Les Imprimeurs appellent ï trema, celui sur lequel on met deux points disposés horizontalement : quelques Grammairiens donnent à ces deux points le nom de diérèse ; et j'approuverais assez cette denomination, qui servirait à bien caractériser un signe orthographique, lequel suppose effectivement une séparation, une division entre deux voyelles ; , divisio, de , divido. Il y a deux cas où il faut mettre la diérèse sur une voyelle. Le premier est, quand il faut la détacher d'une voyelle précédente, avec laquelle elle ferait une diphtongue sans cette marque de séparation : ainsi il faut écrire Laïs, Moïse, avec la diérèse, afin que l'on ne prononce pas comme dans les mots laid, moine.

Le second cas est, quand on veut indiquer que la voyelle précédente n'est point muette comme elle a coutume de l'être en pareille position, et qu'elle doit se faire entendre avant celle où l'on met les deux points : ainsi il faut écrire aiguïlle, contiguïté, Guïse (ville) avec diérèse, afin qu'on les prononce autrement que les mots anguille, guidé, guise, fantaisie.

Il y a quelques auteurs qui se servent de l'ï tréma dans les mots où l'usage le plus universel a destiné l'y à tenir la place de deux i i : c'est un abus qui peut occasionner une mauvaise prononciation ; car si au lieu d'écrire payer, envoyer, moyen, on écrit païer, envoïer, moïen, un lecteur conséquent peut prononcer pa-ïer, envo-ïer, mo-ïen, de même que l'on prononce pa-ïen, aïeux.

C'est encore un abus de la diérèse que de la mettre sur un i à la suite d'un e accentué, parce que l'accent suffit alors pour faire détacher les deux voyelles ; ainsi il faut écrire, athéisme, réintégration, déifié, et non pas athéïsme, réïntégration, déïfié.

Notre orthographe assujettit encore la lettre i à bien d'autres usages, que la raison même veut que l'on suive, quoiqu'elle les désapprouve comme inconséquents.

1°. Dans la diphtongue oculaire A I, on n'entend le son d'aucune des deux voyelles que l'on y voit.

Quelquefois ai se prononce de même que l'e muet ; comme dans faisant, nous faisons, que l'on prononce fesant, nous fesons : il y a même quelques auteurs qui écrivent ces mots avec l'e muet, de même que je ferai, nous ferions. S'ils s'écartent en cela de l'étymologie latine facère, et de l'analogie des temps qui conservent ai, comme faire, fait, vous faites, etc. ils se rapprochent de l'analogie de ceux où l'on a adopté universellement l'e muet, et de la vraie prononciation.

D'autres fois ai se prononce de même que l'e fermé ; comme dans j'adorai, je commençai, j'adorerai, je commencerai, et les autres temps semblables de nos verbes en er.

Dans d'autres mots, ai tient la place d'un è peu ouvert ; comme dans les mots plaire, faire, affaire, contraire, vainement, et en général par-tout où la voyelle de la syllabe suivante est un e muet.

Ailleurs ai représente un ê fort ouvert ; comme dans les mots dais, faix, mais, paix, palais, portraits, souhaits. Au reste, il est très-difficile, pour ne pas dire impossible, d'établir des règles générales de prononciation, parce que la même diphtongue, dans des cas tout à fait semblables, se prononce diversement : on prononce je sais, comme je sés ; et je fais, comme je fés.

Dans le mot douairière, on prononce ai, comme a, douarière.

C'est encore à-peu-près le son de l'e plus ou moins ouvert, que représente la diphtongue oculaire ai, lorsque suivie d'une m ou d'une n, elle doit devenir nasale ; comme dans faim, pain, ainsi, maintenant, &c.

2°. La diphtongue oculaire E I est à-peu-près assujettie aux mêmes usages que A I, si ce n'est qu'elle ne représente jamais l'e muet. Mais elle se prononce quelquefois de même que l'é fermé ; comme dans veiné, peiner, seigneur, et tout autre mot où la syllabe qui suit ei n'a pas pour voyelle un e muet. D'autres fois ei se rend par un è peu ouvert, comme dans veine, peine, enseigne, et tout autre mot où la voyelle de la syllabe suivante est un e muet : il en faut seulement excepter reine, reitre et seize, où ei vaut un ê fort ouvert. Enfin, l'ei nasal se prononce comme ai en pareil cas : plein, sein, éteint, &c.

3°. La voyelle i perd encore sa valeur naturelle dans la diphtongue oi, qui est quelquefois impropre et oculaire, et quelquefois propre et auriculaire.

Si la diphtongue oi n'est qu'oculaire, elle représente quelquefois l'è moins ouvert, comme dans faible, il avait ; et quelquefois l'ê fort ouvert, comme dans Anglais, j'avais, ils avaient.

Si la diphtongue oi est auriculaire, c'est-à-dire, qu'elle indique deux sons effectifs que l'oreille peut discerner ; ce n'est aucun des deux qui sont représentés naturellement par les deux voyelles o et i : au lieu de o, qu'on y prenne bien garde, on prononce toujours ou ; et au lieu de i, on prononce un e ouvert qui me semble approcher souvent de l'a ; devoir, sournais, lais, moine, poil, poivre, &c.

Enfin, si la diphtongue auriculaire oi, au moyen d'une n, doit devenir nasale, l'i y désigne encore un è ouvert ; loin, foin, témoin, jointure, &c.

C'est donc également un usage contraire à la destination primitive des lettres, et à l'analogie de l'orthographe avec la prononciation, que de représenter le son de l'e ouvert par ai, par ei et par oi ; et les Ecrivains modernes qui ont substitué ai à oi par-tout où cette diphtongue oculaire représente l'e ouvert, comme dans anglais, français, je lisais, il pourrait, connaître, au lieu d'écrire anglais, français, je lisais, il pourrait, connaître ; ces écrivains, dis-je, ont remplacé un inconvénient par un autre aussi réel. J'avoue que l'on évite par-là l'équivoque de l'oi purement oculaire et de l'oi auriculaire : mais on se charge du risque de choquer les yeux de toute la nation, que l'habitude a assez prémunie contre les embarras de cette équivoque ; et l'on s'expose à une juste censure, en prenant en quelque sorte le ton législatif, dans une matière où aucun particulier ne peut jamais être législateur, parce que l'autorité souveraine de l'usage est incommunicable.

Non seulement la lettre i est souvent employée à signifier autre chose que le son qu'elle doit primitivement représenter : il arrive encore qu'on joint cette lettre à quelqu'autre pour exprimer simplement ce son primitif. Ainsi les lettres u i ne représentent que le son simple de l'i dans les mots vide, vider, et autres dérivés, que l'on prononce vide, vider, etc. et dans les mots guide, guider, etc. quitte, quitter, acquitter, etc. et par-tout où l'une des deux articulations gue ou que précède le son i. De même les lettres i e représentent simplement le son i dans maniement, je prierais, nous remercierons, il liera, qui viennent de manier, prier, remercier, lier, et dans tous les mots pareillement dérivés des verbes en ier. L'u qui précéde l'i dans le premier cas, et l'e qui le suit dans le second, sont des lettres absolument muettes.

La lettre J, chez quelques auteurs, était un signe numéral, et signifiait cent, suivant ce vers,

J, C compar erit, et centum significabit.

Dans la numération ordinaire des Romains, et dans celle de nos finances, I signifie un ; et l'on peut en mettre jusqu'à quatre de suite pour exprimer jusqu'à quatre unités. Si la lettre numérale I est placée avant V qui vaut cinq, ou avant X qui vaut dix, cette position indique qu'il faut retrancher un de cinq ou de dix ; ainsi IV signifie cinq moins un ou quatre, IX signifie dix moins un ou neuf : on ne place jamais I avant une lettre de plus grande valeur, comme L cinquante, C cent, D cinq cent, M mille ; ainsi on n'écrit point IL pour quarante-neuf, mais XLIX.

La lettre I est celle qui caractérise la monnaie de Limoges.

J, s. m. c'est la dixième lettre et la septième consonne de l'alphabet français. Les Imprimeurs l'appellent i d'Hollande, parce que les Hollandais l'introduisirent les premiers dans l'impression. Conformément au système de la Grammaire générale de P. R. adoptée par l'auteur du Bureau typographique, le vrai nom de cette lettre est je, comme nous le prononçons dans le pronom de la première personne : car la valeur propre de ce caractère est de représenter l'articulation sifflante qui commence les mots Japon, j'ose, et qui est la faible de l'articulation forte qui est à la tête des mots presque semblables, chapon, chose. J est donc une consonne linguale, sifflante, et faible. Voyez au mot CONSONNE, le système de M. du Marsais sur les consonnes, et à l'article H, celui que j'adopte sur le même sujet.

On peut dire que cette lettre est propre à l'alphabet français, puisque de toutes les langues anciennes que nous connaissons, aucune ne faisait usage de l'articulation qu'elle représente ; et que parmi les langues modernes, si quelques-unes en font usage, elles la représentent d'une autre manière. Ainsi les Italiens, pour prononcer jardino, jorno, écrivent giardino, giorno. Voyez le Maitre italien de Veneroni, p. 9. édit. de Paris 1709. Les Espagnols ont adopté notre caractère, mais il signifie chez eux autre chose que chez nous ; hijo, fils, Juan, Jean, se prononçant presque comme s'il y avait ikko, Khouan. Voyez la Méthode espagnole de P. R. p. 5. édit. de Paris, 1660.

Les maîtres d'écriture ne me paraissent pas apporter assez d'attention pour différencier le J capital de l'I : que ne suivent-ils les errements du caractère courant ? L'i ne descend pas au-dessous du corps des autres caractères, le j descend : voilà la règle pour les capitales. Article de M. BEAUZEE.

* J, (Ecriture) nous avons aussi dans l'écriture, ainsi que dans l'impression, un j consonne et un i voyelle ; et dans chacun de ces caractères, un i consonne ou voyelle, coulé ; un aigu, un rond. Après avoir expliqué la formation du g, nous n'avons rien à dire de la formation de l'j consonne, qui n'en est qu'une portion. Pour l'i voyelle coulé, il se forme d'un trait plus droit et d'un angle de plume moins obtus que l'i italien, et celui-ci d'un trait plus droit et d'un angle de plume moins obtus que le rond. On n'emploie à tous que le mouvement simple des doigts mus dans une direction verticale, mais un peu plus ou un peu moins inclinée de droite à gauche. A la partie inférieure de cette lettre, le poignet agit de concert avec les doigts. Voyez nos Planches d'Ecriture.