Les Moraves font profession du christianisme, ils ont même beaucoup de conformité avec les premiers chrétiens, dont ils nous retracent le désintéressement et les mœurs. Cependant ils n'admettent gueres que les principes de la théologie naturelle, un grand respect pour la Divinité, une exacte justice jointe à beaucoup d'humanité pour tous les hommes ; et plus outrés à quelques égards que les protestants mêmes, ils ont élagué dans la religion tout ce qui leur a paru sentir l'institution humaine. Du reste, ils sont plus que personne dans le principe de la tolérance ; les gens sages et modérés de quelque communion qu'ils soient, sont bien reçus parmi eux, et chacun trouve dans leur société toute la facilité possible pour les pratiques extérieures de sa religion. Un des principaux articles de leur morale, c'est qu'ils regardent la mort comme un bien, et qu'ils tâchent d'inculquer cette doctrine à leurs enfants, aussi ne les voit-on point s'attrister à la mort de leurs proches. Le comte de Zinzendorf patriarche ou chef des frères unis, étant décédé au mois de Mai 1760, fut inhumé à Erngut en Lusace, avec assez de pompe, mais sans aucun appareil lugubre ; au contraire avec des chants mélodieux et une religieuse allégresse. Le comte de Zinzendorf était un seigneur allemand des plus distingués, et qui ne trouvant dans le monde rien de plus grand ni de plus digne de son estime, que l'institut des Moraves, s'était fait membre et protecteur zélé de cette société, avant lui opprimée et presque éteinte, mais société qu'il a soutenue de sa fortune et de son crédit, et qui en conséquence reparait aujourd'hui avec un nouvel éclat.

Jamais l'égalité ne fut plus entière que chez les Moraves ; si les biens y sont communs entre les frères, l'estime et les égards ne le sont pas moins, je veux dire que tel qui remplit une profession plus distinguée, suivant l'opinion, n'y est pas réellement plus considéré qu'un autre qui exerce un métier vulgaire. Leur vie douce et innocente leur attire des prosélites, et les fait généralement estimer de tous les gens qui jugent des choses sans préoccupation. On sait que plusieurs familles Moravites ayant passé les mers pour habiter un canton de la Géorgie américaine sous la protection des Anglais ; les sauvages en guerre contre ceux-ci, ont parfaitement distingué ces nouveaux habitants sages et pacifiques. Ces prétendus barbares, malgré leur extrême supériorité n'ont voulu faire aucun butin sur les frères unis, dont ils respectent le caractère paisible et désintéressé. Les Moraves ont une maison à Utrecht ; ils en ont aussi en Angleterre et en Suisse.

Nous sommes si peu attentifs aux avantages des communautés, si dominés d'ailleurs par l'intérêt particulier, si peu disposés à nous secourir les uns les autres et à vivre en bonne intelligence, que nous regardons comme chimérique tout ce qu'on nous dit d'une société assez raisonnable pour mettre ses biens et ses travaux en commun. Cependant l'histoire ancienne et moderne nous fournit plusieurs faits semblables. Les Lacédémoniens, si célèbres parmi les Grecs, formèrent au sens propre une république, puisque ce qu'on appelle propriété y était presque entièrement inconnu. On en peut dire autant des Esséniens chez les Juifs, des Gymnosophistes dans les Indes ; enfin, de grandes peuplades au Paraguay réalisent de nos jours tout ce qu'il y a de plus étonnant et de plus louable dans la conduite des Moraves. Nous avons même parmi nous quelque chose d'approchant dans l'établissement des frères cordonniers et tailleurs, qui se mirent en communauté vers le milieu du dix-septième siècle. Leur institut consiste à vivre dans la continence, dans le travail et dans la piété, le tout sans faire aucune sorte de vœux.

Mais nous avons surtout en Auvergne d'anciennes familles de laboureurs, qui vivent de temps immémorial dans une parfaite société, et qu'on peut regarder à bon droit comme les Moraves de la France ; on nous annonce encore une société semblable à quelques lieues d'Orléans, laquelle commence à s'établir depuis vingt à trente ans. A l'égard des communautés d'Auvergne beaucoup plus anciennes et plus connues, on nomme en tête les Quitard-Pinou comme ceux du temps le plus loin et qui prouvent cinq cent ans d'association ; on nomme encore les Arnaud, les Pradel, les Bonnemoy, le Tournel et les Anglade, anciens et sages roturiers, dont l'origine se perd dans l'obscurité des temps, et dont les biens et les habitations sont situés dans la baronie de Thiers en Auvergne, où ils s'occupent uniquement à cultiver leurs propres domaines.

Chacune de ces familles forme différentes branches qui habitent une maison commune, et dont les enfants se marient ensemble, de façon pourtant que chacun des consorts n'établit guère qu'un fils dans la communauté pour entretenir la branche que ce fils doit représenter un jour après la mort de son père ; branches au reste dont ils ont fixé le nombre par une loi de famille qu'ils se sont imposée, en conséquence de laquelle ils marient au dehors les enfants surnuméraires des deux sexes. De quelque valeur que soit la portion du père dans les biens communs, ces enfants s'en craient exclus de droit, moyennant une somme fixée différemment dans chaque communauté, et qui est chez les Pinou de 500 liv. pour les garçons, et de 200 liv. pour les filles.

Au reste, cet usage tout consacré qu'il est par son ancienneté et par l'exactitude avec laquelle il s'observe, ne parait guère digne de ces respectables associés. Pourquoi priver des enfants de leur patrimoine, et les chasser malgré eux du sein de leur famille ? n'ont-ils pas un droit naturel aux biens de la maison, et surtout à l'inestimable avantage d'y vivre dans une société douce et paisible, à l'abri des miseres et des sollicitudes qui empoisonnent les jours des autres hommes ? D'ailleurs l'association dont il s'agit étant essentiellement utile, ne convient-il pas pour l'honneur et pour le bien de l'humanité, de lui donner le plus d'étendue qu'il est possible ? Supposez donc que les terres actuelles de la communauté ne suffisent pas pour occuper tous ses enfants, il serait aisé avec le prix de leur légitime, de faire de nouvelles acquisitions ; et si la providence accrait le nombre des sujets, il n'est pas difficîle à des gens unis et laborieux d'accroitre un domaine et des bâtiments.

Quoiqu'il en sait, le gouvernement intérieur est à-peu-près le même dans toutes ces communautés, chacune se choisit un chef qu'on appelle maître ; il est chargé de l'inspection générale et du détail des affaires ; il vend, il achète, et la confiance qu'on a dans son intégrité lui épargne l'embarras de rendre des comptes détaillés de son administration ; mais sa femme n'a parmi les autres personnes de son sexe que le dernier emploi de la maison, tandis que l'épouse de celui des consorts qui a le dernier emploi parmi les hommes, a le premier rang parmi les femmes, avec toutes les fonctions et le titre de maîtresse. C'est elle qui veille à la boulangerie, à la cuisine, etc. qui fait faire les toiles, les étoffes et les habits, et qui les distribue à tous les consorts.

Les hommes, à l'exception du maître, qui a toujours quelque affaire en ville, s'occupent tous également aux travaux ordinaires. Il y en a cependant qui sont particulièrement chargés l'un du soin des bestiaux et du labourage ; d'autres de la culture des vignes ou des prés, et de l'entretien des futailles. Les enfants sont soigneusement élevés, une femme de la maison les conduit à l'école, au catéchisme, à la messe de paraisse, et les ramene. Du reste, chacun des consorts reçoit tous les huit jours une légère distribution d'argent dont il dispose à son gré, pour ses amusements ou ses menus plaisirs.

Ces laboureurs fortunés sont réglés dans leurs mœurs, vivent fort à l'aise et sont surtout fort charitables ; ils le sort même au point qu'on leur fait un reproche de ce qu'ils logent et donnent à souper à tous les mendiants qui s'écartent dans la campagne, et qui par cette facilité s'entretiennent dans une fainéantise habituelle, et font métier d'être gueux et vagabons ; ce qui est un apprentissage de vols et de mille autres désordres.

Sur le modèle de ces communautés, ne pourrait-on pas en former d'autres, pour employer utilement tant de sujets embarrassés, qui faute de conduite et de talents, et conséquemment faute de travail et d'emploi, ne sont jamais aussi occupés ni aussi heureux qu'ils pourraient l'être, et qui par-là souvent deviennent à charge au public et à eux-mêmes ?

On n'a guère Ve jusqu'ici que des célibataires, des ecclésiastiques et des religieux qui se soient procuré les avantages des associations ; il ne s'en trouve presque aucune en faveur des gens mariés. Ceux-ci néanmoins, obligés de pourvoir à l'entretien de leur famille, auraient plus besoin que les célibataires, des secours que fournissent toutes les sociétés.

Ces considérations ont fait imaginer une association de bons citoyens, lesquels unis entr'eux par les liens de l'honneur et de la religion, pussent les mettre à couvert des sollicitudes et des chagrins que le défaut de talents et d'emploi rend presque inévitable ; association de gens laborieux, qui sans renoncer au mariage pussent remplir tous les devoirs du christianisme, et travailler de concert à diminuer leurs peines et à se procurer les douceurs de la vie ; établissement comme l'on voit, très-désirable, et qui ne parait pas impossible ; on en jugera par le projet suivant.

1°. Les nouveaux associés ne seront jamais liés par des vœux, et ils auront toujours une entière liberté de vivre dans le mariage ou dans le célibat, sans être assujettis à aucune observance monastique ; mais surtout ils ne seront point retenus malgré eux, et ils pourront toujours se retirer dès qu'ils le jugeront expédient pour le bien de leurs affaires. En un mot, cette société sera véritablement une communauté séculière et libre dont tous les membres exerceront différentes professions, arts ou métiers, sous la direction d'un chef et de son conseil ; et par conséquent ils ne différeront point des autres laïcs, si ce n'est par une conduite plus réglée et par un grand amour du bien public ; du reste, on s'en tiendra pour les pratiques de religion à ce que l'église prescrit à tous les fidéles.

2°. Les nouveaux associés s'appliqueront constamment et par état, à toutes sortes d'exercices et de travaux, sur les sciences et sur les arts ; en quoi ils préféreront toujours le nécessaire et le commode à ce qui n'est que de pur agrément ou de pure curiosité. Dans les Sciences, par exemple, on cultivera toutes les parties de la Médecine et de la Physique utîle ; dans les métiers, on s'attachera spécialement aux arts les plus vulgaires et même au labourage, si l'on s'établit à la campagne : d'ailleurs, on n'exigera pas un sou des postulants, dès qu'ils pourront contribuer de quelque manière au bien de la communauté. On apprendra des métiers à ceux qui n'en sauront point encore ; et en un mot, on tâchera de mettre en œuvre les sujets les plus ineptes, pourvu qu'on leur trouve un caractère sociable, et surtout l'esprit de modération joint à l'amour du travail.

3°. On arrangera les affaires d'intérêt de manière, que les associés en travaillant pour la maison puissent travailler aussi pour eux-mêmes ; je veux dire, que chaque associé aura, par exemple, un tiers, un quart, un cinquième ou telle autre quotité de ce que ses travaux pourront produire, toute dépense prélevée ; c'est pourquoi on évaluera tous les mois les exercices ou les ouvrages de tous les sujets, et on leur en payera sur le champ la quotité convenue ; ce qui fera une espèce d'appointement ou de pécule que chacun pourra augmenter à proportion de son travail et de ses talents.

L'un des grands usages du pécule, c'est que chacun se fournira sur ce fonds le vin, le tabac et les autres besoins arbitraires, si ce n'est en certains jours de réjouissance qui seront plus ou moins fréquents, et dans lesquels la communauté fera tous les frais d'un repas honnête ; au surplus, comme le vin, le caffé, le tabac, font plus que doubler la dépense du nécessaire, et que dans une communauté qui aura des femmes, des enfants, des sujets ineptes à soutenir, la parcimonie devient absolument indispensable ; on exhortera les membres en général et en particulier, à mépriser toutes ces vaines délicatesses qui absorbent l'aisance des familles ; et pour les y engager plus puissamment, on donnera une récompense annuelle à ceux qui auront le courage de s'en abstenir.

4°. Ceux qui voudront quitter l'association, emporteront non-seulement leur pécule, mais encore l'argent qu'ils auront mis en société, avec les intérêts usités dans le commerce. A l'égard des mourants, la maison en héritera toujours ; de sorte qu'à la mort d'un associé, tout ce qui se trouvera lui appartenir dans la communauté, sans en excepter son pécule, tout cela, dis-je, sera pour lors acquis à la congrégation ; mais tout ce qu'il possédera au dehors appartiendra de droit à ses héritiers.

5°. Tous les associés, dès qu'ils auront fait leur noviciat, seront regardés comme membres de la maison, et chacun sera toujours sur d'y demeurer en cette qualité, tant qu'il ne fera pas de faute considérable et notoire contre la religion, la probité, les bonnes mœurs. Mais dans ce cas, le conseil assemblé aura droit d'exclure un sujet vicieux, supposé qu'il ait contre lui au-moins les trois quarts des voix ; bien entendu qu'on lui rendra pour lors tout ce qui pourra lui appartenir dans la maison, suivant les dispositions marquées ci-dessus.

6°. Les enfants des associés seront élevés en commun, et suivant les vues d'une éducation chrétienne ; je veux dire, qu'on les accoutumera de bonne heure à la frugalité, à mépriser le plaisir présent, lorsqu'il entraîne de grands maux et de grands déplaisirs ; mais surtout on les élevera dans l'esprit de fraternité, d'union, de concorde, et dans la pratique habituelle des arts et des sciences les plus utiles, le tout avec les précautions, l'ordre et la décence qu'il convient d'observer entre les enfants des deux sexes.

7°. Les garçons demeureront dans la communauté jusqu'à l'âge de seize ans faits ; après quoi, si sa majesté l'agrée, on enverra les plus robustes dans les villes frontières, pour y faire un cours militaire de dix ans. Là ils seront formés aux exercices de la guerre, et du reste occupés aux divers arts et métiers qu'ils auront pratiqués dès l'enfance ; et par conséquent ils ne seront point à charge au roi, ni au public dans les temps de paix ; ils feront la campagne au temps de guerre, après avoir fait quelqu'apprentissage des armes dans les garnisons. Ce cours militaire leur acquerra tout droit de maitrise pour les arts et pour le commerce ; de façon qu'après leurs dix années de service, ils pourront s'établir à leur choix dans la communauté séculière ou ailleurs, libres d'exercer partout les différentes professions des arts et du négoce.

8°. Lorsqu'il s'agira de marier ces jeunes gens, ce qu'on ne manquera pas de fixer à un âge convenable pour les deux sexes, leur établissement ne sera pas difficile, et tous les sujets auront pour cela des moyens suffisans ; car outre leur pécule plus ou moins considérable, la communauté fournira une honnête légitime à chaque enfant, laquelle consistera tant en argent, qu'en habillements et en meubles ; légitime proportionnée aux facultés de la maison, et du reste égale à tous, avec cette différence pourtant qu'elle sera double au-moins pour ceux qui auront fait le service militaire. Après cette espèce d'héritage, les enfants ne tireront plus de leurs parents que ce que ceux-ci voudront bien leur donner de leur propre pécule ; si ce n'est qu'ils eussent des biens hors la maison, auquel cas les enfants en hériteront sans difficulté.

Il ne faut aucune donation, aucun privilège, aucun legs pour commencer une telle entreprise ; il est visible que tous les membres opérant en commun, on n'aura pas besoin de ces secours étrangers. Il ne faut de même aucune exemption d'impôts, de corvées, de milices, etc. Il n'est ici question que d'une communauté laïque, dépendante à tous égards de l'autorité du roi et de l'état, et par conséquent sujette aux impositions et aux charges ordinaires. On peut donc espérer que les puissances protégeront cette nouvelle association, puisqu'elle doit être plus utîle que tant de sociétés qu'on a autorisées en divers temps, et qui se sont multipliées à l'infini, bien qu'elles soient presque toujours onéreuses au public.

Au reste on ne donne ici que le plan général de la congrégation proposée, sans s'arrêter à développer les avantages sensibles que l'état et les particuliers en pourraient tirer, et sans détailler tous les règlements qui seraient nécessaires pour conduire un tel corps. Mais on propose en question ; savoir, si suivant les lois établies dans le royaume pour les entreprises et sociétés de commerce, les premiers auteurs d'un pareil établissement pourraient s'obliger les uns envers les autres, et se donner mutuellement leurs biens et leurs travaux, tant pour eux que pour leurs successeurs, sans y être expressément autorisés par la cour.

Ce qui pourrait faire croire qu'il n'est pas besoin d'une approbation formelle, c'est que plusieurs sociétés assez semblables, actuellement existantes, n'ont point été autorisées par le gouvernement ; et pour commencer par les frères cordonniers et les frères tailleurs, on sait qu'ils n'ont point eu de lettres-patentes. De même les communautés d'Auvergne subsistent depuis des siècles, sans qu'il y ait eu aucune intervention de la cour pour leur établissement.

Objections et réponse. On ne manquera pas de dire qu'une association de gens mariés est absolument impossible ; que ce serait une occasion perpétuelle de trouble, et qu'infailliblement les femmes mettraient la désunion parmi les consorts ; mais ce sont-là des objections vagues, et qui n'ont aucun fondement solide. Car pourquoi les femmes causeraient-elles plutôt du désordre dans une communauté conduite avec de la sagesse, qu'elles n'en causent tous les jours dans la position actuelle, où chaque famille, plus libre et plus isolée, plus exposée aux mauvaises suites de la misere et du chagrin, n'est pas contenue, comme elle le serait-là, par une police domestique et bien suivie ? D'ailleurs, si quelqu'un s'y trouvait déplacé, s'il y paraissait inquiet, ou qu'il y mit la division ; dans ce cas, s'il ne se retirait de lui-même, ou s'il ne se corrigeait, on ne manquerait pas de le congédier.

Mais on n'empêcherait pas, dit-on, les amours furtives, et bientôt ces amours causeraient du trouble et du scandale.

A cela je réponds, que l'on ne prétend pas refondre le genre humain ; le cas dont il s'agit arrive déjà fréquemment, et sans doute qu'il arriverait ici quelquefois ; néanmoins on sent que ce désordre serait beaucoup plus rare. En effet, comme l'on serait moins corrompu par le luxe, moins amolli par les délices, et qu'on serait plus occupé, plus en vue, et plus veillé, on aurait moins d'occasion de mal faire, et de se livrer à des penchants illicites. D'ailleurs les vues d'intérêt étant alors presque nulles dans les mariages, les seules convenances d'âge et de goût en décideraient ; conséquemment il y aurait plus d'union entre les conjoints, et par une suite nécessaire moins d'amours répréhensibles. J'ajoute que le cas arrivant, malgré la police la plus attentive, un enfant de plus ou de moins n'embarrasserait personne, au lieu qu'il embarrasse beaucoup dans la position actuelle. Observons enfin, que les mariages mieux assortis dans ces maisons, une vie plus douce et plus réglée, l'aisance constamment assurée à tous les membres, seraient le moyen le plus efficace pour effectuer le perfectionnement physique de notre espèce, laquelle, au contraire, ne peut aller qu'en dépérissant dans toute autre position.

Au surplus, l'ordre et les bonnes mœurs qui règnent dans les communautés d'Auvergne, l'ancienneté de ces maisons, et l'estime générale qu'on en fait dans le pays, prouvent également la bonté de leur police et la possibilité de l'association proposée. Des peuples entiers, à peine civilisés, et qui pourtant suivent le même usage, donnent à cette preuve une nouvelle solidité. En un mot, une institution qui a subsisté jadis pendant des siècles, et qui subsiste encore presque sous nos yeux, n'est constamment ni impossible, ni chimérique. J'ajoute que c'est l'unique moyen d'assurer le bonheur des hommes, parce que c'est le seul moyen d'occuper utilement tous les sujets ; le seul moyen de les contenir dans les bornes d'une sage économie, et de leur épargner une infinité de sollicitudes et de chagrins, qu'il est moralement impossible d'éviter dans l'état de désolation où les hommes ont vécu jusqu'à présent. Article de M. FAIGUET, trésorier de France.