M. Mariotte ayant examiné la végétation des cheveux, crut en effet trouver qu'elle ne ressemblait point à celle des plantes qui poussent leur seve entre leurs fibres et leurs écorces, jusqu'aux extrémités de leurs branches, mais comme les ongles, où les parties anciennes avancent devant les nouvelles ; car quand on tient ce qui reste sur la tête de cheveux, après qu'on les a récemment coupés, ce qui était près de la peau est d'une couleur différente du reste. Cet académicien parait s'accorder en cela mieux avec les anciens physiologistes qu'avec la vérité.

Les cheveux sont composés de cinq ou six fibres enfermées dans une gaine assez ordinairement cylindrique, quelquefois ovale ou à pans ; ce qui s'aperçoit au microscope, même à la vue simple ; quand les cheveux se fendent, c'est que la gaine s'ouvre, et que les fibres s'écartent.

Les fibres et le tuyau sont transparents ; et cette multiplicité de fibres transparentes doit faire à l'égard des rayons, l'effet d'un verre à facettes : aussi quand on tient un cheveu proche la prunelle, et qu'on regarde une bougie un peu éloignée, on aperçoit un rayon de chaque côté de la bougie, et chaque rayon est composé de trois ou quatre petites images de la bougie, un peu obscures et colorées ; ce qui prouve que chaque fibre du cheveu fait voir par réfraction une bougie séparée des autres : et comme il n'y a que la réfraction qui donne les couleurs, les couleurs de chaque image concourent à prouver cette théorie.

Les modernes pensent que chaque cheveu et peut-être chaque fibre qui le compose, vit dans le sens stricte, qu'il reçoit un fluide qui le remplit et le dilate, et que sa nutrition ne diffère pas de celle des autres parties. Ils opposent expériences à expériences : dans les personnes âgées, disent-ils, les racines des cheveux ne blanchissent pas plutôt que les extrémités ; tout le cheveu change de couleur en même temps. Le même phénomène a lieu dans les enfants. Il y a nombre d'exemples de personnes qu'une grande frayeur ou qu'une douleur extrême a fait blanchir en une nuit. Leur sentiment est que les cheveux croissant de la tête, comme les plantes de la terre, ou comme certaines plantes parasites naissent et végetent des parties d'autres plantes ; quoique l'une de ces plantes tire sa nourriture de l'autre, cependant chacune a sa vie distincte, et son oeconomie particulière : de même le cheveu tire sa subsistance de certains sucs du corps, mais il ne la tire pas des sucs nourriciers du corps ; de-là vient que les cheveux peuvent vivre et croitre quoique le corps dépérisse. Ce qui explique les faits rapportés dans les transactions philosophiques par Wulferus et Arnold. Wulferus dit que le tombeau d'une femme enterrée à Nuremberg, ayant été ouvert quarante ans après sa mort, on vit sortir à-travers les fentes du cercueil, une si grande quantité de cheveux, qu'on pouvait croire que le cercueil en avait été tout couvert pendant quelque temps ; que le corps de la femme parut entier ; qu'il était enveloppé d'une longue chevelure épaisse et bouclée ; que le fossoyeur ayant porté la main sur la tête de ce cadavre, il tomba tout entier en poudre, et qu'il ne prit qu'une poignée de cheveux ; que les os du crane étaient réduits en poussière ; que cependant ces cheveux avaient du corps et de la solidité. Arnold raconte d'un homme qui avait été pendu pour vol, que ses cheveux s'allongèrent considérablement, et que tout son corps se couvrit de poil, tandis qu'il était encore à la potence.

Quand le microscope ne ferait pas voir que les cheveux sont des corps fistuleux ; la plica, maladie dont les Polonais sont quelquefois attaqués, et dans laquelle le sang degoutte par les extrémités des cheveux, ne laisserait sur ce fait aucun doute. Les fibres et l'enveloppe observées aux cheveux par M. Mariotte, sont réelles ; mais il y a de plus des nœuds semblables à ceux de quelques sortes d'herbes, et des branches qui partent de leurs jointures ; il coule un fluide entre ces fibres, et peut-être dans ces fibres mêmes, ce que M. Mariotte a nié. Chaque cheveu a une petite racine bulbuleuse, assez profonde, puisqu'elle est insérée jusque dans les papilles pyramidales ; c'est dans cette bulbe que se séparent les sucs qui le nourrissent.

Les cheveux blanchissent sur le devant de la tête, et surtout autour des tempes, et sur le haut plutôt que sur le derrière de la tête et ailleurs, parce que leur suc nourricier y est plus abondant.

C'est la grandeur et la configuration des pores qui déterminent le diamètre et la figure des cheveux ; si les pores sont petits, les cheveux sont fins ; s'ils sont droits, les cheveux sont droits ; s'ils sont tortueux, les cheveux sont frisés ; si ce sont des poligones, les cheveux sont prismatiques ; s'ils sont ronds, les cheveux sont cylindriques.

C'est la quantité du suc nourricier qui détermine leur longueur ; c'est sa qualité qui détermine leur couleur : c'est par cette raison qu'ils changent avec l'âge.

Le docteur Derham examina un poil de souris au microscope, et il lui parut n'être qu'un tuyau transparent, rempli d'une espèce de moèlle ou substance fibreuse, formant des lignes obscures, tantôt transversales, tantôt spirales : ces lignes médullaires pouvaient passer pour des fibres très-molles, entortillées, et plus serrées selon leur direction, qu'ailleurs ; s'étendant depuis la racine du poil jusqu'à l'extrémité, et peut-être destinées à quelque évacuation : d'où il inféra que le poil des animaux ne leur sert pas seulement à les garantir du froid, mais que c'est un organe de transpiration imperceptible. Je crois qu'on peut étendre cette induction à la chevelure de l'homme, par deux raisons ; 1° parce qu'il est évident par la plica, que c'est un assemblage de petits canaux, et que ces canaux sont ouverts par le bout : 2° parce qu'on guérit de maux de tête en se coupant les cheveux, quand ils sont trop longs ; et qu'on se procure des maux d'yeux, quand on est d'un tempérament humide, et qu'on les rase.

La longue chevelure était chez les anciens Gaulois une marque d'honneur et de liberté. César qui leur ôta la liberté, leur fit couper les cheveux. Chez les premiers Français, et dans les commencements de notre monarchie, elle fut particulière aux princes du sang. Grégoire de Tours assure même que dans la seconde irruption qu'ils firent dans les Gaules, c'est-à-dire avant l'établissement de leur monarchie, ils se fixèrent dans la Tongrie, c'est-à-dire le Brabant et les environs de la Meuse, et qu'ils s'y choisirent des rois à longue chevelure, de la race la plus noble d'entr'eux. On lit dans l'auteur des gestes de nos rais, que les François élurent Pharamond fils de Marcomir, et placèrent sur le trône un prince à longue chevelure. Franci elegerunt Pharamundum filium ipsius Marcomiri, et levaverunt eum super se regem crinitum. On sait que Clodion fut surnommé par la même raison le chevelu. Au reste, ce droit de porter de longs cheveux était commun à tous les fils de rais. Clovis, l'un des fils de Chilpéric et d'Andouere, fut reconnu par sa longue chevelure par le pêcheur qui trouva son corps dans la rivière de Marne, où Fredegonde l'avait fait jetter. Gondebaud qui se prétendit fils de Clotaire, ne produisait d'autre titre de son état que des cheveux longs ; et Clotaire pour déclarer qu'il ne le reconnaissait pas pour son fils, se contenta de les lui faire couper. Cette cérémonie emportait la dégradation. Le prince rasé était déchu de toutes ces prétentions : on voit cet usage pratiqué à la disposition de quelques-uns de nos princes renfermés dans les monastères. On fait remonter jusqu'au temps des premiers Gaulois, l'origine de l'usage de se couper les cheveux, en signe de la renonciation à toutes prétentions mondaines que faisaient ou étaient censés faire ceux qui embrassaient la vie monastique. Tant que les longs cheveux furent la marque du sang royal, les autres sujets les portèrent coupés courts autour de la tête. Quelques auteurs prétendent qu'il y avait des coupes plus ou moins hautes, selon le plus ou moins d'infériorité dans les rangs ; en sorte que la chevelure du monarque devenait, pour ainsi dire, l'étalon des conditions.

Au huitième siècle, les gens de qualité faisaient couper les premiers cheveux à leurs enfants par des personnes qu'ils honoraient, et qui devenaient ainsi les parrains spirituels de l'enfant. Mais s'il est vrai qu'un empereur de Constantinople témoigna au pape le désir que son fils en fût adopté en lui envoyant sa première chevelure, il fallait que cette coutume fût antérieure au VIIIe siècle V. PARRAIN, ADOPTION,

Les longues chevelures ont été principalement défendues à ceux qui embrassaient l'état ecclésiastique ; la domination des peuples de la Germanie dans les Gaules y ayant introduit le relâchement des mœurs, plusieurs du clergé portaient de longs cheveux, malgré les lois de l'Eglise. Cet abus fut réprimé dans plusieurs conciles. Un concîle de plusieurs provinces des Gaules, tenu à Agde l'an 509, ordonne que si des clercs portent de grands cheveux, l'archidiacre les leur coupera malgré eux. Cette défense pour les ecclésiastiques a toujours été en vigueur ; il y eut même des temps où les longues chevelures furent interdites à tous les Chrétiens ; mais cette discipline n'a pas subsisté longtemps à leur égard. Voyez CLERC, TONSURE, COURONNE.

Nos antiquaires et nos historiens se sont très-étendus sur la chevelure de nos princes : on sait très-exactement une chose très-importante à savoir, qui d'entr'eux porta des cheveux longs, et qui porta des cheveux courts. La question des cheveux longs et des cheveux courts, a été dans son temps la matière de plusieurs ouvrages polémiques. O curas hominum !

Aujourd'hui on porte ou on ne porte pas des cheveux ; on les porte longs ou courts sans conséquence. Les cheveux sont employés à faire des perruques, contre lesquelles à la vérité un savant homme a fait un traité. Voyez PERRUQUE. Et cet habillement de tête est devenu si ordinaire par sa commodité, que les cheveux sont un objet de commerce assez considérable.

Les cheveux des pays septentrionaux sont plus estimés que les nôtres. De bons cheveux sont bien nourris, et ne sont ni trop gros ni trop fins. Les gros deviennent crêpus quand on les frise ; les fins ne tiennent pas assez la frisure. La longueur des cheveux doit être d'environ vingt-cinq pouces ; leur prix diminue à mesure qu'ils sont plus courts. On recherche plus ceux des femmes que ceux des hommes. On regarde beaucoup à la couleur ; les blonds sont les plus chers. Il y a peu de marchandise dont le prix soit aussi variable ; il y a des cheveux depuis quatre francs jusqu'à cinquante écus la livre. On prétend que les cheveux châtains se blanchissent comme la toile, en les lavant plusieurs fois dans de l'eau limoneuse, et les étendant sur le pré. Quant à l'emploi des cheveux, voyez les articles PERRUQUIER et PERRUQUE. Observons seulement que les cheveux étant une marchandise que nous tirons de l'étranger, il y aurait un avantage à ce que l'usage des perruques de fil-d'archal prévalut. Je ne sais si cet objet est assez considérable pour mériter l'attention. C'est à ceux qui veillent aux progrès du commerce à en être instruits.

Se coeffer en cheveux, c'est avoir les cheveux tressés, relevés, arrangés sur sa tête, sans bonnet ni coiffure. Porter de faux cheveux, c'est fournir par des tresses de cheveux, des tours, des coins, etc. les endroits de la tête qui sont dégarnis de cheveux naturels. La coiffure en cheveux et l'art des faux cheveux ont été à l'usage des Grecs et des Romains. On dit faire les cheveux, couper les cheveux, rafraichir les cheveux. Les rafraichir, c'est en enlever au ciseau la petite extrémité, pour en hâter l'accroissement ; les couper, c'est les abattre entièrement, pour y substituer la perruque ; les faire, c'est les tailler selon la mode regnante. Toutes ces opérations sont du perruquier, de même que celle de les friser. Voyez FRISER.

On a attaché de tout temps la beauté de la chevelure à la longueur et à la couleur des cheveux ; mais tous les peuples n'ont pas eu dans tous les temps le même préjugé sur la couleur. C'est par cette raison qu'il a fallu imaginer pour ceux dont les cheveux n'étaient pas d'une couleur à la mode, des moyens de donner aux cheveux la couleur qu'on voudrait. En voici quelques-uns que nous ne garantissons pas.

Pour noircir les cheveux, mettez sur quatre pintes d'eau de fontaine froide, une demi-livre de chaux, et un quarteron de sel commun ; remuez ce mélange de temps en temps pendant quatre jours ; tirez-le au clair, et le gardez. Prenez une demi-livre de noix de galle ; faites-les bruler dans un pot de fer ou de cuivre bien bouché, avec une demi-livre de graisse de bœuf. Quand le tout vous paraitra en pâtée, laissez refroidir sans déboucher le vaisseau. Prenez ensuite votre masse, réduisez-la en poudre très-fine ; jetez cette poudre sur deux pintes de l'eau que vous avez tirée au clair, ajoutant deux fiels de bœuf, une once de lytarge d'or, une once d'alun, une once de couperose, une once de sumac, une once de verdet, une once de plomb brulé, une once de mine de plomb, une once de vitriol, une once de sel ammoniac. Prenez encore un quarteron de noir d'Anvers ; mettez ce noir sur une chopine ou environ d'eau de chaux, préparée comme on a dit plus haut ; faites bouillir ; jetez ce second mélange bouillant sur le mélange précédent ; renfermez le tout dans une cruche ; laissez reposer cette cruche pendant trois ou quatre jours au coin du feu ; remuez de temps en temps. Lorsque vous voudrez faire usage de votre préparation, prenez-en dans un petit vaisseau, ajoutez-y quatre à cinq gouttes d'eau seconde ; prenez une petite éponge, trempez-la dans ce dernier mélange, et vous en frottez les cheveux ; continuez de vous frotter jusqu'à ce que les cheveux aient pris couleur. Ce procédé a été communiqué par feue madame la comtesse de B. au père de M. Papillon, habîle graveur en bois.

Voici un procédé plus simple. Prenez du brou de noix, mettez-le dans un alembic ; distillez ; recueillez l'eau claire qui vous viendra par la distillation, et vous frottez les cheveux de cette eau.

Il y en a qui pensent que de l'eau seconde répandue dans beaucoup d'eau, produirait le même effet sans aucun danger. Mais l'usage du peigne de plomb, qu'on frotte avec la mine de plomb toutes les fois qu'on le nettoie, s'il n'est pas sur, est du moins très-innocent.