La vertu qu'elle a ou qu'on lui attribue de guérir de la pierre, en la dissolvant, l'a rendue célèbre. En 1690 un officier Hollandais assura à la Compagnie des Indes Orientales qu'il avait guéri plus de cent personnes de la néphrétique, et même de la pierre, par l'usage seul de cette plante. Ce témoignage fut confirmé par celui du gouverneur de Ceylan. En 1699, le chirurgien de l'hôpital de la ville de Colombo écrivit les mêmes choses de l'acmella à P. Hotton. Ce chirurgien distinguait dans sa lettre trois sortes d'acmella différentes entr'elles, principalement par la couleur des feuilles ; il recommandait surtout celle à semences noires et à grandes feuilles.

On cueille les feuilles avant que les fleurs paraissent ; on les fait sécher au soleil, et on les prend en poudre dans du thé, ou quelqu'autre véhicule convenable : ou l'on fait infuser la racine, les tiges, et les branches dans de l'esprit-de-vin, que l'on distille ensuite ; l'on se sert des fleurs, de l'extrait, de la racine et des sels de cette plante dans la pleurésie, les coliques, et les fièvres.

Comme une plante aussi importante ne peut être trop bien connue, j'ajouterai à la description précédente celle de Breyn. Cet auteur dit que sa racine est fibreuse et blanche, sa tige carrée et haute d'environ un pied ; qu'elle se divise en plusieurs branches ; que ses feuilles sont longues, pointues, raboteuses, et un peu découpées, et que ses fleurs naissent aux extrémités des branches.

Le même auteur ajoute qu'on peut prendre deux ou trois fois par jour de la teinture d'acmella faite avec l'esprit-de-vin dans un verre de vin de France ou du Rhin, ou dans quelque décoction antinéphrétique, pour faciliter la sortie du gravier et des pierres.

Nous ne pouvons trop inviter les naturalistes à rechercher les propriétés de cette plante. Quel bonheur pour le genre humain, si on lui découvrait par hasard celles qu'on lui attribue, et quel homme mériterait mieux l'immortalité que celui qui se serait livré à ce travail ? Peut-être faudrait-il faire le voyage de Ceylan. Les substances animales prennent des qualités singulières par l'usage que font les animaux de certains aliments plutôt que d'autres ; pourquoi n'en serait-il pas de même des substances végétales ? Mais si cette induction est raisonnable, il s'ensuit que telle plante cueillie d'un côté de cette montagne aura une vertu qu'on ne retrouvera pas dans la même plante cueillie de l'autre côté ; que telle plante avait jadis une propriété qu'elle n'a plus aujourd'hui, et qu'elle ne recouvrera peut-être jamais ; que les fruits, les végétaux, les animaux sont dans une vicissitude perpétuelle, par rapport à leurs qualités, à leurs formes, à leurs éléments ; qu'un ancien d'il y a quatre mille ans, ou plutôt que nos neveux dans dix mille ans ne reconnaitront peut-être aucun des fruits que nous avons aujourd'hui, en les comparant avec les descriptions les plus exactes que nous en faisons, et que par conséquent il faut être extrêmement réservé dans les jugements qu'on porte sur les endroits où les anciens historiens et naturalistes nous entretiennent de la forme, des vertus, et des autres qualités d'êtres qui sont dans un mouvement perpétuel d'altération. Mais, dira-t-on, si les aliments salubres dégénèrent en poison, de quoi vivront les animaux ? Il y a deux réponses à cette objection : la première, c'est que la forme, la constitution des animaux s'altérant en même proportion et par les mêmes degrés insensibles, les uns seront toujours convenables aux autres ; la seconde, c'est que s'il arrivait qu'une substance dégénérât avec trop de rapidité, les animaux en abandonneraient l'usage. On dit que le malum persicum ou la pêche nous est venue de Perse comme un poison ; c'est pourtant dans notre climat un excellent fruit, et un aliment fort sain.