Les conséquences tirées de ce principe, ont été différentes suivant les temps. Les anciens resserraient le campement de leurs troupes, et ils formaient un retranchement tout-autour, qui était presque toujours carré chez les Romains. Les Turcs, et quelques autres nations de l'Asie, qui font la guerre le plus souvent dans des pays de plaines entièrement découvertes, entourent leur camp d'une enceinte formée par leurs chariots et autres bagages.

La pratique présente des nations de l'Europe est toute différente. On fait consister la sûreté du camp à la facilité qu'on procure aux cavaliers et aux soldats de se rassembler devant leurs tentes, pour s'y mettre en état de se défendre contre l'ennemi, et le combattre.

C'est pourquoi l'ordre de bataille fixé par le général, devant être regardé comme la meilleure disposition dans laquelle l'armée puisse combattre, il s'ensuit que les troupes doivent camper de manière à se rassembler dans cet ordre lorsqu'il en est besoin, et que le terrain le permet.

Ainsi c'est l'ordre de bataille qui doit décider absolument celui du campement ; ce qui est conforme à ce que M. le marquis de Santa-Crux observe à ce sujet, en disant : que la bonne règle exige de camper selon l'ordre qu'on marche, et de marcher selon l'ordre dans lequel on doit combattre.

Les troupes étant destinées à combattre par division de bataillons et d'escadrons, elles doivent donc camper dans le même ordre, et être arrangées dans le Camp de la même manière qu'elles le sont dans l'ordre de bataille.

D'où il suit : que l'étendue de droite à gauche des camps particuliers des bataillons et des escadrons, doit être égale au front que ces troupes occupent en bataille, et qu'il doit y avoir entre ces camps des intervalles aussi égaux à ceux qu'on met alors entre les mêmes troupes.

Par cette disposition, l'étendue du front de tout le camp de droite à gauche, est égale au front de l'ordre de bataille ; et l'armée étant en bataille à la tête de ce front, chaque bataillon et chaque escadron peut faire tendre son camp derrière lui ; ce qui étant fait, toutes les troupes peuvent entrer ensemble dans leur camp, s'y placer presqu'en un moment, et en sortir de même, s'il en est besoin, pour combattre.

Si le camp a un front plus grand que celui de l'armée en bataille, les troupes, en se formant à la tête du camp, laisseront de grands intervalles entr'elles si elles veulent le couvrir ; si au contraire le front du camp est plus petit, les troupes n'auront pas l'espace nécessaire pour se former en-avant avec les distances prescrites par le général. D'où l'on voit que pour éviter ces deux inconvéniens, il faut que le front du camp se trouve sensiblement égal à celui de l'armée rangée en bataille, et pour cela que le camp particulier de chaque troupe joint à l'intervalle qui le sépare du camp voisin, ait un front égal à celui de la même troupe et de son intervalle en bataille. C'est aussi ce que prescrit M. le maréchal de Puysegur, qui dit dans son livre de l'art de la guerre : que la première règle à observer pour asseoir un camp, est de lui donner au moins la même étendue que les troupes occupent en bataille ; parce qu'il faut qu'elles puissent être mises promptement et en tout temps en ordre pour combattre.

Remarque sur les intervalles qu'on doit laisser entre les camps de différentes troupes de l'armée. Il n'y a rien de déterminé, ni dans l'usage, ni dans les auteurs militaires, sur la largeur des espaces qui doivent séparer les corps particuliers de l'armée.

M. de Bombelles dit dans son livre sur le service journalier de l'infanterie, que cette détermination ne se peut faire avec précision, parce que l'étendue du front du camp de chaque bataillon, dépend de l'espace dans lequel le général veut faire camper son armée. Il suppose cependant qu'en terrain ordinaire on peut donner cent vingt pas au front d'un bataillon, y compris celui de son intervalle ; comme il suppose aussi que le camp de ce bataillon doit occuper quatre-vingt-dix pas : d'où il s'ensuit que selon cet officier général, trente pas font un espace suffisant pour l'intervalle des bataillons dans le camp.

D'autres auteurs ne donnent point d'intervalles entre tous les camps des bataillons de l'armée ; ils prescrivent seulement de séparer les camps des régiments par un espace de trente pas : mais ils n'appuient ce principe d'aucune raison ; en sorte qu'il parait que leur intention à cet égard est uniquement de diviser le camp par régiments. Quoique cette division soit celle qui paraisse la plus conforme à l'usage présent, on ne peut néanmoins la regarder ni comme générale, ni comme ayant toujours été observée. M. Rozand lieutenant colonel, et ingénieur dans les troupes de Bavière, qui a donné en 1733 un très bon traité de Fortification, prétend dans cet ouvrage, qu'il a toujours Ve donner dans les camps, quarante ou cinquante pas de cheval par escadron, et pareille distance pour l'espace ou l'intervalle des camps particuliers de chacune de ses troupes ; qu'il a Ve donner de même cent pas de cheval pour le front du camp de chaque bataillon, et autant pour son intervalle. Cette pratique qui est conforme aux principes ci-devant établis, peut être regardée comme une règle invariable, si le général veut combattre avec des intervalles égaux aux fronts des différentes troupes de son armée : mais quel que soit le parti qu'il prenne à cet égard, le camp particulier de chaque troupe, joint à son intervalle, doit toujours répondre sensiblement au front et à l'intervalle des troupes en bataille, au moins si on veut observer quelque règle dans la détermination du front du camp.

Il suit des principes qui ont été exposés sur l'étendue ou le front du camp, qu'il doit toujours y avoir devant tous les corps des bataillons et des escadrons, un terrain libre où l'armée puisse se mettre en bataille.

C'est pourquoi si l'on est obligé de camper dans des lieux embarrassés, la première chose à laquelle on doit veiller, c'est de faire accommoder le terrain de manière que les troupes qui l'occupent, puissent communiquer aisément entr'elles, et se mouvoir sans aucun obstacle.

L'ordre de bataille étant ordinairement dirigé du côté de l'ennemi par une ligne droite, le camp est déterminé du même côté et par une même ligne lorsque le terrain le permet. On place sur cette ligne, ou plutôt quelques pas en-avant, les drapeaux et les étendards des troupes : on lui donne par cette raison le nom de front de bandière, vieux mot français qui signifie bannière, et en général tout signe ou enseigne militaire. C'est la principale ligne, ou, pour s'exprimer en terme de Fortification, la ligne magistrale du camp ; à laquelle toutes les autres se rapportent.

Après avoir expliqué les principes qui peuvent servir à déterminer le front de bandière du camp, il s'agit de dire un mot de sa profondeur.

Elle est déterminée par celle des camps des bataillons et des escadrons, qu'on peut évaluer à quatre-vingt taises. Il faut observer que la seconde ligne doit avoir un terrain devant elle assez grand pour se mettre en bataille, sans que les dernières tentes de la première ligne anticipent sur le terrain.

L'éloignement de la tête du camp ou du front de bandière de la première ligne à celui de la seconde, est assez ordinairement de trois ou quatre cent pas, c'est-à-dire de cent cinquante ou deux cent taises : on donne même à cet intervalle jusqu'à cinq cent pas ou deux cent cinquante taises, si le terrain est assez spacieux pour cela ; mais cette distance ne peut être moindre que deux cent pas, autrement la queue des camps de la premiére ligne s'étendrait jusqu'à la tête du camp de la seconde.

Il est très utîle en cas d'attaque, que non-seulement le camp de la première ligne ait assez de terrain libre en-avant, pour que cette ligne puisse s'y porter aisément s'il en est besoin, ainsi qu'on l'a déjà dit, mais encore pour que la seconde ligne, passant par les intervalles du camp de la première, puisse venir se former derrière cette première à une distance convenable pour la soutenir. C'est pourquoi toutes les fois qu'on peut procurer cet avantage au camp, on ne doit jamais le négliger, surtout lorsqu'on est dans un camp à portée de l'ennemi.

Il arrive quelquefois qu'on fait un retranchement devant tout le front du camp : alors il ne doit y avoir aucun obstacle qui empêche les troupes de communiquer librement du camp au retranchement.

Dans les pays tels que la Hongrie et les provinces voisines du Danube, où les Allemands font la guerre aux Turcs, tous les officiers généralement se servent de tentes : mais dans la Flandre, l'Allemagne, l'Italie, etc. où l'on a coutume de faire la guerre, et où il se trouve beaucoup de villages et de maisons, on s'en sert pour le logement des officiers généraux, c'est-à-dire pour celui des lieutenans-généraux et des maréchaux de camp. Les fourriers de l'armée leur font marquer à chacun une maison dans les villages qui se trouvent renfermés dans le camp. Les brigadiers mêmes peuvent, suivant les ordonnances militaires, se loger dans une maison, s'il s'en trouve à la queue de leur brigade : mais les colonels et les autres officiers inférieurs doivent nécessairement camper à la queue de leurs troupes, selon les mêmes ordonnances.

On a soin que les officiers généraux soient campés ou logés à côté des troupes ou des parties de l'armée qu'ils commandent : ainsi ceux qui commandent à la droite ou à la gauche de l'armée, occupent les villages qui se trouvent dans ces parties, et les autres ceux qui sont vers le centre ; lorsque ces villages ne seront pas suffisamment couverts ou regardés par les troupes du camp, on fait camper pour la sûreté des officiers qui y sont logés, des corps de troupes qui mettent ces lieux à l'abri de toute insulte. Essai sur la castramétation, par M. le Blond.

CAMP RETRANCHE, c'est un espace fortifié pour y renfermer un corps de troupes et le mettre à couvert des entreprises d'un ennemi supérieur : les camps retranchés se construisent ordinairement dans les environs d'une place dont le canon peut servir à leur défense ; et ils ont particulièrement pour objet de couvrir et de protéger une place dont la fortification ne permettait pas une longue résistance.

Le retranchement dont les camps retranchés sont entourés, ne consiste guère que dans un fossé, et un parapet flanqué de quelques redants ou de bastions. Les troupes sont campées environ à cent vingt taises du retranchement. Voyez Planc. XII. de l'art milit. une partie d'un camp retranché dans un terrain inégal.

C'est des Turcs, dit M. le Marquis de Feuquières, que nous avons l'usage des camps retranchés, sous le nom de palanques. Cet usage est fort bon quand il est judicieusement pris, et j'approuve la pensée que M. de Vauban a eue d'en construire sous quelques-unes des places du Roi : mais il ne faut pas pour cela en faire sous toutes les places qui seraient susceptibles d'une pareille protection, parce qu'on ne pourrait pas les garnir suffisamment de troupes, et qu'ainsi ces camps retranchés seraient plus préjudiciables que profitables. Voici les cas où je les approuve.

Lorsque le prince a la guerre à soutenir de plusieurs côtés de son état, que de quelques-uns de ces côtés il veut demeurer sur la défensive, et qu'à la tête de ce pays il y a une place dont la construction permet d'y placer un camp retranché ; le prince en peut ordonner la construction d'avance, afin qu'il soit bon, et que par-là l'ennemi soit forcé d'attaquer ce camp dans les formes, avant que de pouvoir assiéger la place.

Lorsqu'une ville est grande, et que son circuit n'a pu être fortifié régulièrement à cause de la grande dépense, et que cependant sa conservation est nécessaire, on peut pour sa protection y placer un camp retranché lorsque sa situation la rend susceptible de le recevoir. Lorsqu'on ne veut garder qu'un petit corps à la tête d'un pays, soit pour empêcher les courses de l'ennemi, soit pour pénétrer dans le pays ennemi, on peut chercher la ville la plus commode pour les effets dont je viens de parler, et y construire un camp retranché, parce qu'il est plus aisé de se servir des troupes qui sont dans un camp retranché, que de celles qui sont logées dans une ville, dont le service ne saurait être aussi prompt que celui des troupes campées.

Lorsqu'on veut protéger une place dominée par des hauteurs, et qu'il s'en trouve quelques-unes où un camp retranché peut être placé de manière que la communication de ce camp à la place ne puisse point être ôtée, qu'il éloigne la circonvallation, qu'il ne soit point dominé, et sous le feu du canon de l'ennemi, ou qu'il donne quelque liberté au secours qu'on pourrait introduire dans la place, ou une facilité à l'armée qui veut secourir, de s'approcher de ce camp ; on y peut faire un camp retranché.

Lorsqu'une place se trouve située sur une rivière, et qu'elle est du même côté par lequel l'ennemi la peut le plus favorablement aborder pour en former le siège, on peut encore en ce cas avoir un camp retranché de l'autre côté de la rivière, principalement si le terrain se trouve disposé de manière que de cet autre côté de la rivière il se trouve une hauteur voisine dont l'occupation force l'ennemi à une circonvallation étendue de ce côté-là ; parce que cette grande circonvallation ainsi séparée et coupée par une rivière, rendra la place bien plus aisée à secourir.

On peut encore faire un camp retranché au-devant des fortifications d'une place, lorsqu'il peut être fait de manière qu'il éloigne l'attaque, et que l'ennemi soit obligé à ouvrir une tranchée, et à prendre les mêmes établissements contre ce camp retranché, que pour l'attaque même de la place ; et qu'après qu'il aura forcé les troupes qui sont dans ce camp à le lui abandonner, la terre qui y aura été remuée ne donnera pas des établissements contre la place.

Enfin les camps retranchés sont d'un fort bon usage dans les espèces dont je viens de parler, pourvu qu'ils soient bons, qu'ils aient les épaisseurs convenables pour soutenir les efforts de l'artillerie ennemie ; qu'ils soient protégés de la place qu'ils protegent ; qu'ils y tiennent, et que les flancs en soient en sûreté par la protection du canon de la place et des ouvrages, et sous le feu de la mousqueterie du chemin couvert ; sans quoi ils pourraient être dangereux à soutenir avec trop d'opiniâtreté : lorsqu'on les veut soutenir avec opiniâtreté, à cause de leur conséquence pour la durée d'un siège, l'on y peut faire un second retranchement intérieur, qui sera garni d'infanterie le jour qu'on craindra d'être attaqué de vive force, afin que le feu de cette infanterie facilite la retraite des troupes forcées, et contienne l'ennemi qui poursuivrait avec chaleur les troupes forcées jusque dans le chemin couvert de la place.

Tous les camps retranchés doivent être construits de manière que les troupes qui y sont campées soient à couvert du feu du canon de l'ennemi : car il ne faut pas que par son artillerie il en puisse enfiler aucune partie : si cela était, le camp deviendrait fort difficîle à soutenir, trop peu tranquille, et trop couteux.

Ce que j'ai dit jusqu'à présent des camps retranchés, ne regarde que ceux qui sont construits pour un corps d'infanterie, pour rendre une circonvallation plus difficile, pour éloigner l'attaque du corps de la place, et par conséquent augmenter la durée du siège. Il ne reste plus sur cette matière qu'à dire quel est l'usage des camps retranchés pour y mettre aussi de la cavalerie.

L'usage de ces camps n'est que dans certains cas, qui regardent plutôt la guerre de campagne que celle des sièges ; et voici quels ils sont.

Ou l'on veut dans les guerres offensives et défensives faire des courses dans le pays ennemi ; ou l'on veut empêcher que l'ennemi n'en fasse commodément, et ne pénètre le pays, ou l'on veut pouvoir mettre les convais en sûreté sous une place où il ne serait pas commode de les faire entrer.

Dans tous ces cas l'on peut construire un camp retranché sous une place ; et pour lors il faut avoir plus d'attention à la commodité de la situation pour y entrer et en sortir facilement, et à son voisinage des eaux, qu'à sa force par rapport à la défense de la place. Ces camps sont toujours de service, pourvu qu'ils soient hors d'insulte, gardés par un nombre d'infanterie suffisant, et assez étendus pour y camper commodément la cavalerie, et faire entrer et ressortir les charrais des convais sans embarras.

Voilà, ce me semble, tous les usages différents qu'on peut faire des camps retranchés : ils sont tous fort utiles : mais il ne faut pas pour cela avoir trop de ces camps retranchés : il doit suffire d'en avoir un bon sous une place principale sur une frontière ; parce que leur garde consommerait trop d'hommes, qui seraient de moins au corps de l'armée. Tout ceci est tiré des Mémoires de M. le marquis de Feuquières.

CAMP VOLANT, est un petit corps d'armée composé de quatre, cinq ou six mille hommes, et quelquefois d'un plus grand nombre, d'infanterie et de cavalerie, qui tiennent continuellement la campagne, et qui font différents mouvements pour empêcher les incursions de l'ennemi, ou pour faire échouer leurs entreprises, intercepter les convais, fatiguer le pays voisin, et pour se jeter dans une place assiégée en cas de besoin. (Q)

CAMP PRETORIEN, (Histoire ancienne) c'était chez les Romains une grande enceinte de bâtiment, qui renfermait plusieurs habitations pour loger les soldats de la garde, comme pourrait être aujourd'hui l'hôtel des mousquetaires du Roi à Paris.

CAMP, (Commerce) Les Siamais, et quelques autres peuples des Indes orientales, appellent des camps les quartiers qu'ils assignent aux nations étrangères qui viennent faire commerce chez eux : c'est dans ces camps, où chaque nation forme comme une ville particulière, que se fait tout leur négoce ; et c'est là où non-seulement ils ont leurs magasins et leurs boutiques, mais aussi où ils demeurent, avec leur famille, et leurs facteurs et commissionnaires. Les Européens sont pourtant exempts à Siam, et presque par-tout ailleurs, de cette sujétion ; et il leur est libre de demeurer dans la ville ou dans les faubourgs, comme ils le jugent à-propos pour leur commerce. (G)