Wallerius compte huit espèces de grais, mais elles ne diffèrent réellement que par la finesse des parties dont il est composé.

1°. La première espèce est le grais ou pierre à aiguiser, cos turcica, ainsi nommée par l'usage qu'on en fait ; ses parties sont très-fines : on le frotte d'huîle quand on veut s'en servir pour repasser les rasoirs, les couteaux, et autres instruments tranchans.

2°. Le grais dont on fait les pierres de remouleurs dont le grain est assez fin ; il est ou gris ou blanc, ou rougeâtre ou jaunâtre.

3°. Le grais d'un tissu lâche, au-travers duquel l'eau peut se filtrer, qu'on appelle communément pierre à filtrer.

4°. Le grais poreux qui parait comme vermoulu ; il donne aussi passage à l'eau, comme le précédent.

5°. Le grais à bâtir ; c'est celui dont on se sert pour bâtir en plusieurs endroits : il est mêlé d'argille, et varie pour la dureté et la finesse de ses parties. Le grais de Suède, qu'on nomme pierre de Gothie, affecte une figure cubique ; la même chose arrive au grais dont on se sert pour le pavé à Paris.

6°. Le grais grossier ou ordinaire, qui est ou blanc ou gris ou jaunâtre : ses parties sont grossières et inégales.

7°. Le grais feuilleté ; il varie pour la finesse et la grossiereté de ses parties.

8°. Le grais mélangé, dont les parties qui le composent sont des petites pierres de différentes espèces.

En général on entend par grais, des pierres composées de sable, de quelque nature qu'il soit : c'est de cette pierre qu'on se sert pour paver les rues de Paris, et il n'en est point de plus propre à cet usage : il s'en trouve une grande quantité dans les environs de Fontainebleau, qui vient ici par la rivière de Seine. Quelques-uns de ces grais sont assez peu compactes, et on les brise très-aisément au marteau pour en faire du sablon qui sert à nettoyer la vaisselle ; d'autres sont d'une dureté très-considérable, et ne se divisent qu'avec beaucoup de peine. (-)

* GRAIS DE NORMANDIE, (Minéralog. et Chimie) c'est ainsi qu'on appelle en Normandie une terre dont on se sert pour faire les pots-à-beurre, et qu'on prétend supérieure en plusieurs cas aux terres d'Allemagne, et même à la porcelaine.

Pour donner au grais la propriété de résister au feu, il faut qu'il ait été rougi ; on le rougit au feu, en le chauffant par degrés ; si le feu est poussé trop vif il se fend : il faut ensuite le refroidir avec la même précaution qu'on l'a chauffé ; il se brise sur le champ, si le refroidissement est subit.

Ce grais est composé d'une terre glaise et d'un petit sablon blanc semblable à celui d'Etampes ; la glaise en est beaucoup plus onctueuse que la commune ; elle se dissout sur la langue et laisse un goût de savon, sans aucun vestige de stipticité ; on la tire de la terre près de Domfront ; au sortir de la terre elle est humide, elle ne tarde pas à se secher : on trouve dans les trous d'où on l'a tirée, de petits poissons que les ouvriers pêchent et qu'ils mangent. D'où viennent ces poissons ? il n'y a dans les environs ni étangs ni rivière, ni aucune eau courante. La poterie de cette terre se fabrique aux environs de Mortain.

Pour l'employer, on commence par la couper en tranches minces et legeres avec un couteau à deux manches ; on jette ces tranches dans une fosse avec du sable et de l'eau. On agite le mélange avec une pelle à différents intervalles ; on le laisse en cet état pendant vingt-quatre heures, temps qu'il faut, disent les ouvriers, pour pourrir la terre. La dose de sable varie ; elle est communément d'une partie sur trois de terre ; on retire le mélange de la fosse pour le marcher ou fouler avec les pieds, il en devient plus homogène. Quand il est marché, on le paitrit avec les mains, ensuite on fabrique des vaisseaux sur le tour du potier de terre ; on pese la terre selon l'espèce de vaisseau qu'on veut tourner. On fait secher au soleil le vaisseau tourné ; on a soin d'en varier l'exposition de manière que la dessication s'en fasse également ; sans cette attention, sa forme s'altérera. Quand il est séché, on le fait cuire pendant trois jours et trois nuits. Le fourneau qui sert à la cuisson est oblong ; son âtre Ve toujours en montant de son entrée vers le fond, et son diamètre en diminuant du bas en haut ; sa chaleur en devient plus vive et plus uniforme. Le foyer est au-dessous de l'âtre ; il est placé à l'entrée du fourneau, et n'a qu'environ deux pieds de largeur : la gueule n'a pas plus d'un pied et demi de hauteur sur environ six pieds de longueur ; vers le fond, le sommet est percé d'une ouverture qui sert de cheminée : on remplit le fourneau de pots jusqu'à cette ouverture.

On dit que des vaisseaux faits avec cette terre ou grais de Normandie, composée d'un quart d'os calcinés, d'environ trois quarts de terre, et d'un neuvième de sable, supporteront la plus grande violence du feu, et le refroidissement le plus subit, même l'immersion dans l'eau.

On peut aussi, selon le mémoire que nous analysons, substituer avec succès aux of calcinés la chaux, le plâtre, les coquilles, etc. L'auteur prétend encore qu'on peut sans inconvénient supprimer entièrement l'addition de sable, parce que le grais dont il s'agit n'en contient déjà que trop.

GRAIS, c'est ce que les Miroitiers-lunettiers appellent ordinairement du nom de meule ; ils n'emploient communément que celles de Lorraine, qui sont également bonnes pour leurs ouvrages, quoiqu' inférieures à celles d'Angleterre : c'est sur ce grais qu'ils dressent et arrondissent les bords des verres de leurs lunettes, pour les placer dans la rainure des châsses. Voyez CHASSE. Dictionnaire de Commerce.