L'argent est un des métaux que l'on nomme parfaits, à cause de la propriété qu'il a de ne point s'altérer ni dans le feu, ni à l'air, ni dans l'eau. Il est d'un blanc brillant, dur, sonore ; et c'est après l'or, le plus ductîle des métaux. Sa pesanteur est à celle de l'eau comme 11091 est à 1000. Son poids est à celui de l'or environ comme 5 est à 9. L'argent entre en fusion plus promptement que le cuivre. Il se dissout très-aisément dans l'acide nitreux ; il se dissout dans l'acide vitriolique, lorsqu'on fait bouillir ce dissolvant. Il s'unit avec l'acide du sel marin qui le dégage et le précipite des autres dissolvants, et forme avec lui ce qu'on appelle lune cornée. Il a beaucoup de disposition à s'unir avec le soufre, et par cette union l'argent devient noir ou rougeâtre. Il s'amalgame très-bien avec le mercure. Il ne se dissout point dans le feu par la litharge ou le verre de plomb.

L'argent se montre sous un grand nombre de formes différentes dans le sein de la terre, ce qui fait que les Minéralogistes en comptent plusieurs mines différentes.

1°. Ce métal se trouve sous la forme qui lui est propre, c'est ce qu'on nomme argent-vierge ou argent-natif, alors il est très-aisé à reconnaître ; il se montre sous différentes formes, tantôt il est en masses compactes et solides, que les Espagnols nomment pepitas. Il y en a de différentes grandeurs ; M. Henckel dans la préface de sa pyritologie nous apprend que l'on trouva autrefois dans les mines de Freyberg en Misnie une masse d'argent natif qui pesait 400 quintaux. L'argent natif se trouve plus communément par lames ou en petits feuillets attachés à la pierre qui lui sert de matrice. Il forme souvent des ramifications semblables à des arbrisseaux ou à des feuilles de sapin, enfin il ressemble très-souvent à des fils ou à des poils. Cet argent natif n'est point parfaitement pur, il est souvent mêlé d'arsenic ou de soufre ou même de cuivre.

2°. L'argent est minéralisé avec du soufre seul, et forme la mine que l'on nomme mine d'argent vitreuse, parce qu'elle a quelque ressemblance avec du verre. Elle a à peu-près la couleur du plomb, quoique cependant elle soit un peu plus noire que ce métal. Cette mine est si tendre, qu'on peut la couper avec un couteau ; elle prend différentes formes, et se mêle souvent avec des mines d'autres métaux. Cette mine d'argent est très-riche, et ne contient que peu de soufre.

3°. La mine d'argent rouge n'est composée que d'argent, de soufre et d'arsenic ; tantôt elle est par masses compactes et irrégulières, tantôt elle est en crystaux réguliers d'un rouge vif comme celui du rubis ou du grenat ; tantôt elle est d'un brun noirâtre, et sans transparence, alors elle est très-riche ; quelquefois elle forme des espèces de lames ou d'écailles. Cette mine se trouve fort abondamment dans les mines d'Andreasberg au Hartz. Cette mine d'argent écrasée donne une poudre rouge ; exposée au feu, elle pétille et se gerse, après quoi elle entre aisément en fusion, et le feu en dégage l'arsenic.

4°. La mine d'argent cornée, en allemand horn-ertz ; elle est extrêmement rare ; c'est de l'argent qui a été minéralisé par l'acide du sel marin, suivant quelques auteurs ; et par l'arsenic, suivant d'autres. Il y en a de la brune, et un peu transparente comme de la corne ; ce qui lui a fait donner son nom ; cette espèce est cassante. Il y en a aussi qui a une couleur qui approche de celle des perles ; elle est demi-transparente et ductile. Cette mine se volatilise à un grand feu. On en a trouvé à Johann-Georgenstadt en Misnie.

5°. La mine d'argent blanche est composée d'argent, de cuivre, de soufre, d'arsenic, et quelquefois d'une petite portion de plomb. C'est improprement qu'on lui donne le nom de mine d'argent blanche, Ve qu'elle est d'un gris clair. Plus elle contient de cuivre, plus elle est d'une couleur foncée, et alors on la nomme mine d'argent grise, en allemand fahl-ertz. C'est relativement à cette dernière que la première s'appelle blanche. Ces mines varient pour la quantité d'argent qu'elles contiennent ; souvent elles en ont jusqu'à vingt marcs par quintal.

6°. La mine d'argent en plumes, en allemand feder-ertz ; c'est une mine composée de petites houpes semblables à des poils ou aux barbes d'une plume ; elle est légère et noire comme de la suie, et colore les doigts. C'est de l'argent minéralisé par le soufre, l'arsenic et l'antimoine. On pourrait soupçonner que cette mine est formée par la décomposition de celle que les Allemands nomment leber-ertz, ou mine de foie, qui n'est autre chose que l'argent minéralisé par le soufre et l'antimoine ; elle est brune, et se trouve à Braunsdorf en Saxe.

7°. La mine d'argent de la couleur de merde d'oie, est un mélange de la mine d'argent rouge et grise, de l'argent natif dans une roche verdâtre ou dans une espèce d'ochre. Elle est très-rare.

Telles sont les principales mines d'argent ; mais ce métal se trouve encore en plus ou moins d'abondance dans les mines d'autres métaux ; c'est ainsi qu'il n'y a presque point de mine de plomb qui ne contienne une portion d'argent ; il n'y a, dit-on, que la mine de plomb de Willach en Carinthie, qui n'en contient point du tout. Voyez PLOMB. Plusieurs terres ferrugineuses jaunes et couleur d'ochre, contiennent aussi de l'argent ; les Allemands les nomment gilben. On trouve des terres noires qui ne sont que des mines décomposées qui renferment ce métal. L'argent se rencontre aussi dans des mines de fer, dans celles de cobalt, dans les pyrites, dans la blende ou mine de zinc. On en trouve dans des ardoises ou pierres feuilletées, dans des terres argilleuses, dans quelques espèces de guhrs, etc. L'or natif est souvent mêlé d'une portion d'argent. Voyez OR.

M. de Justi, célèbre minéralogiste allemand, assure avoir trouvé à Annaberg en Autriche, une mine dans laquelle l'argent se trouvait minéralisé avec un alkali, et enveloppé dans de la pierre à chaux. Cette découverte serait importante dans la minéralogie, Ve que jusqu'ici on ne connaissait que le soufre et l'arsenic, qui fussent propres à minéraliser les métaux. Cependant il y a lieu de douter de la réalité de la découverte de M. de Justi, qui demande des preuves plus convaincantes que celles qu'il a données jusqu'à présent au public.

Il est bon de remarquer que la plupart des minéralogistes ont donné le nom de mines d'argent à des mines qui contenaient une très-petite quantité de ce métal, contre une beaucoup plus grande quantité, soit de cuivre, soit de fer, etc. On sent que ces dénominations sont vicieuses, et qu'il serait plus exact de nommer ces mines d'après le métal qui y domine, en ajoutant qu'elles contiennent de l'argent ; ainsi la mine d'argent grise pourrait s'appeler mine de cuivre tenant argent. Il en est de même de beaucoup d'autres.

Aucun pays ne produit une aussi grande quantité d'argent que l'Amérique espagnole ; c'est surtout dans le Potosi et le Méxique que se trouvent les mines les plus abondantes de ce métal. L'Europe ne laisse pas d'en fournir une très-grande quantité. On en trouve principalement dans les mines de Hartz, qui produisent un revenu très-considérable pour la maison de Brunswick. Les mines de Freyberg en Misnie, ont été pareillement depuis plusieurs siècles, une source de richesses pour la maison de Saxe. L'Espagne fournissait autrefois une quantité d'argent presqu'incroyable aux Carthaginois et aux Romains. Pline nous apprend qu'Annibal en tirait réguliérement de la seule mine de Belbel trois cent livres par jour. Il parait que depuis que ce pays eut été entièrement soumis aux Romains, ces fiers conquérants tirèrent d'Espagne la valeur de 111542 livres d'argent dans l'espace de neuf années. La Norvège produit aussi une assez grande quantité d'argent. On trouvera dans le premier volume de ce Dictionnaire à l'article ARGENT, les noms des principaux endroits du monde, où l'on trouve des mines de ce métal, ainsi que les différents noms que les Espagnols donnent aux différentes mines du Potosi.

Lorsque l'on a trouvé une mine d'argent, il faudra s'assurer par les essais de la quantité de ce métal qui y est contenu. Si c'est de l'argent natif, on n'aura qu'à dégager ce métal de la matrice ou de la roche qui l'enveloppe, après quoi on le fera fondre dans un creuset avec du flux noir ; ou bien on joindra la mine pulvérisée avec du mercure, qui formera un amalgame avec l'argent ; on passera cet amalgame par une peau de chamois, et on prendra la masse qui sera restée dans le chamois, et on la placera sous une moufle pour en dégager le mercure ; par ce moyen l'on aura l'argent seul que l'on pesera. Si la mine d'argent que l'on voudra essayer est ou sulfureuse ou arsenicale, ou l'un et l'autre à-la-fais, on commencera par la pulvériser grossièrement, on la fera griller doucement pour en dégager les substances étrangères ; après quoi on fera fondre huit parties de plomb dans une écuelle placée sous un moufle ; on y portera une partie de la mine grillée et encore chaude, que l'on aura mêlée préalablement avec partie égale de litharge ; on augmentera le feu, on remuera le mélange, afin que l'argent qui est dans la mine puisse s'incorporer avec le plomb fondu ; lorsqu'il se sera formé une scorie semblable à du verre à la surface, on videra le tout dans un cône frotté de suif ; le plomb uni à l'argent tombera au fond, et formera un culot ou régule, à la surface duquel seront les scories que l'on pourra en détacher. Ce régule est alors en état de passer à la coupelle. Voyez COUPELLE et ESSAI.

Les mines d'argent se traitent en grand de trois manières ; savoir 1°. par la simple fusion ; 2°. en les joignant soit avec du plomb, soit avec de la litharge, soit avec des mines de plomb ; 3°. en les amalgamant avec du mercure.

Lorsque les mines d'argent sont très-riches, telles que celles qui contiennent de l'argent vierge, les mines d'argent rouges et blanches, etc. on les fait griller pour dégager les parties sulfureuses et arsenicales qui pourraient y être jointes ; après quoi on les fait fondre simplement dans le fourneau, et en leur joignant un fondant qui puisse vitrifier la pierre qui sert de matrice à la mine d'argent, par-là ce métal se dégage et tombe au fond du fourneau. On le purifie ensuite pour lui enlever les substances étrangères qui ont pu se combiner avec lui.

Mais comme les mines d'argent vierge sont assez rares, et comme ce métal est plus communément joint en petite quantité avec un grand volume d'autres métaux, tels que le cuivre et le plomb, on est obligé de joindre du plomb ou de la mine de plomb, avec de la mine d'argent, après l'avoir grillée, afin que le plomb s'unisse avec ce métal, le sépare des autres métaux, et l'entraîne au fond du fourneau, tandis que les matières hétérogènes sont converties en scories, et nagent à sa surface. Ce plomb ainsi combiné avec l'argent, se nomme plomb d'œuvre ; on le verse dans des poèlons de fer, où il refroidit et prend de la consistance. Voyez OEUVRE. Ce plomb uni avec l'argent est en gâteaux, que l'on porte à la grande coupelle, où le plomb est converti en un verre que l'on nomme litharge, et l'argent seul reste sur la coupelle. Voyez COUPELLE.

Lorsque les mines sont peu riches en argent, on tâche de rapprocher et de concentrer sous un moindre volume l'argent qu'elles contiennent, sans quoi on dépenserait trop en plomb pour les mettre en fusion. Pour cet effet, on mêle ces mines d'argent avec des scories et avec des pyrites, et on les fait fondre au fourneau ; c'est ce qu'on appelle dégrossir la mine. Ce travail produit un mélange ou une matte, que l'on fait passer par différents feux pour la griller ; après quoi on joint ces mattes grillées avec des mines d'argent plus riches, ou avec du plomb ou des mines de plomb que l'on traite de la manière indiquée ci-dessus, alors le produit s'appelle matte de plomb ; elle nage au-dessus du plomb d'œuvre et au-dessous des scories. Lorsque la matte de plomb a été grillée convenablement, on en fait l'essai en petit, pour savoir la quantité d'argent qu'il donne à la grande coupelle.

Lorsque des mines de cuivre contiennent une portion d'argent, on l'obtient en joignant du plomb au cuivre, opération qui se nomme liquation. Voyez cet article.

Dans les pays où l'on trouve beaucoup d'argent vierge, ou bien où le bois est trop rare pour qu'on fasse fondre ces mines, on les traite par l'amalgame, en les écrasant et en les triturant ensuite avec le mercure que l'on fait évaporer ensuite par le moyen du feu ; c'est-là ce qui se pratique au Pérou, au Potosi et dans les autres endroits de l'Amérique espagnole. Voyez PIGNES.

Au sortir des travaux en grand, il est très-rare que l'argent soit d'une pureté parfaite : quand on veut l'avoir entièrement pur, on est obligé de le faire passer par de nouvelles opérations ; la principale est celle de la coupelle, voyez COUPELLE. Elle est fondée sur la propriété que le plomb a de vitrifier tous les métaux, à l'exception de l'or et de l'argent ; mais la coupelle n'a point toujours purifié l'argent aussi parfaitement qu'on le désire, alors pour achever de le rendre pur, on se sert du soufre. Pour cet effet, on prendra de l'argent de coupelle que l'on mettra dans un creuset avec du soufre ; on donnera un feu assez fort pour que l'argent entre en fusion ; lorsqu'il sera parfaitement fondu, on videra la matière dans un mortier de fer ; lorsqu'elle sera refroidie, elle aura la couleur du plomb et sera semblable à la mine d'argent vitreuse. On divisera cette masse et on la pulvérisera autant qu'il sera possible ; on la mettra dans une écuelle de terre, où on la fera calciner pour en dégager le soufre ; lorsqu'il sera entièrement dissipé, on fera fondre l'argent avec du borax et de l'alkali fixe, et l'argent qu'on obtiendra sera parfaitement pur.

On peut encore purifier l'argent par le moyen du nitre. On n'a pour cela qu'à faire fondre de l'argent de coupelle avec ce sel, et le tenir en fusion jusqu'à ce qu'il n'en parte plus aucune vapeur. Alors l'argent sera aussi pur que l'on puisse le désirer ; on jugera que ce métal aura été parfaitement purifié, lorsque les scories qui se forment à sa surface n'auront aucune couleur verte.

On purifie encore l'argent par le moyen de l'antimoine crud, dont le soufre s'unit aux métaux qui sont alliés avec l'argent, sans toucher à ce métal qui se combine avec la partie réguline de l'antimoine. On le sépare ensuite de ce régule en le faisant détonner avec le nitre qui réduit l'antimoine en chaux sans décomposer l'argent.

Pour s'assurer si l'argent est pur, on n'aura qu'à le faire dissoudre dans de l'eau forte ; pour peu qu'il donne une couleur verte à ce dissolvant, on aura lieu d'être convaincu que l'argent contenait encore quelques portions de cuivre. C'est souvent le plomb qui a été joint avec l'argent dans la coupelle, qui lui communique du cuivre, et c'est ce cuivre qui est cause du déchet que l'on éprouve lorsqu'on fait fondre l'argent à plusieurs reprises, parce qu'alors l'action du feu calcine le cuivre, ce qui est cause du déchet dont on s'aperçoit. Si on verse de l'alkali volatil sur de l'argent, il se colorera en bleu, pour peu que ce métal contienne du cuivre.

Lorsque l'argent est parfaitement pur, il est fort mou, au point qu'il est difficîle d'en faire des ouvrages d'orfèvrerie, c'est pour cela qu'on l'allie communément avec du cuivre pour lui donner du corps. D'où l'on voit que les vaisseaux d'argent ainsi allié, peuvent avoir souvent les mêmes dangers que les vaisseaux ou ustensiles de cuivre. Si l'on voulait avoir des pièces d'argent parfaitement pur, il faudrait les faire faire plus épaisses et plus fortes.

Les Orfèvres pour donner de la blancheur et de l'éclat aux ouvrages d'argent, les font bouillir dans une eau où ils ont fait dissoudre du tartre avec du sel marin, auxquels quelques-uns joignent du sel ammoniac. On sent aisément que cette opération n'est point une vraie purification ; elle ne pénètre point dans l'intérieur de l'argent, et n'enlève que les parties cuivreuses qui se trouvent à la surface.

Ce qu'on appelle le titre de l'argent, est son degré de pureté. Une masse d'argent quelconque se divise en douze parties, que l'on nomme deniers, et chaque denier en trente-deux grains. Ainsi si une masse était composée de onze parties d'argent fin et d'une partie de cuivre, on dirait que cet argent est à onze deniers et ainsi de suite. En Allemagne l'argent eu égard à sa pureté, se divise en seize parties que l'on nomme loths ou demi-onces. La manière dont les Orfèvres jugent communément de la pureté ou du titre de l'argent est très-peu exacte ; ils frottent la pièce d'argent qu'ils veulent connaître sur une pierre de touche, sur la trace que ce métal a laissé sur la pierre, ils mettent de l'eau forte ; si elle devient verte ou bleuâtre, ils jugent que cet argent contient du cuivre, mais ils ne peuvent point connaître par-là la quantité de cuivre que l'argent contient ; d'ailleurs cette épreuve ne peut faire connaître si les morceaux qu'on leur présente ne renferment point quelque autre métal à leur intérieur.

Les Chimistes ont longtemps cru que l'argent non plus que l'or ne pouvait point se calciner, c'est-à-dire, que l'action du feu ne pouvait point le décomposer ou lui enlever son phlogistique ; maintenant on est convaincu de cette vérité. On n'a qu'à prendre de l'argent en limaille, ou ce qui vaut encore mieux, on prendra de l'argent, qui aura été dissout dans de l'eau forte, on l'exposera pendant deux mois à un feu de réverbere qui ne soit point assez fort pour le faire fondre, et l'on obtiendra une véritable chaux d'argent ; d'où l'on voit que l'argent perd son phlogistique, quoique plus lentement que les autres métaux. Cette chaux d'argent vitrifiée donne un verre jaune.

L'auteur d'un ouvrage allemand fort estimé des Chimistes, qui a pour titre Alchymia denudata, indique un autre moyen pour calciner l'argent. Il dit de mettre l'argent en cementation avec de la craie, de la corne de cerf, etc. et de l'exposer ensuite à un feu de réverbere. Le même auteur donne encore un autre procedé ; il consiste à dissoudre l'argent dans l'acide nitreux ; on met cette dissolution dans une cornue, on y ajoute de l'acide vitriolique et du mercure. On pousse le feu fortement ; d'abord il passe un peu de mercure dont une partie demeure unie avec les acides, mais il s'attache au col de la cornue un vrai cinnabre. En répétant plusieurs fois cette opération, la quantité du cinnabre qui s'attache au col de la cornue augmente, et à la fin on ne retrouve plus d'argent. M. Rouelle trouve que ce procedé démontre que l'acide vitriolique s'unit avec le phlogistique de l'argent, ce qui fait du soufre, et ce soufre en se combinant avec le mercure forme un vrai cinnabre.

De l'argent pur exposé à un feu très-violent pendant un mois n'a perdu qu'un 1/66 de son poids ; au lieu que l'or pur, exposé à ce même feu pendant trois mois, n'a souffert aucun déchet.

L'argent se dissout dans l'acide nitreux, dans l'acide vitriolique et dans l'acide du sel marin, mais ce métal n'est point attaqué par l'eau régale. Les acides tirés des végétaux agissent sur l'argent, pourvu que son agrégation soit rompue, c'est-à-dire, pourvu qu'il soit dans un état d'atténuation et de division. Pour faire dissoudre ce métal dans l'acide nitreux, il faut le réduire en lames bien minces que l'on fera rougir pour les rendre plus nettes, et que l'on trempera dans de l'esprit de nitre étendu d'eau ; il se fera une effervescence, et lorsqu'elle sera finie la dissolution sera faite ; elle sera claire et un peu jaunâtre, si l'argent est parfaitement pur, mais elle deviendra verdâtre si l'argent contient du cuivre. Si l'argent contient de l'or, ce dernier métal tombera au fond du vaisseau sous la forme d'une poudre ; c'est sur cette expérience qu'est fondée la manière de séparer l'or d'avec l'argent. Voyez DEPART et QUARTATION.

L'acide vitriolique et l'acide du sel marin ont plus de disposition à s'unir avec l'argent, que l'acide nitreux ; ainsi lorsque l'argent a été dissout dans de l'eau forte, mêlée d'acide vitriolique et d'acide du sel marin ; ces derniers acides s'emparent de l'argent et se précipitent sous la forme d'un sel, cela fournit un moyen de purifier l'eau forte des autres acides qui y sont mêlés, ce qui se fait en versant quelques gouttes de dissolution d'argent faite par l'acide nitreux, dans l'eau forte que l'on veut purifier, ce que l'on continue jusqu'à ce qu'il ne se précipite plus rien ; alors l'eau forte s'appelle précipitée, et elle est beaucoup plus pure qu'auparavant.

L'argent dissout dans l'acide nitreux, versé dans une eau minérale, est très-propre à faire connaître si cette eau contient le sel appelé séléniteux, qui est une combinaison de l'acide vitriolique et d'une terre calcaire ; si une eau contient de ce sel, elle se trouble et devient laiteuse aussi-tôt qu'on y verse quelques gouttes de dissolution d'argent, parce qu'alors l'acide vitriolique contenu dans la sélénite, quitte la terre calcaire pour s'unir avec l'argent.

L'argent dissout dans l'acide nitreux, noircit la peau. On peut s'en servir pour former des desseins sur l'agathe et le caillou ; secret dont on se sert quelquefois pour tromper les curieux qui font des collections d'histoire naturelle sans connaissance de cause.

En faisant évaporer cette dissolution, on obtient des crystaux blancs, composés de lames qui s'unissent à angles droits, et qui, lorsque l'évaporation s'est faite doucement ressemblent assez à ceux du nitre quadrangulaire ; c'est-là ce que quelques Chimistes ont nommé assez mal-à-propos vitriol de lune, on les appelle avec plus de raison crystaux de lune. Lorsqu' avant de faire évaporer la dissolution, on y a joint un peu d'esprit de vin, ces crystaux se nomment hydragogue d'angelus sala ou fel metallorum, parce qu'ils ont un goût amer ; ce remède qui est peu sur, est corrosif et passe pour un puissant diurétique.

Si on met des crystaux de lune dans du plomb fondu, et qu'on leur donne le temps de s'y incorporer par la fusion, tout l'argent passera dans le plomb. C'est une des fourberies des Alchimistes qui s'en servent pour persuader aux simples, qu'ils savent convertir le plomb en argent.

Si l'on joint du mercure à de l'argent qui a été dissout dans l'acide nitreux, on obtiendra une végétation métallique que l'on nomme arbre de Diane.

Les crystaux de lune unis avec de la dissolution de mercure, étendue dans une grande quantité d'eau, teignent les cheveux en noir. Si on fait évaporer jusqu'à siccité la dissolution d'argent par l'acide nitreux dans une capsule de verre, garnie de terre grasse que l'on place à feu nud ; les crystaux de lune entreront en fusion : en versant la matière fondue dans des moules, on aura ce qu'on appelle le caustique lunaire ou la pierre infernale. Il faut pour cela de l'argent très-pur, parce que s'il était mêlé de cuivre, la pierre infernale attirerait l'humidité de l'air. Cette méthode est celle de M. Rouelle.

Kunckel dit dans son laboratoire chimique, que si l'on fait fondre la pierre infernale dans un creuset, et que l'on y joigne de l'esprit d'urine avec de son sel, spiritum urinae cum suo sale, en donnant un degré de chaleur convenable, il se fait une masse tenace d'un rouge de sang, et que l'on peut plier comme un fil autour du doigt.

L'argent qui a été dissout dans l'acide nitreux, se précipite par l'alkali fixe, par l'alkali volatil ; mais il ne faut en mettre que ce qui est nécessaire pour saturer l'acide nitreux, sans quoi l'argent qui aura été précipité se dissoudra de nouveau. Cette précipitation se fait encore par les terres calcaires, par le zinc, le fer, le cuivre, le plomb, le bismuth, le mercure ; par ce moyen on a de l'argent très-atténué et très-pur que l'on pourra édulcorer avec de l'eau chaude, pour lui enlever l'acide nitreux qui lui est demeuré attaché, et ensuite avec du vinaigre pour en enlever les petites molécules de cuivre qui peuvent encore lui être jointes.

Cette dissolution de l'argent se précipite encore par le moyen de l'acide vitriolique, l'argent tombe sous la forme d'une poudre blanche. Quand on veut dissoudre l'argent dans l'acide vitriolique, il faut que ce dissolvant soit chauffé et que l'agrégation de ce métal ait été rompue. Le sel produit par la combinaison de l'acide vitriolique et de l'argent est fusible, comme la lune cornée, dont nous allons parler.

Kunckel dit, que si on fait dissoudre de l'argent dans de l'esprit de nitre ; qu'on précipite ce métal par le cuivre, qu'on édulcore et qu'on fasse sécher le précipité ; qu'on y verse ensuite deux parties d'acide vitriolique concentré ; on mettra le tout au bain de sable, et on donnera le degré de feu nécessaire pour faire bouillir le dissolvant et pour l'évaporer, jusqu'à ce que la matière soit fluide comme de la cire. Si on joint à cette dissolution du mercure vif, elle prendra la consistance d'une pierre, et elle deviendra rouge et malléable. En ajoutant plus d'acide vitriolique, cette masse devient si solide, qu'il n'y a plus que le feu de fusion qui puisse la décomposer. Voyez le laborat. chimic.

Si dans une dissolution d'argent par l'acide nitreux on verse de l'acide du sel marin, ou du sel marin dissout dans de l'eau, il se fait une effervescence, le mélange devient trouble et il se forme une espèce de matière coagulée, qui n'est autre chose que de l'argent combiné avec l'acide du sel marin ; c'est ce qu'on nomme lune cornée, parce qu'elle entre en fusion à un feu assez faible, et alors elle forme une espèce de verre semblable à de la corne. Cette matière est volatîle au feu, insoluble dans l'eau. M. Henckel a cru que cette lune cornée était une espèce de verre malléable si recherché par les anciens, Ve que cette substance a de la flexibilité. Les Alchimistes ont regardé la lune cornée comme un moyen de parvenir à la calcination de l'argent ; ils ont exposé cette substance pendant longtemps au feu de réverbere sans la laisser entrer en fusion, et ils se promettent de grands effets de cette chaux.

La volatilité de la lune cornée, la rend très-difficîle à réduire, il faut pour cela recourir à des intermèdes. On met de l'antimoine dans une cornue avec la lune cornée ; on donne un feu très-violent, par ce moyen l'acide du sel marin s'unit à l'antimoine et forme du beurre d'antimoine, et l'argent reste au fond de la cornue uni avec un peu d'antimoine, dont on le sépare en le faisant détonner avec du nitre.

On peut encore faire cette réduction de la lune cornée, en mettant avec elle du plomb dans une cornue, la réduction est faite aussi-tôt que le plomb a été fondu. Il se forme au-dessus du plomb une scorie qui ressemble beaucoup à de la lune cornée, et qui en a le poids ; expérience, qui suivant M. Zimmermann, mérite l'attention des Chimistes.

Le soufre s'unit avec l'argent, et le rend si fusible et si divisé, qu'il perce les creusets, et en même-temps il devient si cassant, que l'on peut le pulvériser. C'est sur la disposition que le soufre a de s'unir à l'argent, qu'est fondée l'opération par laquelle l'on dégage l'or d'avec l'argent par la voie seche, parce que le soufre ne touche point à l'or. Voyez, séparation ou départ par la voie seche. Lorsque l'argent est uni avec le soufre, l'eau forte n'agit plus sur ce métal, parce qu'il est alors entouré d'une enveloppe grasse, qui le défend contre l'action de l'acide. On peut dégager l'argent du soufre, en le faisant fondre avec du cuivre, auquel on pourra joindre un peu de limaille de fer à la fin de l'opération. On peut encore dégager ce soufre par le moyen de l'alkali fixe, en prenant garde de ne point faire du foie de soufre qui dissoudrait l'argent : ce soufre se dégagera aussi, si on joint du mercure sublimé avec l'argent sulfuré, alors le soufre s'unira au mercure et sera du cinnabre, tandis que l'argent s'unira à l'acide du sel marin avec qui il fera la lune cornée.

Les Alchimistes, toujours occupés de mystères, ont donné plusieurs noms différents à l'argent ; ils ont désigné ce métal sous le nom de luna, lumen minus, regina, Diana, mater Dianae, fermentum album. Ils ont cru que pour être de l'or, il ne lui manquait qu'un soufre colorant, mais ils n'ont point jugé àpropos de nous expliquer ce qu'ils entendaient parlà.

Les Chimistes disent, que l'argent est composé, 1°. d'une terre fine qui se démontre par sa fixité au feu, et par la difficulté qu'on a de le calciner, 2°. d'une terre inflammable qui est le phlogistique, 3°. d'une terre mercurielle qui lui donne la fusibilité.

A l'exception de la pierre infernale, l'argent n'est d'aucun usage dans la Médecine et dans la Pharmacie ; les prétendues teintures lunaires dont parlent quelques auteurs, sont des remèdes très-suspects, Ve que l'argent par lui-même ne donne point de couleur, et lorsqu'il en donne une, elle est dû. au cuivre avec qui il est mêlé.

Les usages de l'argent dans les arts et métiers, sont très-étendus et très-connus de tout le monde, on ne s'arrêtera pas à les décrire ici, Ve qu'il en sera parlé aux articles où l'on traite ces différents arts.

Quand on voudra argenter une pièce à froid, on n'aura qu'à faire dissoudre de l'argent dans de l'eau-forte ; on précipitera la dissolution par le cuivre ; on mêlera l'argent qui se sera précipité, avec parties égales de sel ammoniac et de sel marin ; on frottera avec ce mélange la pièce de cuivre jaune que l'on voudra argenter. D'autres artistes sont dans l'usage de se servir de sel marin et de crême de tartre, au lieu du mélange précédent.

LUNE CORNEE, (Chimie et Métallurgie) les Chimistes nomment ainsi l'argent qui a été dissout dans l'esprit de nitre, et précipité par de l'esprit de sel, par une dissolution de sel marin, ou de sel ammoniac. Pour cette opération, on fait dissoudre de l'argent dans de l'esprit de nitre ; ensuite on fait dissoudre du sel marin ou du sel ammoniac dans de l'eau ; on verse l'une de ces dissolutions, ou bien simplement de l'esprit de sel dans l'esprit de nitre chargé d'argent, il devient double et laiteux ; on ajoute de l'eau claire, et on laisse reposer ce mélange. Au bout de quelque temps il tombe au fond du vaisseau une poudre ou un précipité blanc ; on décante la liqueur qui surnage, et on verse de nouveau de l'esprit de nitre, ou de l'esprit de sel sur le précipité, et l'on fait chauffer le tout au bain de sable ; on décante cette nouvelle liqueur ; on verse de l'eau chaude sur le précipité ; on le fait bouillir ; on réitère la même chose plusieurs fais, jusqu'à ce que l'eau soit entièrement insipide ; on la décante, et l'on fait sécher la poudre blanche ou le précipité qui a été ainsi édulcoré ; c'est-là ce qu'on nomme lune cornée. C'est de l'argent combiné avec l'acide du sel marin : cette combinaison de l'argent est très-aisée à mettre en fusion ; et quand elle a été fondue, elle forme une masse qui ressemble à de la corne ; c'est ce qui lui a fait donner le nom de lune cornée. Cette matière conserve une certaine flexibilité ; de-là vient que M. Henckel a cru que ce pouvait être-là le verre malléable des anciens.

Il n'y a point de moyen plus sur d'avoir un argent bien pur et dégagé de toute partie cuivreuse, que de le mettre en lune cornée. On peut ensuite en retirer ce métal ou le réduire, en mettant la lune cornée dans un creuset enduit de savon ; on y joint la moitié de son poids de sel de tartre bien sec et pulvérisé, que l'on couvrira d'huile, de suif, ou de quelque matière grasse, on placera le creuset dans un fourneau de fusion ; on ne donnera d'abord qu'un degré de feu suffisant pour faire rougir le creuset ; on l'augmentera ensuite, et l'on remettra de temps en temps de nouvelle matière grasse ; lorsqu'il ne partira plus de fumée du creuset, on le videra à l'ordinaire dans un cône de fer enduit de suif. Voyez la Chimie pratique de M. Macquer.

LUNE, (Mythologie) Pindare l'appelle ingénieusement l'oeil de la nuit, et Horace, la reine du silence, Diana, quae silentium regis ! C'était après le soleil, la plus grande divinité du paganisme : Hésiode la fait fille de Théa, c'est-à-dire, de la divinité. Une partie des peuples orientaux l'honoraient sous le titre d'Uranie, ou de Céleste. C'est elle que les Egyptiens adoraient sous le symbole du bœuf Apis ; les Phéniciens sous le nom d'Astarté ; les Perses sous le nom de Militra ; les Arabes sous le nom d'Alizat ; les Africains sous le nom du dieu Lunus ; les Grecs et les Romains sous le nom de Diane.

L'Ecriture-sainte parle souvent du culte que l'on rendait à la reine du ciel, car le soleil en était le roi ; et Macrobe a prétendu que toutes les divinités des payens pouvaient se rapporter à ces deux astres. Du moins il est sur qu'ils firent l'un et l'autre les premiers objets de l'idolatrie chez la plupart des peuples de la terre.

Les hommes frappés de ces deux globes lumineux qui brillaient sur tous les autres avec tant de grandeur et de régularité, se persuadèrent aisément qu'ils étaient les maîtres du monde, et les premiers dieux qui le gouvernaient. Ils les crurent animés ; et comme ils les voyaient toujours les mêmes, et sans aucune altération, ils jugèrent qu'ils étaient immuables et éternels.

Dès-lors on commença à se prosterner devant eux, à leur bâtir des temples découverts, et à leur adresser mille hommages, pour se les rendre favorables.

Mais la lune ne paraissant que la nuit, inspira le plus de craintes et de frayeurs aux hommes ; ses influences furent extrêmement redoutées ; de-là vinrent les conjurations des magiciennes de Thessalie, celles des femmes de Crotone, les sortiléges, et tant d'autres superstitions de divers genres, qui n'ont pas encore disparu de dessus notre hémisphère.

César ne donna point d'autres divinités aux peuples du Nord, et aux anciens Germains que le feu, le soleil, et la lune. Le culte de ce dernier astre franchit les bornes de l'océan germanique, et passa de la Saxe dans la grande Bretagne.

Il ne fut pas moins répandu dans les Gaules ; et si nous en croyons l'auteur de la religion des Gaulois, il y avait un oracle de la lune desservi par des druidesses dans l'île de Saïn, située sur la côte méridionale de la basse Bretagne.

En un mot, on ne vit qu'un petit nombre de philosophes Grecs et Romains, qui regardèrent la lune comme une simple planète, et pour m'exprimer avec Anaximandre, comme un feu renfermé dans la concavité d'un globe dix-neuf fois plus grand que la terre. C'est-là, disent-ils, que les âmes moins legeres que celles des hommes parfaits, sont reçues, et qu'elles habitent les vallées d'Hécate, jusqu'à ce que dégagées de cette vapeur qui les avait empêchées d'arriver au séjour céleste, elles y parviennent à la fin. (D.J.)