On croit communément que la retine est le grand organe de la vue, qui se fait par le moyen des rayons de lumière qui sont réfléchis de chaque point des objets qui passent à-travers les humeurs aqueuses, vitrées et cristallines, et vont peindre sur la rétine l'image de l'objet, sur laquelle ils laissent une impression qui est portée de-là, par les capillaires du nerf optique, jusqu'à l'organe du sens. Voyez VISION. Mais plusieurs membres de l'académie royale des Sciences, particulièrement MM. Mariotte, Pecquet, Perrault, Mery, de la Hire, ont été partagés sur l'opinion que ce fût la retine ou la choroïde qui fût le principal organe de la vision, et sur laquelle des deux les objets étaient représentés. M. Mariotte et M. Mery ont cru que c'était la choroïde, et les autres que c'était la rétine. On a toujours pensé que la retine avait tous les caractères de l'organe principal. Elle est située dans le foyer de réfraction des humeurs de l'oeil, et conséquemment elle reçoit les sommets des cones des rayons, qui viennent des différents points des objets.

Elle est très-mince, et conséquemment très-sensible. Elle tire son origine du nerf optique, et elle est même entièrement nerveuse, et c'est l'opinion commune que les nerfs sont les véhicules de toutes les sensations. Enfin elle communique avec la substance du cerveau où toutes les sensations se terminent. Voyez CERVEAU, SENSATION.

On suppose que l'usage de la choroïde est d'arrêter les rayons que l'extrême ténuité de la rétine laisse passer, et agit à l'égard de la rétine, comme le vif-argent à l'égard d'une glace, surtout dans les animaux, où elle est noire. Voyez CHOROÏDE. Mais M. Mery est d'une opinion différente, par l'expérience d'un chat plongé dans l'eau. Il observe que dans cette occasion sa rétine disparait absolument aussi-bien que toutes les autres humeurs de l'oeil, tandis que la choroïde parait distinctement, et avec toutes les couleurs qu'elle a dans cet animal ; il conclut de-là que la rétine est transparente comme les humeurs, mais que la choroïde est opaque ; et conséquemment que la rétine ne peut pas terminer et arrêter les cônes des rayons, ni recevoir les images des objets, mais que la lumière passe à-travers, et ne s'arrête que sur la choroïde, qui par-là devient le principal organe de la vision.

La couleur noire de la choroïde dans l'homme est très-favorable à ce sentiment : le principal organe semble demander que l'action de la lumière se termine sur lui aussi-tôt qu'elle y arrive ; or, il est certain que la couleur noire absorbe tous les rayons, et n'en réfléchit aucun, et il semble aussi qu'il est nécessaire que l'action de la lumière soit plus forte sur l'organe de la vue que partout ailleurs : or il est certain que la lumière étant reçue et absorbée dans un corps noir, doit exciter une plus grande vibration que dans tout autre corps ; et de-là il s'ensuit que les corps noirs sont plutôt allumés par les verres ardents que les corps blancs. Voyez NOIRCEUR.

La situation de la choroïde derrière la rétine est une autre circonstance à considérer. M. Mery ayant observé la même position d'un organe principal derrière un organe médiat dans les autres sens, en trouva une heureuse analogie. Ainsi, l'épiderme sur la peau est l'organe moyen du toucher ; mais la peau qui est dessous est le principal organe. La même chose est observée pour le nez, les oreilles, etc.

La rétine semble néanmoins être une sorte de second organe médiat, qui sert à briser l'impression trop vive de la lumière sur la choroïde, ou à la conserver. Il faut ajouter à cela que la rétine est insensible, comme tirant son origine de la substance médullaire du cerveau qui l'est aussi ; et la choroïde au-contraire est très-sensible, comme tirant son origine de la pie-mère, qui est certainement sensible à un degré éminent. Voyez NERF et PIE-MERE. Ce dernier argument paraissant douteux, M. Mery s'engagea de le prouver, ce qu'il fit devant l'académie royale, où il montra que le nerf optique n'est pas composé de fibres comme le sont les autres nerfs ; mais que c'est seulement une suite de moèlle renfermée dans un canal duquel il est aisé de la séparer. Cette structure du nerf optique, inconnue jusqu'ici, fait voir que la rêtine peut n'être pas une membrane, mais seulement une dilatation de moèlle enfermée entre deux membranes, et une moèlle, qui parait n'être pas une substance propre au siege de la sensation. Peut-être la rétine ne sert-elle qu'à filtrer les esprits nécessaires pour l'action de la vue ; car la vibration par laquelle la sensation est effectuée, doit se faire sur une partie plus solide, plus ferme, et plus susceptible d'une forte et vive impression.

Ruysch assure à la page 10 de son second trésor, qu'il a quelquefois remarqué sur la rétine des ondes contre les lois de la nature ; il les représente dans la figure 19 de la 16e table, qui est la suite de sa 13e lettre problématique. Mais si ce savant homme, dit M. Petit le médecin, eut coupé quantité d'yeux en deux hémisphères, il aurait presque toujours trouvé la même disposition à la rétine dans ceux qui ont été gardés deux ou trois jours ; car cette membrane suit les mouvements que l'on fait faire à l'humeur vitrée. Et comme il n'est presque pas possible de diviser un oeil en deux hémisphères sans déranger l'humeur vitrée, la rétine se dérange aussi, et il s'y forme des plis et des ondes que l'on peut effacer, en remettant la rétine dans son extension naturelle. Il faut prendre beaucoup de précautions en coupant l'oeil ; si l'on veut éviter ce dérangement, l'oeil doit être frais, sans quoi on doit trouver ces ondes presque toutes les fois qu'on coupe un oeil transversalement, à-moins que l'oeil n'ait trempé dans quelque liqueur. Histoire de l'académ. des Sciences, année 1726. (D.J.)

RETINE, maladies de la (Médecine) La rétine est sujette à deux maladies. La première est une séparation de quelques parties de cette membrane d'avec la choroïde. Il se fait dans l'endroit de cette séparation un pli qui arrête les rayons de lumière, et qui les empêche de parvenir à la partie de la choroïde qui est couverte par ce pli : cela forme une espèce d'ombre que le malade rapporte à l'air. La seconde maladie est une atrophie, ou consomption de la rétine.

On peut regarder avec assez de vraisemblance l'altération des vaisseaux sanguins de la rétine, comme la cause de la première de ces maladies ; car on conçoit aisément que la dilatation de ces vaisseaux séparera la rétine de la choroïde, dans l'endroit qui correspond à ces vaisseaux dilatés. Les symptômes de ce mal sont de certaines apparences dans l'air plus ou moins éloignées de l'oeil du malade, comme des ombres de figure différente, de la grandeur et de la forme de la partie de la rétine qui est séparée. Comme ces signes sont les mêmes que ceux de la cataracte, il est aisé de prendre l'une pour l'autre. Il y a cependant cette différence, que dans la cataracte, la vue se raccourcit, et s'affoiblit tous les jours ; au-lieu que dans l'accident dont il s'agit ici, la vue conserve son étendue, avec l'apparition des ombres à laquelle il n'y a point de remède.

Dans l'atrophie de la rétine, comme les rayons de lumière ne sont plus alors modifiés par cette membrane, ils produisent sur la choroïde une impression trop vive et qui lui nuit. Alors la vision se fait confusément, et se trouble, pour peu qu'on continue de fixer les yeux sur quelqu'objet.

Les brodeurs, les tapissiers, les faiseurs de bas et les cordonniers sont sujets à cette maladie : les uns, parce que l'éclat de l'or, de l'argent et des autres couleurs fait une impression trop vive sur la rétine ; et les autres, parce qu'ils se fatiguent beaucoup par l'attention continuelle où ils sont pour passer la soie dans les trous de leur alène. (D.J.)