Jornandès néanmoins confond les Getes et les Goths, en se servant indifféremment de ces deux noms pour designer le même peuple, et il a été jeté dans cette illusion par presque tout ce qu'il y a eu d'auteurs avant lui qui ont parlé de la nation des Goths. Tels sont Jules-Capitolin, Spartien, Claudien, Procope, Prudence, Orose, saint Jérôme et autres ; mais toutes ces autorités doivent céder au témoignage de la saine antiquité qui dit formellement le contraire ; on en trouvera la preuve dans Cluvier et Pontanus : ils se sont réunis à démontrer expressément l'erreur de l'opinion de Jornandès. Les poètes comme Claudien et Prudence ayant trouvé le nom de Getes déjà annobli par Ovide, n'ont pas fait réflexion que ce peuple avait disparu en se confondant avec les Daces, avant qu'il fût question des Goths dans la Scythie.

Remarquons cependant que les Goths de la Scandinavie ne formaient pas tous les Goths ; leur petit nombre ne s'accorde point avec la vaste étendue du pays qui porta leur nom : mais plusieurs peuples s'unirent ensemble sous les mêmes chefs, et formèrent des sociétés auxquelles on donnait un nom commun ; ensuite par les changements que produisirent ces diverses associations, il arriva que telle nation qui avait donné son nom à tous ses alliés, se trouva à son tour confondue sous le nom d'un autre confédéré devenu plus puissant qu'elle avec le temps ; Ainsi Pline met les Guttons entre les peuples Vandales, et Procope met les Vandales au nombre des Goths.

Les Goths ont été souvent nommés Scythes par les historiens, parce qu'ils habitaient la petite Scythie au bord du Pont-Euxin, et au-delà du Danube ; ils ont encore été nommés Sarmates à cause de leur origine, ou plutôt à cause de leur liaison avec les Sarmates méridionaux. Quoi qu'il en sait, ils avaient déjà passé le Danube sur la fin du second siècle, et s'étaient avancés jusque dans la Thrace. Sous Décius ils la ravagèrent, et fondirent même en Macédoine ; vers l'an 256 sous Valerien, ils se réunirent à d'autres barbares, et pénétrèrent dans l'Illyrie. En général ils profitèrent du règne faible des empereurs pour faire des irruptions de toutes parts, et se jeter sur différentes provinces ; néanmoins l'an 263 les troupes romaines les chassèrent de l'Asie, et les firent repasser dans leur pays. L'an 270 les Goths qui s'étaient retirés sur le mont Hémus, y furent attaqués par la peste, par la famine, et par Claudius qui les força de demander quartier.

Quelques auteurs prétendent qu'ils reçurent la lumière de l'évangîle vers l'an 325, sous Constantin ; mais lorsqu'il est question du christianisme des goths de ce temps-là, il faut bien distinguer ceux qui faisaient un corps de nation, d'avec les Goths qui étaient dans l'empire. Quelques-uns de ces derniers purent devenir chrétiens, les autres en étaient bien éloignés.

On ignore l'époque de leur division en Ostrogoths et en Wisigoths. Il parait seulement que cette division était déjà établie du temps de Claudius II. Peut-être que le Danube fut l'occasion de nommer Ostrogoths ou Goths orientaux, ceux qui demeurèrent à la gauche de ce fleuve, et Wisigoths ou Goths occidentaux ceux qui s'établirent en-deçà et sur la droite. Toujours est-il certain que les Goths devinrent deux nations distinctes qui prirent des routes, et eurent des destinées très-différentes ; et ce fut sous l'empire de Valents vers l'an 370, que la distinction des deux nations de Goths se fit le plus connaître.

Ils obéissaient alors à deux rois ; Fritigerne gouvernait les Wisigoths, et Othanaric les Ostrogoths. Ces derniers s'attachèrent à l'empire d'orient, et goutèrent l'Arianisme qu'ils portèrent en Italie, dans les Gaules et en Espagne. Tantôt vainqueurs, tantôt vaincus, ils obtinrent enfin la Thrace, et furent assez tranquilles tant que vécut Théodose ; mais après sa mort ils attaquèrent l'empire romain sous Radagaise, et ensuite sous Alaric qui prit Rome, la pilla, et finit ses jours à Cozence.

Ataulphe son successeur devint amoureux de la sœur d'Honorius, l'épousa, céda l'empire à son beau-frère, et se retira dans les Gaules avec une partie de ses Wisigoths ; l'autre partie préféra de rester en Italie où elle devint si puissante, qu'Odoacre trouva le secret d'usurper le trône, et de s'emparer de l'autorité souveraine.

Théodoric partit de Thrace avec ses Ostrogoths, défit Odoacre, et commença le royaume des Ostrogoths en Italie ; je dis le royaume, parce que ce prince se contenta du titre de roi, et fit sa résidence à Ravenne. Ses successeurs se brouillèrent avec l'empereur Justinien qui détruisit leur monarchie par les victoires de Bélisaire et de Narsès ; depuis cette époque qui est de l'an 552, il n'est plus question des Ostrogoths dans l'histoire. Seize ans après Alboin vint en Italie, et fonda le royaume des Lombards.

Les Wisigoths alliés d'abord avec les Francs, rompirent dans la suite avec eux, quittèrent le séjour de la Provence qu'on nommait alors G aule narbonnaise seconde, et se rendirent en Espagne vers l'an 407, où ils formèrent une nouvelle monarchie qui dura jusqu'à l'invasion des Maures, c'est-à-dire jusqu'au huitième siècle.

Nous avons parcouru très-rapidement l'histoire d'un peuple qui a joué longtemps un grand rôle en Europe ; mais outre que les détails historiques seraient ici déplacés, ceux qui seront curieux d'approfondir l'origine de ce peuple, ses progrès, ses divisions, ses révolutions et sa chute, peuvent consulter les écrivains qui y ont employé leurs veilles : tels sont, par exemple, Jornandès, de origine Gothorum ; Priscus dans son histoire gothique, Joannis magni, historia de omnibus Sueonum, Gothorumqregibus ; il y a une belle édition de cet ouvrage à Rome en 1554 in-folio. Isidore de Séville, de Gothis, Vandalis et Suevis, in-folio. Torfaei, universi septentrionis antiquittates, Hafniae 1705 in-4°. Grotius dans ses prolégomenes ad historiam Gothorum et Vandalorum in-folio. Cluvier, Germ. antiq. etc. (D.J.)