Il reste encore dans l'Arménie, dans la Géorgie, et dans la Perse, plusieurs anciens édifices bâtis des mêmes matériaux. A Tauris, autrefois Ecbatane, à Kom, à Teflis, à Erivan, et ailleurs, les vieilles maisons sont de briques.

Pendant plusieurs siècles les autres parties du monde ne furent pas plus magnifiques en édifices. L'usage de bâtir de briques composées de terre mêlée de pailles menues, qui avait commencé dans l'Asie, passa en Egypte. Ce travail pénible fut un des moyens dont l'un des Pharaons se servit pour opprimer les Israélites. Les Grecs prirent aussi cette manière de bâtir, des Orientaux. Vitruve, qui vivait sous le règne d'Auguste, dit qu'on voyait encore de son temps dans Athènes l'Aréopage bâti de terre et couvert de chaume.

Rome dans son origine et pendant les quatre premiers siécles de sa fondation, n'était qu'un amas informe de cabanes de briques et de torchis. Les Romains prirent dans la suite des Toscans, la manière de bâtir avec de grosses pierres massives et carrées. Vers les derniers temps de la république, ils revinrent à la brique. Le panthéon et d'autres grands édifices en furent construits. Sous Galien, on formait les murs alternativement d'un rang de brique et d'un rang de pierre tendre et grise.

Les Orientaux faisaient cuire leurs briques au soleil : les Romains se servirent d'abord de briques crues, seulement séchées à l'air pendant quatre à cinq ans. Les Grecs avaient trois sortes de briques ; la première qu'ils appelaient didoran ou de deux palmes ; la seconde, tetradoran ou de quatre palmes ; et la troisième, quintadoran ou de cinq palmes. Outre ces briques de jauge, ils en employaient de plus petites de moitié qui servaient de liaison et ornaient leurs édifices par la diversité des figures et des positions.

Les briques parmi nous ont différents noms, pris de leurs formes, de leurs dimensions, de leur usage, et de la manière de les employer.

La brique entière de Paris, est ordinairement de huit pouces de long sur quatre de large et deux d'épais.

La brique de Chantignole ou demi-brique, n'a qu'un pouce d'épais, les autres dimensions comme la brique entière.

On appelle briques en liaison, celles qui sont posées sur le plat, liées, moitié par moitié, les unes sur les autres, et maçonnées avec plâtre et mortier.

Briques de champ, celles qui sont posées sur leur côté pour servir de pavé.

Briques en épi, celles qui sont placées sur l'angle diagonalement en manière de point d'Hongrie ; tel est le pavé de Venise.

La brique de Chantignole ou demi-brique, sert entre des bordures de pierre aux autres et aux contre-cœurs de cheminée.

Manière de faire la brique. Ne prenez ni terre areneuse ou graveleuse, ni bourbiers sablonneux ; ces matières pesent trop et ne résistent point à la pluie. Si vous trouvez de la terre blanche qui tienne de la craie, de la terre rouge, ou même du sablon mâle rouge, servez-vous en : vos briques seront fermes et légères ; deux conditions essentielles. Chaisissez pour ce travail la saison qui convient le mieux pour faire sécher. En un mot, ayez de bonne argille, qui ne soit pas sablonneuse, ou de la terre courte, moins forte que la terre grasse ; ou si vous avez de l'argille et de la terre courte, faites-en un mélange en parties égales. Trempez votre mélange sans le noyer ; remuez-bien ; délayez avec une pelle ; et battez avec la tête d'un piquoir ou d'une houe : plus vous battrez, meilleure sera votre brique. Ayez des moules ou cadres de bois de la dimension intérieure que vous voulez donner à votre brique : mouillez-les : saupoudrez-les d'un peu de sable bien sec, afin que la matière de vos briques ne s'y attache pas : remplissez les de terre : foulez la terre avec les mains : ayez ensuite un gros bâton rond ; achevez de presser la terre dans des moules, en faisant passer ce bâton fortement sur cette terre, que ce bâton soit poli et mouillé afin que la terre ne s'y prenne pas : cela fait, prenez votre moule et déchargez-le de plat dans un lieu bien uni : recommencez la même manœuvre, saupoudrant le moule et foulant la terre avec les mains et le bâton : laissez sécher vos briques au soleil ; quand elles seront à demi seches, taillez-les, c'est-à-dire enlevez avec un couteau tout ce qui nuirait à la régularité de la figure. Quand il est important que les briques soient bien régulières, on a pour cette opération un nouveau moule de la forme même de la brique, seulement un peu plus petit ; mais n'ayant que deux côtés disposés en équerre : on applique la brique entre ces deux côtés, les deux autres dirigent le couteau. Quand on a taillé deux côtés, on taille les deux autres de la même manière, et l'on a par ce moyen des briques bien équarries et bien égales entr'elles. Quand vos briques seront taillées, posez-les sur le côté deux à deux, à la hauteur d'un pied et demi : formez-en des rangées ; mettez de l'espace entre chaque rangée, et laissez les sécher. Ayez un four, et disposez-y vos briques de manière qu'elles puissent être bien pénétrées par le feu, ou faites les cuire en plein air ; car il y a ces deux manières de cuire la brique ; mais la première est la meilleure. Le four n'a rien de particulier ; i il est à grande volée ou à l'ordinaire, seulement de moitié plus grand que celui du Potier. On met les briques dans le four : on le ferme : on y met du bois : on fait un feu médiocre, jusqu'à-ce que la fumée du fourneau, d'un blanc obscur qu'elle paraitra, devienne noire ; alors on cesse de mettre du bois ; on continue seulement d'entretenir la chaleur avec des fagots, de la paille, des genêts, etc. jusqu'à ce que le four paraisse blanc, et que la flamme s'élève jusqu'au haut de la cheminée. Quand on a fait durer cette chaleur pendant quelque temps, on la ralentit, et on laisse refroidir le four par degrés. On réitère la même opération, échauffant le four, et le refroidissant alternativement jusqu'à ce que la brique paraisse avoir été bien pénétrée par le feu, ce qui n'est guère possible qu'au bout de quarante-huit-heures.

Les bons fours sont en voute, et les bons ouvriers disposent les briques de manière qu'elles laissent entr'elles des vides entre lesquels la flamme puisse s'insinuer. Voici comment on s'y prend, on place les briques les unes sur les autres ; en sorte qu'elles empiétent pour se soutenir : mais on laisse entre chacune le plus d'espace qu'on peut ; en sorte que la masse totale est proprement construite tant vide que pleine. Elle ne doit pas remplir entièrement le four, mais laisser aux deux côtés et sur le devant un espace nécessaire pour les matières combustibles. On couvre cet espace d'un lit de bois ; on place sur ce lit une couche de charbon. On ne manque pas non plus d'insérer dans tous les vides des briques, du charbon, et du petit bois ; il arrive de-là qu'en un moment toute la masse est pénétrée de flamme : on renouvelle ce feu, autant qu'il est nécessaire ; et on ne le laisse entièrement éteindre, que quand on juge la brique cuite.

Voilà la manière d'avoir de la brique assez bonne : mais il y a apparence qu'on l'aurait beaucoup meilleure, si les ouvriers y apportaient les précautions suivantes : 1°. n'employer à faire la brique, que la terre qui aurait été tirée et retournée au moins une fais, entre le premier de Novembre et le premier de Février ; 2°. ne la façonner en brique qu'au premier de Mars, et cesser au 29 Septembre ; 3°. n'y mêler rien qui puisse la détériorer ; 4°. y ajouter une certaine quantité de cendre de charbon criblée et passée au tamis fin ; 5°. nommer des gens pour visiter les fourneaux, les briques et les terres qu'on y emploie ; 6°. faire battre par des hommes, et fouler la terre par des animaux, avant que de l'employer ; 7°. y faire mettre du sable, quand elle est d'une nature trop molle ; 8°. faire tremper la brique dans l'eau, après qu'elle aurait été cuite une première fais, et la remettre au feu, elle en acquerrait le double de dureté ; 9°. veiller à ce qu'avant de les mettre au four, elles ne soient point exposées à sécher à un trop grand soleil ; 10°. les garantir pareillement du trop grand soleil en été, en les couvrant soit de paille soit de sable. Il y aurait encore un grand nombre d'autres précautions à prendre pour faire la brique si bonne, qu'elle serait peut-être plus durable que la pierre même : mais à quoi bon les indiquer ? le commerce et la fabrication de la tuîle sont libres ; et il n'y a point de règles prescrites, ni à l'ouvrier, ni au marchand, ni à l'acheteur. On se plaint que nos ouvrages en maçonnerie n'ont pas la force de ceux des anciens, et l'on ne voit pas qu'ils prenaient pour les faire durer, toutes les précautions qu'ils imaginaient nécessaires, au lieu que nous n'en prenons aucune.

Il nous vient de la brique de Bourgogne, de Melun, et de Corbeil ; celle de Bourgogne passe pour la meilleure : il faut la choisir bien cuite, sonnante et colorée. Elle s'achète au millier : on ne peut rien statuer sur son prix. Elle a valu d'abord dix liv. le millier, puis quinze ; et il y a apparence qu'elle vaut davantage, et qu'elle augmentera de prix à mesure que les matières combustibles deviendront plus rares. Ceux qui ont de grands bâtiments de brique, soit à faire, soit à entretenir, épargneront beaucoup à louer des ouvriers qui la travaillent sur leur terre : ils leur donneront quarante-cinq à cinquante sous par jour, ou plutôt ils les payeront à raison de trois liv. pour chaque mille de briques bonnes et entières après la cuisson. On leur fournit le bois à raison de vingt-cinq cordes pour trente milliers de briques cuites en plein air. Il faut un quart de bois de moins dans une briqueterie, ou four fait exprès : plus le four a servi, plus il s'échauffe facilement.

Un commentateur de Vitruve voudrait qu'on donnât aux briques la forme d'un triangle équilatéral, dont chaque côté eut un pied de long, sur un pouce et demi d'épais. Il prétend que ces briques s'emploieraient plus commodément, couteraient moins, et seraient plus solides et d'une plus belle apparence : elles ajouteraient, dit-il, de la force et de la grâce, surtout aux angles d'un ouvrage dentelé. M. Wotton s'étonne avec raison de ce qu'on a négligé l'avis du commentateur de Vitruve.

La brique est d'usage en Médecine ; on la fait chauffer, et on l'emploie sur différentes parties du corps ; on en met quelquefois sur les cataplasmes pour les tenir chauds.

L'huîle de brique, autrement appelée l'huîle des philosophes, se fait comme il suit. On éteint des briques chaudes dans de l'huîle d'olive, et on les y laisse jusqu'à ce qu'elles en aient pris toute l'huîle : on les distille ensuite par la retorte, et on retire l'huîle que l'on sépare de l'esprit.

Cette huîle est chargée de particules ignées, et de l'acide de la brique ; ainsi elle est résolutive, carminative, calmante, et bonne à l'extérieur dans les embrocations, et les liniments pour les tumeurs froides. (N)