Il y a plusieurs espèces de guêpes ; les unes habitent sous terre, et les autres en plein air : les premières sont les plus communes : on les a nommées guêpes souterraines, à cause que leurs nids sont dans la terre, et guêpes domestiques, parce qu'elles entrent dans les maisons et qu'on les voit manger dans les plats que l'on sert sur les tables. Ces guêpes vivent plusieurs ensemble comme les abeilles. Il y a des guêpes mâles et des guêpes femelles, mais la plupart n'ont point de sexe, c'est pourquoi on leur donne le nom de mulets : on les appelle aussi guêpes ouvrières, parce qu'elles travaillent à la construction du nid, et qu'elles y apportent des aliments. Les guêpes mâles, femelles, et mulets d'un même nid viennent d'une seule mère, qui est fécondée dans l'automne, et qui après avoir passé l'hiver dans quelque lieu abrité, se trouve au printemps en état de faire sa ponte.

Cette guêpe creuse un trou dans un lieu où la terre est facîle à remuer, et où il n'y a point de pierres : c'est ordinairement dans un pré, dans un champ, ou sur les bords d'un grand chemin. Quoique seule, elle déplace une assez grande quantité de terre pour former une cavité où elle puisse construire le commencement d'un guêpier, c'est-à-dire d'un nid qui doit contenir un très-grand nombre de guêpes. Voyez GUEPIER. Elle commence l'enveloppe du guêpier sur les parois supérieures de la cavité, et y attache le premier gâteau. A mesure qu'elle acheve un alvéole, et même avant qu'il soit achevé, elle y pond un œuf, qui est blanc, transparent, de figure oblongue, plus gros à l'un des bouts qu'à l'autre ; un de ces œufs est collé au fond de chaque alvéole, pendant qu'elle en construit de nouveaux et qu'elle y dépose des œufs. Ceux qui ont été pondus les premiers, éclosent au bout de huit jours ; il en sort des vers que la mère nourrit ; elle Ve dans la campagne chercher des aliments pour les vers, et la matière qu'elle emploie pour la construction du guêpier. Les vers avancent la tête hors de leurs alvéoles, et ouvrent la bouche pour recevoir la nourriture que la mère leur apporte. Lorsqu'ils sont devenus assez gros pour remplir les alvéoles, ils en ferment l'ouverture avec un couvercle de soie, qu'ils filent comme les vers à soie ; et ils tapissent les parois de l'alvéole. Après quelques jours de repos ils se transforment en nymphes. L'Insecte reste dans cet état pendant huit ou neuf jours, ensuite il se dépouille de son enveloppe, il ronge les bords du couvercle de l'alvéole, le pousse en-dehors, et parait enfin sous la forme de mouche.

Dès que les guêpes sortent des alvéoles, elles aident la mère à nourrir les vers, et à construire le guêpier, tandis qu'elle continue sa ponte. Tous les premiers œufs ne produisent que des mulets ; et lorsqu'il y en a un assez grand nombre pour multiplier les alvéoles, pour soigner les vers, et pour apporter la nourriture, la mère ne sort plus du guêpier, elle pond continuellement. Après qu'il y a plusieurs milliers de mulets éclos, elle commence à pondre des œufs de mâles et de femelles. Elle dépose ces œufs dans des alvéoles qui ne se trouvent que dans les quatre ou cinq derniers gâteaux du guêpier, et qui sont plus grands que ceux qui renferment les œufs des mulets. Les guêpes femelles sont plus grandes que les mâles, et les mulets plus petits ; ceux-ci sont de deux grandeurs différentes, de même que les mâles. Les mulets ont un aiguillon qui cause plus de douleur que celui des abeilles ; les femelles ont aussi un aiguillon, et il est plus long et plus gros que celui des mulets ; les mâles n'en ont point. Lorsqu'il y a quinze ou seize milliers de mulets, il ne se trouve ordinairement à la fin de l'été que trois cent mâles et autant de femelles.

Les mulets vont chaque jour chercher dans la campagne des aliments, qu'ils rapportent dans le guêpier pour nourrir les mâles, les femelles, et les mulets qui y restent ; ces aliments sont des fruits, de la chair, des mouches, et surtout des abeilles. Lorsqu'une guêpe rencontre une abeille, elle se jette dessus, la divise en deux parties avec ses dents, et emporte le ventre, qu'elle trouve sans-doute meilleur que le corcelet et la tête, parce qu'il est rempli de miel. On ne sait que trop combien les guêpes gâtent les fruits en les suçant ; ces insectes sont si avides de chair, que les bouchers de campagne ne pourraient pas en préserver leurs viandes, s'ils ne prenaient le parti d'exposer en-avant sur leurs boutiques un foie de veau ou une rate de bœuf, que les abeilles préfèrent à d'autres viandes, parce qu'ils sont plus aisés à couper ; elles se jettent toutes sur ces morceaux, et ne vont pas plus loin. Les Bouchers trouvent encore un autre avantage en les rassemblant ainsi, c'est que les grosses mouches bleues dont viennent les vers qui font corrompre la viande, craignent les guêpes, et n'approchent pas d'un lieu où il y en a beaucoup. Lorsqu'un mulet arrive au guêpier avec sa proie, plusieurs guêpes l'entourent et prennent leur part de ce qu'il a apporté ; si c'est un aliment solide, elles le coupent en morceaux ; si c'est un suc tiré des fruits, le mulet le fait sortir de sa bouche par gouttes que les autres viennent sucer.

A la fin du mois d'Aout, les mulets construisent les derniers gâteaux du guêpier, et la mère y dépose les œufs des mâles et des femelles en finissant sa ponte ; ainsi c'est au commencement de l'automne que le guêpier est complet, et que le nombre des guêpes y est le plus grand. Un guêpier a quelquefois plus de seize mille alvéoles. Comme il arrive souvent que la mère pond successivement deux, et même trois œufs dans chacun, il se trouve à la fin de l'été jusqu'à trente mille guêpes dans ce guêpier. Alors la mère, les mâles, et les femelles nouvellement nés sortent du guêpier comme les mulets pour chercher leur nourriture. Tout est en vigueur et en bon ordre, mais cet état florissant ne dure qu'un mois ou six semaines. Au commencement d'Octobre ces insectes semblent n'avoir plus d'instinct, tout est en désordre dans le guêpier ; les mulets et les mâles tirent des alvéoles les œufs et les petits vers, les tuent et les dispersent au loin : ensuite toutes les guêpes languissent dans les premiers froids de l'automne ; si elles se raniment lorsque le soleil les rechauffe, ce n'est que pour quelques moments ; à mesure que l'hiver approche, elles perdent leurs forces ; les mouches dont elles se nourrissaient leur résistent, enfin les mâles et les mulets périssent par le froid. Les femelles se soutiennent mieux, elles se retirent dans le guêpier ou dans des trous, mais il en meurt beaucoup : celles qui peuvent vivre jusqu'au printemps ayant été fécondées avant la mort des mâles, sont en état de former chacune un guêpier.

Pour observer les guêpes, on renferme un guêpier dans une ruche vitrée ; pour cette opération il faut être vêtu de façon à ne pas craindre leur aiguillon. On déterre un guêpier et on le met dans une ruche ; les guêpes après s'être dispersées y rentrent, et lorsque la nuit est venue, on ferme la ruche et on la transporte où l'on veut avec le guêpier qu'elle contient. Les guêpes appelées aériennes, parce qu'elles ont leurs nids en plein air, sont plus petites qu'aucunes de celles qui vivent en société ; leurs guêpiers sont attachés à une branche d'arbre, à une paille de chaume, à une plante, à un mur, etc. Ils diffèrent des aut res en ce que les gâteaux sont posés verticalement, et qu'ils n'ont point d'enveloppe commune qui les mette à l'abri ; mais leur position est favorable à l'écoulement de l'eau, et ils sont enduits d'un vernis qui y résiste. Ces guêpes ne quittent leur nid que pour chercher leur nourriture et celle des vers qui doivent perpétuer leur espèce : elles ressemblent aux guêpes souterraines par leur manière de vivre et de se multiplier.

On a donné le nom de cartonnières à de petites guêpes d'Amérique, parce que leur guêpier est enveloppé d'une sorte de carton très fort et très-blanc ; cette couverture leur est nécessaire, parce qu'elles sont plus délicates que les guêpes d'Europe, et que l'air est nuisible à leurs vers. La plus grande différence qu'il y a entre ces guêpes cartonnières et les guêpes souterraines dont il a été fait mention, consiste dans la manière de construire le guêpier. Voyez GUEPIER. Mém. pour servir à l'hist. des Insectes, tom. VI. Abregé de l'hist. des Insectes, tom. II. Voyez INSECTE. (I)