M. Pluche, dans son histoire du ciel, tome I. rapporte avec beaucoup de vraisemblance le nom des Faunes et des Satyres à deux mots hébreux qui désignent les masques dont on se servait dans les fêtes de Bacchus. Un Faune qui se joue avec un masque, et qu'on voit dans Beger, thes. Brandeburg. tom. I. p. 13. et tom. III. p. 252. parait confirmer cette étymologie : peut-être aussi fait-il allusion aux comédies satyriques. Avenarius avait tiré de même le nom des Satyres de l'hébreu satar. Le mot satar en arabe, veut dire un bouc, suivant la remarque de Bochart, Hierozoïcon, p. I. p. m. 643. On sait que les Satyres ressemblaient aux boucs par la moitié inférieure du corps. Il semble qu'on ne peut contester cette étymologie ; mais celle que donne des Pans ou Faunes le même Bochart, Geog. sac. p. m. 444. n'est pas aussi heureuse : il dérive leur nom, comme avait fait Plantavitius, qu'il ne cite pas, de la racine hébraïque pun, il a hésité, il a été abattu, ce qu'il explique des frayeurs paniques. C'est au culte des boucs qu'on adorait en Egypte, que celui des Faunes et des Satyres semble avoir dû sa naissance. Maimonide, dans le More Nevochim, p. III. c. xlvj. observe que le culte honteux des démons était, sous la forme des boucs, fort étendu du temps de Moyse ; et que Dieu le défendit par une loi expresse (Levitic. XVII. 7.) aux Israélites, qui s'en étaient souillés jusqu'alors. Maimonide explique fort bien au même endroit, pourquoi le bouc du sacrifice ordonné au commencement de chaque mois (Numer. XXVIII. 15.), est dit offert pour le péché à Jehova, Chattath ladonai ; ce qui n'est pas spécifié des boucs qu'on immolait dans les autres principales fêtes. C'est, dit-il, pour empêcher les Israélites de penser au bouc de la Néoménie, que les Egyptiens sacrifiaient à la lune. Cette explication naturelle est bien différente de la fable aussi impie que ridicule imaginée par les rabbins ; ils disent que Dieu demande un sacrifice d'expiation pour le peché qu'il a commis lui-même, en diminuant la grandeur de la lune, primitivement égale à celle du soleil. Voyez la synagogue judaïque de Jean Buxtorf, p. m. 376. 377. 388. et le philologus hebraeomixtus de Leusden, p. 91.

R. Kimchi a écrit que les démons se faisaient voir à leurs adorateurs sous la figure d'un bouc, et c'est-là le dont parle Jamblique. Ces apparitions étaient d'autant plus effrayantes, que tous les Orientaux étaient persuadés qu'on ne pouvait voir impunément la face des dieux. Voyez les notes de Grotius sur les vers. 20 et 23 du trente-troisième chapitre de l'Exode. On peut conjecturer que les terreurs paniques sont ainsi dites de panim ( dans Homere), forme, figure, parce que des fantômes subtils affectaient vivement l'imagination échauffée qui les avait produits. On lit dans Servius, sur le commencement du premier livre des Géorgiques de Virgile, que ce fut au temps de Faunus, roi d'Italie, que les dieux se dérobèrent à la vue des mortels. Cette époque est très-incertaine, s'il y a eu deux Faunes, rois des Aborigènes, qui aient regné dans des temps très-éloignés l'un de l'autre, comme l'assurent Manéthon, Denys d'Halicarnasse, etc.

Servius confond ailleurs Faunus avec Pan, Ephialtes, incubus. S. Augustin, de civitate Dei, l. XV. c. xxiij. croit qu'il faut s'armer d'impudence pour nier que les Sylvains et les Pans ne soient des incubes ; qu'ils n'aient de l'amour pour les femmes, ou qu'ils ne le satisfassent avec violence. Il nous fait connaître des démons que les Gaulois appelaient Dusii, et qui étaient aussi libertins. Voyez l'article INCUBE.

Bochart, Géographie sac. pag. m. 584. prétend que le règne de Faune en Italie est forgé par ceux qui n'ont pas connu que Faune et Pan ne faisaient qu'un. Il cite, pour prouver que Pan était un des capitaines de Bacchus, plusieurs auteurs, et Nonnus entr'autres ; il n'a pas pris garde que Nonnus, Dionysiac. lib. XIII. p. m. 370. dit aussi que Faune abandonna l'Italie pour venir joindre le conquérant des Indes.

Il est parlé des Fauni ficarii dans la version faite par S. Jérome d'un passage de Jéremie, ch. l. Ve 39. passage susceptible dans l'hébreu d'un sens fort différent. Bochart explique ce ficarii, des fics ou tubercules qu'on voit au visage des Satyres. Quelques-uns lisent sicarii, et l'on peut entendre alors de Faunes incubes ou suffoquans.

Dans le traité attribué à Héraclite, , c. xxv. on voit que les Pans et les Satyres étaient des hommes sauvages qui habitaient les montagnes : ils vivaient sans femmes ; mais dès qu'ils en voyaient quelqu'une, elle devenait commune entr'eux. On leur attribua le poil et les pieds de bouc, à cause qu'ils négligeaient de se laver, ce qui les faisait sentir mauvais ; et on les regardait comme compagnons de Bacchus, parce qu'ils cultivaient les vignes. Le passage grec est corrompu, il semble qu'on ne s'en est point aperçu. Le docteur Edouard Tyson, dans l'essai philologique sur les Pygmées, les Cynocéphales, les Satyres et les Sphinx des anciens, qu'il a mis à la suite de son anatomie de l'Orang-outang, veut que les Satyres ne soient point des hommes sauvages, mais une espèce de singes qu'on trouve en Afrique (aigopithecoi). Il combat Tulpius et Bontius par des raisons qui paraissent assez faibles, et il s'appuie beaucoup pour ranger les Satyres dans la classe des singes, de l'autorité de Philostorge ; mais c'est un auteur fabuleux, puisqu'il confirme l'histoire du phénix, p. m. 494. de l'édit. de Cambridge, des historiens ecclésiastiques. Ce qui est plus singulier encore, c'est que Philostorge distingue évidemment le Pan ou Faune du Satyre, contre le sentiment de Tyson ; et que Tyson reproche à Albert le Grand de faire une chimère du Satyre, qu'il appelle pilosus, par la description qu'il en donne ; description néanmoins entièrement conforme à celle de Philostorge.

Les premiers conducteurs des chèvres ont peut-être donné lieu à la fable des chevrepiés, de même que les plus anciens cavaliers qu'on ait connus, ont passé pour des centaures ; car je ne pense pas qu'on veuille recourir aux pygmées, que Pline nous dit avoir été montés sur des chèvres pour combattre les gruès.

Munster, dans ses notes sur la Genèse, II. 3. et sur le Lévitique, XVII. 7. a recueilli sur les démons, , Faunes, Satyres, Incubes, des choses curieuses tirées des rabbins. Cette compilation a déplu à Fagius, qui dit sur ce dernier passage, qu'il ne rapporte des rabbins que ce qui est utîle pour l'intelligence du texte ; ce qu'il avait annoncé dès la préface de son livre. Il peut avoir raison en cela ; mais je doute qu'il eut le droit d'attaquer, même indirectement, Munster, qu'il copie mot à mot en un très-grand nombre d'endroits.

Quelques docteurs juifs ayant à leur tête Abraham Seba, dans son tseror hammor, ou fasciculus myrrhae, enseignent que Dieu avait déjà créé les âmes des Faunes, Satyres, etc. mais que prévenu par le jour du sabbat, il ne put les unir à des corps, et qu'ils restèrent ainsi de purs esprits et des créatures imparfaites. Ils craignent le jour du sabbat, et se cachent dans les ténèbres jusqu'à ce qu'il soit passé ; ils prennent quelquefois des corps pour effrayer les hommes ; ils sont sujets à la mort ; ils approchent de si près par leur vol des intelligences qui meuvent les orbes célestes, qu'ils leur dérobent quelques connaissances des événements futurs, quand ils ne sont pas trop éloignés ; ils changent les influences des astres, etc. &c. etc. (g)