Fini, en Grammaire est un adjectif qui signifie déterminé, appliqué. On divise les modes des verbes en deux espèces, en mode infinitif et en modes finis. L'infinitif énonce la signification du verbe dans un sens abstrait, sans en faire une application individuelle, comme aimer, lire, écouter, en sorte que l'infinitif par lui-même ne dit point qu'aucun individu fasse l'action qu'il signifie. Au contraire, les modes finis appliquent l'action par rapport à la personne, au nombre et au temps. Pierre lit, a lu, lira, &c.

On dit aussi sens fini, c'est-à-dire déterminé ; on oppose alors sens fini à sens vague ou indéterminé.

Sens fini signifie aussi sens achevé, sens complet ; ce qui arrive quand l'esprit n'attend plus d'autre mot pour comprendre le sens de la phrase. On met un point à la fin de la période, quand le sens est fini ou complet : alors l'esprit n'attend plus d'autre mot par rapport à la construction de la phrase particulière.

Fini, e, adjectif qui signifie déterminé, borné, limité, et qui se dit surtout des êtres physiques. Les partisans des idées innées se sont si fort écartés de la voie simple de la nature et de la droite raison, qu'ils soutiennent que nous ne connaissons le fini que par l'idée innée que nous avons, disent-ils, de l'infini ; le fini, selon eux, suppose l'infini, et n'est qu'une limitation de l'idée que nous avons de l'infini. Ils prétendent que nous ne connaissons les êtres particuliers, que parce que nous avons l'idée de l'être en général.

Perceptio rei singularis nihil aliud esse videtur quam limitatio quaedam luminis naturalis, quo ens ipsum universè, seu Deum novimus. Inst. Phil. Edmundi Purchotii Metap. sect. IIIe c. Ve p. 585.

Prius cognoscimus quid sit ens seu esse generatim quam sensibus nostris utamur. Id. ib. p. 567.

Prius est cognoscère ens simpliciter quam ens tale aut entis differentias. Id. ib. p. 568.

Plus on réfléchit sur cette étrange hypothèse, plus on la trouve contraire à l'expérience et aux lumières du bon sens. Quand nous venons au monde, et que nos sens ont acquis une certaine consistance, nous sommes affectés par les objets particuliers ; et ce sont ces différentes affections qui nous donnent les idées des êtres particuliers. Nous voyons ces êtres bornés par leurs propres limites et par l'étendue ultérieure qui les environne. A la vérité, je ne puis bien entendre qu'un objet est fini, que je n'en connaisse les bornes, et que je n'aye acquis par l'usage de la vie, l'idée d'une étendue ultérieure ; mais ces deux points me suffisent pour savoir qu'un tel corps est fini, sans que l'idée de l'infini me soit nécessaire, puisque ce corps singulier n'est point une partie intégrante de l'infini, et que je puis entendre qu'on me parle de l'un, sans être obligé de penser à l'autre. Si j'observe une île dans la mer, je vois qu'elle a une étendue circonscrite par les eaux. Aussi S. Paul, au lieu de nous dire que l'idée innée de l'infini nous fait connaître les créatures, nous enseigne au contraire que " les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, sont devenues visibles depuis la création du monde, par la connaissance que ses créatures nous en donnent ". Ad rom. c. j. Ve 20.

Ainsi on est beaucoup plus conforme à la pensée de S. Paul et au langage du S. Esprit, en soutenant que les idées particulières des êtres finis dont nous pouvons toujours écarter les limites, nous mènent enfin à l'idée de l'infini, qu'en voulant que l'idée de l'infini soit nécessaire pour connaître un être fini : c'est comme si l'on disait qu'il faut avoir Ve la mer pour connaître une rivière que l'on voit couler dans son lit, et qu'il faut avoir idée d'un royaume, pour voir une ville renfermée dans ses remparts.

En un mot, c'est par les idées singulières que nous nous élevons aux idées générales ; ce sont les divers objets blancs dont j'ai été affecté, qui m'ont donné l'idée de la blancheur ; ce sont les différents animaux particuliers que j'ai vus dès mon enfance, qui m'ont donné l'idée générale d'animal, etc. Ce n'est que de ce principe bien developpé et bien entendu, que peut naître un jour une bonne logique. Voyez ABSTRACTION, ADJECTIF. (F)

FINI, (Philos. et Géom.) on appelle grandeur finie, celle qui a des bornes ; nombre fini, tout nombre dont on peut assigner et exprimer la valeur ; progression finie, celle qui n'a qu'un certain nombre de temps, par opposition à la progression infinie, dont le nombre de termes peut être si grand que l'on voudra.

Nous n'avons d'idées distinctes et directes, que des grandeurs finies ; nous ne connaissons l'infini que par une abstraction négative et par une opération pour ainsi dire négative de notre esprit, qui ne fait point attention aux bornes de la chose que nous considérons comme infinie. Il est si vrai que l'idée que nous avons de l'infini, n'est point directe et qu'elle est purement négative, que la dénomination même d'infini le prouve. Cette dénomination qui signifie négation de fini, fait voir que nous concevons d'abord le fini, et que nous concevons l'infini en niant les bornes du fini. Cependant il y a eu des philosophes qui ont prétendu que nous avions une idée directe et primitive de l'infini, et que nous ne concevions le fini que par l'infini ; mais cette idée si extraordinaire, pour ne pas dire si extravagante, n'a plus guère aujourd'hui de partisans ; encore sont-ce des partisans honteux, si on peut parler ainsi, qui ne soutiennent cette opinion que relativement à leur système des idées innées, parce que ce système les conduit à une si étrange conséquence. En effet, si nous avons une idée innée de Dieu, comme le veulent ces philosophes, nous avons donc une idée innée primitive et directe de l'infini ; nous connaissons Dieu avant les créatures, et nous ne connaissons les créatures que par l'idée que nous avons de Dieu, en passant de l'infini au fini. Cette conséquence si absurde suffirait, ce me semble, pour renverser le système des idées innées, si ce système n'était pas aujourd'hui presqu'entièrement proscrit. Voyez IDEE. Voyez aussi INFINI, et l'article précédent.

M. Musschenbroeck dans le second chapitre de ses essais de Physique, dit et entreprend de prouver que le fini peut être égal à l'infini ; c'est tout au moins une mauvaise manière de s'énoncer ; il fallait dire seulement, qu'un espace fini en tout sens, peut être égal à un espace infini en un sens. C'est une vérité que les Géomètres prouvent dans une infinité de cas ; témoin la logarithmique et une infinité d'autres courbes. Voyez LOGARITHMIQUE. M. Musschenbroeck, parmi les preuves de son assertion, apporte l'hyperbole : en quoi il se trompe, du moins s'il veut parler de l'hyperbole ordinaire ; car on prouve que l'espace renfermé entre l'hyperbole ordinaire et ses asymptotes, est non-seulement de longueur infinie, mais aussi infini en surface. Voyez ASYMPTOTE. (O)