On distingue des cigales de trois grandeurs différentes ; les grandes, les moyennes, et les petites. Celles de la grande espèce, étant vues par-dessus, sont les plus brunes ; elles ont le corps d'un brun luisant presque noir ; la couleur des corcelets, surtout du premier, est mêlée d'une teinte de jaune. Les cigales de l'espèce moyenne ont plus de jaune ; celles de la petite espèce, que l'on nomme cigalons aux environs d'Avignon, ont moins de jaune que celles de l'espèce moyenne, et on voit sur quelques-unes une teinte rougeâtre. Toutes les petites cigales ont les ailes jaunâtres, tandis que celles des autres sont d'une couleur argentée. Les grandes cigales ont le ventre d'une couleur jaunâtre, sale et pâle, excepté deux bandes brunes qui sont près des bords ; ces bandes sont formées par les extrémités des arcs écailleux qui recouvrent le dessus du corps, et qui se replient de chaque côté sous le ventre, ou ils aboutissent chacun à une lame écailleuse au moyen de laquelle chaque anneau est complet. En écartant ces lames les unes des autres autant qu'on le peut, en allongeant le ventre de l'insecte, on découvre des stigmates ; il y en a deux entre deux lames, un de chaque côté, placé tout près de la jonction d'une lame, avec l'arc écailleux qui lui correspond.

En regardant les cigales par-dessous, on aperçoit deux petites antennes qui n'ont que quelques lignes de longueur, et qui sont posées près des yeux à réseaux. Il y a au bout de la tête une pièce triangulaire qui ressemble en quelque façon à un menton, qui recouvre le dessus de la tête, et qui s'étend plus loin ; la base est en-avant, et le sommet en-arrière ; il forme une pointe dont sort la trompe avec laquelle la cigale tire le suc des feuilles et des branches d'arbres. Le fourreau de la trompe tient à des parties membraneuses qui se trouvent au-dessous du menton, vis-à-vis son milieu. Ce fourreau s'étend au-delà de la pointe du menton, comme un fil de la grosseur et de la longueur d'une petite épingle. Lorsqu'on lève la pointe du menton, la trompe sort de son étui, et elle y rentre lorsque cette pointe se remet dans sa position naturelle ; quelquefois la trompe entraîne son fourreau, lorsque l'insecte le fait mouvoir. Il est fait en forme de gouttière, le long de laquelle on voit une légère fente, lorsqu'on regarde la cigale par-dessous. Cette fente s'élargit quand la trompe sort : on peut la tirer de son fourreau avec la pointe d'une épingle, et la diviser en trois filets écailleux. Les organes dont vient le bruit que l'on appelle le chant de la cigale, sont placés dans son ventre ; on ne les trouve que dans les mâles, car les femelles ne font aucun bruit. Il y a sur le ventre des cigales mâles de la grande espèce, deux plaques écailleuses qui sont assez grandes, qui tiennent au second corcelet, et qui s'étendent presque jusqu'au troisième anneau ; elles sont posées de façon que l'une recouvre un peu l'autre. On peut soulever ces plaques par leur extrémité supérieure ; mais elles sont arrêtées par une espèce de cheville faite en forme d'épines, dont chacune tient par l'une de ses extrémités à la partie de la jambe postérieure qui s'articule avec le corcelet, et appuie par l'autre extrémité sur l'une des plaques. Ces épines empêchent que les plaques ne soient trop soulevées, et les remettent en situation. Lorsqu'on a relevé les plaques, on trouve dans la partie antérieure du ventre une cavité qui est partagée en deux loges ; le fond de chacune de ces loges est luisant comme un miroir ; il y a une membrane tendue et transparente comme le verre, sur laquelle on voit toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, lorsqu'on la regarde obliquement.

Si on enlève la partie supérieure du premier et du second anneau, et si on met à découvert du côté du dos l'endroit qui correspond à la cavité où sont les miroirs, on y trouve deux muscles qui sont composés d'un grand nombre de fibres droites ; ils forment, en s'approchant, un angle aigu sur les revers de la pièce triangulaire dont il a déjà été fait mention. Ces muscles aboutissent aux organes qui produisent le bruit de la cigale ; ils sont situés dans deux réduits dont les deux orifices communiquent de chaque côté dans la grande cavité où sont les miroirs. On trouve dans chacun de ces réduits une membrane plissée, raboteuse, et contournée en forme de timbale. Elles sont placées de chaque côté, sous une partie triangulaire du premier anneau de la cigale, qui est plus élevée que le reste ; si on enlève cette partie, on met la membrane à découvert. Dès qu'on la touche elle resonne comme un parchemin sec, et même comme une membrane, encore plus sonore ; celle dont il s'agit rend des sons, lorsqu'après avoir été enfoncée dans quelques endroits elle se relève par son ressort. Les muscles dont on vient de parler aboutissent à la surface concave de ces membranes, et en l'attirant en-dedans par leur contraction, ils la mettent en état de resonner, lorsqu'elles se rétablissent par leur élasticité, en même temps que le muscle se relâche. Ce son passe au-dehors par les orifices de deux réduits qui communiquent dans la grande cavité, et peut être modifié par les volets écailleux, les miroirs, et toutes les différentes parties qui se trouvent dans les cavités. Les cigales de la petite espèce et de l'espèce moyenne ont à-peu-près les mêmes organes et font presque le même bruit.

Le dernier anneau du corps des cigales femelles est plus allongé que dans les mâles, et il renferme une partie à laquelle on a donné le nom de tarière, parce que les cigales s'en servent pour faire des trous dans de petits morceaux de bois où elles déposent leurs œufs. Les mâles n'ont pas cette tarière, qui est fort apparente dans les femelles, puisqu'elle a environ cinq lignes de longueur dans celles de la grande espèce. Elle est renfermée dans un étui dont on peut la faire sortir en comprimant légèrement le ventre de l'insecte ; elle est à-peu-près de même grosseur sur toute sa longueur, et terminée à son extrémité par une pointe angulaire qui ressemble à un fer de pique dont les bords seraient dentelés. La substance de cette partie est de la nature de l'écaille ou de la corne, aussi solide et aussi dure qu'aucune autre qui se trouve dans les insectes. En l'examinant de près on reconnait qu'elle est composée de trois parties, c'est pourquoi on a été tenté de changer le nom de tarière que l'on avait donné à cette partie, et on a mieux aimé dire qu'elle est composée de deux limes et d'un support, limes ou tarière, n'importe du nom. La partie dont il s'agit est composée de trois pièces, dont deux sont posées à côté de la troisième, et sont engrenées en façon de coulisse avec cette pièce du milieu, de manière qu'elles glissent tout le long sans s'en écarter, et elles peuvent être mues alternativement ; par ce moyen, les deux rangs de dents qui sont sur les bords de la pointe angulaire, dont nous avons déjà parlé, avancent et reculent, parce qu'ils tiennent à chacune des pièces des côtés. Ce qui cause ce déplacement, c'est qu'elles sont repliées en-dehors et en-avant par leur extrémité antérieure, relativement à l'insecte. Des muscles, en augmentant ou en diminuant cette courbure par leur contraction ou leur relâchement, font glisser en-avant ou en-arrière la pièce latérale, et par conséquent mettent en jeu les dents qui sont à chaque côté de la pointe, qui est faite en forme de fer de lance, et composée de trois pièces. Les dents sont posées obliquement, et dirigées du côté de la pointe du fer de la lance, de sorte qu'elles déchirent ce qui leur fait obstacle dans leur mouvement, lorsque la cigale se sert de cette partie pour faire des trous dans le bois où elle dépose ses œufs.

Les cigales femelles font toujours ces trous dans de très-petites branches de bois qui est sec et qui a de la moèlle. On les reconnait par des fibres qui ont été soulevées à l'endroit de ces trous ; ils sont rangés par files assez régulièrement pour l'ordinaire ; ils ont chacun trois lignes et demie ou quatre lignes de longueur. Ses trous peuvent contenir huit à dix œufs, et il y en a au moins quatre ou cinq dans chacun ; ils sont blancs, oblongs, et pointus par les deux bouts. La ponte est fort abondante, puisqu'on a compté jusqu'à sept cent œufs dans les ovaires. Il sort de chaque œuf un ver blanc qui a six longues jambes, et qui ressemble en quelque façon à une puce pour la figure. Lorsqu'ils ont abandonné le trou où ils sont éclos, ils se logent dans la terre, et ensuite ils se transforment en nymphes, qui marchent et qui prennent des aliments et de l'accroissement. Aristote les a nommées tettigomètres ou mères cigales ; elles ne diffèrent pas beaucoup du ver qui est sorti de l'œuf. Ces nymphes peuvent pénétrer dans la terre jusqu'à deux ou trois pieds de profondeur. On les trouve ordinairement auprès des racines des arbres. Lorsque le temps de leur métamorphose approche, elles sortent de terre, montent sur les arbres, et s'y accrochent pendant les chaleurs de l'été. C'est dans cet état qu'elles parviennent à quitter leur fourreau de nymphe ou de chrysalide, pour paraitre sous la forme de cigale. Mémoires pour servir à l'hist. des insect. tome V. (I)

CIGALES, s. f. (Histoire moderne) Les Espagnols de l'Amérique nomment ainsi un petit rouleau de tabac de la grosseur du petit doigt au plus, et long de cinq à six pouces au moins. Ce rouleau est composé de plusieurs brins de tabac parallèlement disposés à côté les uns des autres, et assujettis ensemble par une large feuille qui leur sert de robe ou d'enveloppe. On allume une des extrémités de ce rouleau, et l'autre se met dans la bouche, au moyen de quoi on fume sans pipe. Nos insulaires, qui font un grand usage de ces cigales, les nomment simplement bouts de tabac.

Il n'est pas hors de propos d'ajouter ici que les Caraïbes des îles Antilles ont une singulière façon de fumer : ils enveloppent des brins de tabac dans certaines écorces d'arbres très-unies, flexibles, et minces comme du papier ; ils en forment un rouleau, l'allument, en attirent la fumée dans leur bouche, serrent les lèvres, et d'un mouvement de langue contre le palais, font passer la fumée par les narines. Art. communiqué par M. DE SAINT-ROMAIN.