En effet chaque graine contient une petite plante déjà formée, et qui n'a besoin que de développement : cette petite plante a la petite racine ; et la pulpe, qui est ordinairement séparée en deux lobes, est l'endroit d'où la plante tire sa première nourriture par le moyen de sa racine, lorsqu'elle commence à germer. Voyez GRAINE, RADICULE, etc.

Or si une graine est placée en terre de telle sorte que la racine de la petite plante soit directement en bas, et la tige en haut, il est aisé de concevoir que la plante venant à croitre et à se développer, la tige se levera perpendiculairement, et que sa racine descendra aussi perpendiculairement. Mais une graine qu'on jette en terre au hasard, ou qui vient s'y jeter elle-même, ne doit presque jamais prendre une situation telle que la petite plante qu'elle renferme ait sa tige et sa racine placées perpendiculairement, l'une en haut, l'autre en bas. Voyez SEMINATION.

Par conséquent si la plante prend toute autre situation, il faut que la tige et la racine se redressent d'elles-mêmes : mais quelle est la force qui produit ce changement ? est-ce que la tige étant moins chargée dans le sens perpendiculaire, doit naturellement se lever dans le sens où elle trouve le moins d'obstacles ? Mais la racine devrait, par la même raison, se lever perpendiculairement de bas en haut, au lieu de descendre comme elle fait.

M. Dodart a donc eu recours à une autre explication pour ces deux actions si différentes.

Il suppose que les fibres des tiges sont de telle nature qu'elles se raccourcissent par la chaleur du soleil, et s'allongent par l'humidité de la terre, et qu'au contraire celles des racines se raccourcissent par l'humidité de la terre, et s'allongent par la chaleur du soleil.

Selon cette hypothèse, quand la plante est renversée et la racine par conséquent enhaut, les fibres d'un même écheveau, qui fait une des branches de la racine, ne sont pas également exposées à l'humidité de la terre ; celles qui regardent en enbas le sont plus que les supérieures. Les fibres inférieures doivent donc se raccourcir davantage, et ce raccourcissement est encore facilité par l'allongement des supérieures, sur lesquelles le soleil agit avec plus de force. Par conséquent cette branche entière de racine se rabat du côté de la terre, et comme il n'est rien de plus délié qu'une racine naissante, elle ne trouve point de difficulté à s'insinuer dans les pores d'une terre qui serait même assez compacte, et cela d'autant moins qu'elle peut gauchir en tout sens, pour trouver les pores les plus voisins de la perpendiculaire. En renversant cette idée, M. Dodart explique pourquoi au contraire la tige se redresse : en un mot, on peut imaginer que la terre attire à elle la racine, et que le soleil contribue à la laisser aller ; qu'au contraire le soleil attire la tige à lui, et que la terre l'envoye en quelque sorte vers le soleil.

A l'égard du second redressement, savoir du redressement de la tige en plein air, M. Dodart l'attribue à l'impression des agens extérieurs, principalement du soleil et de la pluie, car la partie supérieure d'une tige pliée est plus exposée à la pluie, à la rosée, et même au soleil, que la partie inférieure : or la structure des fibres peut être telle que ces deux causes, savoir l'humidité et la chaleur, tendent également à redresser la partie qui est la plus exposée à leur action, par l'accourcissement qu'elles produisent successivement dans cette partie : car l'humidité accourcit les fibres en gonflant, et la chaleur en dissipant. Il est vrai qu'on ne peut deviner quelle doit être la structure des fibres pour qu'elles aient ces deux différentes qualités.

M. de la Live explique ce même phénomène de la manière suivante : il connait que dans les plantes la racine tire un suc plus grossier et plus pesant, et la tige au contraire et les branches un suc plus fin et plus volatil ; et en effet, la racine passe chez tous les Physiciens pour l'estomac de la plante, où les sucs terrestres se digèrent et subtilisent au point de pouvoir ensuite s'élever jusqu'aux extrémités des branches. Cette différence des sucs suppose de plus grands pores dans la racine que dans la tige et dans les branches, en un mot une différente contexture ; et cette différence de tissu doit se trouver, les proportions gardées, jusque dans la petite plante invisible que la graine renferme. Il faut donc imaginer dans cette petite plante, comme un point de partage, tel que tout ce qui sera d'un côté, c'est-à-dire, si l'on veut, la racine, se développera par des sucs plus grossiers qui y pénetreront, et tout ce qui sera de l'autre par des sucs plus subtils.

Que la petite plante, lorsqu'elle commence à se développer, soit entièrement renversée dans la gaine, de sorte qu'elle ait sa racine en haut et sa tige en bas ; les sucs qui entreront dans la racine ne laisseront pas d'être toujours les plus grossiers, et quand ils l'auront développée, et en auront élargi les pores, au point qu'il y entrera des sucs terrestres d'une certaine pesanteur, ces sucs toujours plus pesans appesantissant toujours la racine de plus en plus, la tireront en enbas, et cela d'autant plus facilement, ou avec d'autant plus d'effort, qu'elle s'étendra ou s'allongera davantage, car le point de partage supposé étant connu comme une espèce de point fixe de levier, ils agiront par un plus long bras. Dans le même temps les plus volatils qui auront pénétré la tige, tendront aussi à lui donner leur direction de bas en haut, et par la raison du levier ils la lui donneront plus aisément de jour en jour, puisqu'elle s'allongera toujours de plus-en-plus. Ainsi la petite plante tourne sur le point de partage immobile, jusqu'à ce qu'elle se soit entièrement redressée.

La plante s'étant ainsi redressée, on voit que la tige doit se lever perpendiculairement pour avoir une assiette plus ferme, et pour pouvoir mieux resister aux efforts du vent et de l'eau.

Voici l'explication donnée sur la même matière par M. Parent : le suc nourricier étant arrivé à l'extrémité d'une tige qui se leve, s'il s'évapore, le poids de l'air qui l'environne de tous côtés doit le faire monter verticalement ; et s'il ne s'évapore point, mais qu'il se congèleet qu'il demeure fixé à l'extrémité d'où il soit prêt à sortir, le poids de l'air lui donnera encore la direction verticale ; de sorte que la tige acquerra une particule nouvelle placée verticalement : par la même raison que dans une chandelle placée obliquement, la flamme se lève verticalement en vertu de la pression de l'atmosphère, les nouvelles gouttes de suc nourricier qui viendront ensuite auront la même direction : et comme toutes ces gouttes réunies forment la tige, elles lui donneront une direction verticale, à moins que quelque cause particulière n'en empêche.

A l'égard des branches, qui d'abord sont supposées sortir latéralement de la tige dans le premier embryon de la plante : quoiqu'elles aient par elles-mêmes une direction horizontale, elles doivent cependant se redresser par l'action continuée du suc nourricier, qui d'abord trouve peu de résistance dans les branches encore tendres et souples ; et qui ensuite, lorsque les branches sont devenues plus fortes, agit encore avec beaucoup plus d'avantage, parce qu'une branche plus longue donne un plus long bras de levier. L'action d'une petite goutte de suc nourricier, qui est en elle-même fort petite, devient plus considérable par sa continuité, et par le secours des circonstances favorables ; par-là on peut expliquer la situation et la direction constante des branches, qui font presque toutes et presque toujours le même angle constant de 45d. avec la tige et entr'elles. Voyez BRANCHE.

M. Astruc, pour expliquer la perpendicularité de la tige et son redressement, suppose ces deux principes : 1°. que le suc nourricier vient de la circonférence de la plante, et se termine vers la moèlle ; 2°. que les liquides qui sont dans des tuyaux parallèles ou inclinés à l'horizon, pesent sur la partie inférieure de leurs tuyaux, et n'agissent point du tout sur la superieure.

Il est aisé de conclure de ces deux principes, que lorsque les plantes sont dans une situation parallèle ou inclinée à l'horizon, le suc nourricier qui coule de leur racine vers leur tige, doit par son propre poids tomber dans les tuyaux de la partie inférieure, et s'y ramasser en plus grande quantité que dans ceux de la partie supérieure ; ces tuyaux devront par-là être plus distendus, et leurs pores plus ouverts. Les parties du suc nourricier qui s'y trouvent ramassées, devront par conséquent y pénétrer en plus grande quantité, et s'y attacher plus aisément que dans la partie supérieure ; par conséquent l'extrémité de la plante étant plus nourrie que la partie supérieure, cette extrémité sera obligée de se courber vers le haut.

On peut par le même principe expliquer un autre fait dans une feve qu'on seme à contre-sens, la radicule en haut, et la plume en bas ; la plume et la radicule croissent d'abord directement de près de la longueur d'un pouce ; mais peu après elles commencent à se courber l'une vers le bas, et l'autre vers le haut.

On observe encore la même chose dans un tas de blé, qu'on fait germer pour faire de la bière, ou dans un monceau de glands qui germent dans un lieu humide ; chaque grain de blé dans le premier cas, ou chaque gland dans le second, ont des situations différentes : tous les germes pourtant tendent directement en haut dans le temps que les racines sont tournées en bas, et la courbure qu'elles font, est plus ou moins grande, suivant que leur situation approche plus ou moins de la situation directe, où elles pourraient croitre sans se courber.

Pour expliquer des mouvements si contraires, il faut supposer qu'il y a quelque différence considérable entre la plume et la radicule.

Nous n'y en connaissons point d'autre, sinon que la plume se nourrit par le suc, que des tuyaux parallèles à ses côtés lui portent : au lieu que la radicule prend sa nourriture du suc, qui pénètre dans tous les pores de la circonférence. Toutes les fois donc que la plume se trouve dans une situation parallèle ou inclinée à l'horizon, le suc nourricier doit croupir dans la partie inférieure, et par conséquent il doit la nourrir plus que la supérieure, et redresser par-là son extrémité vers le haut, pour les raisons que nous avons déjà rapportées. Au contraire, lorsque la radicule est dans une situation semblable, le suc nourricier doit pénétrer en plus grande quantité par les pores de la partie supérieure, que par ceux de l'inférieure. Le suc nourricier devra donc faire croitre la partie supérieure plus que l'inférieure, et faire courber vers le bas l'extrémité de la radicule : cette courbure mutuelle de la plume et de la radicule doit continuer jusqu'à ce que leurs côtés se nourrissent également ; ce qui n'arrive que quand leur extrémité est perpendiculaire à l'horizon. Voyez les mém. de l'acad. roy. des Sciences, année 1708.