Sans perdre en vains discours le temps que nous perdons,

Allons aux champs comme eux, et mangeons des chardons.

De cette acception du mot champ ou espace de terre ouvert de tout côté, on en a dérivé un grand nombre d'autres. Exemples.

* CHAMP, (Histoire ancienne) c'était un lieu ouvert dans la campagne où les jeunes gens s'assemblaient pour y faire leurs exercices, et y célébrer certains spectacles, etc. et où les citoyens tenaient aussi leurs comices ou les assemblées dans lesquelles il s'agissait de délibérer de quelque affaire publique. On comptait à Rome un grand nombre de champs : il y avait le champ d'Agrippa, le champ Brutien, le Caudetan, le Lanatarius, le Martius, le Pecuarius, le Setarius, le Viminalis, etc. mais par le nom de champ sans addition, on entendait toujours le champ de Mars.

Le campus Agonius était situé entre la vallée Martia et le cirque de Flaminius : ce n'était qu'un marché.

Le champ d'Agrippa était dans la septième région de la ville, entre le capitole et ce qu'on appelle aujourd'hui le collège romain.

Le champ Brutien ou Brytien était dans la quatorzième région de la ville, au Janicule, près du fauxbourg Brutianus, à peu de distance des murs de la ville. Il avait été ainsi nommé des Brutiens, ou, comme d'autres le prétendent, d'un Brutus qui l'avait fait orner.

Le Caudetanus se trouvait aussi dans la quatorzième région, et avait été ainsi nommé d'un petit bouquet de bois, entre lequel on imagina quelque ressemblance avec la forme de la queue d'un cheval.

Le Coelimontanus était dans la seconde région ; on en ignore la place, à moins que ce champ n'ait été le même que le campus Martialis.

L'Esquilinus était dans la cinquième région, au haut du mont Esquilin, où l'on était dans l'usage d'enterrer la populace et les pauvres : Pantolabum scurram, Nomentanumque nepotem. Le champ Esquilin fut hors de la ville jusqu'au temps de Servius Tullius, sous lequel il y fut réuni : on y éleva dans la suite des édifices, et Mécène finit par en faire ses jardins, ainsi qu'Horace nous l'apprend dans la satyre Olim truncus eram, etc. où l'on voit encore que c'était-là que les magiciens allaient faire leurs incantations nocturnes.

Le Figulinus était dans la treizième région, entre le Tibre et le mont Aventin : il a pris son nom des potiers qui habitaient ce quartier.

Le campus Florae ou champ de Flore, était dans la neuvième région : ce fut là qu'on bâtit le théâtre de Pompée : on y publiait les lais, les édits, et les règlements du sénat ; on y célébrait les jeux appelés floralia en l'honneur d'une des affranchies de Pompée, d'où il fut appelé campus florae ; ou d'une courtisanne de l'ancienne Rome qui avait amassé assez d'argent pour fonder des jeux en sa mémoire. Ces jeux furent institués ; mais dans la suite des temps, la gravité romaine offensée de ces fêtes, tâcha d'en abolir la honte, en les perpétuant non à l'honneur de la courtisanne, mais de la déesse des fleurs ; cependant les jeux continuèrent toujours à se ressentir de leur première institution, par la liberté des actions et des paroles qui y regnaient.

Le campus Horatiorum ; on n'en connait pas la place : c'était peut-être l'endroit du combat des Horaces et des Curiaces.

Le campus Jovis ; c'est, selon quelques-uns, le même que le campus Martius major, où Jupiter vangeur avait en effet son temple : d'autres au contraire, veulent que ce fût le campus Martius minor, où il y avait une statue colossale de Jupiter.

Le Lanatarius était dans la douzième région ; il fut ainsi nommé, à ce qu'on dit, des marchands de laine qui y étaient établis ou qui s'y assemblaient.

Le campus Martialis était dans la seconde région sur le mont Coelius. Il fut nommé martialis, de Mars dont on y célébra les equiria lorsque le champ de Mars fut inondé par le Tibre. C'est actuellement la place de devant l'Eglise de S. Jean de Latran.

Le campus Martius, champ de Mars, qui se nommait par excellence campus ou campus Martius major, pour le distinguer du campus Martius minor, était dans la neuvième région ; il fut consacré à Mars par Romulus même, suivant quelques-uns ; et suivant d'autres, par le peuple après l'expulsion de Tarquin le superbe, qui se l'était approprié et qui le faisait cultiver. Quoi qu'il en sait, ce n'était dans les commencements qu'une prairie où la jeunesse romaine allait s'exercer, et où l'on faisait paitre les chevaux ; les Romains en firent dans la suite un des principaux lieux de leurs assemblées, et un des endroits de Rome les plus remarquables par les décorations. Il s'étendait depuis la porte Flaminia jusqu'au Tibre, et comprenait ce qu'on appelle aujourd'hui la place Borghese, le Panthéon, les places di Carlo Farnese, di Ponti, di Navonne, Nicosea, etc. avec la longue rue di Scrofa, et l'entrée du pont S. Ange. Il était hors de la ville ; Jules César eut le dessein de l'y renfermer ; mais Aurélien passe pour l'avoir exécuté, en conduisant les murs de la ville depuis la porte Colline jusqu'au Tibre. Ce champ était très-beau par sa situation, c'était le lieu des exercices militaires. On y luttait ; lorsque les jeunes gens étaient couverts de sueur et de poussière, ils se jetaient dans le Tibre qui l'arrosait. C'était-là que se tenaient les comices ou assemblées générales du peuple. Plusieurs grands hommes y avaient leurs sépultures. Les statues y étaient si nombreuses, que pour en peindre l'effet, les auteurs ont dit qu'on les eut prises de loin pour une armée. L'empereur Auguste y avait son tombeau ; il était encore remarquable par un obélisque surmonté d'une boule dorée qui servait de gnomon à un cadran solaire. Cet obélisque, après avoir resté pendant plusieurs siècles enseveli sous les ruines de l'ancienne Rome et sous les maisons de la Rome nouvelle, fut relevé par les soins de Benait XIV. aujourd'hui régnant. Ce pontife acheta toutes les maisons qui le couvraient, et le rétablit dans son ancienne splendeur. Le campus Martius comprenait différents portiques, la villa publica, le Panthéon, les thermes Néroniens, les termes d'Agrippine, le théâtre de Pompée, le cirque Flammien, la colonne d'Antonin, la basilique d'Antonin, le Diribitorium, différents temples, et une infinité de choses remarquables. C'est aujourd'hui un des quartiers de Rome les plus habités.

Le campus Martius minor était une partie du campus Martius major, et la même chose que le campus Tiberinus, qui avait été donné au peuple par Caia Teratia ; il s'étendait depuis le pont Janicule, ou, suivant le nom moderne, depuis le pont de Sixte, jusqu'au pont S. Ange. Cet endroit est aussi couvert de maisons.

Le campus Octavius. On n'en sait pas la position. On conjecture que ce champ fut ainsi nommé par Auguste, en mémoire de sa sœur Octavie.

Le campus Pecuarius était dans la neuvième région. Il était ainsi appelé du commerce de bestiaux qui s'y faisait.

Le campus Rediculi était devant la porte Capene ; ce fut dans cet endroit qu'Annibal campa lorsqu'il se fut approché de Rome avec son armée.

Le campus Sceleratus était dans la sixième région, à peu de distance de la porte Colline. Il y avait là un souterrain dans lequel on descendait les vestales convaincues d'avoir péché contre leurs vœux ; elles y étaient comme enterrées toutes vives : ce souterrain n'était qu'à cet usage.

Le campus Tergeminorum était placé, selon quelques-uns, dans la onzième région, et suivant d'autres dans la treizième ; il était ainsi appelé de la porte Tergemina, au-devant de laquelle il était, à l'endroit où les Horaces et les Curiaces avaient combattu. Mais on ne sait précisément en quel endroit était la porte Tergemina ; on conjecture que c'était entre le Tibre et le mont Aventin, à l'extrémité de la ville, où est actuellement la porte d'Ostie.

Le campus Vaticanus était dans la quatorzième région, entre le mont Vatican et le Tibre, où est aujourd'hui la citta Leonina.

Le campus Viminalis était dans la quinzième région près des remparts de Tarquin ; c'est ce qu'on appelle aujourd'hui villa Peretta.

Tant de places ne doivent pas peu contribuer à nous donner une haute idée de l'étendue et de la magnificence de l'ancienne Rome, surtout si nous en faisons la comparaison avec les villes les plus grandes qui soient en Europe. Voyez ant. exp. et hed. lex.

CHAMP DE MARS ou DE MAY. C'était ainsi que dans les premiers temps de la monarchie française on appelait les assemblées générales de la nation que les rois convoquaient tous les ans pour y faire de nouvelles lais, pour écouter les plaintes de leurs sujets, décider les démêlés des grands, et faire une revue générale des troupes.

Quelques auteurs ont tiré ce nom d'un prétendu champ de Mars semblable à celui de Rome, mais sans fondement ; d'autres, avec beaucoup plus de vraisemblance, le font venir du mois de Mars où ces assemblées se tenaient ; et sous le roi Pepin, vers l'an 755, ce prince les remit au mois de Mai, comme à une saison plus douce pour faire la revue des troupes. Elles conservent néanmoins l'ancien nom de champ de Mars, et on les nomme aussi quelquefois champ de May.

Les rois recevaient alors de leurs sujets ce qu'on appelle les dons annuels ou dons royaux, qui étaient offerts quelquefois volontairement, et quelquefois en conséquence des taxes imposées ; et ces taxes étaient destinées aux besoins du roi et de l'état. Nous avons beaucoup de preuves que les ecclésiastiques n'étaient pas exempts de ce tribut à cause de leurs domaines et de leurs fiefs. Quelques monastères les devaient aussi, et donnaient outre cela un contingent de troupes dans le besoin : d'autres, qui étaient pauvres, n'étaient obligés qu'à des prières pour la santé du prince et pour la prospérité du royaume, et c'est de-là que l'on tire l'origine des subventions que le clergé paye au roi. Sous la seconde race on tint ces assemblées deux fois l'an, savoir au commencement de chaque année, et au mois d'Aout et de Septembre. Sous la troisième race elles prirent le nom de parlement et d'états généraux. Voyez PARLEMENT, ETATS GENERAUX. (G) (a)

Ce même usage était établi chez les anciens Anglais, qui l'avaient emprunté des Français, comme il parait par les lois d'Edouard le confesseur, qui portent que le peuple s'assemblerait tous les ans pour renouveller les serments d'obéissance à son prince. Quelques auteurs anglais parlent encore de cette coutume vers l'an 1094, et disent que l'assemblée de la nation se fit in campo Martio ; ce qui montre que ces assemblées se tenaient encore sous les premiers rois normands après la conquête ; et qu'encore qu'elles se tinssent au mois de Mai, elles ne laissaient pas de conserver le nom de champ de Mars. Ducange, 4e. dissert. sur l'hist. de S. Louis. (G)

CHAMP CLOS, (Histoire moderne) était anciennement un lieu clos ou fermé de barrières, destiné aux joutes et aux tournois, divertissements que prenaient les souverains et qu'ils donnaient à leur cour. Mais on l'a aussi attribué à des combats singuliers qui étaient quelquefois ou permis ou ordonnés par les souverains, pour la vengeance des injures, et pour maintenir l'honneur des chevaliers, ou même celui des dames de la cour. Alors on se battait en champ clos, et ces combats avaient leurs lois et leurs juges, comme on le verra ci-dessous au mot CHAMPION. Voyez aussi les articles JOUTES, BARRIERE, TOURNOIS. (a)

CHAMP, en terme de guerre, est le lieu où s'est donné une bataille. Le général est resté maître du champ de bataille. A la bataille de Malplaquet les ennemis achetèrent le stérîle honneur de demeurer maîtres du champ de bataille, par le plus horrible carnage qui fut fait de leurs troupes. (Q)

CHAMP, en terme de Blason, est la face plane ordinairement de l'écu ou écusson. On lui a donné ce nom, parce qu'elle est chargée des armes que l'on prenait autrefois sur l'ennemi dans un champ de bataille.

C'est le lieu qui porte les couleurs, les pièces, les métaux, les fourrures, etc. On commence par blasonner le champ : il porte de sable, &c.

Les auteurs modernes qui ont écrit sur le blason, se servent plus souvent du terme d'écu et d'écusson, que de celui de champ. Voyez ÉCU et ÉCUSSON.

CHAMP, terme d'Architecture, espace qui reste autour d'un cadre ou chambranle de pierre, et qui dans la Menuiserie s'appelle balie. (P)

CHAMP d'une lunette, (Lunettier) est l'espace que cette lunette embrasse, c'est-à-dire ce que l'on voit en regardant dans la lunette. C'est une perfection dans une lunette d'embrasser beaucoup de champ ; mais cette perfection nuit souvent à une autre, c'est la netteté des objets : car les rayons qui tombent sur les bords du verre objectif, et d'où dépend le champ de la lunette, sont rompus plus inégalement que les autres, ce qui produit des couleurs et de la confusion. On remédie à cet inconvénient par un diaphragme placé au-dedans de la lunette, qui en interceptant ces rayons diminue le champ, mais rend la vision plus distincte. (O)

CHAMP, en terme d'Orfèvre en grosserie ; c'est proprement le fond d'une pièce où sont disposés en symétrie les ornements dont on l'enrichit, mais qui lui-même n'en reçoit point d'autre que le poli. Voyez POLI.

CHAMP, en Menuiserie, se dit de la largeur et longueur de la face d'un battant ou traverse, espace qui reste sans moulure. Voyez CHAMP en Architecture.

* CHAMP, Peinture, Haute-lisse, Marqueterie, &c.) se dit de l'espace entier qui renferme les objets exécutés, soit avec les couleurs, soit avec les soies, soit avec les pièces de rapport ; et en ce sens il est synonyme à étendue. Quelques personnes ont donné à ce terme une acception bien différente ; ils ont dit qu'un corps était de champ à un autre, quand celui-ci était placé derrière ; ainsi, selon eux, la draperie d'un bras dans une figure est de champ à ce bras. Il ne parait pas qu'en parlant ainsi ils aient eu égard à la direction de la draperie, mais qu'ils ont employé l'expression de champ, soit que le corps qu'ils disaient de champ à un autre, fût ou perpendiculaire, ou incliné, ou parallèle à celui-ci. Quoi qu'il en sait, M. de Piles a improuvé cette expression, et il prétend qu'il est mieux de dire cette draperie fait fond à ce bras ; cette terrasse fait fond à cette figure. Le terme de champ se restreint quelquefois à une seule partie d'un tableau, d'une tapisserie, etc. et alors il signifie seulement l'espace occupé par cette partie.

Champ a encore quelqu'autre signification en menuiserie et en charpenterie. Un corps y est dit être de champ, quand sa situation est exactement parallèle à l'horizon ; parallélisme dont on s'assure à l'équerre : alors de champ est opposé à incliné, et le contraire de debout. Un corps qui est de champ est perpendiculaire à un corps qui est vertical.

Autre signification d'être de champ, relative à la situation du corps et à ses dimensions. Un corps qui a moins d'épaisseur que de hauteur, comme une tuile, est dit être placé de champ, quand il est dressé sur son côté le plus étroit ; en ce cas il est opposé à couché, et synonyme à droit. Une tuîle droite et une tuîle de champ, c'est la même chose. Le terme de champ est encore d'usage en horlogerie. Une roue est placée de champ, quand son plan est perpendiculaire à la partie qu'on regarde comme la base de la machine. Car remarquez bien que dans une montre, par exemple, la roue qu'on appelle de champ ne peut être ainsi appelée que relativement aux plaques qui servent de base à toute la machine. C'est alors un terme relatif ; et si on le définit, eu égard à des choses extérieures à la machine même, la définition deviendra fausse. Ainsi, dans une machine telle que celle que nous venons de citer, celui qui dirait que la roue de champ est celle qui se meut perpendiculairement à l'horizon, ne s'apercevrait pas que cette définition n'est vraie que dans la supposition que quand cette roue est considérée, on a placé la montre horizontalement.

CHAMP BESIALE, (Jurisprudence) dans la coutume d'Acqs, est une terre ou lande sans maisons ni bâtiments, commune entre plusieurs co-propriétaires qui y ont chacun des parts certaines contiguës les unes aux autres. Voyez la coutume d'Acqs, tit. XIe art. 2. et le glossaire de Laurière, hoc verbo. (A)