirai seulement que leur décoration surpassent en luxe, en couleurs et en variétés, toute la magnificence des habits de cour des plus grands princes. (D.J.)

MOUCHE-DRAGON, oeil de la (Science microsc.) la mouche-dragon est peut-être la plus remarquable des insectes connus, par la grandeur et la finesse de ses yeux à réseau, qui paraissent même avec les lunettes ordinaires dont on se sert pour lire, semblables à la peau qu'on appelle de chagrin. M. Leeuwenhoek trouve dans chaque oeil de cet animal 12544 lentilles, ou dans les deux 25088 placées en exagone ; en sorte que chaque lentille est entourée de six autres ; ce qui est leur situation la plus ordinaire dans les autres yeux de mouche. Il découvrit aussi dans le centre de chaque lentille une petite tache transparente, plus brillante que le reste, et il crut que c'était la prunelle par où les rayons de lumière passaient sur la rétine ; cette tache est environnée de trois cercles, et parait sept fois plus petite que le diamètre de toute la lentille. On voit dans chacune de ces surfaces lenticulaires extrêmement petites, autant d'exactitude pour la figure et la finesse, et autant d'invention et de beauté que dans l'oeil d'une baleine et d'un éléphant. Combien donc doivent être exquis et délicats les filaments et la rétine de chacune de ces lentilles, puisque toute la peinture des objets qui y sont représentés doit être plusieurs millions de fois moindre que les images qui se peignent dans notre oeil.

MOUCHE-GRUE (Science microsc.) cette mouche nommée par Aldrovandi, culex maximus, et par le vulgaire, père à longues jambes, présente plusieurs choses dignes de remarque. Ses pieds disséqués dans une goutte d'eau, sont un tissu de fibres charnues qui se resserrent et s'étendent d'une manière surprenante, et qui continuent leur mouvement trois ou quatre minutes. Leeuwenhoek dit n'avoir vérifié cette observation que dans les pieds de ce seul insecte. Ses intestins sont composés d'un nombre prodigieux de vaisseaux, qu'on peut voir aussi clairement avec le microscope qu'on voit à la vue simple les entrailles des plus grands animaux. La queue de la mouche-grue femelle se termine par une pointe acérée, dont elle se sert pour percer la terre et déposer ses œufs sous le gason. (D.J.)

MOUCHE CANTHARIDE, (Histoire naturelle Mat. med.) Voyez CANTHARIDE.

MOUCHE, en terme de Découpeur ; c'est un morceau d'étoffe de soie, velours, satin, ou autre, taillé en rond, en cercle, ou autre figure, que les dames mettent sur leur visage par forme de parure et d'ornement ; la mouche est gommée en-dessous.

MOUCHE, le jeu de la mouche ; on ne peut guère savoir au juste d'où nous vient ce jeu, ni ce qui l'a fait nommer mouche. Nous ne nous arrêterons pas à donner de son origine et de son nom des raisons très-incertaines, et qui pourraient par conséquent n'être que fort peu satisfaisantes. Ce jeu tient beaucoup de la triomphe par la manière de le jouer, et a quelque chose de l'hombre dans la manière d'écarter, qui diffère cependant en ce qu'à l'hombre, ceux qui ne font pas jouer écartent après celui qui fait jouer, et qu'à la mouche tous ceux qui prennent des cartes au talon sont censés jouer.

On joue à la mouche depuis trois jusqu'à six. Dans le dernier cas un jeu de piquet ordinaire suffit. Il y a même des joueurs qui ôtent les sept ; mais dans le second, il est nécessaire qu'il y ait toutes les petites cartes pour fournir aux écarts qu'on est obligé de faire, et afin qu'il en reste au talon, outre la carte retournée, de quoi en donner aux moins trois à chaque joueur, si tous veulent aller à l'écart. On voit à qui fera ; l'on prend des jetons que les joueurs fixent tant pour le nombre que pour la valeur, et celui qui fait après avoir donné à couper, donne cinq cartes à chacun, par une, par trois, par cinq même, s'il le veut, quoique cette dernière façon soit moins honnête. Il retourne ensuite la carte qui est la première sur le talon, et qui reste sur le tapis pour être la triomphe pendant le coup.

Le premier après avoir Ve son jeu est maître de s'y tenir, c'est-à-dire de garder les cartes qu'il a dans sa main sans aucun échange, ou de prendre une fois seulement autant de cartes qu'il lui en faut, cinq même s'il le veut ; et il peut passer s'il n'a pas beau jeu. Ainsi du second, du troisième, etc.

Celui qui demande des cartes du talon est toujours censé jouer, et celui qui a pris des cartes, et n'a point fait de levée, fait la mouche. Voyez MOUCHE. Lorsqu'il y a plusieurs mouches faites dans le même coup, ce qui arrive souvent lorsqu'on est six, elles vont toutes à la fais, à moins que l'on ne convienne de les faire aller séparément.

Il n'y a que celui qui mêle les cartes qui mette au jeu le nombre de jetons fixé ; et par conséquent celui qui fait la mouche la fait d'autant de jetons qu'il y en a au jeu.

Celui qui n'a point jeu à jouer ni à prendre des cartes, met son jeu avec les écarts, ou sous le talon. Celui qui fait jouer sans avoir recours au talon, dit seulement je m'y tiens. Les cartes se jouent comme à la bête, et chaque levée qu'on fait vaut un jeton, deux quand la mouche est double, trois quand elle est triple, ainsi du reste. Si les cinq cartes de quelque joueur sont d'une même couleur, c'est-à-dire cinq piques, cinq treffles, etc. quoique ce ne soit point de la triomphe, ce joueur a la mouche sans jouer. Si plusieurs joueurs avaient la mouche dans le même coup, la mouche de la triomphe gagnerait, et à son défaut, celle qui serait la plus haute en point. Pour cela on compte l'as, qui Ve immédiatement après le valet, pour dix points, les figures pour dix, et les autres cartes pour ce qu'elles marquent. En cas d'égalité par-tout, c'est la primauté qui gagnerait.

Celui qui a la mouche n'est point obligé de la dire quand on le lui demande, mais doit accuser juste : s'il répond oui, ou non, après que celui qui a la mouche a dit je m'y tiens, les autres joueurs sans réflexion vont leur train à l'ordinaire.

Le premier qui a la mouche lève tout ce qu'il y a au jeu, et gagne même toutes les mouches qui sont dû.s ; et ceux qui continuent de jouer après la mouche découverte, font une mouche sur le jeu, sans pour cela qu'il soit besoin de jouer. C'est pourquoi il est souvent de la prudence de demander à ceux qui s'y tiennent s'ils sauvent la mouche, et les observer alors ; car ils ont souvent peine à cacher leur jeu, et se font connaître par leur air satisfait.

Celui qui se tient à ses cartes doit pour son avantage particulier ne point répondre à ceux qui lui demandent s'il sauve la mouche, et les laisser croire qu'il l'a dans son jeu, parce que nous avons dit plus haut que quand on répond, il faut accuser juste. Cependant un joueur bien assuré de son jeu, peut sauver la mouche pour engager les autres à s'en mettre, et leur faire faire la mouche à tous.

Celui qui renonce fait la mouche d'autant de jetons qu'elle est grosse, de même que celui qui pouvant prendre une carte jouée en en mettant une de la même couleur, ou en coupant, ou surcoupant.

Qui serait surpris tricher au jeu, ou reprendre des cartes de l'écart pour s'accommoder, ferait la mouche, et ne jouerait plus. Celui qui donne mal, remêle sans autre peine ; ce qui ne se fait pas pour une simple carte retournée à cause des écarts.

MOUCHE, au jeu de ce nom, c'est cinq cartes de même couleur qui se trouvent dans une même main. Un joueur qui a la mouche lève tout le jeu, sans qu'il soit nécessaire de jouer.

MOUCHE DOUBLE, au jeu de ce nom, c'est celle qu'on fait du jeu et des autres mouches qui sont avec lui, et qui doivent être gagnées dans le même coup que lui.

MOUCHES SIMPLES, au jeu de ce nom, ce sont celles qu'on fait sur le jeu seulement, n'y ayant avec lui aucune autre mouche.

MOUCHE DE TRIOMPHE, au jeu de mouche, est la première de toutes les mouches, parce qu'elle est de la couleur de la triomphe, et qu'elle emporte toutes les autres, quand elles seraient même plus hautes en point qu'elle.

MOUCHE, se dit encore à ce jeu de ce que doit payer celui qui, ayant pris des cartes de l'écart, n'a pu faire une seule levée.

MOUCHE, SAUVER LA, signifie, au jeu de la mouche, garantir les autres joueurs de la mouche, en leur protestant qu'on ne l'a point.